Salon, 37 poèmes, « S’exercer » d’Olivier Salon p. 119
1. Une poésie traditionnelle et originale (questions 1 à 3)
Le poème est un sonnet aux rimes embrassées dans les quatrains, et plates puis croisées dans
les tercets, selon un schéma habituel. Les vers sont des alexandrins, dont la plupart respectent
la césure à l’hémistiche.
L’originalité vient de l’utilisation d’une seule voyelle, le « e ». Même s’il s’agit de la
voyelle la plus courante en français, l’exercice présente des contraintes qui ne sont pas sans
rappeler la Grande Rhétorique dont Jean Marot étant un représentant, et dont Clément Marot,
le fils, hérita.
Ces poèmes médiévaux tournaient souvent à l’exercice de style (ce qui n’était pas le cas pour
Clément Marot cependant) visant à éblouir l’audience par une dextérité verbale, thématique
que semble aborder Salon dans le titre et le premier quatrain :
« S’exercer, c’est tenter ces vers, les révérer ;/
C’est penser et tester le verbe de l’enchère »(v. 1-2).
En mentionnant une « enchère » (qui se traduit dans son poème par la monovocalisation) et
par le champ lexical de l’essai (« exercer », « tenter », « tester »), on a l’impression que le
poète s’inscrit dans cette tradition ludique du langage qu’il va pousser au maximum. Ainsi,
en plus des contraintes métriques, mathématiques pourrait-on dire, cherche-t-il à créer des
effets sonores autour de la lettre « e ». Les verbes du premier groupe à l’infinitif se
multiplient, de même que les adjectifs formés sur des participes passés, pour accentuer la
présence du « é ».
On remarque également une forte présence des « r », des « v » et des « s » (cf. l’allitération du
premier vers). Or, ces lettres sont celles qui composent le mot « vers », présent dès le début du
poème. On a alors le sentiment que, loin d’être simplement une contrainte ludique et
superficielle, la « règle sévère » que s’est imposée le poète rend compte d’une recherche
active sur le « vers », et donc sur la poésie.
2. Trouver sa voie poétique (question 4)
Le poème se présente comme une « recherche » (v. 11), un parcours initiatique : l’essai
évoqué dans le premier quatrain doit être « pensé » (v. 2) puis « repensé » (v. 5).
Le poète doit accepter les « déchets de l’échec délétère » (v. 3) et, loin de se décourager, il
faut qu’il « persévère » (v. 7) pour qu’il « pénètre ces secrets » (v. 10).
Ce dernier terme met bien en évidence la quête essentielle à laquelle se livre le poète : il s’agit
de « créer » (v. 10).
L’utilisation de l’impératif de la deuxième personne du singulier et de l’infinitif, de même que
les présentatifs « c’est » (v. 1, 2 et 10) permettent de généraliser le sujet (le poète semble
s’adresser autant à lui-même qu’à un lecteur indéfini) et de le rendre atemporel.
Cet aspect trouve son aboutissement dans le vers final, qui se présente comme une « belle
sentence » (v. 13) : « Réel est éphémère, éternel est le rêve ».
La suppression du déterminant « le » devant « réel », l’utilisation du présent de vérité générale
et la parfaite régularité rythmique du vers nous convainquent du chemin parcouru par le poète
pour parvenir à cette vérité.
Ce vers nous invite à relire le poème pour redécouvrir le sens de la contrainte choisie par
Salon en n’utilisant que le « e ».