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de suicide ou de suicide dans un espace de quatre mois.
Une recherche des causes approfondies de survenue de ces
cas, associée à une revue de mortalité-morbidité (RMM), a
été initiée par l’équipe avec l’aide d’un médecin extérieur.
L’objectif visé par l’équipe était d’identifier de manière col-
lective les facteurs de risque d’un passage à l’acte grave2
afin d’intervenir préventivement (dégager des pistes de pré-
vention secondaire).
Méthodes et calendrier
L’analyse et le traitement d’événements indésirables ou de
dysfonctionnements graves nécessitent une approche par
problème. Du fait de l’obligation, pour les médecins, de
satisfaire à une évaluation de leurs pratiques profession-
nelles, l’utilisation d’une méthode présentée par la Haute
Autorité de santé a été recherchée (Tableau 1). Compte
tenu de la nécessité de favoriser les échanges et le partage
des points de vue des membres de l’équipe dans le temps,
l’articulation de deux méthodes a été proposée : la RMM et
l’analyse des causes.
La revue de mortalité-morbidité
La RMM permet de répondre à la référence 41 (ex-référence
45) du manuel de la deuxième procédure de certification
prévue à l’article L. 4135-1 de la loi du 13 août 2004. Elle
reste un outil de référence dans le manuel pilote de la
V2010 (référence 28a)3. Elle a pour objectif l’analyse des
décès et de certains accidents morbides prédéterminés ou
non, au sein d’un service. La RMM mise sur le partage
des points de vue entre les individus et les compétences
des différents corps de métiers présents dans le service
de soins, voire l’établissement [4,25]. Il s’agit d’analyser
des événements survenus non désirés afin d’en tirer des
enseignements. Cette analyse doit se faire de fac¸on répé-
tée dans le temps et aboutir à des actions d’amélioration
[8,18,23].
Elle fait partie des méthodes proposées aux équipes
médicales dans leur démarche d’EPP [17]. Développée dans
les années 1980 aux États-Unis comme méthode pédago-
gique pour la formation initiale et continue des chirurgiens,
cette méthode s’est peu à peu imposée comme une méthode
d’amélioration des pratiques médicales mais aussi de ges-
tion des risques cliniques [10].
La RMM est rarement utilisée en psychiatrie [16] alors
qu’elle l’est plus fréquemment en chirurgie [12,13,15],en
gastroentérologie [1,2], en médecine d’urgence [20] ou
encore en pédiatrie [11]. Idéalement, un outil de présen-
tation définit les critères de validation de la RMM au sein de
2Est qualifié de grave, l’événement indésirable qui est associé à
un décès ou à une menace vitale ou s’il est susceptible d’entraîner
une prolongation d’une hospitalisation de plus d’au moins un jour
ou un handicap ou une incapacité à la fin de l’hospitalisation. Les
événements à l’origine d’une hospitalisation sont considérés comme
graves.
3Manuel de certification des établissements de santé V2010, HAS
décembre 2008, 84p. (http://www.has-sante.fr/portail/upload/
docs/application/pdf/2008-12/20081217 manuel v2010 nouvelle
maquette.pdf).
l’établissement et propose des modèles d’intervention fai-
sant consensus au sein de l’établissement4. Cette démarche
permet une homogénéisation des pratiques et pourrait per-
mettre, dans le temps, d’élargir la RMM (la RMM interservice
est souvent un souhait exprimé par les praticiens déjà impli-
qués dans une RMM).
L’analyse des causes
Méthodologiquement, l’analyse des causes est d’autant
plus souhaitable que l’événement non souhaité a une
criticité5inacceptable et/ou un caractère évitable6[21].
Une méthode d’analyse favorise la réflexion collective sur
l’ensemble des facteurs sources probables de l’événement.
Les professionnels recensent, de manière orientée et sys-
tématique, l’ensemble des causes du problème identifié
sans se limiter aux causes immédiates. Ainsi, ils envi-
sagent systématiquement les causes dites «profondes ».
Il s’agit d’aller identifier l’ensemble des causes favo-
risant la survenue de l’évènement au-delà de celles
liées au facteur humain (patient/entourage et/ou pro-
fessionnels) et donc de ne pas méconnaître les causes
liées à l’environnement, aux méthodes de soins utilisées,
etc.
Dans le cas présent, une méthode simple (méthode des
5M) a été choisie, symbolisée par le diagramme d’Ishikawa
encore appelé «diagramme en arête de poissons ». Elle
consiste à passer en revue les causes possibles classées en
cinq domaines : milieu, méthode, moyens, main d’œuvre
et matériel. Selon les services ou les évènements ciblés, le
contenu de chacune des arêtes peut être réfléchi au regard
de l’activité.
Résultats
Validation d’un outil par l’équipe
Un diagramme des 5M spécifique à l’événement suicide a
été proposé par le médecin coordonnateur et validé par le
médecin référent (revue de la littérature sur les facteurs
de risques de survenue des suicides). Une fois ce travail
préalable réalisé, l’outil a été proposé à l’équipe. Au terme
de la première RMM, l’outil a été enrichi par l’expérience
clinique collégiale et a servi de support d’analyse pour les
événements (Annexe 1).
4Pour exemple, les outils AP—HP : optimiser la sécurité du
patient : revues de mortalité-morbidité Pibarot M.-L., Papier-
nik E. Guide AP—HP, 2006, 46p. associé à une valise-outil
appelée «Kit RMM »(disponible sur l’Intranet de l’AP—HP) et
une autoévaluation de sa RMM (http://intranet.aphp.fr/sections/
dpm/metiers/gestion-risques/revue-morbidite/).
5La criticité d’une situation est caractérisée par sa gravité mul-
tipliée par sa fréquence.
6Le caractère évitable d’un évènement indésirable (EI) se carac-
térise par le fait que l’EI ne serait pas survenu si les soins avaient
été conformes à la prise en charge considérée comme satisfaisante
au moment de la survenue de l’EI.