verbatim Libourne 2006 - Collège Régional des Alcoologues

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Siège social : 139, rue Lecocq 33000 – Bordeaux
Numéro Formateur : 72 33 06455 33 – SIRET : 482 881 018 000 14
Collège Régional des Alcoologues Aquitains
Secrétariat : 40, rue St Julien 33112 – Saint Laurent-Médoc
05 47 83 90 50 / 06 73 00 07 74 [email protected]
http://craa.info/
L’ACCOMPAGNEMENT
EN AMBULATOIRE
Libourne, le Jeudi 1er juin 2006
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Organisation
Gérard OSTERMANN
Médecin Interniste , Psychothérapeute, Bordeaux
Professeur de Thérapeutique,
Président du C.R.A.A.,
Secrétaire du Groupe Sud-Ouest de la Société Française d’Alcoologie
Denis PILLETTE
Psychiatre ,
Chef de Service, Hôpital GARDEROSE, Libourne
Equipe d’Accompagnement en Alcoologie : ‘LA MARGERIDE’, Castillon La Bataille
Jean-Charles LASSAGNE
Infirmier
Carole RAEMACKERS
Infirmière
Carlos SUZO,
Psychologue
Danielle PIET
Monitrice I.F.S.I.
Hôpital GARDEROSE, Libourne
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PROGRAMME
Ouverture du colloque
Monsieur Jean-Paul LOTTERIE,
Directeur du Centre hospitalier de Libourne
Gérard OSTERMANN, Bordeaux, Président du C.R.A.A.
Colette LORTET, Bordeaux, Vice-Présidente du C.R.A.A.
Docteur Denis PILLETTE
Psychiatre, Chef de service – Libourne
Présentation de la Margeride
Service de cure de sevrage en ambulatoire
Docteur Catherine BELOT
Médecin coordinateur A.N.P.A.A. 33 – Gironde
Centre de Soins en Addictologie:
Spécificité de l’Accompagnement Ambulatoire au C.C.A.A de la Gironde
Docteur Pierre FAUCHER
Chef de Service – La Rochelle
Une expérience en alcoologie
Docteur Philippe CASTERA
Coordinateur médical du Réseau Addictions Gironde (AGIR 33)
Le médecin généraliste:
son regard et sa place dans la cure ambulatoire d’alcool , au sein des réseaux
Docteur Philippe BATEL
Psychiatre, Chef de service
Hôpital Beaujon, Clichy
Unité de Traitement Ambulatoire des Malades de l’Alcool
Synthèse de la journée
Docteur Emmanuel PALOMINO
Psychiatre, Chef de service - D.I.S.P.P.A. - JONZAC
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Ouverture du colloque
Monsieur Jean-Paul LOTTERIE,
Directeur du Centre hospitalier de Libourne
En ma qualité de Directeur du Centre Hospitalier de Libourne, je voudrais vous dire tout le plaisir
que j’ai à vous accueillir.
L’Hôpital de Libourne organise une série d’actions en matière d’alcoologie. Un service s’occupe
des cures de sevrage ; tous nos services de psychiatrie adulte développent des actions dans ce
domaine-là ; et surtout, avec l’Hôpital de Sainte Foy, nous avons en commun un service de post
cure pour lequel l’Hôpital de Libourne est tout à fait partie prenante, aussi bien sur le volet
alcoologie que pour l’accompagnement en psychiatrie. Nous sommes donc très impliqués dans la
réflexion en alcoologie. Nous sommes en train de préparer un projet d’établissement avec tout un
volet d’addictologie, et particulièrement d’alcoologie. C’est donc une préoccupation forte pour
nous et je vous remercie d’avoir choisi notre site pour organiser cette demie-journée.
Je suis heureux de vous accueillir et je vous souhaite de bons travaux.
Gérard OSTERMANN, Bordeaux, Président du C.R.A.A.
La tâche qui m’est dévolue là tout de suite est relativement simple et agréable puisqu’il s’agit
essentiellement de remercier tout d’abord le Directeur, Monsieur Jean Paul LOTTERIE qui nous
accueille en ce lieu. Je veux remercier aussi les 91 participants présents et qui viennent parfois de
loin puisque nous avons nos amis de la Vienne, de la Dordogne, de Bayonne, jusqu’à
Lannemezan – vous voyez que cela commence à déborder de l’Aquitaine – je crois que ces 91
participants sont le signe que ces demies-journées sont demandées ; elles sont aussi une façon
d’échanger sur nos pratiques. Nos remerciements, au nom du CRAA et du Groupe Sud-Ouest de
la SFA, iront aussi à nos amis et collègues de Libourne, en particulier le Docteur Denis PILLETTE,
l’équipe de La Margeride, avec Madame Carole RAEMACKERS, Jean-Charles LASSAGNE et Carlos
SUZO, Madame Danielle PIET, cadre infirmier à Libourne. Ils ont travaillé de façon intense et
efficace ; ce sont d’ailleurs eux qui nous ont proposé ce sujet de La Cure Ambulatoire. Nous les
en remercions très chaleureusement
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Nous remercions aussi les intervenants.
Catherine BELOT est médecin coordinateur à l’ANPAA 33.
Le Docteur Pierre FAUCHER – que nous remercions particulièrement, il a interrompu ses vacances
– vient de La Rochelle ; il a une longue expérience de l’alcoologie ou comme dirait François
Gonnet de gastro-entéro-alcoologie. Il vient aujourd’hui nous parler de son expérience et nous
sommes tout à fait ravis à cette idée car il a balayé différents niveaux d’expérience.
Et comme il est toujours question dans les cures, en particulier les cures ambulatoires, du rôle du
médecin généraliste, Philippe CASTERA a choisi ce rôle, pas toujours facile, d’accepter de nous
dire ce qu’est le médecin généraliste dans tous ces dispositifs, lui qui souvent a l’impression que
les choses sont assez compliquées, que les réseaux ne sont pas si fluides que ça, que cela
mériterait un peu plus de clarté, d’explicitation.
Aussi nous avons la joie toute particulière d’accueillir Philippe BATEL, avec son UTAMA, son
Unité de Traitement des maladies de l’Alcool, à l’Hôpital Beaujon.
Et nous accueillons Emmanuel PALOMINO, que tout le monde connaît ici, qui va jouer le rôle
difficile, si bien rempli souvent par Pierre-Marie LINCHENEAU, de l’homme de la synthèse.
Quand on regarde la question de la cure ambulatoire, on peut se dire qu’il y a une étymologie
incertaine, tant sur le mot cure largement évoqué à Gradignan et à Dax – que sur le mot
ambulatoire. Est-ce que ‘ambulatoire’ signifie uniquement comme le suggère le Littré qu’il n’y a
pas de siège fixe ? Les variations du Littré impliquent aussi la notion de changement et il est
intéressant de faire raisonner ce terme de ‘ambulatoire’ par rapport à la notion de changement.
Qu’est-ce qui change ? On souhaite tous que le patient change dans son attitude, mais est-ce que
nous-mêmes avons changé nos regards pour changer nos pratiques ? C’est aussi l’enjeu.
Le grand manquant de toutes ces réunions c’est souvent le patient lui-même, sa propre parole et
sa propre expérience. Ce n’est pas très facile à organiser !.
Il faut d’abord s’interroger sur cette notion de cure mais nous n’avons pas le temps de revenir ici
sur cette notion – le terme ‘ambulatoire’ vient à mon avis en deuxième lieu. Beaucoup d’équipes,
notamment dans les CCAA diront qu’ils font des cures ambulatoires en pensant simplement les
accompagnements un peu longs après un sevrage et alors cure ambulatoire devient synonyme de
prise en charge ou d’accompagnement du malade alcoolo-dépendant après le sevrage. Quelle est
la spécificité que l’on veut cibler avec cette notion de cure ambulatoire. Avec Philippe Batel on
peut se demander si ce n’est pas une unité de traitement ambulatoire du malade alcoolique, et
c’est de l’ambulatoire à l’hôpital. Je pense à Alain Rigaud à Reims, il fait plutôt de l’hôpital en
ambulatoire. Il va nous falloir préciser les contour de ce que chacun fait, en précisant que les
mots à mettre en résonance sont des mots comme résistance, disponibilité, investissement, pour
que cette cure ambulatoire trouve ses applications, faut-il encore qu’il y ait une véritable fluidité
dans les échanges et l’on verra que ce n’est peut-être pas toujours évident.
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L'accompagnement ambulatoire de la maladie alcoolique à la Margeride
( Castillon la Bataille )
Docteur Denis PILLETTE
Psychiatre, Chef de service – Libourne
Pourquoi cette question ? et pourquoi l'envie de parler de notre travail à Castillon, au Centre de
Jour «la Margeride»? Pourquoi aussi le souhait de s'occuper des maladies alcooliques alors que
dans la Psychiatrie Générale (secteur 33G17) il y a tellement de pathologies qui méritent notre
attention?
 Avant toute chose, je souhaite dédier ce travail à un certain nombre de patients, de vieux
patients qui ont fait de nous des soignants en alcoologie :

Je souhaite évoquer «Huguette» ou la satisfaction du soignant débutant tout puissant
devant une patiente qui vient demander un sevrage: je l'ai fait admettre dans le service, à
l'hôpital, en urgence, sans prendre le temps d'un bilan psychiatrique approfondi; j'ai
découvert, après, une structure psychotique que l'alcool rendait vivable; sa douleur, sa
souffrance ont été intenses et à chaque consultation, pendant des années (car elle est restée
abstinente), je me suis senti coupable …

Je souhaite aussi évoquer «Alain» qui a été admis au moins 20 fois (si ce n'est plus) dans
le service, qui arrivait dans des états physiques effroyables et qui après quelques jours
d'abstinence ressortait, repartait souvent à pied à Saint Foy la Grande pour s'alcooliser à
nouveau; avec lui j'ai appris la modestie.
L'historique :
 Mais revenons à notre sujet : pourquoi l'alcoologie et je vais être obligé de parler un peu
de moi, de mon histoire personnelle (mais j'en suis très content car cela me permettra
aussi de parler de mes Maîtres et je leur rendrai hommage, des amis et de tous les gens
remarquables que j'ai rencontrés).

d'abord les cours d'Hygiène en 5e année de Médecine, avec le Professeur SERISET:
un grand patron, un cours passionnant, un grand intérêt et avec lui j'ai découvert la
maladie alcoolique, son approche sociale, sociologique, économique.. mais aussi le poids
de la souffrance, le tribu de la criminalité, de la mortalité dans les accidents… J'ai été très
sensibilisé à sa description géniale des « phénomènes de la terrasse », de la place du
Garçon de café dont il pouvait parler pendant des heures, de la place des bouteilles de vin
de grand prix… mais aussi du rôle de l'alcool dans la société comme lubrifiant social,
comme appoint festif, comme désinhibiteur …
6

Puis le CES de Psychiatrie et la découverte des processus psychopathologiques, la
confrontation à la réalité clinique de l'alcool, les conséquences pour l'individu (la
psychose alcoolique comme on disait autrefois) mais aussi la fonction soignante de
l'alcool, son rôle dans le maintien d'un équilibre psychique …

L'internat à Libourne et les fonctions soignantes, auprès du Docteur Pierre DAMON (à
ce propos, nous avons ouvert un séminaire dans le cadre de l'Association Passage sur
l'Histoire de la Psychiatrie Libournaise intitulé « Se souvenir pour innover »).
Nous retrouvons des émotions et des informations oubliées, des détails de nos pratiques passées).
L'inauguration de l'Hôpital Garderose (Janvier 1975)… Le travail en équipe, en institution… et la
découverte des théories psychanalytiques qui allaient sous-tendre nos recherches, nos pratiques.
Mais dans le même temps les cures de dégoût (apomorphine) et les implants d'ESPERAL
avec tout ce que cela peut comporter de sadisation, d'humiliation, de punition du malade
alcoolique: le sevrage se faisait dans la douleur ; c'était l'époque où la maladie alcoolique sortait
juste de son ghetto des perversions sociales, la Loi de 1954 et une structure au nouvel hôpital
(Garderose) pour les Alcooliques dit « dangereux » … A cette époque, on donnait de
l'ESPERAL, mais aussi du CURETHYL A et B, du TRIPERIDOL, du NOZINAN EMBONATE,
des extraits hépatiques …
La notion déjà qu'il était impossible de soigner seul, sans le soutien d'une équipe, de relais
multiples, la maladie alcoolique. La notion aussi à l'époque pour moi qu'il allait être difficile de
trouver ces relais, ces partenaires (peu d'enthousiasme de la part des autorités, on est à Libourne,
à Saint Emilion et l'euphorie viti-vinicole est à son comble!) « le vin ne peut pas faire du mal » …
« Le vin n'est pas de l'alcool ».

Puis la découverte des théories systémiques, séduisantes car apportant un nouveau
souffle, le patient devenant le symptôme d'un dysfonctionnement familial, social et le
début de la prise en compte de l'environnement (auparavant la seule réponse était
l'hospitalisation – enfermement du malade pour sauver un entourage présumé vertueux,
sain… avec la cure, le sevrage et le retour guéri au domicile). Certains soignants de
l'équipe vont se former et nous apporter un éclairage nouveau: on va rencontrer les
familles, les conjoints, les employeurs, les voisins … on va essayer de comprendre et de
modifier les relations au sein du système (les injonctions paradoxales, souvenez vous… )

Dans le même temps, au sein d'un pavillon (37 A 3)de l'Hôpital Garderose, avec les
malades de psychiatrie dite classique, je proposais la création d'une petite structure de
soins spécifiques pour les maladies alcooliques, véritables germes d'innovation avec des
infirmiers intéressés qui sont allés se former; des groupes de 5 ou 6 patients, motivés avec
des programmes spécifiques (ateliers goût, sport, alcoologie, des emplois du temps, des
réunions …) C'était l'époque de la Cure Champeau (cure de goût à l'eau) , beaucoup plus
satisfaisante car basée sur la satisfaction d'une tension, d'un besoin, avec plus de
processus de sympathie, d'aide, un rôle soignant valorisé …On avait déjà évolué …
7

A cette époque je multipliais les interventions locales, à Castillon, à Sainte Foy, pour
parler, partout où on voulait bien m'inviter, de l' alcool, de la maladie alcoolique; je
côtoyais le Docteur BERTON, le CDPA (Monsieur DE GRUZON et autres) et lors d'une
réunion à Sainte Foy, un homme prenait la parole en public et se disant alcoolique bien
connu pour son intempérance, il disait haut et fort son désir de s'en sortir avec de l'aide, il
me mettait un peu au défi; rendez-vous était pris et de ce travail allait naître, avec André
PARADIS, l' association AGUERI (A guéri), association néphaliste foyenne qui existe
toujours: nous allions trouver des partenaires …

Puis la fermeture du Pavillon 37 A3 ( 1991) et l'ouverture par redéploiement du Centre
de Jour de Castillon: on perdait des infirmiers, du savoir faire, un début de réputation mais
on allait au plus près de la population, on allait soigner en ambulatoire et pourquoi pas
aussi soigner, de cette façon la maladie alcoolique? Il fallait s'adapter, innover, un
nouveau challenge réputé alors quasi impossible.. « on ne peut soigner les alcooliques
qu'à l'hôpital, en milieu fermé », telle était la conviction du moment.

Dans le même temps, avec l'hôpital de Sainte Foy, on faisait le projet d'un premier centre
régional d' alcoologie, projet très ambitieux qui verra le jour mais tellement amputé que
je n'y retrouverai rien ou bien peu de mes idées initiales (le sport, la culture, l'eau,
l'expression ….): cette unité reste en partie rattachée au service …

Enfin la dernière étape , l'intérêt pour les TCC et une nouvelle approche des soins,
l'alliance thérapeutique … et une nouvelle étape dans notre processus. Une équipe qui
s'est enrichie, des formations universitaires, des recherches personnelles variées et le désir
de fonctionner de façon plus dynamique .

D'ou le projet de l'accompagnement ambulatoire des malades alcooliques, à partir du
Centre de Jour « la Margeride » de Castillon, en partenariat avec les unités hospitalières
du Secteur (début de spécialisation du Centre, ouvert non plus au seuls cantons proches
mais à tout le secteur 33G17), avec le CH de Sainte Foy et un certain nombre de médecins
généralistes et toutes les associations, les municipalités…

Dans le même temps les traitements se sont améliorés, une grande évolution, des produits
spécifiques (AOTAL , REVIA …) Des moyens nouveaux, la vidéo, des cassettes de
travail, l'informatique …
Et l'objectif ne sera plus le sevrage à tout prix, l'abstinence à tout prix – mais une meilleure
qualité de vie ….
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 Notre objectif n'est pas de faire du chiffre mais d'apporter un véritable service, une aide à
toute une population laissée encore pour compte. On va accompagner le patient dans sa
démarche, on va respecter son rythme, son désir, on sera là à tous les temps pour lui (on a
découvert la place du soignant-accompagnateur en Justice, accompagner le patient
souvent justiciable – auteur ou victime – du fait de sa maladie), au plus proche de son
domicile, de sa famille que l'on connaît, que l'on peut rencontrer facilement .
 Notre équipe sera connue, et reconnue par notre participation à tous les événement locaux
(rôle de notre Association Chemin Faisant, qui est une courroie de transmission et un
intermédiaire opératif), participation aux Forum, aux festivités locales, la presse locale;
intervention dans les classes des écoles primaires ou des collèges pour faire de
l'information et de la prévention …et, bien avant que cela soit d'actualité, le travail en
réseau (notre problème actuellement est celui des cotisations pour les adhésions, il nous
faut un budget spécial qui n'a pas encore était prévu par l' hôpital …)
 Il va falloir formaliser tout cela et surtout résister à une vague d'hospitalo-centrisme qui
voudrait tout rapatrier sur le Centre Hospitalier, tout globaliser, tout systématiser alors
que l'on essaie de travailler avec la différence, avec l'histoire des patients, certes, mais
aussi avec la singularité locale (on ne travaille pas avec Castillon et à Castillon comme on
le fait avec Coutras ou Sainte Foy, l'histoire locale est encore présente, les particularismes
religieux, les traditions et cette richesse est précieuse, cette diversité est capitale …)
D'ou sans doute notre désir de vous parler ce jour de nos projets et de notre travail, gage
espéré d'une pérennisation.
La MARGERIDE :

Un territoire rural; la majorité de nos patients sont des gens isolés avec peu de moyens
de communication, aucun transport en commun. Des difficultés majeures pour se rendre
en ville.

Un mot sur le Centre de Jour « la Margeride » de Castillon la Bataille; l'ouverture par le
redéploiement d'un service hospitalier, une grande maison à l'entrée de la ville, un
jardin…

Une équipe composée de 6 temps pleins théoriques d’infirmiers, une animatrice temps
plein, ½ temps de cadre de soins, ½ temps de psychologue et ½ temps médical + un petit
temps d'assistante sociale: une équipe polyvalente, un pari de la culture, de l'expression,
de la réhabilitation sociale.
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
Une situation a égale distance entre Libourne et Sainte Foy la Grande, au centre du sous
secteur, avec l'idée de soigner sur place et d'être une alternative à l'hospitalisation temps
plein.
15 places d'accueil de jour théorique pour des patients du secteur, valides, avec des
capacités relationnelles conservées et acceptant ce dispositif de soins. Pas de restriction
de pathologie, d'âge, de sexe + une orientation alcoologique .
Il faut ajouter une équipe d'infirmiers de secteur (entretien CMP, VAD ….), l'Association
Chemin Faisant (Association 1901) + les CMP de Castillon et Sainte Foy qui offrent des
locaux pour des réunions, du travail en groupes …
Un pari ambitieux avec des grands projets et des grandes réalisations collectives
fonctionnant de façon transversale, « un souffle »: un 3000 mètres dans les Pyrénées, le projet
Tibet, le pèlerinage à Saint Jacques de Compostelle, le spectacle de marionnettes, le DVD …
et tant d'autres encore. C'est de cette richesse, de cette originalité, de cette diversité que vont
aussi disposer les patients alcooliques.
Carole RAEMACKERS
Infirmière – La Margeride
L'accompagnement à la Margeride :
 Toute cette histoire, toutes ces particularités donnent un aspect un peu spécifique à notre
travail avec les alcooliques :

Notre volonté de soins individualisés, au cas par cas, au plus proche du patient, attentifs
à ses seuls besoins: un suivi individuel, c'est possible, un suivi collectif, c'est aussi
possible, au Centre de Jour ou à domicile ou les deux …

Un rythme de soins qui va pouvoir s'adapter depuis la venue quotidienne (sevrage ou
après sevrage), jusqu'à des rencontres plus espacées mais encore régulières et la fin
possible et négociée de notre intervention pour une rupture organisée ….
10

Un accompagnement possible en pointillés, aussi : on prescrit tel ou tel soignant pour
un itinéraire thérapeutique respectueux du sujet et créatif, sous la supervision du
Psychologue avec qui tout est discuté de façon hebdomadaire afin de permettre au
patient de suivre son chemin, de trouver sa route vers l'autonomie, la restauration de
liens et la reprise d'une vie de qualité …

Le problème des Injonctions de soins Justice et l'obligation alors de transformer cette
situation en quelque chose de positif, de soignant …

La remise en cause de la toute-puissance soignante, de la toute-puissance du soignant
qui accompagne mais guide plus …L’intégration au sein d'une équipe de psychiatrie
classique apporte un plus conséquent, une richesse, un espace nouveau et sort le patient
de son ghetto alcoolique: un espace dynamique, des projets, une vie culturelle, des
sorties hors des murs pour un après-midi ou pour une semaine … avec la dilution de la
stigmatisation « alcool » au sein de l'institution: passés les premiers jours, le malade
alcoolique s'inscrit dans une dynamique institutionnelle plus large.

l'objectif ne sera plus l'abstinence à tout prix (l'abstinence doit être un moyen et pas une
fin en soit), quel qu’en soit le prix, mais un mieux être du patient et on admet aussi des
patients pas encore sevrés, parfois même encore alcoolisés, on admet le re-boire, ce qui
nous pose souvent des problèmes pour le retour du patient à son domicile « ne vous
inquiétez pas Docteur, je vais passer par les petites routes »...
Docteur Denis PILLETTE
Psychiatre, Chef de service – Libourne
 Les souhaits et l’existent du Centre de Jour :

l'accompagnent individuel par des infirmiers (intra et extrahospitaliers), les entretiens,
les rencontres au domicile ou au Centre sur indication et après consultation médicale.

les ateliers (expression, création, senteurs et goûts, diététique) et les groupes
thérapeutiques .

l'information en alcoologie

le travail social avec l'Assistante Sociale

le travail avec les familles: soutenir, informer l'entourage …le travail avec tous les
intervenants extérieurs (éducateur, médecin traitant …) .
11

l'accompagnent en Justice qui nous prend beaucoup de temps et d’énergie….

Les moyens aux CMP

les groupes de parole à raison de 2 groupes par mois au CMP de Castillon et de Sainte
Foy (il faut les distinguer des groupes thérapeutiques du Centre et des réunions des
associations néphaliques avec qui nous travaillons étroitement) : il s'agit de groupes
ouverts, destinés à toute personne qui se sent concernée directement ou pas par les
problèmes d'alcool: rencontres peu formalisées, partages d'information, favoriser la prise
de parole du malade et la participation de l'entourage. Il faut savoir rester créatif,
spontané, dans un cadre de confidentialité … avec 3 à 10 ou 12 personnes, deux infirmiers
animateurs à chaque fois; une durée de 1heure 30, une reprise systématique ultérieure…
Carlos SUZO
Psychologue – La Margeride
GROUPE DE REGULATION-­SUPERVISION Dans l’équipe d’alcoologie, en tant que psychologue, j’interviens pour des suivis
psychothérapiques et des entretiens familiaux.
Egalement, j’anime le groupe de régulation-supervision (le mardi matin entre 9h00 et
10h30) qui se veut espace de paroles et de pensée pour les soignants.
Un tel espace me paraît d’autant plus important que le style d’accompagnement que nous
pratiquons devient par moments intensif, par l’engagement dans le soutien individuel, social
voire matériel.
Un tel engagement personnel est une conditions parfois nécessaire pour établir une
relation dynamique et durable avec les malades dépendants de l’alcool, qui orientent la relation
avec autrui sur un schéma de dépendance et de recherche d’étayage de par leur fragilité
narcissique et leur difficulté à soutenir les compromis névrotiques.
Ces patients font naître en nous toutes sortes de contre-attitudes, allant de l’abandon à
l’activisme, en passant par la lassitude, le mépris ou bien l’emprise ou la collusion.
Durant ce temps de régulation, il s’agit de pouvoir exprimer et travailler les
représentations des soignants, afin de mieux analyser le type de relation qui s’instaure. D’un tel
travail de pensée dépend pour une grande part la possibilité d’ouvrir et de soutenir un espace
intermédiaire thérapeutique créatif et suffisamment plaisant.
12
Docteur Denis PILLETTE
Psychiatre, Chef de service – Libourne
Les projets :
 mais là, il s'agit de projets qui ne pourront se réaliser qu'avec des moyens
supplémentaires, avec une équipe renforcée (infirmiers, psychologue …). Il s'agit
d'imaginer des journées consacrées, au décours d'un cycle d’accompagnement
ambulatoire des patients, regroupées sur une semaine (1 semaine par trimestre ou par
mois selon les moyens nouveaux), avec un emploi du temps spécifique et des moyens
renouvelés (video, relaxation, atelier compétence, alcoologie, balnéo). On attend…
Nous avons fait le tour rapide de nos réalisations, de nos activités «alcool» au sein du Centre de
Jour. Il nous reste à espérer pouvoir pérenniser nos pratiques, à les poursuivre, à les améliorer
encore et c'est sans doute la raison, non c'est la vraie raison, pour laquelle nous avons souhaité
vous les présenter, vous faire connaître le Centre de Jour « La Margeride ».
13
Centre de Soins en Addictologie: Spécificité de l’Accompagnement Ambulatoire
au C.C.A.A de la Gironde
Docteur Catherine BELOT
Médecin coordinateur A.N.P.A.A. 33 – Gironde
Nous avons aussi choisi de vous faire une présentation à trois ; la prise en charge d’un malade
alcoolique étant pluridisciplinaire, nous avons pensé que ce serait mieux si chacun vous exposait
sa façon de travailler.
L’A.N.P.A.A. est une association « Loi 1901 ». Elle présente :
 un champ d’action d’envergure nationale (Métropole et Outre-mer),
 un siège à Paris, avec un Conseil d’Administration
 des Délégations Régionales, pour notre Région, cela recouvre Aquitaine et PoitouCharentes
 90 comités départementaux,
 120 centres d’addictologie.
L’A.N.P.A.A. est le dispositif principal de lutte contre l’alcoolisme en France. Elle assure la
gestion d’un certain nombre de Centre de Cure Ambulatoire en Alcoologie et de Centres de Soins
Spécialisés aux Toxicomanes.
L’A.N.P.A.A. est animée par plus de 2000 responsables associatifs, salariés et bénévoles, pour
lesquels la prévention passe avant tout par une meilleure qualité de la vie de nos patients.
Les buts.
L’A.N.P.A.A. a pour buts de développer une politique globale de prévention des risques et des
conséquences de l’alcoolisation et des pratiques addictives par :
 l’appel à l’opinion, l’action constante auprès des pouvoirs publics et des autres
décideurs. Elle veille notamment à faire respecter la Loi Evin. Il existe à Paris une
instance juridique qui s’occupe de dénoncer tous les non-respects de cette loi ;
récemment le C.I.V.B. a été assigné devant le tribunal de Grande Instance de la Gironde
pour sa campagne d’avant les fêtes de Noël, qui promouvait les vins blancs et rouges
supérieurs de Bordeaux .
 l’éducation de chacun et la formation de relais dans tous les milieux – scolaire,
professionnel, associatif, festif.
 une aide, des soins et un accompagnement médico-psycho-social de tous les patients en
difficulté avec l’alcool.
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Les actions menées par le comité de la Gironde
Le C.C.A.A. de Bordeaux a été créé en octobre 2000 ; il comprenait 9 salariés. Nous sommes
aujourd’hui 30 salariés. Nous avons déménagé en octobre 2005 : 67, rue Chevalier, à Bordeaux.
 18 lieux de consultation sur la Gironde, dans une volonté d’assurer un travail de
proximité auprès des patients
 6 pôles locaux qui couvrent le département de la Gironde, pour assurer un meilleur
service. Nous avons pris pour critère qu’il y ait au moins 3 personne dans un pôle local :
un médecin, un psychologue et un 3ème intervenant – infirmier ou travailleur social –
qui, en plus du suivi à domicile ou du travail en entretien intermédiaire, s’occupent du
partenariat local. Actuellement 3 pôles locaux sont bien constitués : le Blayais, le Bassin
d’Arcachon et Bordeaux/CUB. En projet, le Médoc, le Libournais et le Langonnais.
3 grandes actions transversales : Prévention / Formation / Soin
Prévention / Formation parce que l’intérêt de tous est d’agir avant que les gens soient malades.
Nous avons une équipe de prévention qui intervient en collège et en lycée, mais aussi sur tout ce
qui est manifestation festive – nous serons présents le week-end prochain à la Fête de la Morue, à
Bègles, et à la fin du mois de juin à la Fête du Vin à Bordeaux.
Une équipe assure des formations, avec l’approche bio-psycho-sociale de la problématique des
addictions, dans le milieu du travail, auprès de professionnels ou d’étudiants. On nous demande
de plus en plus des interventions pour d’autres addictions que l’alcool – tabac, cannabis,
polyconsommations mais également le jeu et les troubles des conduites alimentaires.
Les missions.
 Accueil,information,accompagnement,soin, orientation de personnes en difficulté avec
l’alcool et autres substances psychoactives (tabac, cannabis,…)
 Accueil de l’entourage de personnes en difficulté (adultes et enfants)
 Consultations avancées en CHRS (au Petit Hermitage à Léognan ou au Foyer Revivre à
Cenon), à la Tour de Gassie, à la Maison d’Arrêt.
Modalités de la prise en charge ambulatoire.
 Consultations individuelles par une équipe pluri-disciplinaire : accompagnement
médico-psycho-social
 Ateliers thérapeutiques. Ils utilisent l’écriture, le corps et la voix, le jeu, le dessin et la
parole pour les enfants
 Sevrage ambulatoire
 Accompagnement à l’extérieur (domicile, hôpital, MDSI,…)
 Travail en lien avec un réseau de partenaires
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Laetitia ESPIOT
Psychologue, A.N.P.A.A. 33 – Gironde
Nous avons pris le parti de vous parler non pas de nos pratiques individuelles mais de nos
spécificités au Centre de Cure Ambulatoire en Alcoologie.
La richesse du travail en équipe pluridisciplinaire :
 champ médical : médecins alcoologues, tabacologues, psychiatres, infirmiers
 champ psychologique : nous sommes 7 psychologues, d’orientations diverses en
fonction de nos formations respectives
 champ social : éducatrice spécialisée, assistante sociale
Cette gamme des compétences étendue et variée offre un accompagnement plus global de la
personne en difficulté avec l’alcool. Nous savons tous, par notre pratique et nos rencontres, que
c’est une population très hétérogène et que les problèmes engendrés par l’alcool sont multiples.
Ce travail en équipe permet que puisse se tisser autour du sujet un réseau et favorise une
meilleure cohérence du parcours de soins.
Un accompagnement personnalisé du sujet :
 Patient au centre du dispositif
En fonction de la problématique du patient, de son rapport au produit, de sa demande, de ses
attentes, l’accompagnement se situera sur différents champs – social, psychologique, médical.
Dans notre structure, un même patient peut donc, en fonction de sa problématique bio-psychosociale et de l’endroit où il se trouve dans son parcours de soins, de sa réflexion personnelle sur
son rapport à l’alcool, bénéficier d’un ou de plusieurs suivis, pouvant être simultanés ou se
succéder.
 Acteur de son soin
Le patient se trouve donc au centre du dispositif de soins ; l’accompagnement qui lui est proposé
est discuté, validé avec lui et donc personnalisé. Il n’y a pas de procédure d’accompagnementtype, mais un accompagnement qui se veut à chaque fois particulier, singulier.
 L’accompagnement est personnalisé en fonction de la problématique bio-psycho-sociale
Notre palette d’outils est représentée par les compétences spécifiques de chaque membre de
l’équipe mais aussi celles des structures extérieures avec lesquelles nous travaillons.
Accompagnement de l’entourage
Il peut être réalisé par différentes professionnels de l’équipe pluridisciplinaire, en fonction de la
demande de la personne que l’on accueille et il peut évoluer dans le temps. Par exemple, une
personne peut demander à rencontrer un médecin qui suit son conjoint, pour avoir des
informations sur son soin, ou pour apporter des informations : « je viens parce que vous ne savez
pas tout.. ». Au cours de l’entretien, la personne peut évoquer sa souffrance personnelle et être
orientée vers un psychologue de l’équipe.
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Il y a donc plusieurs modalités d’accompagnement :
 entretien information (bio-psycho-social).
 soutien psychologique.
 suivi de type psychothérapeutique
 accompagnement groupal d’enfants et d’adolescents dont les parents sont en difficulté
avec l’alcool. Il a lieu une fois par quinzaine, en petits groupes, et utilise des media
comme le jeu, le dessin, la peinture, la création d’histoires.. Un travail avec les parents
est effectué par ailleurs.
Le but de l’accompagnement est à la fois d’écouter, de rassurer parfois, d’expliquer. Informer sur
le ‘système alcool’ et les différents temps du soin, la nécessité de laisser du temps. Permettre que
quelque chose se dise de la souffrance vécue du familier, lui offrir un espace de parole personnel
où il pourra déposer ses interrogations, ses colères, ses souffrances. Peut-être aussi s’interroger
sur la place qu’il occupe dans ce ‘système alcool’, sur son positionnement dans sa relation à son
familier. Afin que le vécu devienne peut-être un peu moins douloureux et que quelque chose
puisse se dénouer ou se réorganiser dans le système relationnel, dans le système familial.
Cécile RADET
Travailleur Social, A.N.P.A.A. 33 – Gironde
Accompagnement de proximité géographique
Il nous a paru important de faire un point, concrètement, sur la mise en place de ces soins, les
difficultés, les spécificités de l’ambulatoire en Gironde.
 Prise en compte des difficultés possibles de déplacement, des contraintes économiques.
 Pôles locaux et antennes de consultations de proximité
Notre département est très grand. Nos 18 lieux de consultation sont répartis sur tout le territoire
de la Gironde, avec 6 pôles locaux. Il y a un travail énorme, en termes de communications entre
les membres de l’équipe et de somme d’informations à traiter.
 Equipe d’accompagnement extérieur
Nous avons mis l’accent sur la nécessité d’aller vers le patient. Nous sommes plusieurs à être
mobiles, notamment notre infirmière, qui est un soutien apprécié à domicile lors des sevrages
ambulatoires ou sur les lieux d’hospitalisation où elle va rencontrer les patients durant les
périodes de sevrage. C’est un moment précieux d’accompagnement, de compréhension et de
soutien pour les patients. Elle peut aller à la rencontre des gens qui ne peuvent pas se déplacer.
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Outre les contraintes économiques, certains ne peuvent pas venir au centre de Consultation, ni
aller voir leur médecin, ni acheter une baguette de pain.. même avec un arrêt de bus en bas de
chez eux. Il s’agit de ces patients qu’on rencontre parfois aux Urgences, que les E.L.S.A. nous
orientent parce que les Urgences ont permis de les croiser mais qu’on ne les verrait plus jamais.
L’équipe des travailleurs sociaux – puisque nous avons la chance d’être deux depuis le mois de
janvier – vient compléter les intervention de notre collègue infirmière par des accompagnements
socio-éducatifs auprès des patients. Nous allons là où on a besoin de nous : à domicile, sur les
foyers d’urgence, au C.H.R.S.. Cela peut être auprès de collègues en difficultés pour comprendre
ce qui se passe au sein d’un ‘système familial alcool’ et qui demandent que quelqu’un vienne
tenter de dépatouiller avec eux ces drôles de situations, où tout le monde se met à réagir de façon
très étrange.
Il est intéressant pour nous d’aller à la rencontre des personnes qui souffrent car à ce moment
nous ne sommes plus dans le déclaratif. Nous portons un autre regard sur la situation et le cadre
de vie ; ces perceptions, les informations que l’on recueille sont très précieuses pour le travail
d’équipes, les projets de soins que l’on peut élaborer.
L’ambulatoire c’est ‘aller vers’; c’est ‘aller voir’ également. Il y a un enseignement à pousser la
porte de l’appartement de quelqu’un qui vit dans l’alcool ; on découvre des choses absolument
terribles. Je pense au collègue qui est allé pousser la porte du Foyer Leyde à Bordeaux. Je crois
qu’il faut faire de l’ambulatoire, sortir des hôpitaux et aller voir ce qui se passe dans toutes ces
zones sinistrées, où on rencontre tous ces gens qui souffrent terriblement au quotidien. Mais on
découvre également des ressources extraordinaires, qu’on ne soupçonnait pas, qui ne se disent
pas – et qui transforment d’un coup votre projet initial de soins en tout autre chose. Vous vous
mettez à parler de plein de choses – de crochet avec une dame qui n’allait pas très bien mais qui
fait des couvertures extraordinaires.. – et tout d’un coup, vous voyez les gens qui s’animent, et
peu à peu passent à autre chose à travers le soin et l’accompagnement que vous proposez.
Lien avec les structures extérieures
Le travail en réseau est un axe essentiel dans la pratique de l’équipe de l’A.N.P.A.A. 33. Il y a
deux temps : le réseau informel, ce qu’on appelle le « pairage », et le réseau professionnel, en
sachant que ces niveaux se complètent et s’interrogent mutuellement.
 Approche transversale
Le réseau informel ou « pairage », c’est ce mode d’intervention qui utilise la médiation et les
techniques de relais et d’orientation. Concrètement, il s’agit d’avoir une concertation informelle,
des réunions de travail, des contacts téléphoniques entre deux ou trois professionnels de
différents services, voire de différents champs professionnels. Ces contacts visent l’ajustement, la
coordination des actions et la recherche de solutions innovantes au bénéfice d’un patient dans un
moment donné. C’est ce qu’on fait tous quand on appelle des collègues – il faut à chaque fois
bien se rappeler que le ,patient est au cœur des interventions. Ces réseaux informels se créent,
disparaissent et se réinventent au rythme des interventions – c’est une pratique quotidienne à
l’A.N.P.A.A. 33 puisque l’équipe intervient sur divers secteurs avec des publics très différents ;
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cela implique des contacts avec de nombreux services – services psychiatriques, hospitaliers, la
CPAM, la MSA, les médecins traitants, les Associations, les Centres d’Hébergement, le SAMU
Social, le CAIO, les médecins du travail, les CCAS, le MDSI, les Mutuelles, et bien d’autres…
Cette approche favorise la participation du patient, puisqu’on l’informe des différents contacts et
de l’avance de la réflexion commune. Ce type de réseau permet aux professionnels de tisser des
liens et de mettre à jour des problématiques repérées et communes, qui aboutissent parfois à la
mise en place de réseaux professionnels.
 Travail en réseau
Le travail en réseau professionnel – c’est une des spécificités des travailleurs sociaux à
l’A.N.P.A.A. 33 – a pour objectif l’amélioration de la prise en charge de problèmes communs et
en particulier la coordination des actions. Pour citer rapidement des réseaux qui existent en
Gironde : le Collectif des Travailleurs Sociaux en Alcoologie, le Réseau Santé-Précarité, et le
Collectif Santé-Sport-Social Gironde.
Le Collectif des Travailleurs Sociaux en Alcoologie existe depuis 3 ans. On fait des interventions
thématiques sur toute l’année. Ce travail favorise la capitalisation des savoirs collectifs des
travailleurs sociaux en addictologie sur le territoire de la Gironde. Ces discussions permettent une
connaissance toujours plus fine des dispositifs, de ce qui se fait en alcoologie sur la Gironde –
donc de pouvoir les activer le plus efficacement possible. Cette année, les thèmes ont beaucoup
porté sur la réactualisation de nos connaissances sur le travail social ciblé sur le domaine médical.
Le Réseau Santé-Précarité lui aussi fonctionne depuis des années. Ce n’est pas un véritable
réseau ; ce sont des réunions mensuelles regroupant des professionnels de la santé et de la
précarité sur Bordeaux. Nous pouvons échanger rapidement des informations sur des patients qui
errent, contactent plusieurs structures de soins, plusieurs associations. On a tous un morceau de
leur vie. Au fil du temps, il y a du sens, une histoire s’inscrit. Ces gens savent que le réseau existe
et on peut reprendre toutes les informations avec eux. C’est un outil très intéressant pour les
patients en addictologie qui parfois perdent le nord ; il donne une meilleure cohérence à la prise
en charge. Les travailleurs de l’A.N.P.A.A. défendent aussi une meilleure compréhension des
problématiques d’addiction.
Le Collectif Santé-Sport-Social Gironde a été créé il y a 2 ans. Ce réseau a pour objectif une
promotion de la santé par la pratique sportive. Les travailleurs sociaux participent au changement
du regard sur les addictions et l’échange entre le monde sportif, les gens de la santé et les
intervenants sociaux est intéressant. On a mis au point des ateliers ; les gens sont orientés par les
différents partenaires et peuvent venir quatre fois par semaine faire du sport.
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Laetitia ESPIOT
Psychologue, A.N.P.A.A. 33 – Gironde
Accompagnement de l’usage à la dépendance
Une autre de nos particularités de l’accompagnement ambulatoire au Centre de Cure en
Alcoologie est d’accueillir toute personne en lien avec l’alcool, quel que soit son mode de
consommation, de l’usage en passant par l’abus pour aller jusqu’à la dépendance.
 De l’usage simple, excessif…
Une personne peut venir consulter au CCAA afin d’interroger son rapport personnel à l’alcool,
souvent parce qu’elle perçoit plus ou moins clairement que quelque chose de particulier se noue,
se joue, se signifie, se dit dans un au-delà du plaisir gustatif de boire. La consultation peut avoir
lieu quand la personne réalise qu’elle est en train de déraper ou simplement quand elle
s’interroge. « Déraper » dans une consommation qui peut être de plus en plus excessive ou à
visée psycho-active. Je vous donne un exemple.
Madame A vient consulter au CCAA parce qu’elle se questionne sur son rapport à l’alcool. Elle
dit en avoir parlé à différentes reprises à différentes personnes autour d’elle ; elle décrit une
banalisation de sa consommation par ses écoutants – « personne n’entend », dit-elle. Sa
consommation est de 2 à 4 verres d’alcool par jour, le soir, avant le repas, organisés autour d’un
rituel. Cette consommation l’interroge, la dérange, mais elle dit le pas pouvoir faire autrement –
« j’essaie de décaler, de retarder ma consommation, mais dans tous les cas je consomme ». On lui
propose de rencontrer un psychologue ; elle accepte. Je la rencontre depuis pas très longtemps, de
manière hebdomadaire. Madame A entame une réflexion autour de l’écoute. Elle a conscience de
sa souffrance à ne pas être écoutée, entendue, reconnue aussi. Elle prend aussi conscience que ce
symptôme alcool signe quelque chose de singulier pour elle. Lentement, elle fait le lien avec son
histoire, son vécu douloureux et silencieux des maltraitances sexuelles infligées par son père
quand elle était enfant et adolescente – et sa mère qui semble ne pas comprendre, ne pas entendre
quand enfin elle se risque à aborder le sujet à demis-mots, peut-être même à demie-voix. Elle
comprend que l’alcool lui permet de faire taire ses souffrances, toujours criantes, mais aussi de se
faire entendre par ses filles, quand il est question de parler de choses importantes pour elle. Là,
on est face à quelqu’un qui n’est pas allé « très loin », pourrait-on dire, dans une consommation
d’alcool mais qui s’interroge.. ; et qui vient chez nous pour ça.
 En passant par l’abus
Nous accompagnons aussi les personnes se situant dans un abus d’alcool, ayant parfois, souvent,
entraîné des complications sociales (au niveau financier), familiales (violences, conflits,
séparation), professionnelles (accident du travail, licenciement), somatiques ou judiciaires. 40%
de nos consultations concernent un public ‘justice’. Pour ces personnes, c’est souvent une
occasion unique de rencontrer une équipe de soins spécialisée en alcoologie et parfois amorcer
quelque chose d’un changement pour eux.
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Monsieur F, 28 ans, vient consulter car ses alcoolisations excessives, essentiellement le week-end
– troisièmes mi-temps de football – et soirées entre amis lui causent des déconvenues matérielles,
familiales et sociales. Il perd régulièrement sa voiture dans Bordeaux – il ne sait plus où il l’a
garée – se fait voler sa carte bleue à plusieurs reprises, son portable. Il s’est fait arrêter en état
d’alcoolémie routière – une suspension de permis lui a valu de perdre son emploi de livreur. Il a
aussi des conflits avec ses parents, chez qui il vit. Le rappel à Loi qui vient quand il se fait arrêter
est pour lui un déclencheur : il vient consulter à la suite de cet événement. Il craint d’aller plus
loin dans ses alcoolisations et que se dégradent ses relations familiales. A sa demande, un suivi
psychologique hebdomadaire est mis en place, qui durera un an. Quelques rencontres avec le
médecin seront organisées dans les premiers temps de son accompagnement. Commence pour lui
un travail thérapeutique autour du sens de ses alcoolisations excessives régulières, en lien avec
son histoire personnelle, son mode de relation aux autres (beaucoup de peur du regard de l’autre,
la crainte du jugement), et surtout sa relation à lui-même, avec une certaine mise en lumière du
sens de son mode de consommation. Les consommations excessives diminuent progressivement ;
au bout d’un an, il cesse ses consultations et poursuit son chemin.
 A la dépendance
De nombreuses personnes consultent pour une dépendance à l’alcool, qu’elle soit psychologique
ou assortie d’une dépendance physique plus ou moins marquée
Docteur Catherine BELOT
Médecin coordinateur A.N.P.A.A. 33 – Gironde
Accueil de la personne là où elle en est dans sa réflexion concernant l’alcool




Déni / Banalisation
Prise de conscience
« Envie que ça change »
Réalcoolisation / Rechute
Nous avons essayé de vous montrer ce que nous souhaitions, nous, comme spécificité. Nous
souhaitons accueillir les personnes là où elles en sont par rapport à l’alcool. Quel que soit leur
mode de consommation, quels que soit leur chemin personnel, leur réflexion personnelle sur le
rapport qui a été noué avec ce produit, cela demande du temps. Je me souviens d’une Journée
CRAA à Préville où nous avions parlé du temps en alcoologie ; plus nous avançons dans notre
expérience professionnelle, plus nous prenons conscience que ce temps, n’est pas le temps
‘normal’.
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Pour illustrer ce parcours pluri-professionnel du patient au CCAA, je vais vous raconter l’histoire
de Monsieur P, 42 ans, marié, père de 2 enfants, cariste dans une grosse entreprise de carrelage à
Bordeaux. Il vient parce qu’il trouve qu’il boit un peu trop. Il dit « le soir, je suis nerveux – c’est
surtout ma femme qui m’a dit de venir – c’est vrai qu’en rentrant, je suis fatigué, je bois quelques
bières – je suis un peu agressif.. quand elle me dit de mettre le couvert, de faire la vaisselle, je
l’envoie facilement promener ». Il dit aussi « de toute façon, il faut que j’arrête. Je le sais, cela
fait un moment que j’en parle ». Au fil de la discussion, il dit « j’ai envie qu’il y ait un contrat..
on va dire dans 3 mois, il ne faut plus que je boive ». Les 3 mois passent, il vient ; il a une petite
aide médicamenteuse – c’est quelqu’un qui n’a pas de signes de dépendance avérée. Au bout de 3
mois, on en est au même point. Il dit « je crois qu’il y a quelque chose qui fait que la motivation
n’est pas là – j’ai peut-être besoin d’avancer sur un autre terrain avant d’arrêter de boire. » Je l’ai
orienté vers la psychologue qui fait de l’accès aux soins, avec qui il a travaillé pendant un an. Au
cours de cette année, son épouse est venue nous rencontrer, disant qu’elle avait besoin d’aide, elle
aussi. Elle a donc rencontré la personne qui s’occupe de l’entourage, à qui elle a parlé d’un des
enfants qui était un peu agité, hyperactif, les institutrices s’en plaignaient. Les deux enfants ont
été orientés sur l’atelier « enfants », qu’ils ont suivi pendant deux ans. Le monsieur est revenu me
voir un an après le suivi par ma collègue psychologue et, là, il a vraiment entamé une démarche
de sevrage, que nous avons fait en ambulatoire, avec des visites régulières de l’infirmière les
premiers jours. Tout cela s’est passé il y a 3 ans. Ce monsieur est toujours abstinent, sa femme a
fait entre temps un sevrage tabagique, et lui fume toujours.
Laetitia ESPIOT
Psychologue, A.N.P.A.A. 33 – Gironde
Conclusion.
Pour conclure, nous pourrions dire que la plus grande spécificité, peut-être, du Centre de Cure
Ambulatoire en Alcoologie est d’accompagner la personne quel que soit son rapport au produit et
tout au long de son parcours. Le parcours de soins, qui commence dès l’accueil de la personne
dans nos locaux, peut, on le sait, être un long chemin, jalonné de déni, de défenses, de doutes, de
questionnement intérieur, de prise de conscience, mais aussi de tentatives de prise de distance
avec l’alcool, de réalcoolisations plus ou moins longues. Ce long chemin ne prend pas forcément
fin, mais plutôt une autre direction, une autre tournure, lorsque la distance avec l’alcool se
maintient. Un autre voyage commence alors pour le sujet, voyage pendant lequel il peut avoir
besoin d’être encore accompagné un certain temps, avant de pouvoir partir seul à l’aventure.
Durant tout ce voyage, l’équipe est là pour l’accompagner, le guider, l’orienter, parfois le
rassurer. Souvent des passations de relais au sein de l’équipe peuvent intervenir. Le médecin peut
être celui qui prend la route en premier avec le patient. D’autres fois, ce peut être l’infirmière, le
travailleur social ou le psychologue.
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Sur son chemin, le patient pourra être accompagné de l’infirmière, à un moment difficile, au
temps du sevrage ambulatoire, par exemple, ou le patient prend de la distance avec l’alcool,
moment particulier où il prend congé d’une solution externe à ses souffrances.
Il pourra être accompagné du travailleur social qui aidera à restaurer un certain confort de vie
pour que la suite du voyage se déroule dans de meilleures conditions. Parfois, avec le médecins,
quelques détours seront organisés vers des lieux – hôpitaux, centres de cure, de postcure – où il
sera question de se ressourcer, de prendre un autre élan, de préparer le départ pour un autre
chemin. A la croisée des chemins, le patient pourra rencontrer parfois le psychiatre qui offrira un
éclairage particulier. Peut-être le psychologue aura t’il pris le chemin dans les débuts de
l’aventure ou bien à un moment où le patient sera prêt pour un autre accompagnement, à un
moment où il sera prêt à découvrir son propre paysage intérieur. Et tout ce voyage, pendant
combien de temps ? nul ne le sait. C’est l’aventure !
Pluridisciplinarité de l’accompagnement ambulatoire
ENTRETIEN
Conseillère Santé
Public Justice
Médecin
-Evaluation somatique
-Proposition
thérapeutique
-Orientation externe
Associations
Néphalistes
ACCUEIL
ENTRETIEN
ACCUEIL
Evaluation
Orientation
par le secrétariat
Psychologue
-Suivi individuel
-Soutien
- Psychothérapie
-Groupe à Médiation
Thérapeutique
Etablissements
De Santé
(Hôpitaux, CSSR….)
Pole Social
-Evaluation
-Accompagnement
socio-éducatif
- Travail en réseau
Infirmier
- Entretien d’accueil
- Suivi individuel
- Accompagnement
-Sevrage
ambulatoire
Partenaires
Psycho-Médico-Sociaux
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UNE EXPERIENCE EN ALCOOLOGIE
Dr Pierre FAUCHER
Chef de Service
C. H. La Rochelle
Merci de m’avoir invité à prendre la parole à cette réunion. Vous m’avez encouragé à parler.. de
moi, j’en prends le risque. Effectivement, je suis à un an de la retraite et donc j’ai une certaine
expérience. Mon intervention est en deux parties : d’une part, ma formation, qui continue.. et
d’autre part, ce que m’ont appris les patients. Cela a été dit, ce sont les patients alcooliques qui
nous forment. Je ne suis pas alcoologue complètement spécialiste, je suis hépato-gastroentérologue, alcoologue. Tout ce que m’ont appris les patients alcooliques, j’en ai fait mon miel
et je l’utilise pour les alcooliques, mais aussi pour les autres patients.
I - CHRONOLOGIE ET ORGANISATION
1970-1980 : Formation en hépato-gastro-entérologie dans le service de Claude BERAUD.
Lui non plus n’était pas un ‘véritable alcoologue’ mais il a l’esprit ouvert et la formation que j’ai
reçue est très éclectique. Je le connaissais avant même de commencer l’internat ; il m’avait dit
d’aller me former en néphrologie, en cardiologie, en réanimation, etc.. avant de venir en hépatogastro-entérologie. Il insistait beaucoup sur la formation sémiologique.
Dans les années 70, on était en période post soixante-huitarde avec le rejet des attitudes
convenues, de ce qui existait, et notamment des attitudes paternalistes qui régnaient dans les
hôpitaux.
Au cours de ma formation, en 1973 – puisque M. BATEL est là, je le précise – j’ai eu la chance
d’aller à Beaujon dans le Service du Dr BENHAMOU, et j’y ai rencontré Bernard RUEFF. A
l’époque, il n’était pas du tout alcoologue. Il était réanimateur. Comme il était parti un an aux
USA pour faire de la réanimation digestive, très spécialisée sur l’hypertension portale, j’ai eu la
chance inouïe de travailler un an dans cette équipe. Lorsque j’ai lu le Précis d’Alcoologie de
Bernard RUEFF, cela ne m’a pas étonné qu’il excelle en alcoologie car, comme Claude BERAUD,
il avait cette ouverture d’esprit qui lui permettait de s’intéresser à tout.
C’était aussi l’époque où l’alcoolisme commençait à être reconnu comme une maladie.
Auparavant, j’avais vu des gens en delirium quand j’étais externe, avec le tableau tout à fait
classique – les zoopsies, l’agitation – des gens qui étaient contraints, qu’on ne réhydratait pas
assez de sorte que cela n’en finissait pas, voire qu’ils en mourraient. Dans le service de Claude
BERAUD, outre une ouverture d’esprit, j’ai rencontré la notion d’une prise en charge globale – on
ne soignait pas un organe, on soignait un être humain. Il y avait une prise en charge humaniste et
compassionnelle, autant que technique.
Autre particularité du service, on prenait en charge des toxicomanes et des patients de l’alcool.
C’est la première fois que j’ai eu contact avec un psychanalyste, et que je l’ai vu à l’œuvre. C’est
la première fois aussi que j’ai entendu parler d’un ‘contrat’.
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1980 : Arrivée à La Rochelle
 Existant :
Je venais prendre en mains un service d’hépato-gastro-entérologie et j’avais l’intention de faire
un copier-coller du service de Claude BERAUD à La Rochelle, avec des moyens en moins,
évidemment. J’étais Chef de Service, avec une collègue et un vacataire formé à l’alcoologie, puis
qui s’est formé à la prise en charge systémique. Ce vacataire, qui m’avait précédé à l’hôpital de
La Rochelle, était en conflit avec les psychiatres. Le conflit avec les psychiatres est une assez
longue histoire à La Rochelle.. S’occuper d’alcoologie c’était marcher sur des brisées réservées.
A mon arrivée, le cloisonnement était étanche. Le conflit a culminé lorsque j’ai tenté d’introduire
dans le service d’hépato-gastro-entérologie un vacataire psychanalyste. Cela a été terrible ; cela a
d’ailleurs été un échec puisque le vacataire a dû s’en aller.
A l’époque, les patients étaient reçus pour un motif d’hospitalisation peu clair. Que ce soit un
patient en état d’ivresse, que ce soit une cirrhose décompensée, que ce soit une demande de soins
d’autre nature, arrivant aux Urgences, tout le monde montait dans le Service d’hépato-gastroentérologie..
 Evolution :
Avec l’aide de mon collègue vacataire en alcoologie - qui a ensuite tenu le C.H.A. de La
Rochelle – on a élaboré un plan pour que les hospitalisations soient clarifiées. Le patient entrait
soit dans la filière thérapeutique – mais jamais pour un sevrage – soit pour un bilan d’organicité.
S’il refusait d’entrer dans le Service parce qu’on lui refusait le sevrage, on lui donnait un rendezvous de consultation.
- Fédération informelle d’alcoologie
A force de discussions, de conviction, de contacts, nous avons créé une Fédération informelle
d’alcoologie. Nous nous réunissions au Centre d’Hygiène Alimentaire, avec tous ceux qui,
prenant en charge des alcooliques, étaient volontaires pour discuter. Cette libération de la parole
des soignants a permis de faire se rencontrer des représentants des Urgences, du Service
d’hépato-gastro-entérologie, du C.H.A., quelques psychiatres volontaires, notamment le
Responsable du Centre de Cure de La Rochelle.
-
Réunions visant à :
• la reconnaissance du travail de chacun.
Travail différent pour chacun, mais rôles complémentaires. Cette reconnaissance était à mon avis
un très gros progrès à La Rochelle.
• la réalisation d’une plaquette informative
Information sur les modalités de prise en charge du problème alcool à l’Hôpital de La Rochelle et
dans les structures diverses de la filière de prise en charge.
• la formation du personnel de l’hôpital
Nous avons élaboré une formation où chacun avait son rôle, en faisant venir également des
juristes.
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Nous nous sommes ouverts également aux associations d’Anciens Buveurs. Ce n’était pas
finalement une démarche si naturelle, puisque s’ouvrir aux Associations c’est, pour un docteur,
perdre un peu de pouvoir.. mais cela s’est fait et les Associations ont un tour de consultation dans
mon établissement.
On a enfin fait de la pédagogie vis-à-vis de la Direction de l’Hôpital. Quand a été ouverte la
structure de cure, le C.H.A., la Direction, le Conseil d’Administration parlaient de ‘centre antialcooliques’… On a tenté de faire passer dans le langage courant les notions que l’on connaissait.
1990 : Distension des liens de la Fédération.
J’en suis largement responsable, parce que j’ai été amené à prendre des responsabilités
administratives – Président de CME – et je me suis désinvesti du problème de l’alcool. Toutefois,
en tant que Président de la CME, je peux appuyer tel ou tel projet.
2002 : Renaissance de la Fédération.
Un nouveau responsable est arrivé au C.H.A. qui est devenu le CSAPA. C’est un praticien
hospitalier mi-temps et sous son impulsion, on a repris les réunions de la Fédération.
2006 : Vote en CME de la création d’une équipe de liaison en addictologie en lien avec la
pneumologie – consultation de tabacologie.
L’équipe de liaison répond à un cruel manque d’intérêt des collègues des spécialités médicales
pour le problème de l’alcool. Son but est donc d’aller d’un Service à l’autre pour répondre aux
questions du personnel et, éventuellement, prendre en charge les patients.
II – CE QUE M’ONT APPRIS LES PATIENTS :
- Le jeu subtil entre respect du déni et courage pour dire le diagnostic.
Le déni peut durer des années, parfois durer tellement que le patient en meurt. Quand j’ai débuté
la prise en charge des alcooliques, il fallait « faire avouer » au patient combien de litres il buvait
par jour. On s’est rendu compte progressivement qu’il fallait respecter le déni.
J’ai eu un exemple assez cuisant d’un membre du personnel, venu dans le Service pour une
thrombopénie et il a été assez rapide de se rendre compte qu’elle était due à une grosse rate, ellemême due à un gros foie, dû à une cirrhose. On a posé la question de la consommation d’alcool :
ni le patient, ni sa femme, ni son entourage, ni son Service, ni les membres de mon Service n’ont
dit quoi que ce soit. Il est mort. Un an plus tard, sa femme m’a dit « je me demande quand même
s’il ne buvait pas un peu.. »
Il faut du courage pour dire le diagnostic face au patient. Il faut le dire sans rompre la relation.
C’est parfois simple lorsque la consommation n’est pas trop importante et que c’est une simple
information. C’est beaucoup plus difficile lorsqu’il y a dépendance. J’ai le souvenir d’un cas
particulièrement difficile. Il s’agissait d’un collègue chirurgien, qui n’était pas en état d’opérer, et
à qui, en tant que Président de CME, et alcoologue, j’ai dû dire qu’il devait arrêter. On s’est
arrangé pour le faire partir à la retraite prématurément.
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-
Reconnaître les premiers signes derrière une demande de soins détournée ou absente :
• les signes fonctionnels, l’aspect du patient
Il faut connaître bien la sémiologie : céphalées, irritabilité, reflux gastro-oesophagien, etc.. Il faut
bien connaître l’évolution des résultats biologiques, variation de normalité des γGT, du Volume
Globulaire, de la macrocytose, de la CDT, etc.. pour avoir des repères quant à l’abstinence ou non
du patient. C’est d’autant plus utile que la demande du patient est en général nulle ou tout à fait
détournée. « Docteur, je viens vous voir parce que j’ai mal là » mais il n’est pas question
d’alcool. Avec des résultats biologiques, on a une possibilité de montrer des anomalies, et en
outre la connaissance de l’évolution des paramètres biologiques permet de ‘faire un contrat’. Ce
contrat permet de dire au patient « si vous arrêtez de boire, vous allez voir que dans un mois, vos
γGT vont avoir diminué de moitié, dans 3 mois votre Volume Globulaire va se normaliser ou
presque, et la CDT me dit si vous avez consommé un peu, beaucoup ou pas du tout ». Ce contrat
permet au patient d’accrocher dans le domaine du résultat. Il peut s’investir dans sa propre
évolution.
• la vulnérabilité somatique des femmes.
Les femmes posent un problème plus crucial encore parce que la demande est encore plus
détournée ; il faut souvent la chercher derrière un état dépressif, souvent lié à la solitude, à la
prise paraissant abusive de psychotropes.
-
Accepter le choix du patient :
• de se confier
Il se confie à moi, à lui, à qui il veut.
• de s’engager dans la filière thérapeutique de son choix
On sait que l’entrée dans la filière thérapeutique est une question de déclic et que le déclic, c’est
avec une personne. Il faut être prêt – accepter ou ne pas accepter – mais quand on a accepté il faut
l’accompagner jusqu’au bout. C’est lui qui garde le choix de l’accompagnateur.
• de reconnaître tous les modes de prise en charge
L’exemple de La Rochelle est assez explicite là dessus. Quand je suis arrivé, les prises en charge
étaient extrêmement cloisonnées, les services aussi. On a mis un peu d’oxygène là-dedans ; on a
mis de l’acceptation de l’autre, de l’acceptation d’un autre mode de prise en charge. Tout le
monde s’accorde maintenant pour dire que plus nombreuses sont les modalités de prise en
charge, plus le choix du patient peut être respecté – il peut entrer dans la filière thérapeutique là
où il pense que c’est bon pour lui.
27
-
Gérer sa contre-attitude :
• clarifier sa relation pour accepter le patient tel qu’il est.
Certains patients m’agacent, notamment le Professeur ou le PDG qui ont l’habitude de parler et
de commander et qui parlent pour éviter qu’on leur pose des questions. D’autres m’agacent aussi,
ce sont les ‘rechuteurs’ qui reviennent sans arrêt , avec le même entrain, les mêmes taux
biologiques, qui reviennent plus ou moins alcoolisés, qui me mettent en face de mon échec et cela
ne me fait pas plaisir..
Il en est d’autres tout aussi dangereux. Ce sont parfois des femmes, qui sont séduisantes,
séductrices, apitoyantes, qui racontent les drames de leur famille, les drames de leur vie.
Effectivement, il faut prendre un peu de distance avec les uns comme avec les autres – de la
distance vis-à-vis de soi-même et de ses propres réactions.
En conclusion de ces 35 années d’exercice, je dirai que je suis toujours en formation, je suis un
alcoologue accessoire parce que je ne fais pas que cela. Les patients m’apprennent des choses
tous les jours, mais qu’ils viennent pour un problème d’alcool ou pour une colopathie
fonctionnelle ou un cancer du côlon, si on les laisse parler, on apprend des histoires dignes de
Balzac ou de Maupassant.
Ce que je me souhaite, c’est de
-
Cultiver un état d’esprit associant :
• accueil, en laissant parler les gens
• juste distance, ni trop près pour ne pas risquer de ne plus être thérapeutique, ni
trop loin pour risquer de rompre la relation
• dédramatisation sans faiblesse, sans menace, sans jugement. Garder un discours
professionnel de contact et de confiance.
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LE MEDECIN GENERALISTE:
SON REGARD ET SA PLACE DANS LA CURE AMBULATOIRE D’ALCOOL , AU SEIN DES RESEAUX
Docteur Philippe CASTERA
Coordinateur médical du Réseau Addictions Gironde (AGIR 33)
INTRODUCTION Mon propos n’est pas ici de reprendre les principes techniques, qu’ils soient
psychothérapeutiques, médicamenteux, ou d’accompagnement social, d’une cure ambulatoire
d’alcool. Je n’ai rien de plus à vous apporter sur ce que vous connaissez déjà très bien.
Je vais plutôt essayer de présenter le problème sous deux points de vue qui me semblent
indissociables :
• la place de la cure ambulatoire d’alcool dans l’activité du médecin généraliste,
• la place spécifique du médecin généraliste dans la cure ambulatoire d’alcool.
La proximité, aussi bien géographique qu’humaine, et la disponibilité, de plus en plus difficile à
assumer, sont deux atouts majeurs du médecin traitant.
Son isolement, surtout humain bien que parfois géographique, et son statut libéral, ne favorisent
pas certains investissements, notamment dans le champ des addictions.
En dehors de quelques propos démagogiques de bon aloi, la plupart des spécialistes font leurs
choux gras de l’incompétence des généralistes dans leur domaine. Il doit en être de même des
alcoologues……mais si, mais si !
Il est inadapté, incohérent et je dirais même stupide, d’essayer de faire d’un médecin un
polyspécialiste, un homme orchestre cumulant les compétences de toutes les spécialités possibles.
Je crois que nous sommes tous d’accord là dessus.
Les structures de soins, et les spécialistes qui y travaillent, sont débordés. Les financements
posent problème. Une solution serait donc d’augmenter la compétence des médecins généralistes
libéraux à un niveau suffisant pour décharger les structures. Le souci est tout de même de ne pas
les laisser seuls dans la nature et donc de développer une activité en réseau. CQFD.
Ce raisonnement peut paraître logique. Le problème est qu’il est tenu pour toutes les spécialités
ou presque. Ainsi le médecin généraliste est devenu le premier acteur du parcours de soin, le
maillon incontournable (bien que considéré comme faible par certains), du système de santé.
Multiplication des réseaux, multiplication des sollicitations, résistances, rejets nous pendent au
nez.
29
Prenons un peu de distance et essayons de comprendre la position du généraliste. Quelles peuvent
être ses représentations, ses motivations, ses résistances. Son implication est-elle vraiment
nécessaire ? Le réseau est-il la seule et la bonne solution ? Quel est l’avenir possible ?
LA FREQUENCE DE LA SITUATION DE SEVRAGE EN MEDECINE GENERALE
Les contacts avec les alcoolo-dépendants sont fréquents
Selon Mouquet 2003 [1], sur une semaine donnée, les 95000 généralistes de France
métropolitaine voient 5 135 000 personnes de plus de 16 ans dont 254 900 alcoolo-dépendants.
Ainsi chaque médecin français voit en moyenne deux ou trois alcoolo-dépendants par semaine.
Un patient ayant un mésusage d’alcool, qu’il s’agisse d’un usage à risque ou d’une dépendance, a
14 fois plus de contacts avec son médecin généraliste qu’avec l’hôpital [1].
Les patients en mésusage d’alcool consultent en moyenne 9 fois par an leur médecin généraliste
pour 5,8 fois les autres (Baudier 1999) [2].
Ainsi, un calcul simple permet de dire qu’un médecin généraliste a entre 10 et 17 alcoolodépendants dans sa clientèle, mais ceux-ci demandent bien plus d’investissements que la majorité
des autres patients.
L’alcoolo-dépendance est un motif de consultation plutôt rare
Le motif alcool ne représente que 1,6% des actes en médecine générale [2], alors que 18% des
patients sont en mésusage.
Lorsque le médecin alcoologue voit arriver un patient pour son problème d’alcool, le médecin
généraliste le voit arriver pour plusieurs motifs (2-3 en moyenne) et rarement pour l’alcool. Il y a
donc là un travail spécifique à la médecine générale : amener le patient à évoquer ses
problèmes d’alcool.
L’alcoolo-dépendance ou le mésusage ne sont pas systématiquement recherchés
et sont donc souvent méconnus
Selon l’étude réalisée par 97 médecins généralistes sur une année pour le réseau AGIR 33, 40 %
des patients en mésusage d’alcool sont méconnus de leur médecin, dont une proportion notable
d’alcoolo-dépendants [3]. Ceci confirme les chiffres de Mouquet 2003 [1] et ceux d’ Halfen 2002
[4] qui donnent environ 50%.
A ce propos, beaucoup se refusent à être intrusifs. Ils ne se permettent pas d’aborder l’alcool,
alors qu’il ne s’agit pas d’un motif de consultation choisi par le patient…..Il y a là un paradoxe
significatif, car ils le font quotidiennement pour une multitude d’autres motifs « plus
somatiques ».
30
Pourtant les patients acceptent d’être interrogés sur leur consommation d’alcool
90% des patients trouvent légitimes d’être interrogés sur leur consommation d’alcool par le
médecin traitant alors que seuls 9% ont parlé d’alcool avec celui-ci dans l’année (Michaud 2003)
[5].
Ainsi, nous nous trouvons dans une situation où le patient ne consulte pas pour l’alcool et où son
médecin ne l’interroge pas sur l’alcool…..la loi du silence ou le déni partagé ?
Il y a là aussi un problème de motivation, du médecin autant que du patient.
Et la cure ambulatoire d’alcool ?
Selon Velter 1999 [6], dans l’année en cours, 49% des médecins généralistes ont réalisé au moins
une prise en charge de sevrage d’alcool, ce qui veut dire aussi que 51% n’en ont pas réalisé.
Conclusion
La cure ambulatoire d’alcool pourrait être une situation fréquente en médecine générale, du fait
du nombre de patients alcoolo-dépendants et du fait de la fréquence des « rechutes ».
En pratique, cette situation est rare voire absente dans la majorité des cabinets médicaux.
Pourquoi ? Qu’est-ce qui peut faire motivation ou résistance ?
LES RETICENCES DU MEDECIN GENERALISTE
Selon l’ANAES en 2001 [7], un certain nombre de réticences sont mises en avant par les
médecins généralistes :
• le manque de temps,
• l’absence de rémunération ou de gratification spécifique,
• le sentiment d’incompétence,
• le sentiment d’inefficacité.
Le manque de temps et de gratification
Environ 80% des médecins sont prêts à prendre 5 à 10 minutes pour aborder la question de
l’alcool, mais seulement 22 à 32% sont prêts à prendre 11 à 30 minutes. Mais au-delà des
chiffres, en situation réelle, la plupart des médecins considèrent que 5-10 minutes c’est déjà très
long et supérieur à ce qu’ils font en pratique. Plus le temps nécessaire est long, plus la motivation
baisse (Pouchain 1998) [8].
31
Au-delà du temps, ce qui est souvent allégué est l’investissement humain nécessaire. Sur une
journée de 12 heures de travail, au cours de laquelle on voit 30 à 40 patients, plus les visites, le
téléphone, les contraintes administratives, les « acariâtres » et autres « crampons »…..la prise en
charge d’un problème d’alcool devient vite épuisante…..et là que répondre, si l’intérêt est absent
et le burn out imminent.
La cure ambulatoire d’alcool en médecine générale suppose donc de créer des conditions
d’exercice sereines, des possibilités de rémunération compensatrices du temps passé, de
développer l’intérêt pour une pratique et de valider une compétence.
Le sentiment d’incompétence
30% des médecins généralistes se sentent compétents pour prendre en charge les problèmes
d’alcool de leurs patients.
43% souhaitent des formations dans ce domaine [8].
Mais si les MG souhaitent des formations, seuls 58% en ont suivi au moins une durant l’année en
2003 (Inserm 2003) [9], tous thèmes confondus, alors l’alcool……
Les praticiens qui suivent les formations sont toujours les mêmes, et le plus souvent sur les
thèmes qui les intéressent et pour lesquels ils sont déjà le mieux formés.
Le sentiment d’inefficacité
Celui-ci dépend en grande partie des représentations. En effet, la plupart des médecins
n’envisagent comme réussite que l’arrêt définitif de l’alcool, toute alcoolisation étant vécue
comme un échec. Or, nous savons tous que la « rechute » est la norme et le maintien l’exception.
Un autre mode de relation avec le patient, avec des objectifs modestes et partagés, suffisent bien
souvent à améliorer beaucoup les choses. De plus, le médecin traitant a des atouts que les
alcoologues n’ont pas :
• Il est le médecin du premier recours, que le patient viendra voir dès que ça n’ira pas,
• Il est proche de son patient et de sa famille, pouvant plus facilement relever des indices
signifiants, ou recueillir des confidences permettant de soulager certaines tensions.
• Il est le coordinateur des différents intervenants.
Mais bien d’autres réticences/résistances encore
•
•
•
•
Il est clairement établi qu’un médecin abuseur aborde plus difficilement les problèmes
d’alcool.
Il est difficile de s’impliquer dans les stratégies thérapeutiques qui ont pour but de
changer les comportements des patients (comportements alimentaires, addictions…). Il est
tellement plus simple de prescrire des pilules…..
Certains craignent de voir leur cabinet envahi par les « alcoolo » au détriment de l’image
de marque et de la tranquillité de leur cabinet.
D’autres, qui se sont massivement impliqués et formés, ont pu être déçus par les premiers
résultats et deviennent vite les pires pourfendeurs de la cure ambulatoire d’alcool.
32
•
Beaucoup ont également le sentiment qu’une fois le patient orienté, ils n’ont plus de
nouvelles, le patient étant capté par les CCAA ou les services hospitaliers.
Bref, beaucoup de sentiments ambigus et de représentations plus ou moins fondées.
LES SOLUTIONS DU CHANGEMENT ? Face à ce bilan des résistances, que peut-on faire pour favoriser l’implication des médecins
généralistes dans la cure ambulatoire d’alcool ?
Une sensibilisation envers chaque médecin généraliste
et non envers les médecins généralistes
Une solution est sans doute d’utiliser les principes de l’entretien motivationnel et de se fixer
comme objectif d’écouter les représentations, les besoins et les motivations de chaque médecin
généraliste et non des médecins généralistes. Face à ce bilan individuel, une solution sur mesure
est ensuite adaptée, le but étant d’aider le médecin à changer de comportement et à trouver des
motivations, de l’intérêt à la prise en charge du malade de l’alcool.
Ainsi, Philippe Binder, dans une synthèse de données dont je n’ai pas retrouvé la publication,
établissait une répartition approximative des médecins généralistes selon leur motivation pour les
addictions:
• 1 à 3% de militants prêts à organiser et à structurer.
• 7 à 15% de motivés, prêts à participer régulièrement à un réseau formalisé.
• 20 à 30% de médecins intéressés et prêts à participer à des actions ou formations
ponctuelles.
• 40 à 55% d’indifférents, mais réceptifs à une sensibilisation.
• 10 à 20% d’irréductibles à toute forme de changement en ce domaine.
Ainsi, si nous mettons le curseur de motivation nécessaire sur les médecins intéressés, nous avons
entre 28 et 48% des médecins qui peuvent être concernés. Nous retrouvons à peu près ceux qui
ont accompagné un sevrage alcool dans l’année (49%).
Des interventions adaptées à la motivation des médecins
Dans le projet regroupant les deux réseaux DRDR girondins, nous pensons qu’il est important de
coordonner les intervenants au plus près de chaque territoire. Ainsi, un projet de coordination par
Pays (Médoc, Haute Gironde, Sud Gironde, Libournais, Nord Bassin, Sud Bassin, CUB) est en
voie de concrétisation.
33
Les médecins « militants » pourraient adapter les outils et les formations sur la cure ambulatoire
d’alcool, au niveau de chaque Pays. Ils seraient les moteurs animant et entretenant les liens avec
les structures et personnes ressources. Cette équipe réduite participerait aux réflexions et
décisions avec les partenaires hospitaliers et de santé publique. La coordination pratique serait
assurée par un coordinateur salarié. La gestion administrative, le financement et l’évaluation
seraient centralisés sur les réseaux DRDR.
Les médecins « motivés » constitueraient la substance du réseau de Pays. Les premiers à
expérimenter les outils et les formations, les premiers à inclure des patients en filière de soins. Ils
sont considérés comme des leaders d’opinion au plus près des acteurs du terrain. Notamment, ils
pourraient participer à des groupes de parole, à des intervisions cliniques pluriprofessionnelles.
Ces 8 à 18% de médecins généralistes, en collaboration étroite avec les structures et personnes
ressources du Pays, sont à même d’entretenir l’animation d’un réseau. Un coordinateur salarié et
une gestion centralisée les libèrent de la plupart des contraintes administratives ne relevant pas de
leur cœur de métier. Ils apportent aux projets départementaux ou régionaux les spécificités utiles
à une déclinaison locale. Ils jouent un rôle de sentinelle des difficultés et des résultats des projets.
Les médecins « intéressés » sont de futurs motivés potentiels. Ils reçoivent des informations par
des délégués de santé (DSP) et peuvent venir à certaines formations. Ils s’impliquent selon les
projets, en tant qu’acteur, mais pas en tant que décideurs. Leur tâche doit être au maximum
facilitée.
Les médecins « indifférents » peuvent être informés par les DSP et faire état de certains besoins
qui sont remontés. Ils sont notamment informés sur les structures et personnes ressources locales,
ainsi que sur les campagnes, les outils nouveaux.
Quand aux « irréductibles », ils sont informés par courrier et par leurs collègues de ce qu’il se
passe autour d’eux…
L’objectif est donc, par touches successives, cohérentes, cycliques et sur la durée, d’amener un
maximum de médecin à un stade de motivation plus avancé, notamment pour la cure ambulatoire
d’alcool.
Une action possible grâce à une activité en réseau
Les réseaux sont nés de la difficulté de coordination des actions autour du patient, dans des
domaines souvent liés à des problématiques complexes, engageant tous les acteurs du médicosocial : sida, addictions, précarité.
Il s’agit d’harmoniser, de rendre plus fluide et opérationnel, le parcours du soins de chaque
patient.
Il s’agit de faciliter le travail de chacun des professionnels engagés autour du patient.
Ainsi, les réseaux s’appuient sur un certain nombre d’outils qui peuvent faciliter la réalisation
d’un cure ambulatoire d’alcool :
34
•
•
•
•
Un dossier médical partagé que nous appelons à AGIR 33, le dossier informatique de
liaison (DIL), ce qui permet d’inclure d’autres données et d’autres acteurs que les
médicaux, sans compter que le terme sonne mieux aux oreilles des addictologues. Les
réticences à partager le dossier, quand celui-ci se limite à l’indispensable, sont vite
levées…..quant à la crainte du contrôle elle est vite oubliée quand une équipe
sympathique comme la notre inspire une totale confiance….Du moins je l’espère !
Des lieux d’échanges des pratiques, des groupes de parole, entre pairs et plus
profitablement souvent, entre professionnels de tous horizons. Bien qu’attirant les plus
motivés, ces rencontres bénéficient de façon sensible aux participants.
Le délégué de santé prévention (DSP), outil développé pour la première fois en France
par AGIR 33 et qui permet de faire connaître les structures et personnes ressources à une
maximum de généralistes. Le délégué évalue les besoins, les motivations, les pratiques,
les représentations de chaque médecin. Ceci permet ensuite au réseau de développer des
actions adaptées à des sous-populations de médecins, au plus près des besoins de chacun
d’eux. Entre autres.
Une évaluation et un traitement centralisé des résultats obtenus auprès des patients inclus
en filière de soins.
Les représentations sont très différentes d’un professionnel à l’autre, et il est parfois difficile
d’avoir un consensus solide autour d’un projet.
D’autre part, la compliance des patients en sevrage alcool est souvent problématique, et le
médecin généraliste peut être la variable la plus constante.
Il me paraît parfois préjudiciable de partager ces patients, de multiplier les intervenants. Certains
sont très fragiles au niveau de leur processus d’attachement, leurs repères sont labiles et leur
engagement relationnel difficile. Leur faire répéter une histoire douloureuse et en partie déniée, à
l’assistante sociale, au psychologue, à l’alcoologue, à l’éducateur, au médecin hospitalier, et au
médecin traitant est-il vraiment productif ? J’ai souvent le sentiment de relations en étoile dont le
centre est le patient, sans liens entre les interlocuteurs.
Il me paraît plus judicieux de favoriser une alliance thérapeutique forte entre le patient et un
professionnel, quel qu’il soit, le plus logique étant peut être le médecin traitant. Celui-ci est le
coordinateur, l’avocat de la santé du patient. Les autres intervenants se mettent alors au service de
cette relation plus que du patient ou du médecin. Un cercle protecteur se constitue ainsi autour
d’un duo, grâce à une activité en réseau.
ET LA CURE AMBULATOIRE D’ALCOOL ? Nous voilà face à notre patient qui est décidé à arrêter, aujourd’hui, pas demain, ni dans un mois.
La salle d’attente est pleine, le patient est à 2g d’alcool minimum selon l’atmosphère qu’il laisse
autour de lui.
35
Pour 80% des médecins généralistes, il s’agit de l’hospitaliser pour un sevrage ou de l’adresser à
une consultation spécialisée…..En urgence bien sûr. La galère commence, avec de toute façon, la
plupart du temps, un sentiment d’échec au bout. Pas de place avant…..bien longtemps. Beaucoup
de temps perdu pour pas grand chose….le patient, de toute façon, n’ira pas, comme
d’habitude…..De quoi faire fléchir le peu de motivation. Coup de bol, le patient est arrivé jusqu’à
la consultation ou l’hôpital……mais je ne sais pas ce qu’il est devenu….Pas de
nouvelles……C’est un peu fort tout de même !
Pour 20% des médecins généralistes, au mieux, il s’agit d’évaluer la situation. Existe t’il des
contre-indications au sevrage ambulatoire ? Le patient souhaite t’il être hospitalisé ou pas ?
Quelle est sa vraie demande ? Où en est sa motivation réelle ? Quels sont les enjeux actuels sur
lesquels s’appuient sa demande ? Dans quelques cas, la cure ambulatoire d’alcool est
envisageable……Finalement, on est jamais mieux servi que par soi-même et tout le temps que le
médecin non motivé a passé à trouver une place, le médecin motivé le passe à évaluer la situation
et à avancer avec le patient.
Dans le cadre d’un réseau, formel ou non, ce médecin va orienter le patient vers différents
professionnels adaptés à ses besoins : assistante sociale, psychologue, alcoologue….mais la cure
est entamée, et l’urgence ressentie moindre, pour le médecin comme pour le patient. Nous nous
retrouvons idéalement dans la situation où les autres intervenants se mettent au service du duo
médecin-patient….Les relations sont faciles, bien coordonnées….Un sentiment d’efficacité et de
gratification envahi le médecin……qui, finalement, sera moins tendu sur le résultat du
sevrage…….Un monde idéal ?
CONCLUSION Finalement je me demande si je n’ai pas répondu à côté de la question…..En tout cas, j’ai essayé
de faire un peu le tri dans de nombreuses idées qui circulent dont certaines sont publiées, afin de
vous donner un regard plus large que le mien sur la place du médecin généraliste dans la cure
ambulatoire d’alcool.
Pour un médecin généraliste comme moi, il est bien difficile d’extraire du champ des conduites
addictives, qui vont du mésusage à la dépendance, de la prévention au soin, un regard particulier
sur la cure ambulatoire d’alcool, ce court instant dans l’histoire du patient.
Je n’ai pas voulu m’attacher à la technique de la cure, mais plutôt aux enjeux qui font que celle-ci
sera réalisée ou pas, en médecine générale.
Ainsi, nous pourrons « croiser nos regards pour croiser nos compétences »
36
BIBLIOGRAPHIE 1- MOUQUET MC, VILLET H. Enquête alcool auprès des usagers du système de soins –
Novembre 2000. DRESS n°53 ; Juin 2003.
2- BAUDIER F, JOUSSANT S. Prise en charge des problèmes d’addiction Tabac et Alcool.
Baromètre Santé Médecins Généralistes 1998-1999. Vanves : CFES ; 95-107.
3- MAURAT F. Repérage précoce et intervention brève des mésusages d’alcool. Etude de
faisabilité auprès de 97 médecins généralistes girondins sur une année.[Thèse Médecine].
Bordeaux ; 2006.
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généralistes libéraux en Ile de France. ORS Ile de France ; 2002.
5- MICHAUD P, FOUILLAND P, GREMY I, KLEIN P. Alcool, tabac, drogue: le public
fait confiance aux médecins. Revue du praticien Médecine Générale 2003 ; 611 :605-8.
6- VELTER A, GAUTIER A. Médecins généralistes et patients toxicomanes. Baromètre
Santé Médecins Généralistes 1998-1999. Vanves : CFES ; 113-125.
7- ANAES. Modalités de l’accompagnement du sujet alcoolo dépendant après un sevrage.
Conférence de consensus – 7 et 8 Mars 2001.
8- POUCHAIN D, HUAS D, DRUAIS PL, WOLF B. Implication des médecins généralistes
dans la prévention (European Network on Strategies to engage General Practitionners in
Cancer and Addiction Prévention EURECA). La Revue du praticien Médecine Générale
1998 ; 440(12) : 31-37.
9- INSERM. Alcool : dommages sociaux, abus et dépendances. Expertise collective. Les
éditions Inserm ; 2003.
37
UNITE TRAITEMENT AMBULATOIRE DES MALADES DE L’ALCOOL
Docteur Philippe BATEL
Psychiatre, Chef de service
Hôpital Beaujon, Clichy
Merci Monsieur le Président, merci à vous tous d’avoir pris le risque d’inviter un Parisien. J’ai
déjà pu constater le dynamisme régional puisque Marc AURIACOMBE me fait l’amitié de
m’inclure dans son équipe d’enseignants de la capacité et je perçois vraiment ici que la
pluridisciplinarité se fait en bonne intelligence, ce qui n’est pas le cas partout.
Parce que j’ai été formé à ça, j’ai choisi d’essayer de vous donner un angle qui a la prétention
d’être scientifique. C’est très réducteur la science, on le sait, mais c’est aussi ce qui permet de
réfléchir à ce que l’on fait.
Je dirige une Unité qui a ceci de paradoxal : elle se nomme ‘Ambulatoire’ et se trouve dans un
hôpital – pour moi, ce n’est pas une option, c’est une obligation. Je suis ambulatoire par essence.
Ce service a été créé par mon prédécesseur Bernard RUEFF en 1989. C’était le premier service de
l’ensemble du groupe Assistance Publique / Hôpitaux de Paris – 32 établissements, 350 services
– à être dédié à la prise en charge des malades alcooliques dans cet hôpital très inhumain. Dans
quelques jours, le service va accueillir son 20 000ème patient. Nous avons développé une
démarche ambulatoire, d’abord dans la prise en charge des malades de l’alcool, puis en 93 dans la
prise en charge des maladies addictives.
Traitement de l’alcoolodépendance
38
Un mot sur le parcours et sur la représentation du soin en alcoologie. La mienne est bien
évidemment centrée sur l’objectif d’une amélioration du patient à long terme.
Le travail est d’abord de convaincre, de préparer à un changement comportemental majeur : le
sevrage, ce moment, où on pose le verre. On va obtenir une abstinence et le travail ensuite sera de
la maintenir, sur un délai le plus long possible, et aux efforts (la pénibilité), les plus faibles.
Quelle qu’en soit l’approche, psychothérapique, médicamenteuse, relationnelle, d’entraide et de
soutien, elle tourne autour de cet objectif qui n’a de sens que s’il s’inscrit réellement dans une
guidance, un accompagnement qui va du début jusqu’au plus loin possible.
Le sevrage, la belle affaire ! Obtenir l’abstinence, la plus complète possible, dans une situation de
confort et de sécurité que l’on veut maximale, et dans un délai qui apparaisse compatible avec là
où en est le patient dans ce qu’on appellera sa demande si on est analyste, et si on est formé aux
entretiens motivationnels, on appellera son stade de motivation ou de préparation au changement.
Préparer au maintien de l’abstinence est essentiel. Il faut travailler l’implication du patient dans le
post-sevrage. Rappelons que l’alcoolo-dépendant est un handicapé ; handicapé dans la phase
active de sa maladie parce qu’il n’arrive pas à boire comme les autres, il reste handicapé une fois
en rémission parce que, là encore, il ne va pas pouvoir boire comme les autres. Il est essentiel de
préparer avec lui la révolution qu’il va devoir faire et bien évidemment de l’accompagner.
Différentes modalités de sevrage.
Type : Programmé / «Spontané»
Il y a parfois des confusions autour de la notion de sevrage ambulatoire. C’est très différent de ce
que j’appelle le sevrage ‘spontané’, c’est à dire l’auto-rémission, le patient qui, à un moment
donné de la prise en charge, va décider de poser le verre et va le faire.
Lieu : Résidentiel / Ambulatoire
Les autres sevrages, ‘programmés’, peuvent être ambulatoires – et il y a des variantes – ou
résidentiels, c’est à dire entre quatre murs, des murs soignants patentés et non le domicile. Le
terme ‘sevrage à domicile’ me convient mieux que ‘sevrage ambulatoire’ parce qu’on a parfois le
39
sentiment que, quand on accompagne un patient et qu’il s’arrête de boire, on a fait un sevrage
ambulatoire – ce n’est pas à mon sens la même chose.
Intervenants : Médecins Généralistes / Alcoologues – Mouvements d ’Anciens Buveurs – Patient
et Entourage.
Il y a beaucoup d’intervenants de formations diverses. On le voit cet après-midi, autour du
patient, des soins peuvent s’organiser dans une véritable approche en réseau multidisciplinaire.
Durée : Ultra courte / Courte / Longue
Intensité : Légère / Lourde
J’ai été élevé par Bernard RUEFF, professeur d’hépatologie, et qui, à force de voir mourir des gens
de cirrhose, s’était posé la question de savoir pourquoi des gens buvaient trop et continuaient à
boire malgré le fait qu’ils avaient une maladie grave du foie.
Il a beaucoup lu des études très scientifiques, en règle générale anglo-saxonnes. C’était la règle
dans son service : on n’avait pas le droit d’affirmer ou de proposer quoi que ce soit sans sortir le
document scientifique qui montrait que cela pouvait être utile. Heureusement, je n’ai pas poussé
cela jusqu’au bout parce que de temps en temps il faut prendre le risque de s’engager dans des
choses qui ne sont pas scientifiquement démontrées.
Sevrage Résidentiel (SR)
- Sûr, largement répandu
Dans l’imaginaire collectif, cela reste la référence. Je suis ravi que vous ayez choisi le thème du
sevrage ambulatoire aujourd’hui car j’ai vraiment le sentiment que les alcoologues qui font de
l’ambulatoire, ‘ce ne sont pas des vrais’. Quand on travaille à l’hôpital, universitaire de surcroît,
le pouvoir se mesure au nombre de lits qu’on a.
Il y a plein d’avantages au sevrage résidentiel et ils sont incontestables :
 «Garantie» d’abstinence
 Rareté du syndrome de sevrage
Il y a cependant des facteurs limitants :
 Capacité d’accueil limitée
- Programme variable, pour épouser toute la richesse de l’alcoologie. Ils y a deux phases :
 Accueil / traitement de la dépendance physique
 Information, réassurance, psychothérapies : on prépare le sujet à affronter la vraie vie,
la vie sans l’alcool.
Sevrage Résidentiel : délai d’attente
- Loi «offre-demande» :
nombre de lits disponibles vs nombre de patients à prendre en charge.
- Stratégie à visée motivationnelle :
Le délai d’attente n’est pas toujours un souci parce qu’on sait que, dans ce délai d’attente, il se
passe des choses, surtout si l’attente n’est pas ‘vide’, n’est pas neutre et qu’elle est accompagnée.
- Résultats médiocres des sevrages «d’urgence» :
40
Des patients arrivent aux Urgences, dans des situations de crise – alcoologique, familiale,
psychiatrique, existentielle, sociale –avec une demande très forte d’hospitalisation immédiate
pour sevrage. Dans 3 études, dont une réalisée à Beaujon, on a regardé le devenir alcoologique de
ces patients. 25% sortent contre avis médical avant la fin prévue de l’hospitalisation, près de 30%
des patients s’alcoolisent au cours de cette hospitalisation – soit 10 fois ce qu’on observe dans les
sevrages programmés. J’ai donc un grand doute sur l’intérêt alcoologique, en terme de pronostic
d’abstinence, de ces sevrages immédiats.
- Le délai d’attente sélectionne les patients les moins sévères et les plus motivés
Dans mon service – hôpital public – on est arrivé maintenant à 6 mois de délai d’attente. Le souci
est donc qu’on sélectionne ainsi les gens qui peuvent attendre 6 mois et qui ont une dépendance
plutôt peu sévère
Sevrage spontané avant sevrage résidentiel.
On a repris un travail fait à Indianapolis et on a interrogé des patients en sevrage résidentiel dans
un centre d’alcoologie de la région parisienne. On a étudié leur consommation déclarée d’alcool
dans les jours précédant leur hospitalisation. 25% avaient accumulé plus de 6 jours d’abstinence ;
c’est important car ils ont déjà, eux, franchi le premier cap, ils ont déjà posé le verre. Et, dans une
logique tout à fait bienveillante et conforme à l’ANAES, on donnait à ces patients un traitement
de prévention du sevrage et des benzodiazépines.. Pour le coup, on était dans un vrai déni ; le
patient avait avancé dans le cycle de Prochaska et l’alcoologue n’entendait pas ce que le patient
avait fait. Cela donne à penser que plus il y a d’attente, plus il faudrait, dans les jours précédant
l’hospitalisation, évaluer cela pour permettre à des patients non seulement de ne pas encombrer la
liste d’attente, mais aussi d’avancer et de passer directement à la phase de maintien.
Le sevrage ambulatoire.
- Sobering-up stations / Social Detoxification Centers
Le sevrage ambulatoire n’est pas quelque chose que nous avon inventé à l’hôpital Beaujon ; il y a
des publications très anciennes. Pour des raisons économiques, comme très souvent, on a mis en
place de petites structures aux Etats-Unis, les Sobering-up stations, dans lesquelles une petite
équipe à peine médicalisée mettait en place des sevrages ambulatoires. C’était un peu comme un
Centre de Jour.
- Sevrage «à domicile», médicalement assisté
- Principes :
 pari d’abstinence à court terme
Je le fixe à 7 jours car, au bout de 5 jours, pour les patients avec une dépendance physique, les
choses sont rentrées dans l’ordre et je considère comme sevré un patient qui a accumulé 7 jours
d’abstinence.
 reconduit à chaque consultation
Bien sûr, après le sevrage, non seulement tout n’est pas gagné mais le parcours commence. Ce
pari est bien un contrat ; c’est un pari que l’on fait avec le patient et qui est reconduit à chaque
consultation.
 prévention du sevrage physique
Prévention de la même façon et avec la même posologie de benzodiazépines qu’en sevrage
résidentiel
41
 calendrier de consultation
On inscrit déjà le patient dans ce qui va se passer après
 consultations de fréquence décroissante
-
Articulation avec suivi post-sevrage
Les acteurs du sevrage ambulatoire.
Ils sont multiples. Je suis convaincu que le médecin généraliste peut avoir un rôle majeur, en
amont, pendant, et surtout après le sevrage ambulatoire. Quand on initie un sevrage ambulatoire,
on peut contacter le médecin traitant et la consultation J3 peut être faite par lui.
Coordinateur :
MG, Alcoologue
Partenaires :
Groupes Entraides
MG
VAD
Médecin du travail
Patient
Entourage Un Réseau
Conjoint
Amis, etc
La sécurité du sevrage ambulatoire.
On a longtemps pensé qu’il était dangereux que les patients s’arrêtent de boire brutalement,
surtout les patients avec une dépendance physique.
- Expérience de Whitfield (1O24 patients)
Whitfield a pris des patients alcoolodépendants – avec parfois des scores de dépendance très
élevés – et les a placés du jour au lendemain dans un endroit où ils arrêtaient de boire :
o Sevrage sans traitement psychotrope, avec de l’eau et des vitamines.
o Surveillance par score de sevrage
o 40% nécessite un traitement
o 7% une hospitalisation
42
La nécessité d’une hospitalisation pour le simple motif de prévenir la dépendance physique serait
véritablement faible. Mais on sait bien que les motifs du choix d’un sevrage résidentiel ne se
résument pas à la dépendance physique.
Calendrier du sevrage ambulatoire.
Dans le Service, le programme se déroule sur 3 semaines.
On demande au patient de choisir son J0 ; dans la phase de préparation du patient, une fois qu’on
s’est mis d’accord sur l’objectif, on met en permanence dans la balance motivationnelle les
modalités de sevrage que le patient va choisir.
On a rédigé un petit document qui donne les avantages et les inconvénients sevrages résidentiels
vs sevrages ambulatoires, que l’on enrichit du feed-back des patients. 70% de nos patients
travaillent. La plupart du temps, ils choisissent pour J0 le samedi matin. Ils prennent le premier
comprimé de Valium le vendredi soir. Le samedi, la personne de garde de sevrage ambulatoire
appelle le patient en milieu de journée. J’ai été sidéré d’entendre que vous aviez les moyens de
visites à domicile.. J’en rêve, ce serait un formidable moyen de voir comment se passe le sevrage
physique et bien sûr d’adapter la posologie de benzodiazépines. On a introduit des mails, des
SMS, et les patients répondent – ainsi on évalue le craving et la consommation déclarée d’alcool.
Un patient qui n’a pas bu pendant une semaine, le sevrage est déclaré.
Contre-indications au sevrage ambulatoire.
Dans la Conférence de Consensus sur le sevrage de 1997, j’avais proposé un certain nombre de
contre-indications. Il y a les patients très sévèrement dépendants physiquement. On peut penser
que si le patient a déjà fait un delirium tremens ou une crise comitiale généralisée, le risque de
récidive lors d’un sevrage est très élevé et qu’il vaut mieux proposer un sevrage résidentiel.
Les autres contre-indications sont plutôt des indications d’hospitalisation. Un malade qui a une
hépatite alcoolique aiguë, on va l’hospitaliser à la fois pour s’occuper de son foie et mettre en
place la corticothérapie et pour faire un sevrage. Idem pour les indications psychiatriques.
Et puis l’environnement est absolument essentiel à la bonne conduite d’un sevrage ambulatoire.
S’il n’existe pas ou s’il est défaillant, ou pire, s’il est nocif, là encore on est plutôt dans une
indication de sevrage résidentiel plus que dans une contre-indication à un sevrage ambulatoire.
Avantages et inconvénients du sevrage ambulatoire.
Un avantage attire très souvent les patients, c’est la poursuite de l’activité professionnelle. Nous
faisons un arrêt de travail d’une journée, le lundi, et le patient retourne travailler le mardi. 80% de
nos patients font leur sevrage le week-end, ils reviennent nous voir en consultation le lundi, puis
voient leur médecin traitant le mercredi, puis reviennent consulter dans le Service le vendredi.
Cela nécessite une participation active du patient, un certain niveau de compliance – c’est
nécessaire quand on donne à un patient 40 ou 60 mg de Valium.
Il y a des inconvénients. C’est difficile chez le sujet isolé, on ne surveille pas grand chose.
Surtout, cela ne soulage pas l’entourage. Parfois l’entourage insiste pour ‘la cure’ : ‘la cure’ cela
veut dire ‘loin et longtemps’, la cure et la postcure pour « le débarras, pitié ». Si on ne travaille
pas avec l’entourage à une option de sevrage ambulatoire choisie par le patient, on va dans le
mur.
43
Efficacité comparée sevrage ambulatoire / sevrage résidentiel.
C’est une question difficile, qui intéresse les cliniciens et les patients – ils nous posent la question
quand on mentionne les deux options – et qui intéresse bien sûr les décideurs, les payeurs.
Efficacité.
On dispose de 4 études, anciennes – la dernière a été publiée en 1991. On attribue par tirage au
sort le traitement au patient et on évalue le taux d’amélioration. Il y avait un certain nombre de
critères, l’abstinence bien sûr, mais aussi des critères sur les marqueurs, sur la psychopathologie.
On constate qu’il n’y a pas de différence significative entre les stratégies ambulatoires et
résidentielles, à des périodes de suivi allant de 6 mois à un an, voire deux ans. La seule étude à
montrer un bénéfice pour le sevrage résidentiel, concerne une période de 104 semaines et elle est
à la limite de la significativité.
Intensité.
Quand on sèvre un patient une semaine, fait-on moins bien que quand on l’hospitalise 3 semaines
ou un mois ? Là encore, ce n’est pas simple. Ces études comparent 1 semaine contre un mois,
avec des différences qui, quand elles sont significatives, sont plutôt en faveur de 1 semaine.
C’est quand même très perturbant !
Etude sevrage ambulatoire / Beaujon, UTAMA 1998
Objectifs :
- Q1 : Pertinence des contre-indications théoriques ?
- Q2 : Une contre-indication prédit-elle un échec du sevrage ambulatoire ?
Je ne me suis pas senti à l’aise d’avoir donné des contre-indications au sevrage ambulatoire alors
que, dans la pratique du Service, on arrivait à faire des sevrages ambulatoires avec des patients
qui présentaient toutes les contre-indications (patients SDF, très fortement dépendants). Alors on
a regardé ce qui se passait quand on incluait dans une étude des patients sans tenir compte des
contre-indications, en tenant compte uniquement de ce que le patient souhaitait comme stratégie
pour arrêter de boire. On a essayé de regarder s’il y avait des contre-indications à valider les
contre-indications..
-
96 alcoolodépendants (critères DSM-IV)
Consécutivement inclus dans le programme
Evaluation JO :
o Socio-démographie, distance géographique.
Le Service est situé dans la banlieue proche Nord de Paris et certains patients viennent de l’autre
côté de l’Ile de France – 1h30 à 2h de métro. On a cherché à savoir si cette distance géographique
avait un impact.
o MAST, histoire alcoologique, antécédent familial,
44
o MINI, EGF
o Délai : première consultation-démarrage SA.
C’était avant qu’on ait formé l’ensemble de l’équipe à la dynamique motivationnelle ; cela a
beaucoup changé notre clinique mais cela a aussi changé ce délai, en l’allongeant. Avant, il se
passait en moyenne un mois entre le premier contact du patient avec le Service et le moment où il
décidait de son sevrage ambulatoire, période pendant laquelle il avait 2 ou 3 entretiens avec un
membre de l’équipe. Depuis la formation aux entretiens motivationnels, on a étendu la période à
2 ½ mois, avec 5 entretiens.
- Evaluation J7, J30, J60, J90
- CDA
Résultats.
Abstinence. On trouve que à 7 jours, 90% des patients n’ont pas bu un verre et sont déclarés
abstinents. Ce taux diminue vite pour rejoindre 60% à 3 mois.
‘Perdus de vue’. Le taux n’est pas si élevé ; il est de 10% à 3 mois. L’étude était relativement peu
lourde sur le plan protocolaire et on peut penser que le fait d’être intégré dans l’étude
n’améliorait pas forcément la compliance au traitement.
Caractéristiques socio-démographiques. On voit que, en analyse univariée, le fait d’être un
homme est de bon pronostic – 77% des abstinents à 3 mois sont des hommes alors que 58% des
non-abstinents sont des hommes. Dans l’analyse multivariée, on regarde s’il y a un autre facteur
pour influencer ce lien sexe / abstinence, par exemple le fait d’être très sévère – l’amélioration est
plus nette. Et on voit que ce lien ne ressort pas en analyse multivariée.
Mais le lien isolement / échec du sevrage ambulatoire ressort beaucoup dans les deux analyses.
De même avec l’éloignement géographique ; c’est un facteur d’échec au sevrage ambulatoire.
Caractéristiques alcoologiques et psychiatriques.
On s’intéresse beaucoup, dans le Service, à la génétique. Le lien ne ressort pas – le fait d’avoir
un père alcoolodépendant n’influe pas sur l’abstinence à 3 mois.
- Commorbidité psychiatrique et isolement social sont des facteurs de rechutes du SA
La comorbidité psychiatrique – qui avait été évaluée avec des échelles de dépression, d’anxiété,
de psychopathologie – a non seulement un impact sur l’échec du sevrage ambulatoire mais cet
impact résiste à la correction avec les autres variables. C’est très vrai pour l’anxiété, un peu
moins pour l’épisode dépressif majeur que ce soit au moment de la prise en charge ou dans le
passé. En cas de comorbidité psychiatrique, in a 1 ½ fois plus de risque d’échouer son sevrage
ambulatoire à 7 jours ; à un mois, 3 ½ fois, avec une large significativité. En clinique, vous le
savez déjà ; nous avons essayé de le démontrer.
L’isolement social joue, mais pas si précocement que cela. La comorbidité psychiatrique est un
grand pourvoyeur d’échecs précoces – dans notre étude, et il est possible qu’on n’ait pas été très
performant dans la prise en charge de ces comorbidités – et l’isolement social a un impact plus
tardif, au delà du 2nd mois, comme si les patients isolés pouvaient s’arrêter de boire mais que, à la
longue, les choses se compliquaient.
-
Proposer systématiquement un SR pour les déprimés ?
Majorer et/ou prolonger le traitement de sevrage des anxieux ?
Centrer le programme contre la lutte contre l’isolement social au 1er mois
45
Essai « In / Out »
On a développé un autre essai – un Programme Hospitalier de Recherche Clinique, avec 4
Centres : Jean-Louis Balmès à Nîmes, un Centre à Besançon qui a fermé tout de suite et qui n’a
inclus que 2 patients (le Service d’Alcoologie a pu fermer du jour au lendemain, même dans un
CHU), François Vabret à Caen et notre Service de Clichy.
J’ai appelé cet essai « In / Out » parce que, me baladant à St Martin de Ré, j’ai vu une boutique
très chic et j’ai trouvé cela très ‘classe’, In : hospitalisation, Out : dehors, ambulatoire..
Objectifs.
- Primaire : Comparer l’efficacité à court (8J), Moyen (3 Mois) et Long (6 mois) termes de
2 modes de sevrages : un Sevrage Hospitalier court ( 5 Jours) vs Sevrage Ambulatoire.
On prend des patients et on compare l’efficacité à court terme (8 jours) de 2 modes de sevrage,
ambulatoire et résidentiel. On suit ces patients pendant 6 mois et on regarde si l’évolution diffère
selon le mode de sevrage.
- Secondaire :
o Identifier les patients particulièrement répondeurs
o Comparer l’efficacité de la naltrexone vs acamprosate dans le maintien de
l’abstinence à 3 mois
Population
Inclusion.
Alcoodépendance DSM IV
Active (pas d’abstinence) :
on a éliminé les sevrages spontanés – on s’est assuré que les patients buvaient depuis au moins 10
jours.
Projet d’abstinence à long terme
Prêt pour le sevrage
Renonce au choix de la modalité :
la grande originalité de cette étude a été d’y inclure des patients d’accord sur son paradigme : ils
étaient d’accord pour la randomisation. On reçoit 3800 patients par an dans le Service et on a eu
un mal fou à trouver 250 patients pour l’étude. Cela va à l’encontre des stratégies
motivationnelles : dire au patient qu’il a le choix du mode de sevrage mais que, dans l’étude, il a
une chance sur deux de tomber sur ambulatoire ou résidentiel. Cela a éliminé 60% des patients,
qui n’ont pas voulu être inclus dans cette étude parce qu’ils voulaient continuer d’avoir le choix...
surtout dans un Service où on vient essentiellement chercher un sevrage ambulatoire.
Signe le consentement
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Exclusion
Antécédents de crise convulsive généralisée ou de sevrage sévère
MADRS ≥ 20 : patients déprimés
HAD ≥ 12 : patients anxieux
Comorbidité psychiatrique ou somatique nécessitant une hospitalisation
Design
Il est relativement simple. Une fois que les patients sont prêts à arrêter de boire, on leur attribue
par tirage au sort un mode de sevrage – on leur demande s’ils ont une préférence (1/3 des patients
pour qui c’était indifférent, 1/3 à préférer que le sort leur attribue un SA, 1/3 un SR).
Les patients étaient hospitalisés entre 5 et 7 jours pour un sevrage extrêmement simple :
évaluation de la dépendance physique, traitement de prévention du syndrome de sevrage, rendezvous le lendemain de leur sortie avec un membre de l’équipe qui allait mettre en place le suivi
post sevrage, avec soit le l’acamprosate soit de la naltrexone à dose efficace, et tout ce qu’on
propose dans le Service (thérapies cognitives et comportementales, une approche individuelle
analytique, des ateliers de relaxation, les ateliers ‘enfants’, le groupe ‘entourage’, les ateliers
‘senteurs’ et la référence à un mouvement d’Anciens Buveurs – 30% de nos patients y allaient).
Critère de jugement
On s’intéressait à l’abstinence continue totale (ne pas avoir bu un verre).
Analyse ITT
On est bien en Intention Traitée : quand on inclut le patient dans l’étude, si on le perd de vue, on
considère qu’il a bu – même s’il nous dit au téléphone qu’il va bien, s’il n’a pas eu l’entretien
prévu dans le protocole, il est considéré comme perdu de vue.
On a pris un critère ‘dur’ : abstinence totale continue, il faut ne pas avoir bu un verre.
1. Abstinence continue totale du 1er jour de sevrage (J0, CDA=0)
2. Abstinence continue totale post sevrage (J8 pour les SA et le lendemain de la sortie de
l'hôpital pour SR)
3. Rechute
a. pour les hommes, boire plus de 4 verres par jour , plus de 2 fois sur une période définie
b. Pour les femmes, boire plus de 3 verres par jour , plus de 2 fois sur une période définie.
c. Evaluée à partir de J0 puis après le sevrage. Les patients qui n'entrent pas dans ces
critères sont non rechuteurs qu'ils soient abstinents ou non.
Ce sont des critères nord-américains, admis par la FDA.
Randomisation : 252 patients
Inclusion
Exclusions secondaires :
- sevrage spontané
- ATCD de CCG
OUT : 126
OUT : 1 patient
IN : 126
IN : 1 patient
47
Echec à la méthode.
C’est ne pas accomplir au final ce qui était prévu.
- 3 consultations dans le sevrage ambulatoire. Dans les résultats, on voit qu’en moyenne il
y a eu 2,2 consultations – sevrage ambulatoire vraiment ‘soft’ puisque pour les patients
très ‘sévères’, il y a une consultation quotidienne
- pour le sevrage résidentiel, c’est le patient dont l’hospitalisation est prolongée au delà de
5 jours ou celui qui sort avant.
L’échec à la méthode a concerné surtout le sevrage résidentiel, il y a eu une meilleure acceptation
du protocole dans le sevrage ambulatoire.
Sécurité.
- 3 patients DCD (3 IN), à distance du sevrage. Ces décès ne sont pas liés à la méthode.
- ACCIDENTS DE SEVRAGE
o Pas de crise convulsive généralisée dans le groupe OUT
o 1 crise convulsive généralisée dans le groupe IN
o Index de sevrage comparable : il y a eu la même évolution sur le plan de la
dépendance physique.
- HOSPITALISATION
o 1 hospitalisation sur 115 dans le groupe OUT.
Pour ce patient, on avait prévu un sevrage ambulatoire et on a dû l’hospitaliser parce qu’il était
dans une situation très difficile. Il est donc sorti de l’étude
o 10 hospitalisations prolongées dans le groupe IN.
On avait choisi une hospitalisation très courte (5 à 7 jours)
Patients perdus de vue.
Le taux de patients perdus de vue est identique dans les deux groupes. On revoit autant de
patients à 3 mois qu’ils aient fait un sevrage ambulatoire ou résidentiel. On voit qu’on a perdu de
vue 50% des patients au bout de 6 mois, c’est assez classique dans les études.
Perdus de vue / préférence.
On avait demandé au patient leur préférence.
Quand on souhaite un sevrage ambulatoire et qu’on l’a, seuls 4% des patients sont perdus de vue.
Quand on souhaite un sevrage ambulatoire et que le sort attribue un sevrage résidentiel, le taux de
perdus de vue est multiplié par 2. Il y a une rupture très claire.
Quand on souhaite un sevrage résidentiel et qu’on l’a, le taux de perdus de vue est un peu plus
important que pour le sevrage ambulatoire (pas statistiquement significatif).
Quand on veut un sevrage résidentiel et qu’on a un sevrage ambulatoire, le taux de perdus de vue
est quasiment le même que quand on veut un sevrage ambulatoire et qu’on l’a.
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Critères de jugement.
On en a choisi deux pour mesurer l’efficacité du sevrage. Abstinence immédiate : on regarde la
capacité que les deux procédures (ambulatoire / résidentielle) de permettre à un patient d’être
abstinent à J8 – c’est ce que j’appelle l’obtention d’un sevrage (abstinence immédiate).
Bien sûr la probabilité qu’un patient remplisse le critère ‘ne pas avoir bu un verre à J8’ est plus
forte en sevrage résidentiel.. On a donc aussi considéré l’abstinence 7 jours après la sortie.
- sevrage ambulatoire. A J0, le patient pose le verre et à J8, on regarde ce qu’il est devenu
- sevrage résidentiel. A J0, le patient pose le verre, on regarde aussi si 7 jours après la sortie
il est toujours abstinent. On parle alors d’abstinence libre – maintien de l’abstinence en
exposition à l’alcool.
RESULTATS.
Efficacité du sevrage immédiat.
type du sevrage (randomisation)
sevrage ambulatoire (SA)
sevrage résidentiel (SR)
Effectif
%
Effectif
%
Total
Effectif
%
p-value1
<0,01
Abstinence
totale à la fin
du sevrage
oui
Non2
total
84
67
94
79
178
73
41
125
33
100
25
119
21
100
66
244
27
100
Ce n’est pas une surprise, il est plus efficace d’être sevré en résidentiel si on veut être abstinent à
8 jours… (80% des patients le sont). Cela veut quand même dire que 20% des patients ont bu le
lendemain de la sortie ! Mais de nombreuses études montrent que des patients s’arrêtent de boire
avant l’hospitalisation et que des patients s’alcoolisent le lendemain. En ambulatoire, seuls 67%
des patients sont abstinents à 8 jours.
Mais si on s’intéresse à l’abstinence libre – ne pas boire en restant dans son lieu de résidence – il
n’y a plus de différence.
Si on regarde le nombre de verres consommés, on se rend compte que les patients qui ont été
hospitalisés ont bu significativement plus que ceux qui ont été sevrés en ambulatoire.
Pour le taux de rechute, il n’y a pas de différence significative à 1 mois, à 3 mois et à 6 mois
entre les deux groupes.
49
Conclusion (provisoire) IN/OUT
- le Sevrage Ambulatoire peut se faire en toute sécurité
- Sevrage Ambulatoire meilleure acceptation que SR. En tout cas, dans notre étude. Ce
n’est pas étonnant, les patients venaient dans un service qui s’appelle Unité de Traitement
Ambulatoire en Alcoologie..
- Sevrage Ambulatoire meilleure rétention du suivi
- SR plus efficace pour obtenir abstinence immédiate
- Sevrage Ambulatoire et SR comparables pour mettre en route une abstinence
- À 6 mois, aucune différence‚ en terme de rechute
Perspectives pour le Sevrage Ambulatoire.
Acquis
 Sevrage Ambulatoire réalisable dans le respect des Contre Indications
 Efficace
 Coût entre 10 et 250 fois moins cher que SR
Reste à explorer
 Sous-population cible : qui tire bénéfice d’une hospitalisation ? qui tire bénéfice d’un
sevrage ambulatoire ? Cette question est essentielle.
 Renforcement de l’efficacité. Le fait d’avoir un Hôpital de Jour , de demander aux patients
de rester quelques heures – le temps de consultation est de 10 minutes ! – renforce
l’efficacité du sevrage ambulatoire ?
•Intensité du dispositif (HDJ, SMS, VAD) : Je suis convaincu qu’une visite à domicile est très
utile – encore faut-il le démontrer pour nos tutelles
•Quid des sevrages multiples ? : que faut-il proposer ?
50
SYNTHESE
C.R.A.A. Libourne le 1er Juin 2006
« L’accompagnement en ambulatoire »
Docteur Emmanuel Palomino DISPPA – Jonzac (17500)
Contrairement à Philippe Batel, je ne serai ni scientifique, ni objectif, j’essaierai
d’être subjectif et de rester honnête.
Quand a commencé la demi-journée, Monsieur le Directeur a introduit l’après-midi ;
le directeur, vous savez, c’est celui qui donne la direction. Celui-ci s’appelle Lotterie, dans quelle
direction allait-on partir ? Gérard Ostermann nous l’a aussitôt dit : « la cure ambulatoire ! » Mais
le titre sur mon papier, c’est « L’accompagnement ambulatoire ». Et puis Philippe Batel a parlé
de « la prise en charge ambulatoire ». Alors je me demandais : cure ambulatoire, prise en charge
ambulatoire, accompagnement ambulatoire, est-ce la même chose ? Certains intervenants ont fait
une distinction entre le sevrage et ce qui se passe après, d’autres ont évoqué l’ensemble.
Premier des intervenants, Denis Pillette a présenté La Margeride. Je me disais que
c’est souvent dans les marges qu’on trouve la vérité. Il nous a expliqué que l'institution n'a pas
pris une ride – il nous en a tracé l'histoire. J'ai aimé son histoire parce que je crois que les
constructions humaines s'inscrivent dans le temps, dans l'histoire. C’est comme pour nos patients.
Il a beaucoup insisté là-dessus. Lui et les gens de son équipe. Il nous a bien dit que c'était un
travail d'équipe.. aussi bien en alcoologie qu’en pédagogie – ils sont trois personnes ici pour
parler de leur travail. Il nous disait que pour faire une unité d'alcoologie, il faut des hommes, une
terre et du temps. Un producteur de vin aurait pu avoir les mêmes mots de marketing!
J'ai été sensible à plusieurs aspects de son exposé. Bien comprendre que les êtres
humains alcooliques sont extrêmement variés, que les soins doivent être globaux, qu’il faut
prendre l'être humain dans toutes ses dimensions. Il a insisté sur la pédagogie des alcooliques à
notre égard – ce sont eux qui m’ont formé en grande partie. Il y a eu une révolution, c'est vrai. A
un moment, les médecins disaient aux gens comment ils devaient faire pour aller mieux puis
comme nous n’étions pas très performants, nous nous sommes mis à les écouter – c'est vrai qu'en
écoutant le savoir des gens sur leur problème, nous sommes tous gagnants. En fait, avant que les
professionnels ne s’y mettent, l’ambulatoire existait. Les familles, les associations d’entraide
faisaient de l’ambulatoire. Alors, de la même manière que nous nous sommes mis à écouter les
patients et à apprendre d’eux, on peut se demander s’il ne faudrait pas écouter davantage les
familles et les associations, non pour leur dire comment faire mais pour apprendre d’eux.
J’aimais bien son patient Alain, un des premiers à avoir contribué à la formation de
Pillette. On lui faisait des extraits hépatiques et, dès qu’il était requinqué, il allait faire des extras
hépatiques ! C’est vrai qu’on apprend comme cela – même si des fois cela fait un peu mal.. Donc,
c’était le pavillon 37, c’est la bonne température. Et l’association qui les a formés était « AGuéri » ? - « Aguerri » ? .. en un ou en deux mots.. Il a insisté sur le fait que nous devons
travailler en partenariat.
51
Denis Pillette a fait la diachronie de son histoire de professionnel à lui. D’abord, les
entretiens étaient plutôt duels, puis plus en groupe, finalement on travaillait en équipe, à
plusieurs. Au départ, c’était plutôt la psychanalyse, on s’est ouvert à la Systémique, puis aux
T.C.C., et puis on s’est intéressé à l’alliance thérapeutique.
Et Carole, dans son équipe, insistait : ce sont des soins individualisés, parce que chaque patient
est unique. Et on parle de ‘parcours thérapeutique’ ; il faut s’engager, il faut s’engager « pour
toujours » !. Cela me pose question. Pour toujours ? le ‘toujours’ de qui ? Dans la vie du patient,
la relation de soignant n’a t’elle pas toujours une petite bribe de relation de pouvoir sur la
personne ? est-il bon de s’engager pour toujours ? ne peut-on pas diluer ce risque de pouvoir et
d’emprise en passant la main à certains moments ?
Carlos, le psychologue, et toute l’équipe, parlaient des thérapies de groupe, de la
nécessité de s’ouvrir.. et de travailler le lien ! On découvre tout à coup qu’un être humain qui boit
de manière bizarre et que nous appelons ‘malade alcoolique’ est certes malade de sa façon de
boire mais aussi malade de sa façon d’entrer en lien, en relation, et que peut-être en construisant
du lien / des liens autour de lui, on pouvait favoriser son évolution.
Puis vint Catherine Belot avec, dans la grande famille nationale de l’A.N.P.A.A.,
« la tribu 33 ». C’est une grande tribu ! Ils sont 30 à travailler et ils ont 18 appartements. On
nous a expliqué que les portes sont très ouvertes. « Il faut être partout pour qu’ils rentrent chez
nous ». On sait bien que les alcooliques frappent à toutes les portes – ils se cassent les jambes, le
foie, la rate. Alors nous avons 18 portes d’entrée auxquelles ils peuvent frapper. Mais cela ne
suffit pas ! « Il faut aussi aller chez eux ». Alors me semble-t-il se pose la question : jusqu’où ?
Quelles limites pour nos interventions ? Les malades dont nous nous occupons ont du mal avec
les limites. Et nous ?
C’est une équipe accueillante, qui a insisté sur plusieurs aspects. On ne fait pas du prêt à porter
mais du sur-mesure ; chaque patient est un cas unique, singulier, et le parcours de soin doit être
unique, singulier. On doit travailler en pluridisciplinarité, en pluri-partenariat. Chaque malade est
au centre, il doit être acteur de ses soins.
Et ces soins sont spécifiques. Je ne sais plus qui, de Catherine Belot, Cécile Radet ou Laëtitia
Espiot, nous expliquait : « on cherche à mettre en place des soins spécifiques, chez nous ! ». J’ai
la faiblesse d’espérer que la plupart d’entre nous tendons à ces mêmes objectifs : organiser des
soins uniques, singuliers à chaque patient, pluridisciplinaires et en partenariat .
Vint Pierre Faucher. Il nous a expliqué qu’à lui aussi, les malades lui ont appris
beaucoup de choses. Mais aussi certains maîtres de la médecine. Il a beaucoup été question de
maîtres aujourd’hui. Les intervenants ont parlé de leur histoire – et lui, l’a annoncé comme tel :
« je vais vous parler de moi, c’est à peu près la seule chose que je sais faire ». Trois intervenants
ont parlé d’eux, Denis Pillette, Pierre Faucher et Philippe Batel. On s’intéresse beaucoup au
narcissisme des patients qui viennent nous voir, faut-il aussi que nous nous posions des questions
sur notre narcissisme quand nous parlons tous de nous ?
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Pierre Faucher, gastro-entérologue et alcoologue, nous a parlé avec ses tripes mais aussi avec son
cœur. J’ai aimé la concision, la simplicité. Finalement son parcours d’alcoologue couvre de
nombreuses années de formation et à la fin il nous donne des pistes : « il faut dédramatiser,
garder le contact, permettre la confiance, un contact sans confrontation excessive, expliquer,
rester professionnel ». Beaucoup d’humilité, d’humanisme et de bon sens. Cette trilogie est une
boussole extrêmement utile quand on s’intéresse à des patients qui résistent beaucoup.
Vint la question du déni.. que fait-on avec le déni ? Les avis étaient partagés. Philippe
Batel dirait probablement « ils ne sont pas compliants ! » Je me demande souvent si ce terme
s’écrit en un ou en deux mots.. Enfin, c’est une montagne ce déni. Mais ce n’est pas la peine de
‘faire avouer’, nous rappelle Gérard Ostermann avec une formulation « qui gagne l’aveu perd
l’alcoolique »
On s’est posé des questions à propos des GHM, la T2A.. Quel jargon !
J’ai été content de savoir que quand je fais des diagnostics, principal et associé, si je
note d’abord dépressif et ensuite alcoolique, j’ai gagné 1000 euros. Prenons note ! Ne dites pas
que c’est un alcoolique, dites qu’il est dépressif et puis qu’il boit – et pas l’inverse.
Philippe Batel arriva avec son UTAMA. Je ne savais pas qu’il était fils spirituel de
Bernard Rueff. Il nous a dit qu’il allait essayer d’être scientifique, même si, comme il l’a précisé
la science n’explique pas tout – et je dis, moi, que certains scientifiques peuvent parfois dire des
bêtises. Mais c’est dur de tuer le père .. « mon père spirituel c’était Bernard Rueff et je ne vais
rien vous dire qui ne soit pas démontré ». C’était le préambule de Philippe Batel. Il a essayé de
démontrer – et j’avoue qu’il a été convaincant. Bernard Rueff est également un de mes pères
spirituels. J’ai donc appris aujourd’hui que j’étais un demi-frère spirituel de Philippe Batel !
Lui, parle de ‘prise en charge’, ambulatoire, mais pas des alcooliques en général. A
l’ANPAA et à la Margeride, ils prennent toutes les personnes qui ont un souci, un problème ou
des questions sur l’alcool. A l’UTAMA, il s’agit d’alcoolo-dépendants – c’est du hard ! Il a dit
des choses importantes. Quand on est handicapé parce qu’on ne boit pas comme les autres, si on
se soigne, on est handicapé parce qu’on ne boit pas comme les autres. Ça fait une différence avec
les toxicomanes aux produits illicites.
Il nous a parlé de sevrage, mixte, pas mixte, résidentiel, ambulatoire pur… C’était
très fin, précis, objectif, ordonné. J’ai été intéressé de savoir que 93% des alcooliques pourraient
très bien ne pas être hospitalisés pour un sevrage. Que pour environ 60% des alcooliques
physiquement alcoolo-dépendants, il suffit de leur donner de l’eau pour qu’ils aillent mieux ! Je
ne connaissais pas les chiffres précis, mais quand on écoute attentivement les alcooliques, ils
sont nombreux à nous expliquer qu’ils ont fait souvent des sevrages chez eux, sans nous. C’est
toujours un peu dur de penser qu’il y a des alcooliques qui s’en sortent sans nous.Et d’autres qui
ne s’en sortent pas, malgré nous. Parfois, pour ces sevrages « autonomes », les patients ont utilisé
les somnifères de la grand-mère, les anxiolytiques du conjoint (ou les leurs). Parfois simplement
de l’eau. Beaucoup disent « quand je pars en voyage, je ne peux pas toujours me ravitailler.. je
serre un peu les dents.. et je suis sevré .. je tremble un peu, plus ou moins.. et ça finit par passer »
Enfin, il faut être sérieux rappelle Philippe Batel, parce que s’il y a des antécédents d’épilepsie ou
de delirium tremens, un sevrage résidentiel est justifié pour environ 7% des patients .
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Il a beaucoup insisté sur le fait que le patient doit être acteur – cela se sent dans tout
son programme : vous choisissez, vous vous engagez. Nous devons nous engager, le patient doit
s’engager. Philippe Batel a rappelé des contre-indications relatives ou absolues à un sevrage
ambulatoire, une dépendance physique sévère avec des antécédents d’épilepsie ou de delirium
tremens, une pathologie psychiatrique ou somatique associée. Dieu a dit « les hommes sont
égaux », Philippe Batel a laissé entendre qu’ il y en a qui sont moins égaux que d’autres. Si vous
êtes alcoolique et que vous avez une co-morbidité psychiatrique, ce sera plus dur pour vous ! Si
vous êtes isolé social, ce sera plus dur pour vous ! Et si vous êtes co-morbide et isolé social, ce
sera très, très dur pour vous !
Il nous a dit des choses stupéfiantes. Très souvent, on peut sevrer les gens sur un
week-end, avec un jour d’arrêt maladie le lundi, et ils rembauchent le mardi ! J’ai envie de lui
demander de ne pas le dire trop fort aux décideurs, sinon ils vont nous faire le coup qu’ils ont fait
à Pierre Faucher : couic ! On ferme le service ! Au DISPPA, on est connu comme « Centre
d’Alcoologie » mais 70% des patients que je vois ne font pas de cure – ils bénéficient de soins
ambulatoires. Et plus les structures ambulatoires se développent, plus je reçois des demandes de
soins résidentiels ! Cela serait gênant si on fauchait les structures résidentielles.
Pour Batel, que vous ayez fait un sevrage ambulatoire ou résidentiel, le pronostic est le
même : 3 morts à 6 mois, même taux de rechute, même taux de succès. Mais sait-on si tous les
sevrages résidentiels se valent (selon le contenu et la durée), s’il y a une relation entre un bon
résultat à 3 mois et un bon résultat à 5 ans ? Je n’en suis pas convaincu. Or la plupart des
évaluations concernent les 3 mois ou les 6 mois. On parle de maintien du sevrage à 3 mois,
maintien du sevrage à 6 mois ! Mais Batel nous précise qu’on perd 50% des patients après 6
mois. Dans ces conditions, il n’est pas sûr qu’on puisse corréler un sevrage maintenu à 3 ou 6
mois, et un bon résultat à 5 ans.
Philippe Castera arriva : pensez aux patients mais pensez à nous, médecins
généralistes ! Nous voyons plus de 250 000 patients par semaine. Nous représentons une force !
Mais nous sommes dans le burn-out ! Alors, des ‘burnés’ pour des ‘beurrés’, quel couple
infernal ! Mais il nous donne des pistes de solution : il faut prendre en charge les généralistes. Et
il nous donne la méthode. Un : les restaurer régulièrement. Deux : les réunir et aller les voir.
Comme pour les malades, qu’il y ait de nombreuses portes ouvertes. Mais il faut aussi aller vers
eux. Aller les voir, leur écrire, et créer des ‘coordinateurs locaux de pays’.. Comme pour les vins
de pays, le terroir ça compte, c’est efficace pour la proximité. Pour ma part, j’ai été généraliste
quelques temps, et c’est vrai que la peur du burn-out m’a incité à passer à la psychiatrie… Je
crois que côté surmenage, je m’étais trompé…
Philippe Castera nous propose une piste à explorer. Puisque avec ses collègues
généralistes, il rencontre 250 000 patients par semaine, au centre de notre préoccupation, il
propose de placer non le patient seul, mais un binome : le patient et son médecin généraliste. J’ai
été frappé de l’entendre dire que les structures ne reçoivent pas de courrier des médecins
généralistes. Dans ma pratique personnelle, j’observe le contraire : les patients adressés par leur
médecin généraliste viennent le plus souvent avec un courrier. Peut-être nos réseaux sont-ils
différents. Par ailleurs, notre structure a maintenant de la bouteille. De mon côté, j’écris
systématiquement pour chaque patient. Cela pousse mes confrères à écrire également.
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Cette affaire d’échanges écrits est importante. La place du médecin généraliste dans les soins est
essentielle. Il est le fantassin de la base. Quand les structures ferment, lui, est toujours là. Il fallait
nous le rappeler avec force. Merci à Philippe Castera de l’avoir fait.
En guise de conclusion
Nous devons apprendre des réseaux qui faisaient de l’ambulatoire avant nous. En
s’interrogeant sur les pièges dans lesquels tombent les familles et les associations d’entraide dans
leur « prise en charge », nous pourrions probablement éviter certains pièges qui nous concernent.
Un exemple : si la prise en charge ambulatoire par les professionnels conduit à un système qui au
final favorise le confort de l’alcoolisme, on peut se demander si on risque de tomber dans le
même écueil que les familles : en améliorant le confort de l’alcoolisme, peut-être renforçons-nous
la pérennité, la chronicité du trouble.
La notion de contrat, présentée par Pierre Faucher. C’est un des éléments de l’alliance
thérapeutique. On peut lui donner divers noms. Il est sûr qu’on ne peut pas soigner le malade
contre lui, mais seulement avec lui. On ne peut le placer en périphérie ; clairement il doit être au
centre et acteur des soins à tous les stades. On sait que pour devenir alcoolique, il faut du temps,
et pour en sortir (quand on en sort) il faut aussi du temps. Parfois nous avons été un des éléments
de l’environnement du patient qui a contribué à impulser le processus de rétablissement. Parfois,
nous ne savons pas ce qui, dans la thérapie, a contribué au changement. Dans tous les cas, il est
important d’être avec, dans la durée, dans l’implication et l’engagement. L’authenticité de cet
engagement était aujourd’hui perceptible dans les propos de tous les intervenants. Qu’ils en
soient remerciés.
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CLOTURE DU COLLOQUE
Gérard OSTERMANN,
Bordeaux,
Président du C.R.A.A.
Je pense que, comme moi, vous avez éprouvé une musique bien agréable cet après-midi avec
cette très belle partition jouée par Emmanuel PALOMINO, magnifiquement interprétée. Ce que le
DISPPA ne dit pas, c’est ce talent qui se révèle à chaque fois davantage.
Quelques informations avant de vous libérer.
Les actes de notre réunion d’aujourd’hui à Libourne, comme d’habitude, feront l’objet d’une
publication, d’un verbatim qui vous sera remis puisque vous étiez inscrits.
Le colloque sur L’Alliance Thérapeutique, avec Louise NADEAU, Alain RIGAUD, Myriam
CASSEN, Michel REOCREUX, donnera lieu à un numéro spécial de la revue ‘Le Journal’, grâce à la
participation des Laboratoire MERCK-LIPHA SANTE et particulièrement Laurent ROUGIER que
nous remercions.
La prochaine Journée du C.R.A.A. aura lieu le jeudi 12 octobre 2006, à l’hôpital X. Arnozan, à
Pessac, sur le thème Les enjeux des premières consultations.
Nous accueillerons François PAILLE, le Président de la Société Française d’Alcoologie. Nous
accueillerons Gérard VACHONFRANCE, très connu dans le champ de l’alcoologie, auteur de
nombreux ouvrages et d’articles sur ces premières rencontres, ce qui se dit, ce qui ne peut pas se
dire, ce qui se joue entre le déni de patient et le déni du médecin, toutes les interactions. Guy
AZOULAÏ, grand spécialiste des entretiens motivationnels, nous fera l’honneur et l’amitié de venir.
Merci encore pour votre attention et votre écoute.
A très bientôt.
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