UNIVERSITE TOULOUSE LE MIRAIL II
Master Mundus « Europhilosophie »
MEMOIRE
2010
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UNIVERSITE TOULOUSE LE MIRAIL II
Master Mundus « Europhilosophie »
L’Inconscient dans la
philosophie de Bergson
Sous la direction de
Monsieur ARNAUD FRANCOIS
Julie COMBES
Master 2ème Année
Toulouse
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L’INCONSCIENT DANS LA PHILOSOPHIE DE BERGSON
Introduction
Sommaire
SOMMAIRE ................................................................................................................... 3
INTRODUCTION ........................................................................................................... 4
UNE PHÉNOMÉNOLOGIE DE L’HABITUDE RÉVÉLATRICE D'UN INCONSCIENT
ORGANIQUE .............................................................................................................. 11
a.Le tournant du XXème siècle ou le retour à une valorisation du corps : rupture et continuité dans une
réinvestigation de la philosophie française. ......................................................................................................... 11
b. L’illusion de l’identification de la conscience à l’inconscience ; la nécessité de replacer l’inconscient dans
la subjectivité mais aussi de lui assigner une réalité en soi. Bergson et Freud. ............................................... 16
c.La répétition : l'inconscience comme tendance élémentaire et privation de choix ...................................... 20
L’INCONSCIENT PSYCHOLOGIQUE ....................................................................... 26
a.La théorie leibnizienne des petites perceptions ............................................................................................... 26
b.Une théorie de la connaissance : la limitation respective de l'instinct et de l'intelligence ........................... 30
c.Les manifestations « anormales » de l'inconscient, comprises comme informations ................................... 34
L’INCONSCIENT MÉTAPHYSIQUE ........................................................................... 44
a.La critique des faux problèmes : la question de l'influence des idées sous le schème de l'habitude
contractée dans l'action ........................................................................................................................................ 45
b.Une ou des ontologie(s) de l’inconscient ? ........................................................................................................ 49
c.La question du rapport entre ces trois types d’être : de la complémentarité de la différence et de la
répétition, de l’habitude et de la création, l’union des deux sens de la vie. ..................................................... 54
CONCLUSION ............................................................................................................ 59
NOTES ........................................................................................................................ 64
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L’INCONSCIENT DANS LA PHILOSOPHIE DE BERGSON
Introduction
Introduction
Au cours du XXème siècle, la psychologie et la psychanalyse, ainsi que les
neurosciences, ont révolutionné notre vision de l’âme humaine. Nous savons maintenant que
seule nous est accessible, consciente, une petite partie de ce qui est inscrit dans notre mémoire
et qui gouverne nos comportements et nos émotions. Le reste constitue le vaste continent de
l’inconscient. Nous comprenons peu à peu comment fonctionne notre cerveau, comment
parlent en nous des personnages divers qui tirent à notre insu les ficelles de notre vie. Et nous
découvrons des moyens, encore rudimentaires mais certains, pour influer sur nos
comportements, sortir des ornières, apprivoiser la souffrance, accéder à des bribes
d’inconscient, vivre en meilleure harmonie avec nous-mêmes. Ces moyens sont très variés :
interprétation des rêves, yoga, hypnose, groupes de paroles, lectures, tests… jusqu’aux
innombrables thérapies et à la psychanalyse. Ce n’est qu’un début et les pratiques ne seront
pas toujours bien fondées, mais on voit déjà que nous avons une prise possible sur notre vie,
impensable il y a peu.
Quel intérêt à se pencher sur l’inconscient tel que le présente Bergson ? Pourquoi
revenir sur le passé ? C’est avant tout parce que Bergson procède à une enquête, dont la trace
est l’écriture, pour tenter de comprendre l’évolution de la philosophie de l’esprit. Et s’il n’est
pas inutile de se pencher sur une telle enquête, c’est parce qu’elle est un témoignage de ce que
la science peut contribuer aux intuitions de la philosophie, et surtout, de ce que la philosophie
puisse communiquer avec la science, de façon à constituer un savoir qui émane d’une double
perspective qui se complète. Sur ce point, il n’y a qu’à prendre l’exemple de l’aphasie, dont
l’étude dévoile bien une documentation exhaustive, mais dont les postulats, selon Philippe
Meyer, « sont passés avant l’examen des faits, sa psychologie a précédé la neurologie, et non
l’inverse ». De une raison précieuse de parler d’inconscient chez Bergson, car c’est peut-
être à travers cette notion que nous pouvons comprendre les motivations d’une telle méthode,
ou même d’impératifs, dans l’interaction entre savants et philosophes. Si Bergson s’est for
une conception particulière de la science, ce fût inévitablement accompagné d’un
remaniement de sa conception de la philosophie, et inversement. Mais ce point de vue n’est
pas seulement issu de l’esprit bergsonien, il surgit surtout de la rencontre entre un philosophe
et des faits. La découverte du support cérébral apporte des certitudes, qui ne sont plus à
débattre, qu’il faut par conséquent accepter, et surtout auxquelles il faudra se plier. La
philosophie n’y échappe pas, elle se trouve elle-même dépossédée.
Bergson se donne ainsi pour mission, en accord avec ses propres intéts
philosophiques et scientifiques, d’élaborer une généalogie du traitement des questions
classiques de la philosophie. Mais il se propose ce projet de façon toute particulière puisque
c’est en se penchant précisément sur ce qui n’a pas été dit, qu’il tire des conclusions
principielles au profit de sa propre philosophie. Si l’un des thèmes les plus récurrents de son
oeuvre est celui du pragmatisme, d’une assimilation de la conscience à l’action dont les motifs
sont principalement pratiques, ce n’est pas seulement parce qu’elle apporte une
compréhension plus large du vivant, ou de l’homme plus particulièrement. C’est comme
méthode en tant que telle qu’il s’y attache : Bergson reste fidèle à cette découverte de la
« fonction du réel » jusqu’à l’appliquer à l’interprétation des textes philosophiques eux-
mêmes, ou plutôt au fonctionnement psychique, au pensé ou comme dirait Marcel Gauchet,
en ce « penser le pensable »1 - des philosophes ou scientifiques eux-mêmes. Bergson cherche
donc l’erreur, non pas dans la trame logique que suit le philosophe ou le savant en général
pour élaborer sa propre pensée, mais plutôt dans ce que la visée pratique a pu les aveugler,
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L’INCONSCIENT DANS LA PHILOSOPHIE DE BERGSON
Introduction
c’est-à-dire justement dans ce que cette seule trame logique constitue une pensée. Il cherche
en effet à mettre au jour, à travers l’étude souterraine de l’interaction des idées explicites de la
philosophie, un mécanisme inconscient de la pensée, qui fondera ultimement nous le verrons,
une nouvelle méthode. Il s’agit donc de réactualiser la philosophie, en lui accordant une
nouvelle liberté tout en la replaçant au coeur même du réel, à un moment les découvertes
scientifiques l’imposent. Cette tâche, c’est entre autres en historien de la philosophie qu’il se
la donne, mais cela avant tout parce qu’il se voit obligé, en raison d’un moment qu’on a
souvent considéré comme « l’âge d’or de la mémoire », de revenir sur le problème de
« l’esprit » et d’en comprendre la genèse. C’est en tentant de voir ce qui a été perçu, mais non
mobilisé ou actualisé au sein de divers mouvements philosophiques, créant ainsi des
habitudes mentales dont la répétition rétrécira le champ de conscience, que Bergson explore la
face cachée des choses, ou plutôt des faits de conscience dans toute leur variété pour ainsi
comprendre le fonctionnement du psychisme. En ce sens, il est légitime de dire que Bergson
ne se contente pas de critiquer les représentations des idéalistes ou des matérialistes, ni des
associationnistes ou neurologues, mais plutôt de les réinterpréter et de toujours les étudier
relativement à leurs enjeux philosophiques. C’est pourquoi parallèlement, Bergson accorde
une place considérable à l’étude des pathologies et plus particulièrement aux aphasies, études
qui entre autres, confirmeront ses intuitions.
Si nous étudions l’inconscient, c’est donc bien parce qu’en comprendre le
fonctionnement à travers la philosophie de Bergson, est à notre sens une manière de
comprendre le raisonnement philosophique lui-même, et celui de la science par la même
occasion. C’est ce qui permet, supposons-nous, à Bergson, de ne pas être lui-même pris au
piège par les mécanismes vitaux du psychisme dans l’élaboration même d’une philosophie.
Ceci tient principalement, et c’est d’ailleurs ce qui lui a valu sa renommée, en ce qu’il accorde
à la durée une pensée particulière, sans laquelle on retombe dans une méthode proprement
scientifique, que la philosophie a pris inconsciemment comme modèle. Mais se concentrer sur
la notion d’inconscient, c’est aussi comprendre le contenu même de la philosophie de
Bergson. La structure de notre travail tentera à la fois d’éclairer la méthode originale que le
philosophe préconise, mais par là, de nous conduire à une pensée de la métaphysique de
l’inconscient, précisément expérimentale ou positive. C’est pourquoi cette étude aura pour
point de départ une phénoménologie de l’inconscient et s’achèvera en une ontologie de
l’inconscient. Il s’agira d’étudier les manifestations inconscientes à la lumière des avancées
scientifiques et sous le prisme de l’entreprise psychologique : en-deça, une phénoménologie
du pur senti, au-delà, une réflexivité méta-rationnelle. Trois plans de conscience, deux pôles
entre lesquels oscillent les divers systèmes de « connaissance ». Et pour justifier l’audace
d’une phénoménologie bergsonienne de l’inconscient, nous ne dirons rien de plus qu’à notre
sens, ce dernier n’atteint jamais que des phénoménalités, qui sont certes érigées en faits
scientifiques, mais le sont par des voies parentes, et si cette philosophie est intuitive, elle ne se
résout pourtant jamais à l’objet en soi, pas plus qu’au sujet en soi, pour nous offrir plutôt une
pensée des termes par lesquels ils se nouent. C’est bien notre thème, nous en conviendront.
Voici donc, pour ce qui est du choix de notre sujet et de son rapport à la philosophie.
Quelle définition Bergson donne-t-il, en premier lieu, de l’inconscient ? Nous dirions,
le texte à l’appui, qu’ « en psychologie, inconscience signifie impuissance ». Il faudrait alors
le définir comme passivité, ce qui n’étonnerait en rien le sens commun. Seulement au fil de la
lecture, force est de constater que le philosophe n’en offre pas toujours la même acception, et
qu’on se doit alors d’élargir notre champ d’étude, n’oubliant ni la « lacune agissante », ni l’
« imperçu » , n i « l’endormissement » o u e n c o r e l a « torpeur » , « l’instinct »,
l’ « automatisme » mais aussi le « mécanisme » ou l’ « habitude », bref, autant d’appellations,
dont la liste n’est bien sûr pas complète, et qu’il s’agit de considérer chacune en leur
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