Dans cette correction, figurent en italiques des

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Thème 2 : Regarder le monde, inventer des mondes, visions poétiques du monde.
Chapitre n°2 : Ce que le monde inspire aux poètes
Dans cette correction, figurent en italiques des prolongements de réflexion qui vous préparent au lycée.
Lisez attentivement la correction et prenez quelques notes sur votre comie. Si vous avez le temps, faites la
dernière partie.
Recueillement
Sois sage, ô ma Douleur, et tiens-toi plus tranquille.
Tu réclamais le Soir ; il descend ; le voici :
Une atmosphère obscure enveloppe la ville,
Aux uns portant la paix, aux autres le souci.
Pendant que des mortels la multitude vile,
Sous le fouet du Plaisir, ce bourreau sans merci,
Va cueillir des remords dans la fête servile,
Ma Douleur, donne-moi la main ; viens par ici,
Loin d'eux. Vois se pencher les défuntes Années,
Sur les balcons du ciel, en robes surannées ;
Surgir du fond des eaux le Regret souriant ;
Le soleil moribond s'endormir sous une arche,
Et, comme un long linceul traînant à l'Orient,
Entends, ma chère, entends la douce Nuit qui marche.
Charles Baudelaire, Les Fleurs du Mal
1. Analysez la forme de ce poème (types de strophe, de vers et de rime) ; comment appelle-t-on ce type
de poème ? /2
Le poème est composé de deux quatrains (strophe de quatre vers) et de deux termets (strophe de trois vers).
Il s’agit donc d’un sonnet, une des formes fixes de poème les plus traditionnelles.
Les vers sont des alexandrins (douze syllabes).
Les rimes sont croisées (a-b-a-b), suivies (c-c), croisées (d-e-d-e).
2. A qui s'adresse le poète ? Quelle figure de style est utilisée ? /1
Le poète s’adresse à sa douleur, personnifiée. Il s’agit d’une allégorie (d'une figure de style qui consiste à
représenter de façon imagée, en la matérialisant, une idée abstraite).
3. Relevez trois éléments qui contribuent à associer la douleur du poète à un petit enfant. /1,5
Dans cette réponse, j’ai utilisé des connecteurs pour organiser les idées, et je les ai rédigées comme on vous
le demandera au lycée.
Tout d’abord, l’utilisation de l’impératif et du déterminant possessif « ma » montrent une certaine
familiarité entre le poète et sa Douleur. Plus encore, la Douleur prend les traits d’un petit enfant.
En effet, « Sois sage » et « tiens-toi plus tranquille » montrent que la Douleur, enfant, est agitée : ce
sont des formules que l’on adresse à un enfant turbulent.
En outre, l’utilisation du verbe réclamer, « Tu réclamais », rapproche la Douleur d’un enfant capricieux ;
dans la seconde partie du vers « ; il descend ; le voici », la juxtaposition crée un rythme rapide qui montre
que le caprice est immédiatement satisfait.
« Donne-moi la main » est également une injonction que l’on adresserait à un petit enfant que l’on
accompagne, que l’on guide.
Enfin, « Vois se pencher les défuntes Années » rapprochent l’allgorie des Années de fées qui se pencheraient
sur le berceau d’un nouveau-né.
Nous voyons donc que le rapport entre le poète et sa douleur est un rapport intime et affecteux,
protecteur, ce qui est paradoxal puisque l’objet de ces attentions est la douleur (> spleen, romantisme).
4. Quel est le temps et le mode du premier verbe ? Trouvez quatre autres exemples dans le poème. /2
Le verbe « Sois » est à l’impératif (mode) présent (temps).
On retrouvera « tiens, donne, viens, vois, entends, entends ».
Attention, « va » au v.7 est un indicatif présent, dont le sujet est « la multitude vile des mortels ». Ce n’est
donc pas une injonction du poète à sa douleur.
5. Dans la deuxième strophe, quel personnage apparaît ? En quels termes est-il évoqué ? Que cela nous
indique-t-il sur l'état intérieur du poète ? /2
Une nouvelle allégorie apparaît dans cette strophe, le Plaisir. On dit de lui que c’est un « bourreau sans
merci » tenant un « fouet ». Plus généralement, cette strophe consacrée au plaisir comporte des termes
connotés péjorativement : « vile, fouet, bourreau sans merci, servile » : le plaisir semble associé à
l’esclavage.
Notons ici que le mot « remord » est connoté péjorativement. Selon la définition du Littré, le remords est un
« Reproche que le coupable reçoit de sa conscience. ». Les hommes sont donc associés à la culpabilité.
Le plaisir n’est pas celui du poète, mais des autres hommes « des mortels la multitude vile », qui font la fête
à la nuit venue. On voit que le poète rejette toute forme de plaisir, et par la même occasion prend ses
distance, voire s’exclut des autres mortels : il recherche la solitude. Ce rejet des plaisirs est également
marqué par la versification avec le rejet « Loin d’eux ».
6. Comment le poète évoque-t-il le passé ? Appuyez-vous sur des termes précis. /1,5
La troisième strophe est consacrée au passé. Si le terme « regret » pourrait faire penser que le passé est
négatif pour le poète. Or, selon la définition du Littré, le regret est le « Déplaisir d'avoir perdu, ou de n'avoir
pu obtenir quelque chose. ». Le terme n’est donc pas péjoratif, d’autant plus qu’il est qualifié de
« souriant ».
Il en va de même pour le terme « défuntes », associé à la mort, donc à une idée négative. Cependant, le
terme qualifie l’allégorie des Années, qui « se penchent » telles des fées depuis le ciel. Leur « robe
surannée » leur donne également une image plutôt positive, et montre qu’elles appartiennent à des temps très
anciens, puisque « surannée » signifie « Vieux, hors de mode » ; cela montre encore que le poète se met en
retrait du temps présent, de la mode, donc des autres hommes.
Que ce soit avec le Regret ou les Années, le passé renaît (notons le double mouvement ascendant (le Regret
surgit de l’eau) et descendant (les Années se penchent du ciel) ; ce topos est caractéristique de la mélancolie
et du romantisme.
7. Dans les vers 10 à 12, quel son est répété ? Quel est l'effet produit ? /1
Plusieurs allitérations et assonances étaient pertinentes (en « r », « s », « on » notamment). Leurs
interprétations devaient avoir du sens par rapport au texte.
Dans l’ensemble, toute interprétation évoquant une idée de sommeil, ralentissement, discrétion, calme…
était pertinente.
8. Relevez les deux expansions du nom « nuit » dans le dernier vers ; indiquez leur nature et leur
fonction. /2
La nuit est « douce », adjectif (N) épithète liée (F), et « qui marche », PSR (N) complément de l’antécédent
(F).
9. A quel champ lexical appartient le mot “linceul” ? Relevez deux autres exemples dans le texte. A
quoi peut-on comparer la nuit ? /3
Le mot « linceul » appartient au champ lexical de la mort, tout comme « moribond, mortels et défunte »
(attention, un bourreau n’inflige pas nécessairement la mort…).
La Nuit, nouvelle allégorie, est donc comparée à la mort qui marche ; on retrouve ici autre topos lyrique,
celui du temps qui passe, « tempus fugit », et qui mène les hommes inexorablement à la mort. En associant la
mort à la nuit, donc à l’idée de sommeil « s’endormir », Baudelaire atténue la douloureuse réalité de la mort.
10. Qu'apporte la nuit au poète ? /2
La Nuit est caractérisée par sa grâce et sa douceur « un long linceul trainant à l’Orient » (allitération en « l »,
assonance en « an »), « la douce nuit ». Elle n’est donc pas désagréable ni maléfique.
De manière générale, le poème progresse de manière verticale, comme le soleil qui tombe avant la nuit :
nous commençons le soir, et terminons la nuit. Or, plus le poème progresse, plus le rythme est lent et le
calme se met en place (observer la ponctuation dans la première strophe, et les effets de longueur dans le
dernier tercet où on a l’impression d’une arrivée lente et feutrée de la nuit).
L’arrivée de la nuit (belle femme venue de l’Orient (cf Orientalisme en poésie dans votre manuel) a donc
apaisé la douleur du poète, qui d’une enfant capricieuse est devenue une amie intime « Ma chère », et la
mort devient une libération de la douleur de la vie (topos romantique).
11. Quelles impressions suscite en vous ce tableau d'E. Munch « Nuit d'étoiles, paysage nocturne en
Europe du Nord », 1899 ? Sont-elles comparables à celles produites par le texte ? Pourquoi ? /2
Il fallait évoquer les impressions et non se contenter d’une
description du tableau.
Il fallait aussi justifier ses impressions (pourquoi le calme,
pourquoi la douceur…) cette fois en vous servant des éléments
descriptifs.
Quant au rapport avec le texte, mêmes impression de calme,
d’apaisement, de solitude, d’exclusion du reste de l’humanité. En
revanche, pas d’impression que le tableau est « habité » par des
allégories, alors que le texte de Baudelaire est de ce point de vue
très vivant. Pas d’humanité dans ce tableau.
Vers le lycée :
Voici le plan d’un commentaire de texte (ce qu’on vous demandera de faire au lycée).
Rédigez l’introduction et la conclusion, puis reportez les différents éléments vus dans les questions dans la
partie et la sous-partie qui vous paraissent adéquates. Ce n’est pas plus compliqué que cela;-)
En introduction :
- Situer le poème dans l’oeuvre de Baudelaire (recueil Les Fleurs du mal, date 1861).
- Donner le/les thèmes principaux.
- Poser la problématique sous forme de question (poème ambivalent : douleur, attente de la mort, angoisse
ou libération ?).
- Annoncer le plan.
I. La personnification de la douleur du poète
1. D’une enfant acapricieuse à une amie intime
2. Exacerbation de la douleur puis retour au calme
II. La mélancolie du poète
1. Le retour au passé
2. Le rejet des plaisirs
III.La Nuit, une métaphore de la mort ?
1. Personnification du Soir et de la Nuit
2. Le passage du soir à la nuit, une métaphore de la vieillesse et de la mort
Conclusion :
- Reprendre les thèmes (douleur, nuit, mort) et procédés principaux (allégories qui donnent corps et poétisent
les idées abstraites).
- Répondre à la problématique sur l’ambivalence dans le poème.
- Ouvrir à un questionnement plus général sur le romantisme ou la mélancolie par exemple.
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