UNIVERSITÉ DU QUÉBEC À MONTRÉAL L'ANALYSE DU PROBLÈME KURDE EN TURQUIE: LE RÔLE DU PKK DANS LA RECONNAISSANCE DE LA QUESTION KURDE MÉMOIRE PRÉSENTÉ COMNIE EXIGENCE PARTIELLE À LA MAÎTRISE EN SCIENCE POLITIQUE PAR SUNA KARAKUS FÉVRIER 20 10 UNIVERSITÉ DU QUÉBEC À MONTRÉAL Service des bibliothèques Avertissement La diffusion de ce mémoire se fait dans le respect des droits de son auteur, qui a signé le formulaire Autorisation de reproduire et de diffuser un travail de recherche de cycles supérieurs (SDU-522 -Rév.01-2006). Cette autorisation stipule que «conformément à l'article 11 du Règlement no 8 des études de cycles supérieurs, [l'auteur] concède à l'Université du Québec à Montréal une licence non exclusive d'utilisation et de publication de la totalité ou d'une partie importante de [son] travail de recherche pour des fins pédagogiques et non commerciales. Plus précisément, [l'auteur] autorise l'Université du Québec à Montréal à reproduire, diffuser, prêter, distribuer ou vendre des copies de [son] travail de recherche à des fins non commerciales sur quelque support que ce soit, y compris l'Internet. Cette licence et cette autorisation n'entraînent pas une renonciation de [la] part [de l'auteur] à [ses] droits moraux ni à [ses] droits de propriété intellectuelle. Sauf entente contraire, [l'auteur] conserve la liberté de diffuser et de commercialiser ou non ce travail dont [il] possède un exemplaire.» REMERCIEMENTS Ce mémoire s'achève finalement, après plusieurs mois de recherche. Cette étude n'aurait pu voir le jour sans Je soutien de plusieurs individus, à qui je tiens à exprimer ma profonde et sincère gratitude. En tout premier lieu, je remercie mon directeur de recherche, Lawrence Olivier, pour ses conseils et ses encouragements tout au long de mes études en Science Politique et pendant la direction de ce mémoire. Son encadrement m'a grandement aidé à enrichir ma recherche. Je tiens aussi à remercier mon co-directeur, Samir Moukal, pour ses judicieux conseils et le soutien qu'il m'a accordés. J'aimerais aussI remercIer mon professeur Daniel Holly et Samir Battiss qUI ont accepté gentiment d'être membre de jury. Merci aussi à mes parents (Mehmet et Serife Karakus) à mes frères (Sedat, Mustafa et Vedat), à mon unique sœur Saadet et à mes belles sœurs Dilek et Mélanie, à ma tante Adile et à mon seul neveu Mehmet Araz qui n'ont cessé de m'encourager tout au long de l'accomplissement de ce travail. Je dois d'ailleurs décerner une mention spéciale à mon frère Mustafa qui m'a assisté dans la révision et la mise au point de ce mémoire. Merci, finalement à tous ceux qui, de près ou de loin m'ont encouragé pour la réalisation de ce mémoire. Bonne lecture. TABLE DES MA TIÈRES vi IŒSUMÉ INTRODUCTION 1 PREMIÈRE PARTIE ORIGINE DU PEUPLE KURDE ET SON HISTOIRE 15 CHAPITRE 1 ORIGINE DU PEUPLE KURDE. 16 1.1 Contexte géographique 19 1.2 Croyance religieuses 21 1.3 La langue 24 CHAPITRE II DÉBUT DES SOULEVEMENTS 27 2.1 La conquête Arabe et la Bataille de Tchaldran 27 2.2 Les révoltes du XIXe siècle 28 2.2.1 Révolte des Baban 29 2.2.2 La révolte du Mîr Mohammed 30 2.2.3 Révolte de Bedir Khan 31 2.2.4 La révolte de Yezdan Sher 31 2.3 Le règne d'AbdulHamit II 33 2.4 La Révolution des Jeunes Turques 35 CHAPITRE III LES ANNÉES DE LA PREMIÈRE GUERRE MONDIALE..37 3.1 Les Kurdes durant la guerre 37 3.2 La période de 1918-20 39 3.3 Le traité de Sèvres (10 août 1920) .41 iv CHAPITRE IV LES ANNÉES 1920 .45 4.1 Relation de Mustafa Kemal avec les Kurdes .45 4.2 Le traité de Lausanne et ses effets sur le peuple Kurde .46 4.3 Les trois grandes révoltes kurdes 50 4.3.1 La révolte de Cheikh Saïd (février-mai 1925) 4.3.2 La révolte du Mont Ararat (1930) 51 00 4.3.3 La révolte de Dersim (1936-1938) 52 53 CHAPITRE V LES MOUVEMENT NATIONAL KURDE ET LE SENTIMENT DU NATIONALISME 54 5.1 Les origines du mouvement national kurde 54 5.2 Apparition du nationalisme 57 CONCLUSION DE LA PREMIÈRE PARTIE 61 DEUXIÈME PARTIE LE RÔLE DU PKK DANS LA RECONAISSANCE DU PROBLÈME KURDE CHAPITRE 1 ORIGINE DU PKK 62 1.1 Contexte historique 63 1.2 La fondation du PKK 65 1.3 Son idéologie 67 1.4 Le leader du PKK, Abdullah Ocalan 69 CHAPITRE II 72 PKK SUR LE PLAN POLITIQUE 2.1 L'organisation politique 72 2.2 RappOt1 avec les autres mouvements kurdes 75 2.3 Les relations extérieures du PKK. 77 v CHAPITRE III LUTTE ARMÉE 80 3.1 Les militants du PKK 80 3.2 Les femmes combattantes 81 3.3 La Guérilla kurde CHAPITRE IV 84 IMPACT DU PKK DANS LA REVENDICATION D'INDÉPENDANCE DES KURDES 87 4.1 Réveil d'un Peuple avec PKK 87 4.2 Reconnaissance de la force du PKK par les autorités turques 92 4.3 Internationalisation de la question kurde 95 CHAPITRE V RÉUSSITE OU ÉCHEC DANS LA LUTTE 98 5.1 Lutte armée à la diplomatie 98 5.2 PKK après l'arrestation d'Ocalan 102 CONCLUSION 105 BIBLIOGRAPHIE. Ill RÉSUMÉ L'objectif de notre étude est d'analyser le rôle prééminent du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) pour l'avancement de la cause kurde. Ce mouvement politique a été mis en place par des Kurdes vivant en Turquie, et dont le leader n'est autre qu'Abdullah Ocalan, il nous apparaît central de limiter notre travail à la partie kurde de la Turquie. Mentionnons aussi que la question kurde est l'un des obstacles les plus sérieux auxquels fait face la Turquie, pour son développement démocratique et économique et bien sûr pour son entrée dans J'Union Européenne. Afin de mieux comprendre la question kurde et surtout le rôle joué par le PKK pour la reconnaissance de celle-ci qui prend racine dans le Kurdistan du nord, il est essentiel de présenter les origines du peuple kurde. Dans cette partie que nous jugeons incontournable pour la compréhension de notre sujet, nous allons également aborder d'autres éléments tels: le cadre géographique, la langue, les croyances, les relations du peuple kurde avec l'Empire Ottoman durant la Première Guerre mondiale et durant les années 1920 ainsi que les causes de sa partition entre quatre États résultant du partage de l'Empire Ottoman par la Société des Nations (SDN) suite au Traité de Lausanne de 1923. Quant à la deuxième partie de notre recherche, elle porte essentiellement sur le rôle du PKK dans la reconnaissance du problème kurde. Entres autres, nous examinerons d'une part, l'origine du PKK, son idéologie et le rôle joué par le leader Ocalan, d'autre part nous nous intenogerons sur l'impact de ce mouvement politique dans la revendication de l'indépendance du Kurdistan ainsi que sur les conséquences positives ou négatives de sa lutte armée. Mot clés: Kurdistan, Turquie, PKK, État, Indépendance, Conflit, Revendication, Traité, Nationalisme. INTRODUCTION La capture du leader kurde, chef du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) Abdullah Ocalan, le 15 février 1999 à Nairobi (Kenya) par des agents secrets fut un événement majeur qui permit à la fois, de propulser la question kurde à la une de l'actualité internationale, de questionner l'ensemble des fondations historiographiques du PKK, sa raison d'être et son avenir, et de constituer ainsi un objet d'analyse pour le milieu de la recherche. Depuis cet événement, les médias d'une part, et certains chercheurs, d'autre part, nous ont rapportés souvent des informations sur les Kurdes et sur le PKK. L 'histoire des Kurdes (Cigerli, 1999), Genèse et déclin du PKK (Boulanger, 2006), le PKK et Dcalan (Cigerli et Le Saout, 2005), et Le PKK après la capture d'Dcalan (KÜÇÜK et GROJEAN, 2006) sont au cœur de ces analyses. Ce mouvement politique kurde né en 1978 à Ankara, puis implantée au Kurdistan dès 1979, à la suite de nombreuses exactions du gouvernement turc sur la communauté kurde. De fait, le PKK se présente comme un mouvement révolutionnaire démocratique national réunissant des travailleurs, des paysans et des intellectuels qui rêvent tous de mettre fin au colonialisme et de créer un Kurdistan démocratique et uni reposant sur des principes marxistes-léninistes qui sauront prendre en considération l'identité et la culture kurde. Ce pays souhaité réunirait ainsi, non seulement des kurdes de la Turquie, qui compte la plus forte communauté kurde (environ 20 millions), mais également ceux vivant dans les États limitrophes que sont l'Irak, l'Iran et la Syrie. Par ailleurs, depuis Août 1984, le gouvernement turc n'ayant pas donné suite à ses revendications, le PKK a radicalisé son discours qu'accompagnent désormais un nombre important d'actions violentes telles que la lutte armée et des attentats terroristes. Ces actions violentes sont souvent au cœur des analyses de la plupart des 2 auteurs qui mettent généralement moms d'emphase sur le rôle majeur de l'organisation qui, « au prix de plus de 30 000 victimes, dans ses rangs, chez les militaires turcs mais aussi parmi les civils, a réussi à placer la question de l'identité kurde au centre des débats en Turquie »1. L'objectif de notre recherche est d'analyser le rôle prééminent du PKK pour l'avancement de la cause kurde. Toutefois, étant donné que ce mouvement politique a été mis en place par des Kurdes vivant en Turquie, et dont le leader n'est autre qu'Abdullah Ocalan, il nous apparaît central de limiter notre travail sur la partie kurde de la Turquie. Mentionnons aussi que la question kurde est l'un des obstacles les plus sérieux auxquels fait face la Turquie, pour son développement démocratique et économique et bien sûr pour son entrée dans l'Union Européenne. De même, afin de mieux comprendre la question kurde et surtout le rôle joué par le PKK pour la reconnaissance de celle-ci qui prend racine dans le Kurdistan du nord, il est essentiel de présenter les origines du peuple kurde. Dans cette partie que nous jugeons incontournable pour la compréhension de notre sujet, nous allons également aborder d'autres éléments tels: le cadre géographique, la langue, les croyances, les relations du peuple kurde avec l'Empire Ottoman durant la Première Guerre mondiale et durant les années 1920 ainsi que les causes de sa partition entre quatre États résultant du partage de l'Empire Ottoman par la Société des Nations (SDN) suite au Traité de Lausanne de 1923. Quant à la deuxième partie de notre recherche, elle porte essentiellement sur le rôle du PKK dans la reconnaissance du problème kurde. Entres autres, nous examinerons d'une part, l'origine du PKK, son idéologie et le rôle joué par le leader 1 CIGERLI, Sabri et LE SAüUT, Didier, Dcalan et le PK/( Les mutations de la question kurde et au Moyen-Orient, Paris, Maisonneuve et Larose, 2005. 3 bcalan; d'autre part, nous nous interrogerons sur l'impact de ce mouvement politique dans la revendication de l'indépendance du Kurdistan ainsi que les conséquences positives ou négatives de sa lutte armée. La revue de la littérature Pour faire notre recherche, nous avons procédé à une analyse documentaire. Il est important de préciser qu'au cours de notre étude, nous avons fait face à plusieurs difficultés concernant notre revue de la littérature. Tout d'abord, les documents venant du PKK étaient essentiels pour réaliser notre étude; toutefois il nous a été difficile voire même impossible d'avoir accès aux documents venant du PKK, même l'accès à son sÜe internet était et reste toujours inaccessible, puisque ces informations ont été soit censurées, soit saisies par les gouvernements turc et américain. Néanmoins, nous avons consulté les sites créés par les partisans du PKK : Rojaciwan, Kurdistan-post et celui en l'honneur d'Abdullah bcalan : Abdullah-bcalan.com. Ces sites nous ont été fort utiles pour pouvoir effectuer cette analyse. De plus, quelques auteurs français et anglophones ont consacré des études sur le PKK. Il s'agit de : Marcus, 2007 ; More, 1984 ; Criss, 1995 et Le Saout, 2005. L'exploitation des sources turques écrites par des chercheurs kurdes s'est aussi avérée indispensable pour traiter de l'évolution du mouvement kurde parce que ne se contenter que de la littérature française et en anglaise n'aurait pas été suffisant pour avancer dans notre étude. Les chercheurs kurdes vivant et ayant l'expérience du telTain et de la langue possèdent d'importantes informations venant directement du pays contrairement aux chercheurs étrangers. Cette littérature kurde représente une source d'information unique, d'ailleurs les sources de : Ersever, 1998 ; Birand, 1992, Cigerli, et Le Saout, 2005 et Bozarslan, 1997, nous ont permis de mieux appréhender notre sujet. 4 De ce fait, à partir de toute cette littérature, nous diviserons notre étude en deux grandes parties. Comme mentionné ci-haut, la première partie de notre analyse qui portera sur l'origine de la question kurde se consacrera plus à l'historique des kurdes vivant en Turquie (Bender, 1997; Aymar, 2007; Bois, 1965, Cigerli, 1999; Bozarslan, 1997; Chaliand, 1981 et 1997, Dorin, 2005; Boulanger, 1998 et 2006). Dans la deuxième partie de l'étude, il s'agira de traiter du rôle du PKK dans la reconnaissance du problème kurde, car nous nous sommes rendues compte, en parcourant attentivement notre littérature, qu'il y a peu d'analyses effectués sur le PKK. Il est en effet étonnant de constater le déni d'existence de ce mouvement par la plupart des chercheurs qui préfère soit le dénoncer soit l'accuser de jouer un rôle qui n'est jamais démontré ainsi que son importance ou sa portée. Pourtant, le PKK a fait plus que jouer un rôle, il a notamment internationalisé la question kurde. (Verrier, 1997; Cigerli et Le Saout 2005; Ersever, 1998; Ocalan, 1994; More, 1984; Kutschera, 2000). État des connaissances La question nationale kurde n'a jamais cessé d'être à l'ordre du jour depuis l'effondrement de l'Empire Ottoman et de son partage colonial au lendemain de la Première Guerre mondiale. En général, pour traiter cette question le point de vue historique et politique (identité, indépendance, conflit armé et nationalisme) sont indispensables. Toutefois, avant d'aborder ces deux parties, retenons d'abord deux réalités importantes, à savoir que « le peuple kurde a constamment subi la domination ottomane et des pays occidentaux (France, Grande-Bretagne, États-Unis) qui ont grandement influencé le destin des Kurdes >? Il est également à noter que l'histoire a témoigné de la résistance des Kurdes qui a souvent pris la forme de révoltes ou de luttes armées qui se sont terminées de manière dramatique. Cette volonté des Kurdes 2 Le quotidien kurde, Kurdistan-post, page consultée le 07 janvier 2009. 5 est constante dans l'histoire et de nos jours elle a pris plusieurs formes: lutte armée et lutte diplomatique. Point de vue Historique Pour ce qui est du point de vue historique, Philippe Boulanger mentionne qu'historiquement, les Kurdes ont toujours subi: (...) les contrecoups de la tectonique des plaques qui constitue cette région du monde appelée aujourd'hui Proche-Orient, sans que ses habitants, qu'ils soient Turcs, Arabes, Persans ou Kurdes, parviennent à identifier une hypothétique «identité proche-orientale»: les uns parlent d'Asie ou d'Anatolie quand les autres s'accrochent aux souvenirs brumeux de la Mésopotamie ou de la Grande Syrie 3 . Çemsit Bender souligne que les Kurdes constituent le peuple le plus ancien de l'Anatolie, d'ailleurs le Kurdistan qui occupe un quart du territoire turc est situé au Sud-est du plateau anatolien. Ce même auteur mentionne que «Jusqu'au XVIIe siècle, l'ensemble des populations kurdes se trouvait sous la domination de l'empire ottoman et vivait sur un seul et même territoire, le Kurdistan historique. Puis, la reconquête persane a provoqué une première séparation géographique »4. Les Persans se sont ainsi emparés d'une partie du Kurdistan de l'Empire Ottoman, formant ce qu'on appelle aujourd'hui le Kurdistan d'Iran. La population kurde se retrouve donc divisée en deux territoires, la grande majorité restant du côté turc. Comme le note Philipe Boulanger,« Pris en tenaille par les Empires ottoman et perse entre le XVe et le XXe siècle, puis par les États-nations crées au début du XXe siècle sur les BOULANGER, Philippe, Géopolitique des Kurdes, Paris, Ellipses Éditions Marketing, 2006, p. 14. BENDER, Çemsid, Kurt Tarihi ve uygarligi (L 'histoire kurde et leur civilisation), Hem-Ley yayinevi, 1997, p. 11. 3 4 6 décombres de ces empires, les Kurdes se sont toujours vus, jusqu'à nos jours, refuser le droit à l'indépendance nationale» 5. Le 10 août 1920, la Turquie Signe avec les puissances alliées le traité de Sèvres qui annonce la création d'un État kurde indépendant. Cependant, après le traité de Sèvres, Mustafa Kemal, qu'on qualifie de « père des Turcs (Atatürk) », prend le pouvoir en Turquie. Entre 1919 et 1923, les Kurdes constituaient de forts alliés de Mustafa Kemal. Ils participent aux guerres de reconquête kémaliste (idéologie de Mustafa Kemal), notamment à travers leur engagement dans les batailles contre les Grecs, les Russes, les Perses, etc. De plus, Atatürk s'assure de leur soutien, non seulement dans la guerre d'indépendance menée contre les Anglais et les Français, mais aussi pour se protéger du danger arménien. Il se propose de libérer le territoire musulman occupé par les « gavours » (nom donné aux Chrétiens) pour créer un État Turc et Kurde. Comme le mentionne Sabri Cigerli, « cette alliance kurdo-turque, qui prit une ampleur nationale, donne lieu à toute une série de succès de Mustafa Kemal entre 1920 et 1922, notamment face aux Grecs qu'il chasse d'Anatolie, obligeant les Alliés à revenir sur leur décision»6. Le traité de Sèvres n'étant pas approuvé, un nouveau traité, celui de Lausanne, est alors signé entre les Alliés et les nouveaux dirigeants de l'État turc, le 24 juillet 1923. Ce traité déclare la victoire de Mustafa Kemal. Dans ce traité, il n'est plus question d'autonomie pour les Kurdes. C'est donc à partir de ce moment historique, que le face-à-face entre Kurdes et Turcs commence. Entre 1925 et 1938, dans la Turquie dirigée par Mustafa Kemal, trois grandes révoltes marquent l'histoire de la rébellion kurde dans le pays: la révolte de Cheikh Saïd, la révolte du mont Ararat et la révolte de Dersim. Ces révoltes sont violemment écrasées par le régime de Mustafa Kemal, et entraînent de sévères interventions 5 6 BOULANGER, Philippe, Géopolitique des Kurdes, op. cil. , p. 14. CIGERLI, Sabri. Les Kurdes et/eur Histoire, Paris, Éditions l'Hannattan, 1999, p. 106. 7 militaires. « Elles restent néanmoins des moments de sursaut populaire et des actes de résistance face à l'oppression turque»7. En 1960, un coup d'État militaire renverse le gouvernement. Une nouvelle constitution, plus libérale que les précédentes, sera alors adoptée. En 1965, l'accès du Kurdistan de Turquie, déclaré en 1925 zone militaire interdit aux étrangers, devient accessible à ces derniers. En 1970, un nouveau coup d'État militaire se produit en Turquie. Le gouvernement Turc interdira des partis et organisations de gauche, entre temps, plusieurs milliers de séparatistes kurdes seront arrêtés puis traduits devant les tribunaux de l'état de siège. En 1977, le PKK est crée par Abdullah Oca1an et par des étudiants kurdes qui revendiqueront les violences commis par les militants au nom du peuple kurde. Dès ce moment, les autorités turques considéreront tous événements ou actions comme un danger, voire même une menace pour leur État. Nous en parlerons plus en détails de ce mouvement dans notre deuxième partie de notre étude. Point de vue politique Au cours de notre revue de la littérature, nous avons distingué quatre concepts qui nous semblent pertinents pour comprendre la présente étude. Un des concepts importants pour analyser le problème kurde serait celui de l'identité. D'abord, le mot identité qui vient du latin idem, veut dire pareil. Au départ,. l'identité tendait à rapprocher, à réunir. Comme le note Philippe Boulanger, «paradoxalement, l'identité a pour principale vocation aujourd'hui de séparer plutôt que de réunir: on réclame son identité pour se démarquer des autres, et non pour s'en 7 DORIN, Bernard, Les Kurdes, Destin héroïque, destin tragique, Paris, Édition Lignes de Repères, 2005, p. 70. 8 rapprocher. On fait l'éloge du plus petit dénominateur commun »8. Il est également nécessaire de mentionner que la notion d'identité renvoie à une dimension surtout individuelle. Dans une acception durkheimienne explicitement fonctionnaliste, «l'identité résulte d'une transmission méthodique assurée principalement pendant l'enfance; inculcation assurant la stabilité temporelle »9. Chez les Kurdes, cette question d'identité mérite qu'on y porte une attention particulière. En effet, différents éléments expliquent comment l'identité de ces derniers forme un véritable enjeu politique. Enjeu politique qui, en Turquie, prend la forme d'une répression violente de la part du gouvernement. Mentionnons que la question kurde est née en premier lieu, du simple refus de la reconnaissance de l'identité kurde par les États occupants. Alors, il serait normal de chercher la solution à ce problème dans le concept d'identité même. En d'autres mots, la solution résiderait dans la reconnaissance inconditionnelle des droits identitaires aux Kurdes. C'est une solution qui paraît simple à appliquer mais en réalité elle est difficile à réaliser à cause des différentes dynamiques présentes dans la région. D'abord, il faut expliquer et faire comprendre aux différents acteurs impliqués notamment les État occupants, que la question est évidemment un problème de non reconnaissance de l'identité et des droits identitaires. Ensuite, il faut éclairer aussi, d'une façon très détaillée, les nécessités et les raisons pour lesquels on doit reconnaître les droits identitaires kurdes et les façons par lesquelles on peut arriver à ce but. Toutes ces procédures doivent être appliquées dans une perspective démocratique et pacifique pour atteindre efficacement l'objectif visé. 8 BOULANGER, Philippe, Géopolitique des Kurdes, Paris, Ellipses Éditions Marketing, 2006, p. 246. DURKHEIM, Émile, Représentations individuelles et représentations collectives. In Revue de métaphysique et de morale, 1998, VI ; p, 1]. 9 9 Traitons maintenant cette question à la lumière du concept d'indépendance. « L'indépendance correspond à l'état d'une personne libre de toute dépendance. Ce terme se dit spécialement en parlant des nations qui ne relèvent plus d'une autre. Après avoir déclaré son indépendance, une région peut être reconnue comme un État à part entière» 10. «Par leur situation géographique, les régions kurdes ont subi continuellement des guerres et des partages, d'abord entre les Empires Ottoman, Perse, Russe et par la suite par les États Nations: l'Irak, la Turquie et la Syrie» Il. Après le partage de l'Empire Ottoman par la Société des Nations et le Traité de Lausanne, les Kurdes ne purent accéder à l'indépendance et restèrent divisés entre quatre pays. En fait, la République fondée par Kemal Atatürk appuya immédiatement sa Constitution et les principes de sa citoyenneté sur l'appartenance à la «race turque». En droit et en fait, se réclamer d'une autre ethnie devint un crime d'État. De ce fait, les Kurdes faisaient face dorénavant à un refus officiel de leur présence en Turquie. Alors le PKK commence à lutter pour avoir le droit à l'autodétermination, et dans une perspective plus large, avoir leur propre patrie, le Kurdistan. Tous les États dans lesquels vivent cette communauté non-négligeable en nombre, s'opposent simplement à la création d'un État kurde, craignant de devoir laisser une partie de leur territoire national. La recherche de leur droit d'identité et leur indépendance ont opposé les Kurdes aux autorités dominantes. Ici, le concept du conflit sera utile pour expliquer cette résistance Kurde. Depuis trente ans, la guerre frappe le Kurdistan causant de lourds dommages: plus de 35.000 victimes, villages détruits, des milliers de disparus, des dizaines de milliers de victimes de tortures et l'exil. Comme le mentionne l'Amnesty international : 10 En ligne, http://pscaledonie.ouvaton. org/?Autonomie-et-Independance, page consultée le 22 novembre 2008. Il BENDER, Çemsid, Kurt Tarihi ve uygarligi (L 'histoire kurde et leur civilisation), op. cit., p. 15. 10 La politique nationaliste du gouvernement turc qui refuse tout droit à l'existence au peuple kurde et qui pratique un véritable terrorisme d'État en détruisant des villages, en déportant des masses de la population, en effectuant des arrestations arbitraires, des tortures systématiques, et assassinats et disparitions d'opposants n'ont fait qu'aggraver le conflit entre les Kurdes et l'État I2 • D'ailleurs, de nombreuses révoltes ont marqué la période entre les alU1ées 1925 et 1938, mais chacune d'entre elles a COlU1U une fin tragique. Plus tard, dans les alU1ées soixante-dix, de nombreux mouvements politiques, d'extrême gauche comme d'extrême droite, vont agiter le pays. À cette époque, les Kurdes militaient dans des partis de gauche turc. La quête de l'indépendance dans cette période ne constituait pas la préoccupation des Kurdes en général dû au fait de l'assimilation et de l'oppression pratiquées sur ce peuple par l'État. Cependant, malgré cette assimilation, certains jeunes Kurdes instruits et conscients de l'injustice que leur peuple subissait vont se réunir pour la cause kurde et créeront le PKK. Finalement, le concept de nationalisme est aussi important pour comprendre notre étude de cas. Benedict Anderson nous définit le nationalisme comme suit: C'est une communauté politique imaginée qui est imaginé à la fois comme intrinsèquement limitée et souveraine. Elle est imaginée parce que les membres ne saura jamais la plupart de leurs confrères, pourtant dans l'esprit de chacun vit l'image de leur communion. Elle est limitée car il a fini, bien que les limites élastiques au-delà duquel se trouve d'autres nations. Il est souverain parce qu'il est venu à échéance à un stade de l'histoire humaine où la liberté est un idéal rare et précieux. Et il est imaginé comme une communauté, car elle est conçue comme une profonde camaraderie horizontale 13 . 12 VANDERLINDEN, Jenny, Rapport de l'Amnesty International: TURQUIE: Fin de ['état profond? Les Kurdes de Turquie, numéro de décembre 2005, en ligne, http://www.amnestyinternational.be/doc/article6514.html. page consulté le 2 mars 2009. 13 ANDERSON, Benedict, Imagined communities: reflections on the origin an spread ofnationalism, 9 th edition, London- New York: verso, Il Le nationalisme turc considère l'Anatolie comme le berceau de la turquicité, qualifiant les Kurdes comme étant des Turcs des montagnes et la langue kurde comme une sous-langue turque. Ce rejet envers les Kurdes poussera ces derniers à adopter une défense basée sur le nationalisme pour mettre en évidence qu'ils sont en fait un peuple distinct qui possède une langue, une culture et donc une origine distincte des Turcs. Par conséquent, la naissance du PKK serait la conséquence du nationalisme kurde pour faire face au régime nationaliste totalitaire des puissances turques. Le nationalisme du PKK va être guidé par une historiographie marquée notamment par les révoltes kurdes et par la répression de l'État turc pour mettre fin à la résistance du peuple kurde. Ces révoltes sont un soulèvement contre les États répressifs et prétend dans le cas du PKK que la colonisation turque, arabe et persane est un projet délibéré d'aliénation de la nation kurde. Les pa11ages sociaux, linguistiques et religieux dans les régions de Turquie à majorité kurde exigent en effet l'unification des différentes populations autour d'un sentiment d'appat1enance à la kurdicité, c'est-à-dire à une entité plus large que la tribu, la religion ou la langue. « Mais si le nationalisme forme une mise en perspective du passé et un but pour l'avenir, il ne s'intéresse que peu au présent et court toujours le risque d'être taxé de particularisme là où la mobilisation nécessite un certain universalisme, un modèle économique à appliquer, un projet de société »14. Comme les organisations politiques des années 1960 et 1970 au Moyen-Orient, le PKK a de façon automatique adopté le marxisme-léninisme comme doctrine. « Néanmoins si, pour certains partis, cette pensée s'est décomposée (par exemple pour le Parti Démocratique du Kurdistan 14 BOZARSLAN, Hamit, La question kurde: états et minorités au Moyen-Orient, Paris: Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, 1997, p. 115-116. 12 d'Irak), elle a offert pour le parti d'Ocalan un stock d'idées, de moyens et de projets qui ont fortement orienté sa lutte }5. Selon Chaliand, le PKK est un parti « qui apparaît essentiellement tourné contre les possédants, qui privilégie la lutte sociale et l'élimination des partis concurrents, plutôt que le combat contre l'État turc »16. De ce fait, le PKK est une organisation indépendantiste à doctrine marxiste-léniniste. Son objectif est la création d'un État kurde "indépendant qui se situerait dans une région réunissant le sud de la Turquie, le nord de l'Irak, le nord de la Syrie et l'ouest de l'Iran. S'il adopte, comme quasiment toutes les autres organisations kurdes de l'époque, le marxisme-léninisme, il reste avant tout nationaliste. « Inversant l'historiographie turque érigée en idéologie d'État après 1923, empreint de darwinisme social et d'anthropologie raciale >P, se nourrissant de la répression des nombreuses révoltes kurdes des années 1920-1930, le nationalisme kurde se fonde en effet sur les idées de lutte pour la survie de la race ou de l'individu comme élément primordial de la nation biologique. Il faut aussi prendre en considération que la création du PKK s'inscrit dans une période caractérisée par la montée des mouvements radicaux marxistes dans le monde propre aux années soixante. Depuis de nombreuses années, le peuple du Kurdistan a mené une guerre de libération contre la domination étrangère et ses collaborateurs locaux. Le PKK a, donc, été fondé pour élever le combat au niveau d'une guerre de libération nationale en le combinant avec la lutte des classes. C'est la nouvelle organisation du prolétariat du Kurdistan. De ce fait, la création du PKK est une manifestation idéologique du nationalisme kurde qui arrive, finalement, à se libérer de la gauche communiste turque. Idem. CHALIAND, Gérard, Le malheur kurde, Paris, Éditions du seuil, 1997, p. 97. 17 BOZARSLAN, Hamit, Quelques remarques sur le discours historiographique kurde en Turquie . ­ 1919-1980 », Asien Afrika Lateinamerika, vol 49, 2001, pp. 47-71. 15 16 13 La problématique Comme nous avons mentionné plus haut, il y a eu plusieurs révoltes de la part des Kurdes, sans que celles-ci n'aboutissent à des résultats favorables pour le peuple. À partir du soulèvement du Cheikh Saïd, a débuté une période de révoltes continues qui ont débuté par celles d'Ararat et se sont terminées par celles du Dersim. Cependant, à cause de la division frontalière, de l'absence de structures politiques modernes et du manque d'alliés extérieurs, les Kurdes ont été perdants à chaque fois, et les révoltes ont été noyées dans le sang. La création du PKK des années plus tard peut aussi être considérée comme une réaction à ces défaites humiliantes. C'est peut être là, la raison de la création du PKK. Après avoir lu la littérature, deux constats s'en dégagent. D'abord, tel que souligné précédemment, il y a eu des luttes et des révoltes de la part des Kurdes. Ces luttes sont présentées et analysées par plusieurs auteurs mais peu d'entre eux s'efforcent d'expliquer ceux qui les organisent et les structurent. Ensuite, on se rend compte qu'il y a peu d'analyses effectuées sur le PKK alors que ce dernier joue un rôle déterminant dans la lutte d'indépendance des Kurdes. Il est étonnant de constater que le peu d'analyse du PKK consiste soit à le dénoncer, soit pour affirmer qu'il joue un rôle sans réellement l'expliquer ainsi que son importance ou sa portée. Pourtant, le gouvernement turc considère que la fin du PKK mettrait fin à la question et au problème kurde. C'est donc qu'il a acquis une importance que semble encore nié certains analystes. Proposition de recherche Pour rendre compte des luttes et des révoltes politiques des Kurdes, ne faut-il pas analyser le rôle du PKK qui est le mouvement politique de résistance qui a duré le 14 plus longtemps dans l'histoire kurde? Il faudrait souligner qu'il ne fait aucun doute que si aujourd'hui le monde entier connaît les Kurdes c'est essentiellement dû aux actions militaires (conflit, lutte pour l'indépendance) et politiques (identité et nationalisme) du Parti des Travailleurs du Kurdistan. Notre proposition de recherche s'énonce ainsi: Même si nos auteurs n'en font qu'une analyse superficielle, le PKK joue un rôle majeur dans la politisation du peuple kurde et cherche à rétablir le rapport de force jugé nécessaire à la constitution d'un État indépendant. De plus, le PKK a permis : D'abord, de faire reconnaître la question Kurde, internationaliser le conflit. Il est difficile maintenant de l'ignorer. C'est une question avec laquelle le gouvernement turc doit composer sur le plan international. Ensuite, le PKK est parvenu à mobiliser une partie de la population Kurde, surtout urbaine et scolarisée, a créé un sentiment d'appartenance et a mené depuis trente ans une lutte armée et politique contre l'armée turque. Les rebelles du Parti des travailleurs du Kurdistan livrent un combat violent et acharné contre l'armée turque avec pour but d'obtenir la création d'un État kurde indépendant. Aujourd'hui, les partisans du PKK exigent la reconnaissance de leur peuple ainsi que la conservation de leur identité et de leur culture. Si la raison de leur lutte a changé, les moyens pour y parvenir sont restés les mêmes voire se sont radicalisés: la lutte armée et une guérilla urbaine contre l'État Turc et ses institutions. PREMIÈRE PARTIE ORIGINE DU PEUPLE KURDE ET SON HISTOIRE Tout peuple a son histoire et une origine. Le peuple kurde a aussi un destin qUi les diffère des autres peuples. Avant d'aborder le rôle du PKK dans la reconnaissance du problème kurde, il est important de présenter l'origine du peuple Kurde, son cadre géographique, sa langue, ses croyances, ses relations avec l'Empire Ottoman durant la Première Guerre mondiale et durant les années 1920 et de montrer les causes de son déchirement entre quatre États. Cette première partie ne prétend pas l'originalité mais plutôt un travail de vulgarisation pour un lecteur qui a surement entendu parler des Kurdes, mais pour qui, bien des aspects de la vie passée et des faits récents sont inconnus. Les pages qui suivent ont pour but d'apporter au lecteur des éléments d'information, d'analyse sur l'histoire des Kurdes vivant en Turquie qui s'avèrent nécessaires pour saisir le rôle du PKK. CHAPITRE 1 ORIGINE DU PEUPLE KURDE Commençons notre analyse par un regard sur l'origine de ce peuple. Il y aurait plusieurs historiens qui ont fait des recherches à ce sujet. D'après les ouvrages étudiés, notamment celui d'Aymar Olivier, l'origine exacte du peuple kurde reste très vague. Certains linguistes kurdologues postulent que le mot kurde Kardou et Cardou est apparu pour la première fois dans les écrits de Xénophon. Garo Sasuni pense « qu'il est probable qu'avant même l'arrivée des Perses au Kurdistan, ces régions se sont appelées Kardou ou Kourdou, que ce terme, par la suite, aurait subi des changements de prononciation du fait des nouveaux arrivants et qu'il serait devenu Kourde et Kourte ».18 D'autres historiens avancent l'idée que les Kurdes descendent des Mèdes ou des Scythes, à l'époque de l'Empire Perse de Cyrus et Darius. Cependant, Chukru Melunet Sekban n'est pas d'accord avec l'idée que les Kurdes descendent des Mèdes. Il affirme que les Kurdes habitaient les régions où ils habitent aujourd'hui même avant l'arrivée des Mèdes. Selon le professeur Speiser, «une inscription archéologique découverte à Zêhave, près de Suleymania, en Irak, et appartenant au roi de Lullu nommé AnnoBanni, démontre l'existence des Kurdes Gutti dans cette contrée en 1900-1880 av. J.-C »19. Chukru Melunet Sekban voulait autant démontrer que les ancêtres des Kurdes étaient les Gutis 20 et non les Mèdes. Selon ce dernier, avant l'arrivée des Mèdes dans les contrées où habitent présentement les Kurdes, ces derniers se sont battus presque pendant deux cents ans contre les Assyriens: «Les 18 SASUNI, Garo, Les mouvements nationaux kurdes et les relations kurdo-arméniennes depuis XVe siècle siècle. (XV. Yüzyildan beri Kiirt Vlusal Hareketleri ve Kiirt Ermeni iliskileri), Istanbul, 1992, p. Il. 19 AYMAR, Olivier, L 'Histoire Kurde, Des origines à l'an 2000, Paris, 2007, p. 10. 20 Peuple nomade de l'est de l'Asie, venu s'installer en Mésopotamie vers 2130 av. 1.-c. au détriment des Akkades. 17 Mèdes, peuple aryen, émigrants du sud-est de la CaspielUle, auraient envahi le Kurdistan aux Xe - XIe siècles av. J.-c. En guerre continuelle avec les Assyriens, ils finirent par les assujettir, en 612 av. J.-C, avec la prise de Ninive, avant d'être battus à leur tour par le Perse, Cyrus le Grand, en 550 av. J.-C »21. Finalement, Chukru Mehmet Sekban a vraiment la certitude que les Kurdes ne sont pas les descendants des Mèdes, thèse soutenue aussi par plusieurs autres chercheurs Kurdes qui se sont rendus dans les contrées kurdes. M.Sekban mentiolUle: ... qu'en plus des récits historiques, qui font remonter l'établissement du peuple kurde dans leur contrée actuelle à plus de 2200 ans avant l'arrivée des Mèdes dans leur pays, les documents archéologiques prouvent que les Mèdes ne sont pas, contrairement à la conviction erronée des Kurdes, leurs ascendants, mais tout simplement des intrus qui, en vertu de leur merveilleuse organisation, ont pris ceux-ci sous leur domination et ont fondé l'empire mède 22 soutenu par les Kurdes eux-mêmes . En fait, c'est aux alentours de 1150 qu'apparaît pour la première fois le mot Kurdistan pour désigner cette région où vit un peuple, entre la Perse et l'Empire Ottoman. Par la suite, les traités ont été abondants concernant les frontières de la région. Le sultan Sandjar, le dernier grand souverain seldjoukide, créa une province nommée Kurdistan. Elle comprenait les régions situées entre l'Azerbâïdjân, et le Luristân (Senna, Dinâvar, Hamadân, Kermânshâh), ainsi que certains territoires situés à l'ouest de Zagros (Sharizour, Khuftiyân ou Koy Sindjâk). Au XVIIe siècle, l'administration ottomane évoque le nom du Kurdistan pour indiquer les régions de Dersim, Mus et Diyarbakir qui est l'actuel capital du Kurdistan. Finalement, d'autres auteurs soulignent que les origines du peuple kurde remontent à l'histoire de toutes les tribus indo-européelUles qui ont émigré au 21 22 AYMAR, Olivier, L 'Histoire Kurde, Des origines à l'an 2000, op. cit. ,p. 10. Ibid. , p. 11. 18 Kurdistan et se sont mélangées aux habitants de cette région. Les Kurdes étant originaires de cette région, il n'y a donc pas de point de départ dans leur histoire et leur peuplement. Ils sont issus de milliers d'années d'évolution interne continuelle et de l'assimilation de nouveaux peuples. Nous pouvons tout à fait affirmer que les Kurdes composent une population refuge. Ils apparaissent ainsi comme les descendants de divers groupes anciens, y compris des peuples caucasiens du nord et de ceux qui peuplaient autrefois les territoires montagneux à l'ouest de la Mer Caspienne. La partie centrale de ces territoires s'étale des deux côtés des montagnes du Zagros et s'étend au sud et à l'est de l'Anatolie méridionale, dans la zone montagneuse du nord de l'Iraq et de la Syrie. Comme on l'observe, la question de l'origine de ce peuple démontre des aspects vagues. Il est possible que toutes ces thèses scientifiques ou mythologiques renferment des éléments de vérité et que les Kurdes soient un peuple influencé des diversités culturelles, linguistiques et historiques des Turcs, des Arabes, des Mèdes, des Persans, des Géorgiens. Alors, comment pourra-t-on définir les Kurdes? Autrement dit, qui sont les Kurdes? Néanmoins, si on doit octroyer une date pour l'apparition des Kurdes dans l'histoire, on peut affirmer que « c'est en 646, au cours de l'invasion arabe de l'Iran et de Turkestan. C'est au moment de ces conquêtes que les Arabes et l'histoire du monde les ont aperçus pour la première fois »23. D'ailleurs, c'est à ce moment que l'islamisation des Kurdes a débuté. À cette époque des Califes omeyyades (661-750), le peuple kurde est devenu allié des Arabes et ils ont participé à plusieurs soulèvements au côté de ces derniers. Au cours de l'époque des croisades, les Kurdes sont parvenus à la célébrité grâce à leur courage. Salahaddin Eyubi qui a mis fin aux croisades en remportant la victoire, était lui-même un Kurde. 23 UNAL, Enver, La citoyenneté turque et la question kurde, Mémoire présenté pour l'Université Lumière Lyon 2, Institut d'études politiques de Lyon, D.E.A. Science politique, en ligne, hW:/1doc-iep. un i v-l yon2.frlRessourceslDocu me ntslEtud ian ts/Memoires/DEN unal u/these. htm, page consultée le 16 janvier 2008. 19 1.1 Contexte géographique On note que le nombre des Kurdes vivant dans les quatre parties du Kurdistan est environ 40 millions. En chiffre, les Kurdes sont, avec les Arabes, les Turcs et les Perses, une des quatre grandes nations du Proche-Orient. Peuple autochtone, ils sont divisés entre la Turquie, l'Iran, l'Irak et la Syrie, avec une diaspora «d'environ 1.3 millions de personnes en Europe occidentale, surtout en Allemagne, en France et dans les pays scandinaves »24. C'est un peuple sans patrie, l'un des groupes ethniques les plus importants du monde non constitués en État indépendant. Il faudrait mentionner que le terme géographique de Kurdistan, qui ne réfère en aucun cas à un État, était employé par l'Empire ottoman pour désigner une province dont le territoire se limitait à la ville d'actuel Diyarbakir. Avant la Première Guerre mondiale, la grande majorité des Kurdes demeuraient dans l'Empire Ottoman et le restant vivait en Iran. À cette époque, les contrées occupées par le peuple Kurde dans l'Empire Ottoman étaient Dersim, Bitlis, Diyarbakir, Hakkari, Musul, Elazig, les provinces de Van et la région qui montait de l'ouest du lac d'Urmiye jusqu'au nord de la région iranienne «Kuzistan ». À l'intérieur de ces régions, les Kurdes vivaient ainsi comme des peuples nobles sous l'administration des Cheikhs en étant des sujets de l'Empire Ottoman et de l'Empire Perse. À la suite de la Première Guerre mondiale, au cours des années 1920, la carte du Moyen-Orient a été complètement redessinée par les États gagnants. Dans cette nouvelle carte, les Kurdes se voient partagés entre quatre États régionaux: Turquie, Iran, Irak et Syrie. Présentement, le Kurdistan, occupé depuis toujours par des Kurdes, a une superficie de 555 000 km2. En d'autres termes, les Kurdes ne forment pas une minorité dans leur pays mais bel et bien la majorité. La question kurde ne serait donc pas un problème de minorité dans un pays ou un autre, mais celui d'un pays partagé et 24 Le magazine Géo, n° 359, janvier 2009, p. 17. 20 d'une nation. Comme toutes les autres nations, les Kurdes sont supposés avoir le droit à l'autodétennination: « Les frontières qui partagent le Kurdistan ne sont ni naturelles, ni économiques, ni culturelles. Ce sont des frontières artificielles, dressées contre la volonté du peuple kurde pour satisfaire les intérêts des puissances se partageant le pays et l'équilibre du pouvoir. Ces frontières ont souvent séparé des villages, des villes, voire des familles, et entraîné la destruction et la division de la vie culturelle et sociale »25. Un nombre important du peuple kurde vit en Turquie. « Elles (régions kurdes en Turquie) couvrent une superficie d'environ 230 000 km2, soit 30% du territoire de la Turquie, et on compte 18 millions d'habitants ce qui veut dire 24% de la population totale de la Turquie»26. La population kurde de Turquie a été évaluée en 1990 « à 15 millions de personnes, selon les sources kurdes et à 12 millions selon une déclaration du Président de la République turque Turgut Ozal »27. Bref, la région kurde représente un tiers de la superficie totale de la Turquie et comprend plus de vingt provinces situées dans les régions de l'Est et du Nord-Est de ce pays. Depuis les années 1980, la moitié de la population des Kurdes est déplacé pour vivre dans les grandes villes turcs entres autres à Istanbul, Izmir, Adana et plusieurs autres. La région des Kurdes vivant en Iran s'étend sur une surface d'environ «125 000 km2 sur les 1 640 000 km2 que compte le pays, ce qui veut dire le 8% du territoire iranien»28. Panni les 50 millions d'habitants qui composent la population totale, presque la moitié sont des Perses, les autres étant Kurdes, Azéris, Lours et Baloutches. Les Kurdes représentent sept millions de la population iranienne donc 15% de la population totale. BURKAY, Kemal, La question kurde, Passé et Présent, PSK Bulten, 200 l, en ligne, http://www.kurdistan.nu/francais/frlaquestionkurde.htm. page consultée le 16 janvier 2008. 26 CIGERLI, Sabri, Les Kurdes et leur Histoire, op. cit., p.20. 27 Ibid. ,p. 21. 28 Ibid. , p. 23. 25 21 En Irak, le territoire kurde « s'étend sur 74000 krn2 ce qui représente 17% du territoire irakien qui est 438446 krn2. La population kurde d'Irak est estimée à 5,6 millions d'habitants, sur un total de 17 millions, ce qui est représente 27% du total de la population »29. On note que le pourcentage des Kurdes dans l'État irakien est plus élevé que dans les autres États voisins. En Syrie, par rapport aux autres régions, la zone occupée par les Kurdes est la moins grande et la moins peuplée: « Ils présentent 1,5 millions de la population . 30 synenne» . 1.2 Croyances religieuses La religion dans l'histoire des Kurdes a toujours été une source de conflit comme ce fut le cas pour la majorité des peuples de la région. Comme le mentionne Sabri Cigerli, « les Kurdes ont déjà été accusés à maintes reprises parfois d'être des intégristes, et parfois d'être des athéistes »31. Ils ont été discriminés par leur croyance même si la grande majorité était des musulmans comme la plupart des habitants voisins de cette région. La première religion des Kurdes a été le Mazdéisme. Ils adoraient les forces de la nature, entre autres, le feu, symbole de la lutte contre les forces du mal. Par la suite, le Zoroastrisme (Zerdosh en kurde) a réformé cette religion mazdéenne qui est devenue la religion des principautés kurdes sous la dynastie perse. Suit l'islamisation des Kurdes qui s'est achevée entre VIIème et IXème siècles, à la suite des conquêtes 29 30 31 Ibid. , p. 24. Idem. Ibid, . p.33 22 arabes dans la reglün. «Dans leur grande majorité, à 80%, les Kurdes sont musulmans de confession sunnite et de rite chaféite (12% de Chiites et d'Alevis)32. 1 REPARTITION 1 Sunnites 1 Chiites 112 % 1 1 Yezides 1 Chrétiens - Orthodoxes - Juifs f3% 1 5% Source: Courrier de l'ACAT, Avril 1990, no: 104. Ils se différencient donc de leurs VOiSInS arabes et turcs qUi sont habituellement de rite hanéfite, où des Turcs Azéris et des Persans qui sont chiites. Chez les Kurdes sunnites, on ne trouve pas de hiérarchie religieuse comme chez les Chiites. Les Kurdes chiites vivent dans lé sud-ouest iranien, dans la région de Kermanchah et Loristan. Ils sont peu nombreux en Irak. En Iran, 75% des Kurdes sont sunnites et 25% chiites. Il faudrait mentionner que tous les Kurdes musulmans ne sont pas sunnites de rite chaféite, il existe une minorité d'Alévis, des Yezidis et des Chiites dont les proportions sont décrites dans le tableau ci-haut. En Turquie, les Kurdes sont majoritairement des musulmans sunnites. Toutefois, on trouve aussi une importante minorité d' Alévis, dont la majorité vit dans la région de Dersim. Comme la note Philippe Boulanger, « Les Alévis composent quelque 20% de la population turque. Ces quelques quinze millions de personnes, qui regroupent à peu près 80% de Turcs et 20% de Kurdes, sont situées géographiquement dans les villes de Tokat, çorum, Elazig, Maras et dans la région de 32 Ibid, . p. 35. 23 Dersim »33. Les Alévis croient à Ali, gendre du prophète Mahomet. Selon Hans­ Lucas, « les alévis sont considérés comme hérétiques: ils n'acceptent pas la chari a, ne considèrent pas comme obligations les cinq piliers de l'islam, ne pratiquent pas les ablutions rituelles, n'attribuent aux livres saints qu'une importance de témoignage, ne se réunissent pas dans les mosquées, ne se rendent pas à la Mecque et ne respectent pas l'arabe comme langue de culte »34. On peut mentionner que l'alévisme mélange l'islam chiite hétérodoxe et le christianisme. Les islamistes soupçonnent les Alévis d'être des chrétiens et n'ont en aucun cas arrêté de les considérer comme des polythéistes, également plus nuisible à la pureté de l'islam que les infidèles. De son côté, Semih Vaner « établit un stimulant parallèle entre les catholiques et les protestants en France et les sunnites et les alévis en Turquie »35. Il est à noter qu'un nombre important de Kurdes, environ 5%, pratique la religion Yezidi. « Les Yezidis seraient des disciples de Cheikh Adil, musulman né à Baelbek au Liban et qui étudia à Bagdad avant de se retirer dans la région kurde »36. La religion des Yezidis est un mélange de croyances zoroastriennes, musulmanes et chrétiennes. Cette religion est pratiquée à peu près par 200 000 personnes vivants surtout dans la région de Mossoul en Irak, Mardin en Turquie et dans la région kurde en Syrie. Aujourd'hui, les chiffres varient d'une source à l'autre. Selon l'organisation de la Société pour les peuples, « 300 000 Yezidis vivaient en Irak en 1993, 5000 en Iran, 5000 en Turquie et environ 110 000 séjournaient en Europe »37. Si nous ne connaissons pas le nombre exact de Yezidis, c'est à cause des persécutions qu'ils ont BOULANGER, Philippe, Géopolitique des Kurdes, op. cit. , p. 25. KIEFFER, Hans-Lucas, L'alévisme kurde, Peuples méditerranéens, n° 68-69, juillet! décembre 1994, p. 71. 35 VANER, Semih, Le paradoxe démocratique turc, Confluences méditerranée, n° 33, printemps 2000, p.73-84. 36 CIGERLI, Sabri, Les Kurdes et leur Histoire, op. cit. , p. 37. 37 NIKITINE, Basile, Les Kurdes, Étude sociologique et historique, Paris, Imprimerie Nationale, 1956, p.225. 33 34 24 subies et qui les ont conduit à renoncer à leur religion. Actuellement, la majorité des Yezidis de Turquie ont émigré vers l'Europe, en particulier en Allemagne. Néanmoins, on trouve même des Kurdes chrétiens. Cette minorité religieuse vit surtout dans les principautés de Bahtinan, Botan et de Chambo. Bien qu'il soit arrivé certains événements malheureux, les Kurdes chrétiens ont joué un rôle important dans le mouvement national kurde: « Les kurdes chrétiens sont presque tous nestoriens, Assyriens, Chaldéens, plusieurs jacobites, descendants de l'hérésie d'Eutychés, quelques-uns Arméniens et peu catholiques, qui là-bas sont appelés mesihi »38. Finalement, il faudrait mentionner qu'il existe même une minorité de Juif kurdes qui habitaient en Irak jusqu'en 1950 et plus tard sont partis en Israël. Ils conservent encore de nos jours leurs coutumes, traditions, danses et langue kurdes. En effet, la région kurde abrite différentes communautés et religions depuis des siècles. 1.3 La langue La langue Kurde a aussi causé des débats infinis comme ce fut le cas de la question de l'origine du peuple Kurde. Est-ce que ces derniers ont une seule langue ou plusieurs? Est-ce que le kurde est un dialecte turc, persan ou arménien? Là encore, on trouve plusieurs idées sur l'origine de la langue kurde. Il est important de mentionner ici deux auteurs possédant des thèses complètement contraires afin de dévoiler le désaccord des chercheurs sur ce sujet. D'après Philip G. Kreyenbroek, « le kurde est une langue de l'Iran de l'ouest, faisant partie de la branche iranienne de la famille des langues indo-européennes. Pour cette raison, il est très différent des CAMPANILE, R.P. Giuseppe, Histoire du Kurdistan, Traduit de l'italien par le P.P Thomas Bois, O.P, Paris, L'Harmattan, 2004, p.IIO. 38 25 langues turque et arabe - comme l'anglais est différent du français -, mais il est très semblable au persan qui est la langue nationale de l'Iran »39. Quant à Eaglaton, ce dernier supporte que «le kurde est une langue à part, faisant partie de la branche aryenne de la famille des langues indo-européennes et différent du persan par la syntaxe et le vocabulaire »40. Sur ce, Sabri Cigerli, mentionne de son côté que « dans les pays où vivent les Kurdes, en particulier en Turquie, certains linguistes, les plus éminents, parlent de l'inexistence de la langue kurde et prouvent scientifiquement qu'il ne serait pas possible de parler de science en langue kurde»41. Pourtant, selon la majorité des linguistes, le kurde est une langue indo-européenne, appartenant au groupe des langues iraniennes: le persan, le kurde, le balouch, le pashtun, le tadjik et l'ossète. Aujourd'hui, le Kurde, comporte plusieurs dialectes. On distingue deux grands dialectes qui ont donné naissance à des langues littéraires: le kurmandji parlé par environ 80% du peuple et le soranî parlé par le 15%. « Le kurmandji est parlé par les Kurdes de Turquie, de Syrie, du nord de l'Irak et de l'Iran, ainsi que par ceux des ex-républiques soviétiques du Caucase. Le Soranî est utilisé dans la grande partie du Kurdistan irakien et iranien»42. On peut également noter qu'environ 10% des Kurdes de Turquie vivant surtout dans les régions de Dersim et de Diyarbakir parlent un troisième dialecte appelé le dumilî ou zaza (beaucoup de Kurdes alévis parlent le dialecte zaza). Enfin, on trouve aussi deux autres dialectes peu répandus soient le laouri et le bakhtiyari, qui sont parlés dans l'extrême sud des régions kurdes en Iran et Irak: « Du fait des KREYENBROEK, Philip G. Kürt Dili Uzerine, in: Kürtler (Sur la Langue Kurde: chez les Kurdes) éd. par: KREYENBROEK - SPERL, Istanbul, Cep Kitaplari, 1994, p. 75. 40 EAGLATON Jr., W. La République Kurde de 1946, p. 18. 41 CIGERLI, Sabri, Les Kurdes et leur Histoire, op. cit. , p. 27. 42 KAYMAK, Wedat, Précis de l 'histoire kurde de l'antiquité à 1940, PARIS, Éditions EYGE, I995, p.9. 39 26 interdictions successives de leur pratique par les États de la région, ces dialectes ne sont pas unifiés dans une seule langue parlée par tous les Kurdes »43. Le fait de l'utilisation de trois alphabets différents pour écrire en Kurde soit le latin, l'arabe et le cyrillique constitue aussi une difficulté à laquelle les Kurdes sont confrontés pour communiquer. Pour les mêmes raisons évoquées plus haut, ils ont dû opter pour l'alphabet utilisé dans les pays où ils se trouvent. Ainsi les Kurdes de Turquie, mais aussi ceux de Syrie, en raison des liens culturels très forts entre les deux parties, ont adopté depuis le début des années trente un alphabet latin simplement phonétique qui, conviendrait mieux au Kurde. En fait, nous pouvons souligner que, privé d'un État national et frappés d'interdiction culturelle et linguistique dans les pays où ils se trouvent, les Kurdes n'ont jamais eu la possibilité d'unifier leur langue. Il faut aussi indiquer qu'on retrouve beaucoup de Kurdes qui ne parlent pas ou ne parlent pas bien le kurde, notamment les nouvelles générations kurdes, et ce à cause des politiques d'assimilation. En fait, ces Kurdes n'ont pas le choix de parler le persan, l'arabe ou le turc selon qu'ils vivent en Iran, en Irak ou en Turquie. Pour conclure cette partie, nous pouvons souligner que la question de la langue a été d'un intérêt capital pour la plupart des nationalistes de langue kurde. Les Kurdes reconnaissent le rôle important de la langue dans leur combat pour les droits nationaux et dans leur reconnaissance en tant que nation. Elle est à la fois la preuve et le symbole d'une identité kurde distincte. Les gouvernements des pays qui ont partagé le Kurdistan ont été très attentifs à l'influence de la langue dans l'identité kurde. 43 CIGERLI, Sabri, Les Kurdes et leur Histoire, op. cit. , p. 29. CHAPITRE II DÉBUT DES SOULÈVEMENT DES KURDES 2.1 La conquête Arabe et la Bataille de Tchaldran C'est avec la conquête arabe que l'histoire des Kurdes devient mieux connue. Ces derniers s'islamisent rapidement au courant des cinq premiers siècles de l'hégire 44 et jouèrent un rôle important dans les événements de l'Asie mineure au cours desquels ils prenaient de temps en temps l'initiative. En effet, ils n'hésitèrent pas à participer à de nombreuses révoltes contre les vainqueurs arabes. Un grand nombre de dynasties kurdes apparaissent à cette époque mais furent éliminées au privilège des Seldjoukides et si le mot « kurde» est utilisé dès VIle siècle par les arabes dans le but d'indiquer les tribus iranisantes, le mot Kurdistan est employé pour la première fois au XIIe siècle, quand le prince turc seldjoukide Sandjar crée une province du nom de Kurdistan ayant pour capitale Bahar. Suite aux invasions seldjoukides, les attaques mongoles n'ont pas tardé à dominer les Kurdes au XIIe siècle et les provinces kurdes sont dirigées par les Mongols. Durant les nombreuses guerres qui avaient lieu entre Mongols, Arabes, Chrétiens et Turcs, les Kurdes ont peu participé aux combats. Gérard Chaliand note ainsi que « les dynasties turques qui supplantèrent les Mongols exercèrent leur domination sur les Kurdes, entraînant ceux-ci dans les conflits entre chiites et sunnites. C'est à cette période que les Kurdes de Soulaimanye (Irak) se déplacèrent en direction du lac d'Urmiya (Iran) »45. L'hégire est l'ère des musulmans. Elle commence en 622. C'est à cette date que Mahomet quitta la Mecque pour Médine. 45 CHALIAND, Gérard, Le malheur kurde, Paris, Éditions du seuil, 1997, p. 53. 44 28 Il faudra attendre le début de XVIe siècle pour participer à un renouveau kurde. L'énorme lutte entre les Chahs séfévides de Perse et les Sultans Ottomans sur le territoire du Kurdistan rendit les Kurdes conscients de l'importance géopolitique de leur pays. La bataille de Tchaldran en 1514 résulte en la défaite des Perses face aux Turcs, et aussitôt la majorité des Kurdes font partie de l'Empire Ottoman. Faisant face à une administration ottomane plus libérale que celle du Chah d'Iran, les mouvements kurdes vont être réorganisés sur le fondement de principautés semi­ indépendantes par le ministre du sultan Sélim, Hakim Idriss, prince de Bitlis, lui­ même kurde. Ce dernier accorda au Kurdistan un ordre féodal garantissant la supériorité à la noblesse kurde. Comme le mentionne Chaliand, « Cette ceinture de principautés allait permettre aux Kurdes d'arrêter la poussée persane, ce que le traité de 1639 entre la Perse et la Sublime Porte46 entérina en fixant des frontières entre les deux États qui restèrent valides jusqu'au XIXe siècle »47. Ainsi, presque tous les Kurdes se trouvèrent rassemblés sous l'autorité ottomane qui débuta le travail intérieur de renforcement du pouvoir central dans les provinces orientales. 2.2 Les révoltes du XIXe siècle Il est à noter que le XIXe siècle sera marqué par des soulèvements menés par les seigneurs kurdes, tantôt contre la Perse, tantôt contre l'Empire Ottoman qui empiétaient sur leurs privilèges. Au XIXe siècle, le début des changements occidentalistes que ce soit sur le plan politique, socio-économique et militaire et des travaux de centralisation, plus clairement la dissolution du système de millet48 ont causé d'abord le mécontentement et par la suite les révoltes des Kurdes. Ces rébellions maintiennent un caractère traditionnel, c'est-à-dire ces dernières luttent 46 Sublime Porte est Je nom de la porte d'honneur monumentale du Grand Vizirat à Constantinople, siège du gouvernement du Sultan à l'époque ottomane. 47 CHALIAND, Gérard, Le malheur kurde, op. cil. , p. 56. 48 Millet désigne une communauté religieuse légalement protégée de l'Empire Ottoman. 29 contre l'autorité étatique qui empiète sur des droits acqUlS. Nous pouvons aUSSi souligner que c'est à partir de ce moment là que le mouvement national kurde est perçu tel qu'il est aujourd'hui: une affirmation de l'identité kurde et une aspiration à la justice sociale. C'est ainsi que note Nikitine Basile, «les premières révoltes du XIXe siècle eurent un caractère d'émeutes sociales, de désobéissance, de soulèvements féodaux jaloux de leurs privilèges »49. 2.2.1 Révolte des Baban Commençons d'abord par la révolte de Baban. C'est en 1806 qu'éclate la première révolte kurde du XIXe siècle, considérée comme le début du mécontentement kurde, menée par des Baban sous la direction d' Abdourrahman Pacha. Créée au XVIe siècle, principauté de Baban s'est élargie sur un vaste territoire entre XVIIe et XVIIIe siècles. «Les Baban, tribu guerrière et ambitieuse, avaient étendu leur territoire aux dépens de l'Empire ottoman et de la Perse »50. Soucieuses de leur force, les autorités ottomanes essayèrent d'éliminer Ibrahim Pacha Junior, chef de la tribu et fondateur de Soulaimanye (Irak), dans le but de briser la puissance des Baban. « La Sublime Porte tenta dans un premier temps d'imposer un successeur à Ibrahim Pacha, choisi en dehors de la tribu. Le neveu de ce dernier, Abdourrahman Pacha, prit alors la tête d'une guérilla contre les forces turques et certaines tribus kurdes ralliées à celles-ci qui dura trois ans »51. Finalement, Abdourrahman Pacha, vaincu, partira en Iran à la fin de 1808. NIKITINE, Basile, Les Kurdes, Étude sociologique et historique, op. cit. , p. 2. CHALIAND, Gérard, Les Kurdes et le Kurdistan, La question nationale kurde au Proche-Orient, Paris, 1981, Librairie François Maspero, p. 43. 51 CHALIAND, Gérard, Le malheur kurde, op. cit. , p. 54. 49 50 30 2.2.2 La révolte du Mîr Mohammed Après les Baban, les années 1830 seront marquées par un autre soulèvement dirigé par Mir Mohammed, souverain de la principauté de Soran. Ce denier voulait créer un Kurdistan indépendant en mettant à profit les difficultés de l'Empire Ottoman. Descendant du célèbre Saladin, il rêvait d'acquérir pour sa dynastie l'honneur d'avoir réalisé l'unification et l'indépendance du Kurdistan. Comme le mentionne Chaliand, « Basé à Rawanduz, Mir Moharnrnad, à la tête d'une armée forte de 10 000 cavaliers et de 20 000 fantassins, assura en 1833 son autorité sur tout le Kurdistan méridional, mais ne put obtenir l'alliance de l'émir de Bohtan »52. Le sultan anxieux des améliorations de Mir Mohammad, exigea des troupes de Sivas, Mossoul et Bagdad. Les combats de l'été de 1834 étaient très violents et l'armée ottomane s'est repliée sans avoir eu d'avantages décisifs. Mir Mohammad profita de ce répit pour conquérir le Kurdistan Iranien. « Malgré ses tentatives pour se concilier le gouvernement iranien, en reconnaissant la souveraineté de la Perse, l'émir se trouva finalement seul face à une nouvelle offensive ottomane durant l'été 1936 »53. L'armée kurde disposant de 40000 hommes et ordonnée par le frère du Mîr, alla à la rencontre de l'armée ottoman et la fit battre en retraite. Alors, le commandement ottoman fit appel aux sentiments religieux des Kurdes en faisant appel au mollah kurde, Mollah Khati pour arrêter la guerre. Ce dernier ordonna une fatwa empêchant la lutte contre le calife. Cela eut pour conséquence de détruire la résistance kurde, alors Mir Mohammad n'a pas eu un autre choix que de se rendre. Après un exil d'environ six mois à Istanbul, Mîr Mohammed fut autorisé par le sultan à retourner au Kurdistan. Sur le chemin du retour, il fut tué par les hommes du sultan. 52 53 Ibid. , p. 55. Idem. 31 2.2.3 Révolte de Bedir Khan Quant à cette révolte, elle débute en 1840. Maître depuis 1821, Bedir Khan Bey organisa, dans les premières années de sa royauté, une armée régulière bien disciplinée. Suite à la défaite ottomane de Nizip, il arrive à s'emparer d'une importante partie des régions kurdes de l'Empire Ottoman. Bedir Khan Bey faisait «preuve d'une grande équité non seulement à l'égard des Kurdes mais aussi des Arméniens, des Assyriens, des Chaldéens et des autres nationalités»54. De plus, il était un bon administrateur. La lutte avec l'armée ottomane, à partir de 1844, montre les faiblesses de l'émirat. Les Ottomans essayèrent de casser la force de Bedir Khan Bey avec des méthodes pacifiques, en préparant certains chefs de tribu contre son autorité. « Cette démarche ne donnant pas les résultats escomptés, ils montèrent une vaste opération contre le chef kurde »55. Cependant, les chrétiens retournés par les mandataires anglais et américains à la demande du sultan, refusèrent de se battre contre les troupes ottomanes. Après trois ans de guerre, Bedir Khan bey fut capturé en 1847 et envoyé en exil, d'abord à Varna, en Bulgarie puis à Candid, en Crète. Finalement, il mourut en exil à Damas en 1868. 2.2.4 La révolte de Yezdan Sher Yezdan Sher, neveu de Bédir Khan et commandant de la fraction Est des forces kurdes, voulut profiter de la guerre russo-turque pour canaliser le mécontentement populaire afin de créer un Kurdistan dont il serait le roi. « La révolte débute en 1855 avec l'occupation de Bitlis par 2000 combattants. Dans le même mouvement, il conquiert Mossoul, qui lui fournit un arsenal lui permettant d'équiper 30 000 hommes. Cette petite armée fut dirigée sur Siirt, position stratégique du 54 CHALIAND, Gérard, Les Kurdes et le Kurdistan, op. cil. ,p. 47. 55 AYMAR, Olivier, Précis de l'histoire kurde de l'antiquité à 1940, op. cil. , p. 34. 32 dispositif ottoman sur son -flanc oriental. Les succès se multiplièrent »56. Durant l'hiver 1855, la retraite des forces russes permettra à la Sublime Porte de se préparer contre la révolte. Toutefois, cela ne fut pas utile. Les forces menées par Yezdan Sher se décomposèrent. Comme le mentionne Chaliand, «l'action des diplomates britanniques, engagés aux côtés de l'empire ottoman dans la guerre contre la Russie, s'avéra décisive»57. L'émissaire britannique Nimroud Rassam fut reçu par Yezdan Sher et en bénéficia pour procurer des chefs de tribus mais plus tard, ces derniers refusèrent de lutter. Yezdan Sher trahi par les serments des Britanniques, partit négocier à Constantinople, où il fut emprisonné. D'autres révoltes surviennent au cours du siècle qui démontreront la suite de la résistance kurde à la Sublime Porte. Il faut toutefois noter que ces soulèvements kurdes n'avaient pas de solides programmes autonomistes. C'est en 1878 qu'on peut percevoIr une révolte kurde visant l'existence autonome des Kurdes. Cette insurrection de 1878 qui a été commandée par un cheikh nagshbéndi, Ubeydullah Nehri, a eu lieu près de Hakkari, une province de la Turquie. Comme le souligne Hamit Bozarslan, « ce mouvement, qui revendique le droit des Kurdes à prendre leur vie «en main », est relayé par la parution de la revue Kurdistan hors de l'Empire ottoman. Ce journal fait partie de l'opposition Jeune Turque et n'est nullement sécessionniste, s'inscrivant au contraire dans un programme panottomaniste; il jette néanmoins les bases du nationalisme culturel kurde »58. La révolte du Cheikh Ubeydullah Nehri prouve bien l'importance des Cheikhs pour les Kurdes à cette époque. Il faudrait mentionner que l'influence politique et sociale des Cheikhs continue d'exister dans la vie actuelle des Kurdes. C'est le cas des leaders kurdes comme MoHa Mustafa Barzani et CelaI Talabani qui font parties des familles des anciens Cheikhs. CHALIAND, Gérard, Le malheur Kurde, op. cit. , p. 56. Idem. 58 BOZARSLAN, Hamit, La question kurde: états et minorités au Moyen-Orient, Paris: Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, p. 24. 56 57 33 Ces soulèvements dévoilent que le peuple Kurde n'a pas fermé les yeux quand on leur a volé leur liberté pour laquelle ils ont sacrifié leur vie. Le peuple Kurde ne pouvait pas aboutir à la réussite avec les organisations tribales partagées, n'étant même pas reliées entre elles, contre l'organisation de l'État de l'ennemi, sous forme d'empires. De plus, « Si le peuple kurde n'a pu obtenir l'indépendance, qui a été obtenue par ailleurs par plusieurs peuples sans verser beaucoup de sang, il n'en ressort pas, que le peuple kurde n'ait pas opposé de résistance ou ait versé peu de sang; au contraire, il en ressort que les ennemis étaient très forts et que les classes s'étaient données pour mission l'inféodation et la satellisation »59. 2.3 Le règne d'AbdulHamit II À partir de la deuxième moitié du XIXe siècle, la situation de l'Empire Ottoman se détériore de plus en plus. Comme le souligne Wedat Kaymak, « D'une part, les grandes puissances occidentales font pression sur les dirigeants de l'Empire afin qu'ils réalisent quelques réformes agraires, politique et institutionnelles et, d'autre part, ces mêmes puissances soutiennent l'Empire contre l'expansion de la Russie qui vise non seulement les Détroit d'Istanbul, mais également les points stratégiques du Moyen-Orient »60. C'est pour cela qu'AbduIHamid II arrive au trône en 1876 pour y rester jusqu'en 1909. Son but est de diminuer les mécontentements intérieurs et conforter ses alliées de l'extérieur. Le nouveau sultan déclare alors une nouvelle Constitution le 23 décembre 1876. Ce dernier sera plus humain à l'attention des féodaux kurdes jusque-là en révolte contre son autorité et leur offrait des postes importants dans l'administration ottomane. Ses propos panislamistes satisfaisaient les Cheikhs Kurdes. De son côté Hamit Bozarslan note: 59 Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), LE KURDISTAN, Ce document de la fin des années 70 est le premier documentfondamental du PKK, en ligne, http://etoilerouge.chezalice.fr/docrevinter3/kurdistan.pdf, page consultée le 06 février 2008. GO KA YMAK, Wedat, Précis de l 'histoire kurde de l'antiquité à J940, op. cit. , p. J J5. 34 C'est la division artificielle des Kurdes en deux factions opposantes par l'autorité centrale. Abdulhamid II était la première personnalité qui a suivi cette politique de division artificielle pour consolider son pouvoir à l'Anatolie de l'est et du sud-est et pour assurer la fidélité de certains aghas et cheikhs kurdes à l'autorité centrale de l'Empire Ottoman. Abdulhamid II, qui a régné durant le dernier quart du 1ge siècle et a fermement résisté aux pressions européennes pour imposer des réformes, (...) a fait armer des tribus kurdes pour constituer des milices, les fameux Hamiddiyye (d'après le nom du sultan), pour maintenir l'ordre dans les provinces de l'Est 61. Donc, en armant certains chefs de tribu qu'il a choisis particulièrement et en leur accordant une certaine autonomie, ce dernier garantissait la crédibilité de certaines tribus et les utilisaient contre ses opposants, soient les Kurdes révoltés et les Arméniens. Des troupes kurdes, les Hamiddiyye, furent créés en 1890 pour cultiver les Kurdes et de les lier à l'État ottoman. Ces Hamiddiyye devaient combattre contre les armées russes et aussi contre les mouvements nationaux des kurdes qui bataillaient contre la domination ottomane. Il faudrait aussi mentionner que la création des Hamiddiyye aida à alimenter les querelles tribales et les rivalités. Soulignons que cette tactique est devenue traditionnelle dans la question kurde et la République de Turquie actuelle s'est aussi inspirée de cette politique de division. Notamment, après le début de mouvement de guérilla du PKK en 1984, dont nous parlerons dans la deuxième partie de la présente étude, l'État turc a formé des armées constituées des kurdes mêmes, ressemblants à celle de Hamidiye Alaylari de Abdulhamid II, appelées «gardes des villages (Koy Koruculari)>> en 1987 pour combattre contre les guérillas du PKK et dans le but de défendre l'autorité étatique dans les villages de l'Anatolie de l'est et du sud-est. 6ISOZARSLAN, Hamit, La Question Kurde, in: Problèmes Politiques et Sociaux, no: 709,20 août 1993, p. 8. 35 2.4 La Révolution des Jeunes Turques La Révolution des Jeunes Turques, en 1908, a promis une réforme constitutionnelle et instauré un gouvernement représentatif. Ce mouvement dirigea le gouvernement ottoman de façon libérale, désireux d'instaurer un État réformé et mu1ti-ethnique. Ils s'opposèrent aux unionistes partisans d'une structure unitaire de l'Empire, qui adoptèrent une position rigide face aux nationalités, puis se firent les défenseurs d'un panturquisme de plus en plus autoritaire. Les Jeunes Turques, conscients de la gravité du déclin de l'empire ottoman, décident en fait de redonner à son Empire son dynamisme d'autrefois. Et c'est de la sorte que le Comité Union et Progrès est créé en 1894-95. Plusieurs Kurdes intellectuels qui étaient notamment les fils des chefs de tribus kurdes ont entrepris de construire des associations politiques dans cette période. Certaines organisations kurdes, aussi en faveur d'un nationalisme culturaliste, voient le jour après la déclaration, unioniste de 1908. Cependant, «il faudra attendre 1918 pour que la Société Kurde d'élévation (Kürt Teali Cemiyeti), fondée cette même année à Istanbul, élabore un programme politique nationaliste »62. Christian More souligne que, Ces privilégiés se familiariseront, dans l'Istanbul du début du siècle en pleine effervescence révolutionnaire, à l'heure des nationalismes avec les idées bourgeoises européennes et deviendront à leur tour des nationalistes kurdes modernes. Ils créeront à l'instar des intellectuels des autres nationalités, des revues et associations tantôt officieuses, tantôt clandestines. Le premier journal kurde turc, Kurdistan, fondé au Caire en 1898 par un membre de la famille Bedir Xan est un Journal culturel mais se veut aussi le catalyseur du mouvement national kurdé 3. BOZARSLAN, Hamit, La question kurde: états et minorités au Moyen-Orient, op. cit. , p. 24. MORE, Christian, Les Kurdes aujourd'hui, Mouvement national et partis politiques, Paris, Editions l'Harmattan, 1984, p. 57. 62 63 36 Toutefois, « après un nouveau plan de partage de la Turquie d'Europe, les Jeunes Turcs déposaient en 1909 le Sultan AbdulHamid II qu'ils rendaient responsable de ces nouvelles humiliations et le remplaçaient par MahometV» 64. Avec les nouvelles défaites de l'Empire, indépendance de la Bulgarie, pertes de la Bosnie, de la Tripolitaine, de la Macédoine et de l'Albanie, les Jeunes-Turcs adoptèrent une politique ultranationaliste exigeant un État réservé exclusivement aux Turcs. C'est à ce moment que débutent l'ultranationalisme turque et l'oppression des minorités. Les associations, écoles, publications non turques sont condamnés et même certains partisans kurdes seront emprisonnées. Cependant, face à l'alliance des minorités non turques, les gouvernants corrigent leur politique. Alors, ils permettent en 1912 la revue « Espoir Kurde» qui éditera à partir de 1913 une revue bilingue turc-kurde. 64 Ibid. , p. 58. CHAPITRE III LES ANNÉES DE LA PREMIÈRE GUERRE MONDIALE 3.1 Les Kurdes durant la guerre À l'approche de la Première Guerre mondiale, à cause des conflits balkaniques, la Turquie ottomane est devenue faible. Dans le but de protéger les territoires qui sont encore sous son autorité, elle fait appel à la force. De ce fait, les dirigeants ottomans vont former des hamiddiyye, et en même temps vont tenter de rassembler les chefs de tribus kurdes à leur cause, dans le but de combattre les Russes. La plupart des chefs de tribus vont accepter la demande des dirigeants ottomans, toutefois, d'autres vont refuser en voulant se rallier aux Russes. C'est dans ce temps de résistance que quelques organisations sociopolitiques kurdes sont créées à Istanbul. L'un des buts de ces organisations « fut d'apprendre aux enfants et jeunes kurdes à écrire et à lire, à divulguer la langue et la littérature kurde, à contribuer au développement du sentiment et de la conscience nationale au sein des massacres kurdes »65. Entre temps, pendant que les Kurdes de l'Empire Ottoman font des activités nationalistes, ceux d'Iran réalisent un mouvement nommé L'Opinion mondiale. Avant la guerre, la plupart des Kurdes révolutionnaires conservent des relations étroites. « Les frères bédirkhanistes, Kamil et Hussein, étaient en contact avec Malunoud Berzenji en vue de création d'un État kurde »66. Cependant, devant l'unité kurde se trouvent les dirigeants ottomans. Ces derniers veulent refaire l'Empire et lui donner son prestige d'avant. Ils ne veulent pas, en conséquence, accepter les nouvelles parties et séparations. Alors, ils créent un plan dans le but de contrôler les éléments dangereux de l'Empire. À l'instant où les Kurdes vont se doter d'une 65 66 KAYMAK, Wedat, Précis de {'histoire kurde de {'antiquité à 1940, op. cit. ,p. 148. Ibid., p. 149. 38 structure organisatrice moderne, la Première Guerre mondiale commence et freine la diffusion du nationalisme kurde. Comme le note Wedat Kaymak, « privé d'une organisation bien structurée et centralisée, et d'un chef capable de donner de nouvelles perspectives aux aspirations populaires, les Kurdes deviennent une fois de plus l'objet d'une politique de manipulation au profit des Ottomans ».67 Le but ultime des Ottomans était d'assimiler les éléments assimilables et d'assassiner ceux qui ne le sont pas. La Ligue nationale kurde affirme que: Depuis ses origines jusqu'aux derniers jours d'Abdulhamid et de l'Empire Ottoman, toute la politique impériale ... ne visait qu'à l'asservissement des autres races à la race turque, et cet Empire n'a jamais été que l'Empire de l'hypocrisie et de la duperie. Les jeunes-Turcs voulaient faire une Turquie dans laquelle les non Turcs du nord au sud et de l'est à l'ouest de cet État, ne puissent point trouver place au soleil. Des races non turques de l'Empire, turquiser celles qui ne présenteraient pas beaucoup de difficultés et exterminer les autres 68 . Au moment où la majorité des Arméniens est massacrée, près d'un million de Kurdes sont déportés vers les villes turques: « Les chefs, soigneusement triés, devaient habiter les villes, et se tenir sans rapport avec leurs compatriotes, et sous la surveillance de la police. Des Turcs devaient prendre leur place au Kurdistan. Le résultat fut la mort des Kurdes dans cet exode cruel, sans que les Turcs prissent le chemin des montagnes au climat rude »69. Il n'est pas évident d'accorder un chiffre exact du nombre des kurdes qui collaborent avec l'empire Ottoman lors de la Première Guerre mondiale. Néanmoins, selon Mehmet Emin Zeki, les Il e et 12e armées ottomanes qui se trouvaient à Elazig et à Mossoul, sont constituées notamment des Kurdes. De même qu'une partie de la ge et de la lOe armée, se trouvant à Erzurum et à Sivas, était formée de ces derniers. On trouvait aussi des 67 68 69 Ibid., p. 150. BARBEY, Paul, Ligue Nationale Kurde Hoyboun. Les Massacres Kurdes en Turquie, Cairo, p. 4. KA YMAK, Wedat, Précis de l'histoire kurde de l'antiquité à 1940, op. cit. ,p. 151. 39 Kurdes dans d'autres unités de l'armée ottomane. Pour ce qui est des Kurdes morts lors de cette guerre, selon ce même auteur, on l'estime à 300000 personnes. Ce nombre peut paraître excessif quoiqu'il soit vrai que beaucoup de Kurdes, en plus de ceux qui sont morts sur les champs de bataille, décèdent à cause de la famine, du froid et de la maladie. De plus, Robert OIson avance que « sur l'ensemble de la Turquie, 150 000 Kurdes sont morts probablement. À cela, il faudra ajouter ceux qui sont morts également en Irak, en Syrie, en Iran et en Russie. Au total, environ un million de Kurdes ont trouvé la mort sur les champs de batailles »70. Explicitement, ce conflit mondial ravage le pays des Kurdes. Par contre, il permet à ces derniers de se rapprocher, de consolider le sentiment national, à travers les mouvements politiques qu'ils créent dans les principaux centres urbains kurdes. Le lendeITI:ain de la Première Guerre mondiale, les Kurdes réclament la création d'un État indépendant. Leur délégué à la Conférence de paix de Paris, le général Chérif Pacha, dans ses deux mémorandums (février et mars 1919), demande l'indépendance du Kurdistan au nom du principe wilsonnien des nationalités et du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. Pour être viable et se vouer à son développement économique qui repose sur l'élevage, le futur État kurde indépendant devrait comprendre toute la région habitée par les Kurdes de l'Empire Ottoman. 3.2 La période de 1918-1920 Les Alliés préparaient le partage des dépouilles de l'Empire Ottoman, réalisé en mai 1916 par un accord sous le nom d'accord Sykes- Picot. De ce fait, l'Empire Ottoman, le perdant, sera obligé de signer l'armistice de Moudros, le 30 octobre 1918, conduisant à l'occupation militaire dans une grande partie du pays, la démobilisation des armées et la fuite des chefs du gouvernement. Cette défaite 7°Ibid., p. 152. 40 renforcera le mouvement d'opposition nationaliste et entraînera l'arrivée au pouvoir de Mustafa Kemal. Les Kurdes ont eu une opportunité de se constituer en un État entre octobre 1918 et juin 1919. La période de juin 1919 à fin 1921 constituait aussi un contexte propice pour ces derniers. Kendal Nezan décrit cette opportunité ainsi: Le vide politique était total, les unionistes avaient pris la fuite et l'autorité du sultan et de son gouvernement ne dépassait guère les limites de la capitale ottomane. Les dépris de ce qui fut l'armée ottomane se désagrégeaient, les officiers désemparés étaient surtout préoccupés par leur sort personnel, l'armée ottomane devant être dissoute pour laisser place à une symbolique garde impériale 7l . Après l'armistice de Moudros, quelques organisations kurdes voient le jour comme celle de «Libération du Kurdistan» créée par Seyyed Abdullah, fils de Cheikh Abdul Qadry. Le Comité de l'indépendance Kurde, créé au Caire par Sureyya Bedir Khan Bey, jouera un rôle de premier plan dans le premier soulèvement kurde en Turquie républicaine. La plus importante de ces organisations est sans doute l'Association pour le relèvement du Kurdistan créé par Mollah Saïd. Cette association politique proposait de faire bénéficier le peuple kurde des principes wilsoniens à propos de l'autodétermination des nations dominées. En aucun cas, les circonstances n'avaient été aussi bonnes pour la libération de l'ensemble du Kurdistan et la création d'un État national indépendant. D'après les intellectuelles ottomanes kurdes instruites (Idris Bitlisi, certains Cheikhs, etc.), la création du Kurdistan dépendait de la Grande Bretagne et de la France. L'influence de la première était d'ailleurs jugée plus décisive. Sur le terrain, les choses avaient beaucoup changé en faveur des Kurdes. M. Nezan note que «Depuis la fin des principautés indépendantes, l'autorité politique locale s'était encore émiettée, chaque 71 CHALIAND, Gérard, Les Kurdes et le Kurdistan, op. cit. , p. 61. 41 chef de tribu en détenant une infirme parcelle au point où aucun chef traditionnel à lui seul ne pouvait plus mobiliser la moitié des forces qu'un Bédir Khan ou un Yezdan Sher avaient réussi à mettre sur pied »72. Le 23 juillet 1919, Mustafa Kemal engagea un Congrès national à Erzurum et un autre à Sivas le 4 septembre où fut créé un Comité de défense des droits de l'Anatolie et de la Roumélie dans le but d'organiser la résistance populaire. Considérant que le gouvernement ottoman n'assurait plus la défense de l'indépendance et de l'unité de la Turquie (Istanbul était occupée par les Alliés), la constitution d'un gouvernement provisoire fut décidée: le « comité représentatif général» présidé par Mustafa Kemal. Des élections législatives assurèrent une large majorité aux partisans de Mustafa Kemal à l'Assemblée ottomane qui réunie à Istanbul, adopta le 8 janvier 1920, dans le Pacte 73 National, la résolution des Congrès d'Erzurum et de Sivas . Le rassemblement ottoman sera dissous par les Alliés le 16 mars 1920. Toutefois, le comité représentatif a pu se rassembler une fois de plus à Ankara, le 23 avril 1920, sous le nom de Grande Assemblée Nationale de Turquie et indiquer un gouvernement transformant désormais seul exécutif national légitime. Mustafa Kemal est nommé Président du Conseil des Ministres. De ce fait, il y a eu deux gouvernements: le gouvernement du sultan dans la capitale occupée par les Alliés et le gouvernement nationaliste de Mustafa Kemal à Ankara. 3.3 Le traité de Sèvres À la conférence de la Paix ouvert à Paris au début de 1919, l'Empire Ottoman est puni à cause de son alliance avec l'Allemagne dans la guerre. Cette punition se réalise sous les conditions du traité de Sèvres qui lui enlève non seulement une très 72 73 CHALIAND, Gérard, Les Kurdes et le Kurdistan, op. cit. , p. 62. MORE, Christian, Les Kurdes aujourd'hui, Mouvement national et partis politiques, op. cit. , p. 60. 42 grande partie de son territoire mais aussi sa souveraineté. « Au nom du principe des droits des peuples à disposer d'eux-mêmes, l'empire recoIUlaît l'indépendance de Hedjaz, de l'Arménie, d'une partie du Kurdistan, et le mandat des grandes puissances sur la Mésopotamie, la Palestine, la Syrie, l'Egypte, Chypre et la Libye »74. Ce qui veut dire, l'Empire perd deux tiers de son territoire et subit un coup très dur sur le plan économique et humain. Ce traité avait pour but de libérer les peuples non turcs qui ont souffert des Ottomans. Après la défaite dans la Première Guerre mondiale, l'Empire Ottoman a dû signer le traité de Sèvres le 10 août 1920 avec inquiétude. Ce traité était la conséquence de longues négociations commencées en 1919 entre le gouvernement d'Istanbul et les États alliés. Concernant les Kurdes, cette entente prévoyait l'autonomie provisoire pour les régions peuplées par les Kurdes en Turquie et l'indépendance totale, avec le temps, si la population de ces régions la voulait. Par conséquent, ce traité permettait de rapprocher les nationalistes kurdes de leur objectif d'établir un État indépendant. Le traité avec la Turquie, signé à Sèvres créait l'Arménie dans ses articles 88 à 93 et assurait l'autonomie des Kurdes dans ses articles 62, 63 et 64 qui sont décrits ci-bas. Le traité de Sèvres: Article 62. Une commiSSIOn siégeant à Constantinople, et composée de trois membres respectivement nommés par les gouvernements britaIUlique, français et italien, préparera, dans les six mois à dater de la mise en vigueur du présent traité, l'autonomie locale pour les régions, où domine l'élément kurde, situées à l'est de l'Euphrate, au sud de la frontière méridionale de l'Arménie, telle qu'elle pourra être déterminée ultérieurement, et au nord de la frontière de la Turquie avec la Syrie et la Mésopotamie, conformément à la description dOIUlée à l'article 27, II (2 et 3). A défaut d'accord unanime sur quelque question, celle-ci sera référée par les membres de la commission à leurs gouvernements respectifs. Ce plan devra comporter des garanties complètes pour la protection des Assyro-Chaldéens et autres minorités ethniques ou religieuses dans l'intérieur de ces régions et, dans ce but, une 74 KAYMAK, Wedat, Précis de l'histoire kurde de l'antiquité à 1940, op. ci!. , p. 170. 43 commission comprenant des représentants britanniques, français, italien, persan et kurde visitera les lieux pour examiner et décider quelles rectifications, s'il y a lieu, devraient être faites à la frontière de la Turquie, là où, en vertu des dispositions du présent traité, cette frontière coïncide avec celle de la Perse. Article 63. Le gouvernement ottoman s'engage, dès à présent, à accepter et à exécuter les décisions de l'une et de l'autre commissions prévues à l'article 62, dans les trois mois de la notification qui lui en sera faite. Article 64. Si, dans le délai d'un an à dater de la mise en vigueur du présent traitée, la population kurde, dans les régions visées à l'article 62, s'adresse au Conseil de la Société des Nations en démontrant qu'une majorité de la population dans ces régions désire être indépendante de la Turquie, et si le Conseil estime alors que cette population est capable de cette indépendance et s'il recommande de la lui accorder, la Turquie s'engage, dès 1a présent, à se conformer à cette recommandation et à renoncer à tous droits et titres sur ces régions. Les détails de cette renonciation seront l'objet d'une convention spéciale entre les principales puissances alliées et la Turquie. Si ladite renonciation a lieu et lorsqu'elle aura lieu, aucune objection ne sera élevée par les principales puissances alliées à l'encontre de l'adhésion volontaire à cet État kurde indépendant des Kurdes habitant la partie du Kurdistan comprise jusqu'à présent dans le vilayet de Mossoul »75. Ce traité limitait le futur État kurde à la partie la plus pauvre et la plus montagneuse du Kurdistan : à l'est de l'Euphrate, au sud de la frontière de l'Arménie, et au nord de la frontière de la Turquie avec la Syrie et la Mésopotamie. La région pétrolifère et agricole riche de Mossoul n'allait pas faire partie du Kurdistan défini par ce traité. On ne permet donc pas aux Kurdes d'obtenir la totalité du Kurdistan comme le souligne Kendal Nezan : Le Kurdistan prévu par ce traité ne regroupait en totalité la zone habitée par les Kurdes. Au sud, la France devait admettre à la Conférence de San Remo que la partie kurde de la Syrie qui était dans sa zone d'intérêts particuliers soit tenue à l'écart. Au Nord, la frontière méridionale de l'Arménie était définie le 22 novembre 1920 en application de l'article 89 du traité par le président des Traité de Sèvres (10 août 1920), titre III, articles 62 à 64. Nouveau recueil général de traités. Leipzig, 1924, t. XII, 3< série, pp. 664-779. 75 44 États-Unis, Wilson déclare arbitre entre la Turquie et l'Arménie. Les Kurdes considérèrent que cet arbitrage était en leur défaveur76 . Loin de satisfaire les revendications territoriales des Kurdes, le traité de Sèvres demeure toutefois le premier instrument juridique international à reconnaître les droits des Kurdes à se constituer en région autonome promise à l'indépendance dans un délai d'un an. Les principaux signataires déclarent hautement leur sympathie pour le peuple kurde de la façon suivante: « Prenant en considération leur reconnaissance de l'autonomie ou éventuellement de l'indépendance du Kurdistan, et estimant que pour faciliter le développement économique de ce pays et lui apporter toute l'assistance dont son administration aurait besoin, il est désirable d'éviter en pareille matière les rivalités entre nations»77. Le traité de Sèvres est accueilli avec une grande joie par le peuple kurde qui croit que l'accès à l'autonomie est très proche. Au lendemain de ce traité, l'idée de l'indépendance devient plus certaine pour les nationalistes kurdes, souhaitant voir un Kurdistan autonome comprenant l'ensemble des régions kurdes. Cependant, avant même que les conditions de ce traité soient apposées, Mustafa Kemal affirme qu'il ne reconnaîtrait pas ce dernier. Donc, ce dernier vient s'objecter aussi à l'autorité de la Sublime Porte, et oblige les Alliés à prendre en considération sa force dans la nouvelle Turquie. Le traité de Sèvres, dont les arrangements prédisaient la mise en coupe réglée du territoire à peuplement turc, n'était pas seulement injuste et humiliant pour le peuple turc, il l'était aussi pour le peuple kurde. Après la chute et le démembrement de l'Empire Ottoman, tous les peuples d'autrefois dominés purent créer leur propre État. Seul le peuple kurde fait exception à cause de l'incapacité politique de ses dirigeants, en retard d'un demi­ siècle sur leur temps. Les Kurdes du Kurdistan ottoman furent partagés entre trois entités: la Turquie, l'Irak et la Syrie. 76 CHALIAND, Gérard, Les Kurdes et le Kurdistan op. cit. , p. 67. 77KA YMAK, Wedat, Précis de l'histoire kurde de l'antiquité à 1940, op. cit. , p. 172. CHAPITRE IV LES ANNÉES 1920 4.1 Relation de Mustafa Kemal avec les Kurdes Les Turcs sont découragés par le partage de l'Empire entre les Alliés. Mustafa Kemal réalise que la route du succès passera par une mobilisation des populations turque et kurde. Alors, il organise dès 1919 des congrès à partir des régions kurdes pour renforcer l'union kurdo-turque. De plus, il envoie des lettres à un des Cheikhs kurdes dans laquelle il remercie pour sa fidélité au Sultan lors de la Première Guerre mondial. Il veut que le Cheikh apporte ce même appui pour le développement de son mouvement. Suite à cela, le Cheik Seyit Abdulkadyr déclare ce qui suit: Dans ce moment de malheur pour les Turcs, leur assener un coup mortel en nous désolidarisant d'eux, et en proclamant l'indépendance du Kurdistan serait indigne de l'honneur kurde. J'insiste sur la nécessité de les aider maintenant. Vous savez du reste que les Turcs ont agréé notre désir de créer un Kurdistan autonome inféodé au sultan ottoman. Vous savez aussi que, si les Turcs venaient à ne plus honorer leurs promesses, la nation kurde est capable d'obtenir ses droits par la force 78. Ce discours a permis de convaincre une grande partie des nationalistes kurdes d'adhérer au mouvement de Mustafa Kemal. De ce fait, Mustafa Kemal prône ainsi la fraternité turco-kurde, affirme qu'il reconnaîtra aux Kurdes leur autonomie après la libération de la Turquie et renforce ses rapports avec les chefs de tribus kurdes. De plus, même lors du congrès de Sivas, Mustafa Kemal demande à un chef de tribu Alihan Bey, de réunir les tribus de Dersim à son mouvement. Alors, Mustafa Kemal tente de profiter des Kurdes dans toutes les circonstances. «Lors de l'annonce du traité de Sèvres par exemple; bien que favorablement accueilli par les Kurdes, ce 78 Ibid. , p.I77. 46 traité sème cependant un doute au sem de la communauté kurde car, il prévoit également la création d'un État annénien. Mustafa Kemal use donc de cette clause comme argument afin de s'assurer toujours le soutien des Kurdes »79. En effet, les Kurdes, inquiets de la création d'un État arménien, participent sous la direction de l'armée turque au massacre des Arméniens en 1915. La création d'un État annénien désigne la prise d'une partie des territoires kurdes aux mains des Arméniens. Mustafa Kemal profite de cette mésentente. Les Kémalistes tentent d'inciter certains chefs de tribus kurdes afin de les réunir à leur cause. Même si certains Kurdes luttent dans les rangs des kémalistes, les autonomistes kurdes dirigent des activités auprès des chefs de tribus dans le but de créer un État autonome. Selon un chef de tribus, Halit Bey, la création d'un État arménien ne poserait aucun problème aux Kurdes. Au contraire, une Turquie victorieuse serait leur pire ennemie. Ce dernier fait la propagande du nationalisme kurde. C'est suite à cela qu'il établit des contacts avec les chefs religieux et les maires. Les Kémalistes le soupçonnent de ces activités et ils le déplacent en 1920. Le comportement des kémalistes à l'endroit des Kurdes change alors entièrement. Les vrais enjeux ne tarderont pas à se manifester. « La nation kurde fut condamnée à l'extermination: l'assimilation n'était plus praticable. Il fallait exterminer le Kurde aussi qui d'ailleurs ne différait de l'Arménien que religieusement »80. Les chefs kurdes qui souhaitaient bénéficier de la guerre turco-grecque pour posséder un État, se retrouvent dans une situation tragique puisque leur mouvement sera démoli en moins d'un mois dans le sang en avril 1921. 4.2 Le traité de Lausanne et ses effets sur le peuple Kurde Ce traité remplace celui de Sèvres qui instituait une Arménie indépendante dans le nord-est de la Turquie, un Kurdistan autonome dans le sud-est, et laissait à la 79 Ibid. , p.178. 8° Ibid.,p.181. 47 Grèce la Thrace orientale et la région de Smyrne (actuelle ville de Izmir). Comme indiqué plus haut, le traité de Sèvres était refusé par le mouvement national mené par Kemal Atatürk. À la suite de la victoire d'Atatürk, avec l'appui incontestable des Kurdes qu'il a su convaincre sournoisement, sur les forces d'occupation étrangères à la fin de la Guerre d'indépendance (1919-1922), une conférence internationale s'est réunie pour remplacer le traité de Sèvres. Le traité de Lausanne est signé par l'Angleterre, la France, l'Italie, le Japon, la Grèce, la Roumanie, l'État serbe-croate-slovène, et la Turquie. Le traité reconnaît en premier lieu la légitimité du régime d'Atatürk installé à Ankara. Ensuite, les frontières de la Turquie moderne sont définies. La Turquie renonce à ses anciennes provinces arabes et reconnaît l'appropriation de Chypre par les Britanniques et du Dodécanèse par l'Italie. La Turquie moderne est donc limitée à l'Anatolie et la Thrace orientale. Les Alliés ont obtenu d'importantes concessions de la partie turque pour les terres arabes et européennes de l'Empire Ottoman aussitôt disparu. Ils n'osent pas demander l'indépendance, voire même l'autonomie, du Kurdistan et de l'Arménie, pourtant prévues dans le traité de Sèvres. Les entretiens du traité de Lausanne durent environ huit mois, et le traité est signé le 24 juillet 1923. En aucun instant, le problème kurde n'est évoqué, et toutefois le Kurdistan dans son ensemble est en jeu. Les Kurdes croyaient que ce nouvel État traiterait sur un pied d'égalité les Turcs et les Kurdes. Aktar O. Cengiz, attire notre attention avec la déclaration d'Ismet Inonü, représentant des Turcs à la conférence de Lausanne qui mentionne: « Les Kurdes ne différent en rien des Turcs, tout en parlant des langues différentes, ces deux peuples forment un seul bloc au point de vue de la race. De la foi et des mœurs »81. En d'autres mots, ces propos démontraient que les Kurdes n'auront aucune reconnaissance de leur diversité sur le plan culturel et 81 AKTAR 0, Cengiz, L'Occidentalisation de la Turquie, Paris, L'Harmattan, 1985, p. 126. 48 politique dans la nouvelle République turque. Le 29 octobre 1923, l'Assemblée nationale turque réunie à Ankara proclamait la République turque et consacrait la liquidation de l'Empire Ottoman. Mustafa Kemal devint le premier président de la République avec un pouvoir absolu qui lui permis d'en finir avec le multiculturalisme et le multilinguisme ottoman.' Il est clair que la Conférence de Lausanne ne visait pas à régler le destin des Kurdes mais celui des frontières de la Turquie victorieuse. Les Kurdes étaient oubliés complètement et donc la question de leur octroyer un État ne faisait pas partie de l'ordre du jour de la conférence. Bref, le traité de Lausanne ne comprenait plus de section Kurdistan. Cependant, comme le note Christiane More: Dans sa section III intitulée « Protection des minorités », le Traité de Lausanne reconnaissait implicitement aux Kurdes de Turquie le droit de parler leur langue, y compris devant les Tribunaux. Mais, le gouvernement turc, par une interprétation restrictive de la définition de minorité, leur confisqua ce droit: pour les turcs, les minorités reconnues comme telles ne sont que les minorités non musulmanes (Grecs et Arméniens) »82. En effet, moins d'un an après la signature de ce traité, le gouvernement turc met en place une politique de «turquification» du Kurdistan, reniant ainsi les stipulations du Traité de Lausanne. À partir de cette date jusqu'aux années 2000, les Kurdes vont subir un processus d'assimilation sans merci. Cette répression commence dès mars 1924. Les écoles, les associations et les publications en langue kurde seront interdites sur tout le territoire. C'est ainsi que note Bernard Dorin: Ces années constituent un grand tournant pour les Kurdes car ils ne vont plus pouvoir se considérer comme une nationalité particulière. Après la chute de l'Empire Ottoman, il y avait eu un véritable essor des nationalismes ethnolinguistiques fondés sur la langue. Or, les Kurdes ont une langue 82 MORE, Christian, Les Kurdes aujourd'hui, Mouvement national et partis politiques, op. cit. ,p. 63. 49 totalement différente de celle des Turcs et vont donc subir une politique d'assimilation forcée. Mustafa Kemal impose donc la langue turque et l'alphabet latin aux Kurdes »83. Il faudrait aussi mentionner que l'une des doctrines essentielles du kémalisme est que tous les habitants de la République de Turquie sont des Turcs, même si près d'un tiers d'entre-eux sont des Kurdes d'une langue et d'une culture différentes. Il n'y aurait donc pas de Kurdes en Turquie, mais des Turcs « montagnards », nom dorénavant donné aux Kurdes. Selon la nouvelle législation mise en place par Mustafa Kemal, « parler de l'existence d'un peuple, d'une culture, d'une langue kurde, reviendrait à saper l'unité nationale en créant des minorités, par des considérations de race, de langue, de religion, porter gravement atteinte à l'indivisibilité du territoire et de la nation de l'État», et c'est même faire du « racisme »84. À partir de février 1925, les Kurdes s'opposent à cette idéologie nationaliste turque et refusent qu'on raye d'un trait de plume leur existence qui remonte à des milliers d'années dans cette région. Mentionnons qu'à cette époque, la sanction fut violente: des milliers de morts, villages brûlés, déplacements de populations. La France aura une grande responsabilité dans l'écrasement du soulèvement kurde en permettant le passage de l'armée turque par la Syrie, alors placée sous le mandat français. Suite à ce traité, le Kurdistan est divisé entre la Turquie, l'Iran, l'Irak et la Syrie. Ainsi, la Première Guerre mondiale prend fin également au Moyen Orient, mais les conflits continuent, notamment entre les Anglais et les Irakiens d'une part, et les Anglais et les Kurdes d'autre part. Pour les Kurdes de Turquie, le traité de DORIN, Bernard, Les Kurdes, Destin héroïque, destin tragique, Paris, Édition Lignes de Repères, 2005, p. 38. 84 JACOBS, Mathieu, La Question Kurde, en ligne, http://mjs24.free.fr/Blog/?page id=13, page consultée le 14 avril 2008. 83 50 Lausanne est donc une catastrophe, car il a détruit le rêve d'un État kurde qui aurait pu exister dans l'histoire. Pour conclure, nous pouvons noter que les années vingt étaient une période de bouleversements pour toute la région. La destruction de l'Empire Ottoman suivi de la révolution nationaliste de Mustafa Kemal place les bases du problème kurde actuel. Le destin tragique actuel du peuple kurde tire son origine du démembrement de l'empire ottoman et de la division territoriale du Kurdistan entre quatre États du Moyen Orient. 4.3 Les trois grandes révoltes kurdes La République de Turquie qui naît le 23 octobre 1923 n'est pas une construction uniquement turque, mais elle enferme aussi une diversité culturelle kurde. Les années 1920 et 1930 sont décisives pour saisir la genèse de la question kurde en Turquie, puisque dès le début du siècle, les Kurdes font face au nationalisme des Jeunes turcs. Pour les Jeunes turcs, les Kurdes deviennent un patrimoine culturel à éliminer de la Turquie. Sur ce point, Sabri Cigerli souligne « ... le mot Kurdistan utilisé dans le traité de Sèvres était interdit par le gouvernement turc. Plus de 90% des noms de villes et villages avaient été turquifiés à partir de 1925 »85. Peu de temps après, le nationalisme résistant des kémalistes éloigne aussitôt les Kurdes de la communauté nationale: « le ministre de la Justice, Esat Bozkurt, postule que ceux qui ne sont pas de race turque n'ont qu'un seul droit en Turquie, le droit d'être des esclaves 85 86 »86. CIGERLI, Sabri, Les Kurdes et/eur histoire, op. cil. ,p. 109. Idem. 51 Entre les années 1925 et 1938, on dénombre pas moins de trente révoltes kurdes. À cette époque, l'état de tension entre les Kurdes et le pouvoir central conduit à une instabilité majeure. En fait, toute au long du siècle, les Kurdes s'opposent à l'idéologie kémaliste dominante dans leur pays. Parmi ces révoltes, trois (Cheikh Saïd, Ararat t Dersim) secouent l'Est anatolien et laissent une marque profonde. 4.3.1 La révolte de Cheikh Saïd (février-mai 1925) En 1925 éclate une révolte kurde de grande ampleur. Celle-ci est menée par le réligieux Cheikh Saïd. La révolte est vue par les autorités kémalistes comme une révolte religieuse réactionnaire propice au rétablissement du califat, renversé un an auparavant, et à l'application de la charia. Il faudrait mentionner ici que même Mustafa Kemal avait lui même constamment employé des arguments religieux, notamment lors de ses conférences dans les villes kurdes et turques, jusqu'à la création de la République turque, pour renverser la dynastie ottomane. Il s'était présenté comme un homme fidèle à la religion dans le but de persuader les populations turques et kurdes de faire la guerre sainte contre les pays chrétiens qui avaient partagé l'Empire Ottoman. Soulignons qu'il est vrai qu'en tant qu'un chef religieux, Cheikh Saïd avait employé des arguments religieux pour avoir l'appui de la population. D'ailleurs, ce dernier était considéré comme un genre de Saint et de Héros dans la région. Par contre, cette rébellion ne devrait pas se définir comme une révolte religieuse, car l'objectif d'accéder à une autonomie constituait un but pour ce leader. L'échec des Kurdes devant Diyarbakir en 1925 oblige ces derniers à se réfugier dans le Nord-Est. « Le Bilan humain de l'insurrection de Cheikh Saïd s'élève 52 à 15 000 victimes civiles» 87. La plupart des dirigeants se rendent en Iran où ils trouvent refuge auprès du chef Simko. Toutefois, d'autres sont arrêtés par l'armée turque et exécutés comme Cheikh Saïd lui-même, pendu avec 52 de ses partisans à Diyarbakir, en septembre 1925. De nombreux Kurdes sont accusés de complicité avec le mouvement séparatiste kurde. La rébellion emmène la déportation de dizaines de milliers de civils. 4.3.2 La révolte du Mont Ararat (1930) Cinq ans plus tard, en 1930, le gouvernement turc fait face à une nouvelle révolte qui est celle de Mont Ararat. La retraite des combattants kurdes vers le nord­ est va faire de l'Ararat une zone d'insécurité où, dès 1927, les convois de l'armée sont attaqués. Des partisans du Comité révolutionnaire arménien collaborent avec les Kurdes, ce qui explique le choix de cette région pour mener cette seconde insurrection. De son côté, Ankara va mettre tous les moyens pour venir à bout des rebelles. «Ce sont plus de 65 000 hommes qui participent à l'attaque déclenchée en juin 1930 »88. La résistance des troupes kurdes oblige le gouvernement turc à s'entendre avec l'Iran. Le Chah rompt alors son aide aux Kurdes et permet le passage sur son territoire des soldats turcs qui mobilise les Kurdes dans le but de mettre fin à la révolte kurde du mont Ararat. « L'effondrement militaire est d'autant plus inévitable que les dirigeants de la révolte du Mont Ararat ne parviennent pas à étendre celle-ci (la révolte) aux Kurdes iraniens, ni même à ceux, plus proches, de Dersim. Finalement, les insurgés se dispersent, certains se réfugient en Iran 87 88 89 BOULANGER, Philippe, Géopolitique des Kurdes, op. cit. , p. 44. CHALIAND, Gérard, Le Malheur Kurde, op. cil., p. 79. Idem. »89. La répression 53 ne frappe pas seulement les régions révoltées mais l'ensemble des régions kurdes. En février 1932, vit ainsi la déportation d'un nombre très important de Kurdes en direction de l'Anatolie. Ces mouvements de transfert prirent fin en 1935. 4.3.3 La révolte de Dersim (1936-1938) Terminons notre analyse avec la révolte de Dersim. Cette révolte éclate en 1936 pour durer deux ans et elle est dirigée par Seyid Riza. Étant donné que la région de Dersim était montagneuse et peu accessible, elle était restée jusqu'à cette période à l'écart de toute agitation. En 1936, un projet de transfert de la population provoque un refus catégorique. La rébellion est surtout menée par et pour des Kurdes alévis, habitants de cette région. La résistance, facilitée par le relief, sera longue et acharnée. Environ 60 000 soldats turcs participent aux neutralités axiologiques: « Ces massacres et répressions laisseront une région dévastée et interdite aux étrangers jusqu'en 1965. La défaite subie par les Kurdes à la fin de cette révolte donnait dorénavant toute la liberté aux autorités pour turquifier le Kurdistan turc 90 Ibid, p. 81. »90. CHAPITRE V LE MOUVEMENT NATIONAL KURDE ET LE NATIONALISME 5.1 Les origines du mouvement national kurde Les Kurdes avaient fait confiance, à tort, au mouvement des Jeunes Turcs et au mouvement nationaliste d'Atatürk. Mustafa Kemal, avant sa victoire, évitait de glorifier uniquement la nation turque pour ne pas choquer les Kurdes afin d'obtenir leur appui dans les guerres menées contre l'ennemi. Comme le souligne Chritian More: Il appelait à la fraternité des Kurdes et des Turcs, à l'union de la nation ottomane contre les forces étrangères d'occupation et même, dans un Protocole signé avec le gouvernement turc fin 1919, recOlmaissait les droits nationaux et sociaux des Kurdes. Mais le 1er novembre 1922, quelques semaines après l'armistice de Moudania, fort de ses succès militaires et de sa popularité, il déclarerait à la tribune de l'Assemblée Nationale: « l'État qui vient d'être fondé est un État Turc ». Les faits par la suite confirmèrent cette déclaration et ses implications. Ainsi, le 3 mars 1924, jour de l'abolition de Califat, un décret interdisait toutes les écoles, associations et publications kurdes au même titre que les confréries religieuses et les écoles coraniques 91 . La communauté kurde, vivant en général avec des valeurs religieuses, cesse son appui au parti nationaliste de Mustafa Kemal suite à la laïcisation et la modernisation imposées par ce dernier. Également, certains nationalistes kurdes qui avaient remarqué dans le traité de Sèvres le début de la concrétisation de leurs espoirs, déçus par l'orientation prise par le régime kémaliste, prirent la tête de nouvelles révoltes qui secouèrent le Kurdistan de 1925 à 1939 comme décrites plus haut. Pendant les années 1920, deux organisations politiques kurdes sont formées en Turquie: Azadi (Liberté) menée par des intellectuels et des officiers qui organise la révolte de Cheikh Saïd avant de disparaître et le second est le Khoybun (Être soi­ même), créée en 1927 sous la direction des frères Bedirhan et Ihsan Nuri. 91 MORE, Christian, Les Kurdes aujourd'hui, Mouvement national et partis politiques, op. cit. , p. 64. 55 Les années 1938 à 1980 est vue comme une période de condamnation du mouvement national kurde. La répression offensive faite contre les populations kurdes, entres autres contre leurs chefs, pendant et après la révolte de Dersim, paralysa le mouvement national. Jusqu'en 1950, les Kurdes ont affronté la période la plus dure. Le Parti Républicain Populaire (Curnhuriyet Halk Partisi, CHP) a été jusqu'à cette période le seul parti politique de. la république turque. Cependant, l'année 1950 souligne la constitution d'un pluralisme en Turquie qui n'a pas été un simple pluralisme comme cela avait été le cas en 1946. Sur ce point, Sabri Cigerli nous mentionne que « Les premières élections concurrentielles (législatives) furent organisées. Le Parti Démocrate, qui avait été crée en 1946 par quelques membres du Parti Républicain du Peuple et qui comptait beaucoup de bourgeois et de grands propriétaires, recueillit la grande majorité des suffrages. Il n'avait cependant pas pour but de rompre avec le Kémalisme »92. Plus tard, la vie des Kurdes commença à être changée. On leur accorda le droit de parler le kurde dans les rues. Toutefois, la surveillance des intellectuels et des leaders kurdes fut maintenue. Il faudrait aussi mentionner que jusqu'en 1965 il n'existait même pas un parti kurde clandestin. De même que les intellectuels kurdes les plus déterminés étaient éliminés dans différentes circonstances. Même si le mouvement national kurde en Turquie fut entièrement détruit, la Turquie, de peur, continue à signer avec ses voisins des traités contenant des clauses défavorables aux kurdes pour les neutraliser complètement. Suite au coup d'État militaire du 27 mai 1960, une nouvelle constitution est préparée par l'élite bureaucratique et militaire, qui sera plus libérale. Le parti ouvrier turc (Türkiye Isçi Partisi) créé en 1961, jouera un rôle indispensable pour la démocratie et il invoqua pour la première fois, le droit des Kurdes. C'était la première fois qu'un parti turc légal reconnaissait l'existence de ce peuple. Les premières organisations kurdes clandestines et quelques publications en langue kurde expliquant le problème de l'Est furent produit à ce moment-là. La plupart des partis pro-kurde 92 CIGERLl, Sabri, Les Kurdes et leur histoire, op. cit. , p. 126. 56 organisèrent des manifestations dans les villes kurdes sous le nom de Dogu Mitingleri (Les manifestations de l'Est). En 1965, Faïk Bucak, député d'Urfa, a créé le Parti Démocratique du Kurdistan de Turquie. C'était un parti clandestin avec une organisation uniquement nationaliste. Les progressistes kurdes conunencent à agir au sein des organisations de la gauche turque et notanunent du Parti Ouvrier de Turquie. Pendant les a1U1ées 1970, malgré la sanction policière, le mouvement nationaliste est mieux C01U1U. Même en faisant face aux attaques tenaces, les Kurdes de Turquie ne sont pas arrivés à infléchir la politique du gouvernement turc. Les interdictions de la langue et de la culture sont maintenues une fois de plus. Comme le souligne Mathieu Jacobs: Suivant les périodes et le contexte, le législateur s'est contenté d'alléger ou d'aggraver les peines encourues par ceux qui contrevie1U1ent à ces interdictions. Au cœur de ce dispositif juridique, nous pouvons citer les articles 141 et 142 du code pénal, adopté en 1926, interdisant aux kurdes toute expression de leur identité et le droit de créer leurs propres associations et partis politiques, interdit aux formations politiques turques d'affirmer l'existence des kurdes de Turquie et de préconiser la protection et la diffusion de leur culture93 . Les généraux qui avaient pris le pouvoir suite au coup d'État du 12 septembre 1980 ont instauré une loi sur les langues interdites dont les arrangements s'étendaient à tout le champ de la vie culturelle, artistique, scientifique et politique. Mathieu Jacobs note ainsi que « La constitution qu'ils ont imposée aux pays interdisait dans ses articles 26 et 28 l'usage d'une langue prohibée dans l'expression et la diffusion des opinions. Cette politique turque nie l'existence d'une grande part de sa population. Nombreux sont les Kurdes à avoir quitté le pays. La France recueille près de 90 % des Kurdes exilés »94. JACOBS, Mathieu, La Question Kurde, en ligne, http://mjs24.free.fr/Blog/?page id=13, page consultée le 14 avril 2008. 94 Idem. 93 57 De plus, ce coup d'État a eu pour conséquence d'interdire une grande partie des mouvements politiques légaux. La sanction pratiquée contre les révoltés était d'une grande atrocité; elle détourna dans les années qui suivirent, tout geste de la part des mouvements d'extrême gauche en Turquie, quoique très actifs jusque là, et d'extrême droite aussi. Le PKK, clandestin depuis sa création, était le seul mouvement politique à pouvoir se protéger de cette rafale en mobilisant une grande partie de ses militants de Turquie. La lutte armée du PKK, entamée le 15 août 1984, était considérer comme le début de la renaissance du mouvement national kurde en Turquie. Ce mouvement débuta la lutte armée swtout dans les régions kurdes avec peu de combattants comme nous l'analyserons dans la deuxième partie de la présente étude. 5.2 Apparition du nationalisme Les Kurdes, au-delà de leurs divisions régionales, politiques et religieuses, ont conscience d'être des Kurdes et d'appartenir à un pays qu'ils appellent le Kurdistan. « Le sentiment d'appartenance à un peuple différent, la conscience de la kurdité et du Kurdistan est très ancienne chez les Kurdes »95. Toutefois, Wedat Kaymak note que, «jusqu'à la fin du XIXe siècle, les Kurdes ne se sont jamais préoccupés de leur unité nationale. Les conflits intertribus les ont empêchés d'étendre leurs relations avec le monde extérieur et, par conséquent, leur vision s'arrête à la limite de leur fief. Isolés ainsi sur le plan international, ignorant les bouleversements que le monde subit, la prise de conscience nationale est inhibée»96. Cependant, Gérard Chaliand note que, « le sentiment de l'identité kurde se trouve déjà exprimé chez le poète Ehrnede Khanî, qui est au centre de la culture littéraire kurde et dont la popularité ne s'est jamais démentie. Mais, jusqu'au XXe siècle, le seul modèle d'unification des Kurdes restait 95 96 NEZAN, Kendal, La genèse du nationalisme kurde, Confluences Méditerranée, Été 2000, n034. KAYMAK, Wedat, Précis de l'histoire kurde de l'antiquité à 1940, op. cit. ,p. 138. 58 l'adhésion à un mouvement suscité par un personnage charismatique et s'effondrant avec la disparition de celui-ci »97. Quant à Bernard Dorin, ce qui définit l'identité kurde, c'est le sentiment d'appartenir au peuple kurde. « On retrouve une forte conscience de l'identité kurde. Cette prise de conscience nationale est le fait capital de l'évolution du Kurdistan »98. Jusqu'à la fin de la Seconde Guerre mondiale, les Kurdes de l'Empire Ottoman se sentaient plus musulmans que des kurdes. « C'est surtout au moment du traité de Sèvres que le sentiment national s'est affirmé. La disparition de l'État kurde indépendant, envisagé par le traité de Sèvres, a constitué un traumatisme très fort et a réveillé la conscience nationale des Kurdes »99. Le sentiment national, l'amour pour sa patrie, son sol natal, son histoire, ses croyances et ses coutumes, est un sentiment universel qui se retrouve chez tous les peuples et reste légitime, tant qu'ils n'essaient pas de dominer ceux qui l'entourent et qui ne sont ni de la même ethnie, ni de la même civilisation, ni de la même culture. Le nationalisme kurde est le contemporain des nationalismes grec et serbe. Au XIXième siècle, le nationalisme kurde se déclare surtout par des épreuves éparpillées pour ériger des principautés indépendantes du pouvoir central, qu'il soit ottoman ou perse. Les Kurdes ont toujours eu un sens profond de leur nationalité, comme tous les autres peuples. Comme le souligne Thomas Bois, cette prise de conscience de leur personnalité ethnique n'est certes pas née d'un seul coup, « mais il est pour le moins aussi ancien, - et aussi solidement établi,- que le nationalisme arabe, par exemple ou le nationalisme, beaucoup plus récent, des différents nouveaux États africains »\00. Hamit Bozarslan décrit ce nationalisme comme suit: Le nationalisme kurde correspond à une génération inédite de nationalisme qui prend pour cible non pas des empires coloniaux ou multiethniques, mais des États qui se revendiquent eux-mêmes nationaux. Il est désavantagé par CHALIAND, Gérard, Le Malheur Kurde, op. cit. , p. 58. DORIN, Bernard, Les Kurdes, Destin hérOïque, destin tragique, op. cit. , p. 23. 99 Ibid. , p. 24. 100 BOIS, Thomas, Connaissance des Kurdes, Beyrouth, Khayats, 1965, chapitre XI. P. 141. 97 98 59 rapport aux nationalismes des autres peuples dits «sans histoire », dans la mesure où un État central parvient plus facilement qu'un empire - colonial ou non- à mobiliser ses ressources économiques, militaires ou logistiques pour faire face à la contestation minoritaire, et où il peut également faire jouer plus facilement ses mécanismes de légitimation 101. C'est la tribu et la confrérie qui se trouvent dans divers points du Kurdistan qui ont alimenté le nationalisme Kurde des années vingt aux années soixante. Eux­ mêmes guidé par des intellectuels, leur objectif était de modérer le Kurdistan en brisant tout ce qu'il considérait comme relevant de la vieille mentalité. Phénomène moderne, le nationalisme kurde d'aujourd'hui évoque un type nouveau de nationalisme, visant le droit à l'indépendance, non pas contre un empIre ou une puissance coloniale, mais contre des États eux-mêmes issus de la décolonisation ou d'une guerre d'indépendance. Son but est de modifier le statut du groupe: de passer du statut de minorité, au sens juridique et politique du terme, à celui de majorité, donc, de fonder un État en réunissant les régions kurdes de Turquie, de Syrie, d'Irak et d'Iran. Bref, le but ultime du nationalisme kurde demeure la création d'un État­ Nation unifié. Cependant, les acteurs kurdes actuels visent en premier à réaliser leur intégration dans les États tels qu'ils existent, « à atteindre aux moyens économiques et politiques et à faire accepter comme légitime le principe du partage des ressources symboliques (langue, culture, administration, représentation, etc.,) »102. Le nationalisme kurde prend une tournure au 19ème siècle avec plusieurs révoltes durement réprimées en 1879,1886,1889 et 1913. À la suite de la chute de l'Empire Ottoman, le Traité de Sèvres permet de croire à la construction d'un État kurde. La naissance de la Turquie nouvelle avec Mustafa Kemal et les appétits franco-britanniques grandissants, le maintient des sphères d'influence, la découverte de pétrole dans la région de Mossoul en décident autrement. La disparition des émirats indépendants durant la première moitié du XIXe siècle donne place à de 101 102 BüZARSLAN, Hamit, La Question Kurde, États et minorités au Moyen-Orient, op. cit. , p. \03. Idem. 60 nouveaux dirigeants politiques, les Cheikhs, qui seront aussitôt à la tête de toutes les révoltes importantes. Ces révoltes cherchent à former un sentiment de l'identité kurde, prélude à la croissance du nationalisme moderne au XXe siècle. En conclusion, on peut dire que le nationalisme kurde, qui a des racmes historiques très anciennes, démontre aujourd'hui une vue multiple. Comme le note Kendal Nezan : N'ayant aucune visée combative ou expansionniste envers les peuples voisins, ce nationalisme, dans ses différentes expressions, cherche à assurer le droit des Kurdes à survivre en tant que peuple distinct, dans des formes politiques et administratives qui restent à négocier mais qui excluent la mise en cause des frontières existantes. Ses modes d'action varient d'un État à l'autre et sont souvent influencés par les fo0litiques de ces États envers les Kurdes, leur degré de brutalité et de négation 03. Mentionnons que les intérêts des puissances coloniales de l'époque ont toujours été défavorables à la création d'un État kurde indépendant comme le démontre leur prise de position lors de traité de Lausanne. Depuis cette neutralité axiologique, les Kurdes n'arrêtent pas de combattre pour leur liberté tant désiré. De plus, le rejet des Kurdes en tant que Kurdes de la citoyenneté turque, et surtout les conditions économiques et politiques des régions kurdes, «ont été des facteurs déterminants dans la renaissance du nationalisme kurde dans les années 1960 et 1970 : le PKK aurait ainsi répondu aux attentes et dispositions d'une société touchée de plein fouet par une angoisse liée à la modernisation rapide (exode rural, individualisme, transformation des structures sociales), au sous-développement et à la , . 104 represslOn » NEZAN, Kendal, La genèse du nationalisme kurde, Confluences Méditerranée, Été 2000 nO 34. KÜÇÜK, Bülent et GROJEAN, Olivier, Le PKK après la capture d'Dcalan, phénomène charismatique et mythes politiques au sein du mouvement kurde, Édition Kurdes, N°g - septembre 2006. 103 104 61 CONCLUSION DE LA PREMIÈRE PARTIE Dans cette première partie, nous avons pu remarquer que les Kurdes ont mené et mènent toujours une lutte serrée contre le Kémalisme turque qui les nie à tout prix. Depuis la constitution de la République de la Turquie, en 1923, toutes les révoltes kurdes sont violemment punies dans le sang. Le bilan est notamment pénible sous la présidence de Mustafa Kemal: l'armée turque écrase dans le sang la révolte de Cheikh Saïd, le soulèvement d'Ararat, et la révolte du Dersim. En raison même de cette division frontalière, l'absence de solidarité, de l'inexistence de structures politiques modernes, du manque d'alliés extérieurs et d'aide logistique, les Kurdes ont été vaincus à chaque fois et les révoltes ont été réprimées. Le gouvernement exaltant le nationalisme turc, choisit une politique d'assimilation à l'encontre des Kurdes, politique basée sur les déportations massives et l'élimination physique des chefs politiques, intellectuels et religieux kurdes. L'emploi même du mot « kurde» serait défendu. Durant les années 1950, la Turquie connaît une démocratisation, entourée par l'armée et ponctuée de trois coups d'État (1960, 1971 et 1980). Des partis politiques apparaissent. Les Kurdes militent d'abord au sein des partis turcs de gauche, mais leur position politique se radicalise à partir du coup d'État de 1971. C'est dont pour cela qu'on créé le Parti des travailleurs du Kurdistan. Son programme, mélange de marxisme et de nationalisme, prône l'indépendance du Kurdistan. Le PKK rassemble alors essentiellement des paysans kurdes autour de ses idéaux. Nous verrons dans notre deuxième partie le rôle du PKK dans la reconnaissance de la question kurde. DEUXIÈME PARTIE LE RÔLE DU PKK DANS LA RECONNAISSANCE DE LA QUESTION KURDE Jusqu'ici, nous avons pris connaissance de l'histoire des Kurdes afin de mieux cerner le rôle de certains acteurs dans la question kurde, notamment celui du PKK que nous analyserons dans cette deuxième partie de l'étude. Plus précisément, nous tenterons de décortiquer le rôle du PKK dans la reconnaissance de la question Kurde. D'après la thèse qui soutient ce travail, le PKK a joué un rôle déterminant pour faire entendre au peuple entier la voix des Kurdes, toutefois peu d'auteur ont démontré cette réalité. On se rend compte qu'il y a peu d'analyse effectué sur le PKK. Il est étonnant de constater que l'ignorance de l'existence du PKK par la plupart des chercheurs consiste soit à le dénoncer soit pour dire qu'il joue un rôle sans expliquer ce rôle et son importance ou sa portée. Pourtant, le gouvernement turc considère que la fin du PKK mettra fin à la question et au problème kurde. C'est donc dire que cette organisation a acquis une importance que semblent ignorer certains analystes. L'explication de l'apparition du PKK en Turquie ne saurait se passer d'une analyse circonstancielle. Le PKK est aujourd'hui le mouvement le mieux implanté dans le Kurdistan turc et par conséquent, une analyse de son rôle paraît indispensable pour comprendre la situation du problème kurde qui existe en Turquie. CHAPITRE 1 ORIGINE DU PKK 1.1 Contexte historique Le contexte historique est nécessaire pour comprendre la naissance de ce parti kurde à la fin des années 1970. La violence qu'a vécue la Turquie, où s'opposent extrême gauche et extrême droite entre 1975 et 1980, avant que l'armée n'intervienne, va aider à l'essor du parti kurde. Depuis le 15 août 1984, date de la première grande offensive lancée par le PKK depuis le territoire irakien marquant le début du conflit entre ce dernier et les forces de sécurité turques, on estime « à peu près de 35.000 morts, civils et militaires, et 3000 villages évacués de force et détruits par l'armée turque. Quelque 3,5 millions de Kurdes du Sud-est ont été forcés à se déplacer, surtout pour échapper au conflit et à la destruction des villages, mais aussi pour des raisons économiques» 1os . Le PKK n'est pas apparu au Kurdistan, maIS bien sur les campus universitaires et dans les banlieues d'Ankara, la capitale de la Turquie. Entre 1973 et 1974, à l'image des fondateurs des autres partis kurdes emprisonnés après le coup d'État militaire du 12 mars 1971, des étudiants ont commencé à se questionner sur l'identité kurde et sur l'attitude de la gauche turque à l'égard du problème kurde. Comme le note Paul White, « Ce qui explique son caractère hybride: Le PKK se prétend marxiste-léniniste, mais son idéologie, sa stratégie et ses choix tactiques mêlent nationalisme et stalinisme »106. C'est seulement plus tard que l'organisation sera créée à Diyarbakir. Abdullah Ocalan, fondateur-leader du PKK, énonce pour la première fois ses pensées politiques devant un groupe d'étudiants kurdes lors d'un pique-nique organisé près du barrage de Çubuk à Ankara au cours duquel on 105YERRlER, Michel, Quelle stratégie pour le Kurdistan, Le Monde diplomatique, février 1999. \06 BOULANGER, Philippe, Géopolitique des Kurdes, op. cit, p. 144. 64 dénoncera la colonisation du Kurdistan. Après une première année de militantisme, Ocalan arrive à faire part de ses opinions à une quinzaine d'étudiants. Ces étudiants en science politique (à l'Université d'Ankara) d'allégeance maoïstes se regroupent au sein des groupes de l'extrême gauche turque qui regroupent des Turcs et des Kurdes. Parmi ces derniers, on note que trois sont des Turcs soient Haki Karer, Kemal Pir et Duran Kalkan. Très militants, ces étudiants consacrent beaucoup plus de temps à la politique qu'à leurs études, discutant pendant des nuits des moyens d'organiser la lutte contre les fascistes du MHP (Parti d'Action Nationaliste turc du colonel Turkes) et de leurs rapports avec plusieurs organisations de l'extrême-gauche turque. Entre 1974 et 1975, deux structures aident à l'élaboration du PKK soit l'Association démocratique des études supérieures d'Ankara (Ankara Demokratik Yüksek Ogrenim Demegi, ADYOD) et l'Association des hautes études d'Ankara (Ankara Yüksek Ogrenim Demegi, AYOD), qui permettent à Ocalan de poser son autorité sur ses camarades. Avec le temps, plusieurs étudiants des autres villes participeront aux activités du groupe. L'organisation qui s'amorce,. voit son encadrement organisationnel s'affirmer en 1976 lors d'une réunion tenue à Dikmen (ville d'Ankara). Ces jeunes militants développent une analyse politique qui les distingue des autres groupes. « Le développement de l'organisation doit reposer sur une analyse précise de la réalité du Kurdistan. Le groupe doit être clandestin, car la mise sur pied d'une organisation légale serait vite écrasée par les forces de l'ordre. La lutte armée doit constituer le mode d'action privilégié »107. Le PKK se définit lors de la publication de son premier programme en 1977, comme un mouvement révolutionnaire démocratique national créé sur l'alliance des 107 CIGERLI, Sabri et LE SAüUT, Didier, Dcalan et le PKK, Les mutations de la question kurde et au Moyen-Orient, Paris, MaisolU1euve et Larose, 2005, p. 41. 65 travailleurs, des paysans et des intellectuels qui rêvent de détruire le colonialisme et de créer un Kurdistan démocratique et uni dont les bases reposeraient sur les principes marxistes- léninistes. Il rappelle au peuple kurde 1'histoire du Kurdistan, la révolution du prolétariat, la répression contre les Kurdes. « Il définit les étapes nécessaires à la fondation d'une nouvelle organisation, à savoir, constituer une idéologie, préparer les bases organisationnelles les plus élémentaires, puis avancer pas à pas. Pour la première fois, il instaure une hiérarchie dans le groupe» 108. Apocular (les partisans d' Apo) sera le nom du groupe. L'implantation du réseau créé par Ocalan dans les provInces kurdes de Turquie lui permet ainsi de former un premier groupe d'étudiants kurdes qui donnera naissance à l'Armée de libération nationale (Ulusal Kurtulus Ordusu-UKO) qui sera le noyau du futur PKK. 1.2 La fondation du PKK Ocalan pense que le moment était venu pour mettre en place la structure qui va porter le combat du peuple kurde. Une réunion est organisée le 27 novembre 1978 à Fis près de Diyarbakir dans le but de convenir des choix stratégiques. Le PKK naît officiellement le 27 novembre 1978, après un fonctionnement clandestin de quatre ans, et s'implante au Kurdistan turc en 1979. Son premier congrès se tient à la frontière libano-syrienne en juillet 1981. Ocalan sera élu président et disposera d'un pouvoir absolu. Un programme est choisi le dernier jour de la réunion, le but est la révolution démocratique et nationale du Kurdistan. L'indépendance comme objectif et la lutte armée comme moyen sont autant de caractéristiques qui distinguent cette nouvelle organisation des autres groupes kurdes. Révolutionnaire et marxiste­ léniniste, le PKK se veut un mouvement de libération nationale et plus particulièrement, de libération du prolétariat. Comme le souligne Christian More 108 Ibid. , p. 42. 66 « Plus généralement, les idées-forces du PKK sont les suivantes: organiser et mener la lutte du peuple kurde; libérer le Kurdistan de l'impérialisme et du colonialisme; établir la dictature du prolétariat dans un Kurdistan indépendant et unifié; réaliser une société sans classes »109. La création du PKK est une manifestation idéologique du nationalisme kurde qui parvient, enfin à se libérer de la gauche communiste turque. Une autre réunion du comité central tenue en avril 1979 à Fis, accorde au groupe le nom de Parti des travailleurs de Kurdistan. La proclamation du PKK convient de l'autorité d'Ocalan. Ce dernier, qui s'est assuré tout au long des dernières années de l'honnêteté des militants qui ont rejoint le mouvement kurde, traverse une étape importante dans son projet de construction d'une organisation nationaliste. Son programme dénonce la situation du Kurdistan sous le joug du colonisateur capitaliste. Les propriétaires terriens sont considérés comme des collaborateurs bourgeois, la révolution s'appuie sur l'alliance des ouvriers et des paysans. D'ailleurs, le PKK a longtemps bénéficié de l'appui de la paysannerie et de la classe ouvrière kurde. Il faut mentionner que depuis sa création, les objectifs du PKK ont beaucoup changé. La dimension marxiste-léniniste et maoïste disparaît par la suite et, depuis le 5ème Congrès tenu du 8 au 25 janvier 1995, le programme abandonne toute référence au socialisme soviétique et prend une tournure plus nationaliste. Ocalan y déclare qu'il est prêt à « entrevoir une option fédéraliste en lieu et place des revendications séparatistes et que les voies politiques et diplomatiques sont poursuivies parallèlement à la voie militaire»llO. D'ailleurs, le 20 novembre 1995, Ocalan affirme clairement lors d'un entretien donné au journal saoudien El Bayat, qu'il opte pour le 109 MORE, Christian, Les Kurdes aujourd'hui, Mouvement national et partis politiques, Paris, Editions ['Harmattan, 1984, p. 189. 110 Commission des reCOlliS des réfugies, Le Parti des travailleurs du Kurdistan PKK nommé KADEK depuis avril 2002, en ligne, www.commission-refugies.fr/IMG/pdf/Turquie. page consultée le 13 août 2008. 67 fédéralisme: « Bien que nous soyons un peuple qui a des particularités qui le distinguent du peuple turc, nous accepterions une fonnule fédérale à l'instar des États-Unis »111. Finalement, selon Ocalan le but principal de la fondation du PKK n'est pas la libération nationale ni même la construction d'une entité socialiste (État kurde ou fédération de républiques socialistes du Moyen-Orient) mais la destruction du Kurde « asservi », et donc détestable. Non seulement le parti était incapable d'établir un véritable but à ses membres ou aux Kurdes en général, mais, une victoire qui ne se fût interprétée que par l'accomplissement de l'objectif national paraissait lui faire peur. 1.3 Son Idéologie Marxiste Le premier plan du PKK, s'inspirant de la révolution chinoise de Mao, est radical et vise la création par les armes d'un État kurde communiste, passant par l'élimination de la classe bourgeoise et l'union entre les travailleurs et les paysans. Se désignant conune laïc, le PKK n'est pas traditionnel et il refuse l'obéissance totale de la femme à l'homme. La plupart des personnes voient que l'adoption du marxisme par le PKK joue un rôle important dans la production de son idéologie. Il faut constater que la création du PKK est marquée, dans un~ période définie, par la progression des mouvements radicaux marxistes dans le monde des années soixante. Ocalan mentionne que « pour accomplir les tâches que le progranune du PKK a définies, il faut s'appuyer sur le marxisme-léninisme, sur les forces socialistes révolutionnaires dans le monde et sur l'héritage fait de résistances que notre peuple nous alléguées »112. Selon le PKK, l'impérialisme est la principale cause de toutes les souffrances de notre époque: racisme, inégalités sociales, division du Kurdistan. Le III CIGERLI, Sabri et LE SAüUT, Didier, Ocalan et le PKK, Les mutations de la question kurde et au Moyen-Orient, op. cit. , p. 174 112 YÜCE, Mehmet Can, Dogu 'dan yükselen giines (Le soleil qui se lève à l'est) Istanbul, Édition Zelal Yayinlari, 1999, tome 2, p. 296. 68 PKK, se déclare être non seulement un mouvement de libération nationale mais aussi un mouvement pour la libération d'une classe à long terme. Christian More mentionne que le PKK appelle: les communistes, les travailleurs, les opprimés, les pauvres paysans exploités, la jeunesse qui a perdu son identité nationale et qui a perdu l'espoir, les femmes vendues et asservies dans une société de classes dont l'avenir est assombri par mille douleurs, à lutter sous sa direction pour passer de la pauvreté et de la misère, à un avenir heureux; de l'exploitation et de l'oppression dans le pays, à la propriété de la ten'e et la liberté, en sortant de la nuit du Moyen-âge, pour aller vers la clarté du tempsll3. Les Kurdes de Turquie ont, avant l'avènement du PKK, milité au sein des partis marxistes, dans desquels ils occupaient souvent des postes de cadre. On peut citer ici Deniz Gezmi~, Mahir Cayan et Ibrahim Kaypakkaya qui ont été les chefs des combats révolutionnaires de l'époque. Durant cette période, nous constatons une certaine division dans la société kurde, entre un groupe partisan solidement idéologisé et rompu à l'idéologie marxiste, et une grande majorité de la population généralement analphabète, qui n'ont pas le choix de passer en quelques décennies d'une société traditionnelle à un modèle occidental exigé par l'État et ainsi privée de repères. «Cette population, qui ressent beaucoup le poids de l'assimilation turque et sa «citoyenneté de seconde zone», l'omniprésence de l'armée, constitue un terreau privilégié pour les propagandistes de toutes sortes» 114. L'idéologie du PKK mélange aussi lutte des classes et nationalisme. La différence de celui-ci par rapport aux autres partis, c'est l'importance qu'il donne à la lutte armée. Alors que les survivants du soulèvement de 1937 et des précédents, ne cessent de répéter que « la lutte armée, ça ne marche pas( ... ) nous avons essayé, c'est 113 114 MORE, Christian, Les Kurdes aujourd'hui, Mouvement national et partis politiques, op. cit. , p.189 JÉZÉQUE, Thomas, Mémoire de fin d'étude Institut d'Études Politiques de Lille, Deuxième partie, Le mouvement kurde de Turquie depuis l'arrestation d'Abdullah Dcalan L'évolution de la question kurde en Turquie depuis l'arrestation d'Abdullah Dcalan, Juin 2004, en ligne, http://www.ofkparis.org/articles/guestion-kurde-pk.k.htm# finref4, page consultée le 24 juin 2008. 69 sans espoir, les jeunes idéologues du PKK renouent avec elle, sous ses formes les plus violentes. Selon le PKK l'acte terroriste est un acte de propagande en même temps qu'il affaiblit l'État fasciste; il permet d'éveiller la conscience politique des paysans, en leur montrant que le pouvoir colonial est faible et qu'il est possible d'agir contre lui» 115. Aussi, selon Ocalan, il existe des grandes différences entre le PKK et les révoltes d'autre fois. Selon lui, La lutte du PKK représente la forme moderne la plus avancée de la défense des Kurdes, alors que ces révoltes qui ont éclaté au cours des siècles passés ( ... ) reposaient sur les stricts intérêts nominatifs des chefs dynastie, des agas, des maîtres et des cheikhs. (... ) Les divisions et l'indiscipline qui prévalaient dans les rangs des insurgés au cours des révoltes des siècles pq.ssés ne pouvaient en effet conduire à l'échec des rébeillons. (... )L'une de leurs caractéristiques tient en ce qu'elles sont spontanées et archarques. Une révolte entreprise et menée sur l'idée de se tourner vers le plus offrant, ne peut aboutir '1tat pro bant. 116 a, un resu Malgré que la première revendication écrite de l'organisation soit la création d'un Kurdistan indépendant, avec les années, le PKK a adopté une idée fédéraliste semblable à celle des États-Unis dans le but d'arriver à une proposition de solution à la question kurde. D'ailleurs, le 20 novembre 1995, Ocalan affirme clairement lors d'un entretien donné au journal saoudien El Hayat, qu'il opte pour le fédéralisme: « Bien que nous soyons un peuple qui a des particularités qui le distinguent du peuple turc, nous accepterions une formule fédérale à l'instar des États-Unis »117 1.4 Le leade~ du PKK, Abdullah Ocalan Nous ne pouvons analyser le PKK sans parler de leur leader Ocalan. Connu sous le nom cl' Apo (qui veut dire « oncle» en kurde), Ocalan se distingue par son 115 KUTSCHERA, Chris, Le défi kurde ou le rêve de l'indépendance, Paris, Éditions Bayard, J 997, p. 251. 116 CIGERLI, Sabri et LE SAOUT, Didier, Dcalan et le PKK, Les mutations de la question kurde et au Moyen-Orient, op. cit. , p. 329. 117 I bid.,p.174. 70 origine sociale des autres leaders kurdes que sont Qazi Mohamed, Cheikh Saïd, Mustafa Barzani, Massoud Barzani, Jelal Talabani. Ces derniers venaient de riches familles influentes de propriétaires terriens tels les Agas et les Cheikhs, Ocalan est natif d'une famille paysanne très pauvre qui comptait sept enfants. Ocalan est né en 1948 dans le village de Cibin rattaché à la sous-préfecture de Halfeti relié à Urfa. Fils aîné d'un père Kurde et d'une mère d'origine Turkmène, Ocalan ne parle pas le Kurmandji lors de son enfance, ce qui expliquera que le turc soit la langue de travail du PKK. Il était un enfant très croyant. Il connaissait par cœur 33 sourates du Coran et n'oubliait jamais l'heure de la prière. Étant donné que le village dans lequel il vivait ne possédeait pas d'école primaire, il a dû fréquenter celle du village voisin. Pour faire ses études secondaires, il s'en va étudier à Nizip, dans la sous-préfecture d'Urfa, avant de partir à Ankara pour poursuivre des études dans un lycée professionnel. Suite à une enfance ardue et des études médiocres dans un lycée professionnel d'Ankara, il sera fonctionnaire dans l'administration de propriété foncière et du cadastre. Après la pratique de cette fonction durant un an à Diyarbakir et un an à Istanbul, il repart à Ankara pour débuter des études en science politique. C'est à cet endroit qu'il aura ses premiers contacts avec l'extrême gauche dans le contexte très particulier des années 1970. Les années 1970 sont pointées par un mouvement populaire et politique très intense. Les mouvements étudiants deviennent actifs notamment à Ankara et à Istanbul. Étant adepte des pensées de certains courants religieux islamistes, Ocalan sera attiré par le développement des mouvements révolutionnaires et démocratiques étudiants durant ses études. Suite à la pendaison des leaders étudiants tels que Mahir Cayan, Yusuf Aslan et Deniz Gezmis, il collabore aux manifestations de protestations. En 1972, il est arrêté et purge une peine de prison de six mois. Pendant sa détention, il réalise des recherches avancées, il lit et analyse abondamment. Ainsi, ces mois de détention seront le tournant de sa conception politique et de sa pensée. 71 Il adopte une attitude nationaliste, confirmant l'exploitation économique du Kurdistan et désignant les soldats turcs d'occupants, il se querelle aussitôt avec ces mouvements gauchistes, dominés par les Turcs. Il quitte l'organisation de THKP-C (Türkiye Halk Kurtulu~ Partisi-Cephesi, parti front de la libération du peuple) parti gauchiste turc. « Plus cynique, certains voient dans cette rupture d'bcalan la volonté d'être le seul maître à bord: militant parmi tant d'autres au sein de la gauche turque, un mouvement marxiste-léniniste à dominance kurde lui permet, au contraire, d'asseoir son hégémonie personnelle» 118. Bref, tout en défendant des idées gauchistes, Ocalan s'intéresse davantage à la question kurde. bcalan va créer une position de leader qui sera d'autant plus performante qu'il se montre comme le dirigeant incontesté dans les rangs du PKK aussi au sein de la population kurde. 118 BOULANGER, Philippe, Géopolitique des Kurdes, op. cit, p. 151. CHAPITRE II PKK SUR LE PLAN POLITIQUE 2.1 L'organisation politique Notons qu'il existe une véritable division du travail au sein de l'organisation du PKK. « Des structures civiles existent qui regroupent des militants actifs dans différents secteurs qui s'emploient à diffuser le programme et les revendications du PKK »119. L'organisation civile est centralisée au même titre que toutes les structures du PKK. Des règlements sont mis en place pour administrer le travail quotidien que les militants doivent obéir. L'Organisation est dirigé par bcalan avec le titre de secrétaire général jusqu'en 1994 et de président depuis. Au sein de cette organisation, on trouve d'abord, des hauts dirigeants. Le dirigeant est vu comme un cadre suivant le modèle léniniste du révolutionnaire professionnel. Il est un coordinateur qui met en place et assure le suivi des décisions politiques fondées sur le recrutement de nouveaux militants et la diffusion du programme du PKK. Ce dernier organise aussi le travail politique au sein d'une série d'associations. L'organisation est entourée aussi d'un conseil de la présidence, composé de sept personnes, d'un comité central de 50 membres et d'un bureau central disciplinaire. Le comité central est l'organe principal de décision et d'exécution: « il élit le conseil de présidence (... )et est essentiellement responsable de l'organisation de l'ensemble des activités. On le considère donc comme la « structure dirigeante au plus haut niveau tactique» à l'intérieur du PKK, et il est chargé d'organiser et de 119 C1GERL1, Sabri et LE SAOUT, Didier, Dcalan et le PKK, Les mutations de la question kurde et au Moyen-Orient, op. cit, p. 152. 73 contrôler tous les autres organisations et comités du parti. ( ... ) Le comité prend des décisions politiques, mais celles-ci doivent s'appuyer sur une majorité absolue»l2o. Le congrès du Parti est la seule instance ouverte à la participation publique. Il se réunit habituellement tous les 4 ans. Toutes les organisations du PKK intervenant dans les zones kurdes sont rassemblées dans l'Organisation provinciale de parti, laquelle est contrôlée par les congrès provinciaux qui évaluent et déterminent lors de leurs congrès tous les deux ans les activités et tactiques locales. Les décisions des congrès provinciaux doivent être approuvées par le comité central et le président. « Les comités provinciaux du parti sont les autorités locales les plus hautes pendant les deux ans qui s'écoulent entre les congrès provinciaux. (... ) Ces organismes ont la charge d'organiser toutes les activités du parti et de les contrôler dans leur propre région »121. Le Congrès a le pouvoir de changer le programme et les statuts et de décider de la politique du parti pour les quatre années à venir. Les décisions sont prises à la majorité des 2/3. Lorsqu'il faut prendre des décisions d'orientation générale et qu'il est impossible de réunir le Congrès, le Président peut convoquer la Conférence du parti, instance qui n'a à priori pas le pouvoir de changer le programme et les statuts. Entre deux Congrès, c'est le Président qui, avec la participation du Conseil de Présidence, oriente les activités de l'organisation et prend les décisions. Il est responsable de l'exécution du programme et des objectifs fixés par le Congrès. Il y a un partage des tâches entre les membres du Conseil de Présidence. Le Conseil disciplinaire central est chargé de veiller à la bonne application des décisions et à la discipline de l'organisation. Il travaille sous la direction du Président du Parti et doit prévenir le Comité Central de ses conclusions. Il n'a pas un pouvoir législatif et ne peut que recommander des sanctions telles que la suspension 120 IMSET, Ismet G, The PKK. A Report on Separatist Violence in TUI'key (1973-/992), Ankara, Turkish Daily News, 1992. 121 Idem. 74 ou l'expulsion définitive ou temporaire des membres. -Les décisions du Comité Central sont soumises à l'approbation du Président. La structure provinciale du parti est à l'image de la structure centrale. Le Congrès provincial se réunit tous les 2 ans à une date fixée soit par le Président du Parti, soit par le Comité Central. Les décisions de ces instances sont soumises à l'approbation du Comité Central et du Président qui ont le pouvoir de les invalider. Les comités provinciaux dépendent du Comité Central et se réunissent tous les quatre mois. Les comités locaux dépendent des comités régionaux. Des Conseils disciplinaires existent au niveau provincial et travaillent en relation avec le Conseil disciplinaire central. Il faut aussi mentionner que le PKK est constitué de deux groupes militaires, internes et externes, qui répondent aux deux objectifs prioritaires depuis sa création, qui est d'enraciner la lutte armée au Kurdistan turc et de s'implanter en Europe occidentale. Le premier groupe militaire est l'Armée de libération populaire du Kurdistan (ARGK, Arteshen Rizgariya Gelli Kurdistan), remplacé en octobre 1986 par l'Union de libération du Kurdistan (Hezan Rizgariye Kurdistan, HRK) qui représente la première armée mise sur pied par le PKK. Son premier chef sera Duran Kalkan. À la fin des années 1984, le PKK se rend compte qu'un front armé n'est pas assez pour supporter le combat dans toute la région. L'accroissement de la guérilla àu centre du pays doit venir appuyer les combats en cours. Alors on mettra en place un nouveau mode d'organisation basé sur l'action de nouvelles unités. Le HKR va ainsi connaître une croissance rapide. Sabri Cigerli mentionne que, selon Ocalan, « l'organisation comptait en avril 1993, 10 000 combattants, en 1996, environ 15 000. Selon les sources du PKK données en 1994, entre 15 et 20 000 combattants (dont environ 20% 75 de femmes) seraient basés dans les régions kurdes de Turquie, d'Iran et d'Irak »122. Au 7éme congrès du PKK en janvier 2000, l'ARGK sera renommé les Forces de défense du peuple. Le deuxième groupe militaire est le Front national de libération du Kurdistan (Eniya Rizgariye Kurdistan- ERNK) est crée le 21 mars 1985. Mahsun Korkmaz sera à la tête de ce groupe. Pendant trois années, l'ERNK déploiera ses actions en parallèle avec celles de la guérilla menée par l'ARGK dans les provinces kurdes. Toutefois après trois années de guerre, l'ERNK confirme lors de son premier congrès tenu en 1989 la cessassions de son engagement dans la guerre. Son rôle sera plutôt de faire un travail de collecte de fonds et de recruter de nouveaux combattants pour l'ARGK. « Il s'apparente alors à une organisation « parapluie» qui couvre les activités de nombreuses organisations kurdes « amies» qu'il contrôle généralement lui-même et qui maintient dans le même temps l'objectif d'entretenir des relations avec les autres mouvement kurdes» 123. Ayant des bases surtout dans le nord de l'Irak, l'ERNK assure l'entrainement et la formation des futurs combattants pendant une période qui peut prendre trois années. Après avoir fait une sélection il les envoie dans les camps de la vallée de la Bekaa pour suivre un entraînement plus poussé. 2.2 Rapport avec les autres mouvements kurdes Dès son apparition, les relations du PKK avec les autres mouvements kurdes ont été dans la plupart de temps et encore aujourd'hui conflictuels. À ses débuts, le PKK s'est trouvé écarté des autres mouvements et on lui reprochait même son terrorisme. Par contre, il y a eu quand même certaines coopérations fragiles. Dans les années 1980, le PKK coopère avec le Parii démocratique du Kurdistan (PDK) de 122 CIGERLI, Sabri et LE SAOUT, Didier, Dcalan et le PKK. Les mutations de la question kurde et au Moyen-Orient op. cit. ,p. 157. 123 Ibid. , p.158. 76 Massoud Barzani. Cependant, le PDK sera considéré comme étant une organisation tribale, qui se préoccupe seulement de ses propres intérêts. Ce dernier est influencé par les États-Unis et la Turquie, et le PKK n'y croit pas sur la sincérité de lutte nationale du PDK. D'ailleurs, plusieurs combattants de Barzani regagnent les rangs du PKK dans les années qui suivent. Selon le PKK, le territoire occupé par le PDK est stratégiquement intéressant pour ce dernier, puisque l'organisation barzaniste contrôle une partie de la frontière entre la Turquie et l'Irak. L'accord signé entre les deux partis en 1981, donne l'occasion au PKK d'utiliser cette zone pour y loger ses combattants. «Cette collaboration dure jusqu'en 1985 : le PDK reproche bien vite au PKK de profiter des facilités accordées pour débaucher des peshmergas (guérillas) du PDK et de compromettre, par ses opérations en Turquie, la situation économique du Kurdistan irakien; le PKK, lui, accuse le PDK de céder trop facilement aux pressions turques. Des affrontements ont eu lieu entre les deux organisations en juin 1985 »124. Au sujet du parti de l'Union patriotique du Kurdistan (UPK) de lalal Talabani, il faut noter que cette dernière établit des liens avec le PKK, tout en se plaçant comme conciliateur entre 1988 et 1991. Toutefois, Talabani se rapproche de la Turquie surtout après son entretien à Ankara en juin 1981. Après cette visite, les cadres du PKK doutent qu'un accord soit signé au détriment des intérêts des Kurdes de la Turquie, « lors même que le chaos qui règne à la frontière turco-irakienne après la guerre du Golfe permet au PKK d'implanter des bases au Kurdistan irakien et de lancer des opérations militaires contre l'armée ».12 5 Précisons que le PDK et l'UPK désirent tous deux soutenir leur pouvoir dans un Kurdistan irakien qui, à la suite de la guerre du Golfe, dispose une certaine territorialisation. Quant aux relations du PKK avec le Parti socialiste du Kurdistan de Turquie (PSK), leur relation reste stable depuis la signature commune d'un protocole en mars 124 125 BOULANGER, Philippe, Géopolitique des Kurdes, op. cit, p. 148. Ibid. , p. 148. 77 1993. Selon le PKK, le PSK reste actif, voulant plutôt cantonner à l'organisation de fêtes et autres manifestations culturelles. 2.3 Les relations extérieures du PKK Suite aux répressions, plusieurs milliers de Kurdes ont fui leurs terres occupées pour trouver la paix en Europe. Ils ont laissé leur héritage datant des milliers d'années, les montagnes qui leur ont servi de refuge en temps de révoltes et des millions de compatriotes derrière eux. Dorénavant, ils se trouvaient partagés, en plus d'être déchirés en quatre parties sur leur propre territoire, entre l'Orient et l'Occident. Après le coup d'État d'Ankara des années 1980, plusieurs groupes minoritaires, qui refusaient l'assimilation à la nation turque et étaient de ce fait persécutés souhaitèrent le droit d'asile. De ce fait, la grande majorité du peuple kurde choisira de partir dans les pays occidentaux entre autres vers les pays européens. D'ailleurs, selon le Conseil de l'Europe, « les Kurdes vivant en Europe sont environ 1,3 millions. Cette émigration kurde offre au PKK une nouvelle arène »126. Le PKK, qui fait face aux conflits militaires en Turquie, va mettre en place ses réseaux en Europe pour recevoir des soutiens politiques dans chacun des pays où il est implanté. Comme le précise Philippe Boulanger, « le PKK est implanté en France, en Allemagne, en Autriche, au Royaume-Uni, en Suisse et en Suède. La Belgique et les Pays-Bas comptent également parmi les pays européens où le PKK s'est implanté. De plus, il dit étendre sa présence aux États-Unis, en Australie, en Europe de l'Est (Roumanie), au Moyen-Orient (Inde) et en Asie (Japon) »127. Les Kurdes mentionnent même que l'Europe est comme une montagne qui continue les montagnes du Kurdistan dans lesquelles se concentre la lutte armée. Il est à noter que la capacité de DERE, Ahmet, L'Union européenne, la Turquie et les Kurdes, Revue Cairn Info, page consultée le 12 janvier 2009. 127 BOULANGER, Philippe, Le destin des Kurdes, op. cit. , p. 63. 126 78 mobilisation au sein de la diaspora kurde, non seulement en Europe mais aussi dans le monde, est une des forces du PKK. Une des raisons de son implantation en Europe de l'Ouest est que le PKK considère que son rôle à l'étranger pourra plus facilement alerter l'opinion publique. Il veut avoir des relations avec la presse dans le but de donner des informations sur la situation du Kurdistan de Turquie, afin que le monde entier connaisse la situation des Kurdes. L'autre raison de son implantation est d'informer et notamment de mobiliser les Kurdes vivants à l'étranger. D'ailleurs, cette mobilisation est plus massive en Allemagne qu'en France. Le PKK remplit ce rôle par le biais d'associations créées sous son impulsion. Ces associations se regroupent sous la Confédération des Associations kurdes. Alors, de ce fait, de nombreux travailleurs kurdes à l'étranger se sensibilisent au problème kurde. Le premier rassemblement initié par le PKK à l'étranger date de 1992, lorsque des militants d'associations qui lui sont attachées décident de créer en France un rassemblement nommée l'Alliance kurde. L'alliance kurde est fondée sous forme d'association française du type « loi de 1901 ». Elle joint les organisations kurdes représentées sur le sol français et regroupe une quinzaine d'organisations kurdes de Turquie, d'Iran, d'Irak et de Syrie. On y trouve entres autres le PKK, le PDK irakien, l'UPK, le PDK iranien, le KOMALA, Kawa, Rizgari. La deuxième initiative sera la création du Parlement kurde en exil. Créé à La Haye le 12 avril 1995 puis installé à Bruxelles depuis, le Parlement kurde en exil (PDKW) essaie de pallier les défauts du Parlement turc dans sa représentation du peuple kurde de Turquie, lequel n'évoque jamais la population kurde et ne prend pas en compte ses besoins. Le PDKW représente aussi bien les Kurdes de la diaspora que les Kurdes de Turquie, d'Irak, d'Iran et de Syrie et se compose de 65 députés élus par des délégués. Son rôle principal est de permettre un cessez- le-feu stable et un 79 processus démocratique et pacifique qui conduiront à une solution politique de la question kurde. Le PDKW est proche du PKK (l'ERNK, détient 12 sièges sur 65) et il a soutenu officiellement la lutte armée de l'organisation. Personnalité indépendante, Yasar Kaya est nommé comme président et y restera jusqu'à la fin de l'existence du Parlement kurde en exil, puisque le Parlement sera dissous en 1999 sur l'ordre d'Ocalan depuis sa prison d'Imrali. Phillipe Boulanger note que « des députés kurdes de la Grande Assemblée turque, condamnés par l'État turc et forcés à l'exil, sont en partie à l'origine de la fondation du Parlement kurde en Europe »128. Nous ne pourrons terminer notre chapitre sans mentionner l'initiative la plus importante du PKK qui est le Centre d'information du Kurdistan. Situé à Paris, Le centre d'information du Kurdistan (CIK) est un bureau solidaire du PKK. Cet organe a pour but d'amasser le plus d'informations correspondantes à la question kurde, informations tirées surtout dans la presse européenne et turque. Ce dernier cherche aussi à garder contact avec un certain nombre de personnalités politiques de la question kurde. Clairement « le CIK est particulièrement un organe politique d'information qui s'intéresse à l'évolution et au déroulement du conflit au Kurdistan et de la question kurde dans son ensemble 128 129 »129. BOULANGER, Philippe, Le destin des Kurdes, op. cit. , p. 172. Ibid. , p. 175. CHAPITRE III LA LUTTE ARMÉE 3.1 Les militants du PKK Les militants du PKK sont en grande partie des jeunes qui viennent des familles très modérées, entres autres celles qui vivent au Kurdistan et qui se sentent écartés du développement économique et social. C'est en 1984, que le parti commence à recruter ses jeunes militants souvent pauvres qui veulent combattre pour la cause kurde: « (... ) on trouve dans les montagnes des jeunes combattants kurdes de quatorze ans qui peuvent se montrer aussi insaisissables qu'un courant d'air, qui boivent de la neige fondue et se nourrissent de racines durant les rudes hivers du Kurdistan »130. C'est une particularité du PKK d'intégrer une forte proportion de combattantes, tandis que les peshmergas du PDK et de l'UPK sont des hommes. Ceux-ci ont une famille et touchent une solde qui permet d'améliorer le quotidien. La mort d'un peshmerga au combat représente un drame pour sa famille, pour son village, et le moral des troupes s'en ressent. Le guérillero du PKK, lui, est bénévole, et, généralement, il n'a plus de lien avec avec sa famille après qu'il est enrôlé dans la lutte. Sa mort reste souvent anonyme. Or « le moral est l'arme décisive de la guérilla» assure Ocalan. Quant aux militants kurdes en civil dans les pays d'Europe, précisons qu'ils parcourent les rues et les villes européennes pour faire connaître la cause kurde et participent à toutes les manifestations pour faire entendre la voix des Kurdes. Généralement peu instruits, ne possédant aucun lien avec leur famille, ayant un 130 BOULANGER, Philippe, Géopolitique des Kurdes, op. cil., p. 155. 81 salaire peu élevé, les militants en Europe sont vraiment attachés à leur cause. Ces derniers suivent des formations théoriques pour que chacun d'entre eux soit préparé à rejoindre une unité de combat au Kurdistan et que la structure garde son homogénéité interne. À ce propos, Sabri Cigerli note que « chaque militant du PKK est suffisamment impliqué dans le système pour qu'il se sente lié, presque organiquement, à celui-ci par un « devoir de réserve », qu'il s'autocensure sans effort, qu'il ait l'impression de se trahir s'il dénonce les insuffisances et les dérivés du système PKK. Il est une partie d'un tout qui le dépasse et le transcende »131. Dans les années 1990, certains guérillas ont quitté les rangs du PKK parce qu'ils ne pouvaient pas s'adapter au rythme exigé de la lutte de guérilla et de la discipline imposée par l'organisation et accomplir les obligations qui découlent de leur engagement. Alors, ils sortent du parti, parfois avec difficulté, souvent avec la honte. Toutefois, d'autres, au contraire, maintiennent leur engagement et regagnent une unité de combat au Kurdistan. 3.2 Les femmes combattantes Depuis sa création en 1978, le PKK a constamment eu des défenseurs féminins. Ces femmes occupent une place importante dans la structure du PKK, elles ont une position égale à celle de l'homme. C'est suite à la proclamation de guerre contre le régime turc en 1984, qu'elles rejoignent la guérilla. En 1987, elles créent l'Union des Femmes Patriotes du Kurdistan (YJWK) et, en 1993, l'union se change en Mouvement des Femmes Libres du Kurdistan. En 1995, elles forment une branche autonome du PKK qui sera l'Union des femmes Libres du Kurdistan (YAJK). À partir de son deuxième Congrès en 1999, l'Union crée son propre parti, le PJAK. 131 CIGERLI, Sabri et LE SAOUT, Didier, Dcalan et le PKK, Les mutations de la question kurde et au Moyen-Orient op. cit. , p.157. 82 C'est ainsi qu'elles produisent une année libre dans les montagnes du Kurdistan pour mener la lutte avec des initiatives des femmes. La lutte de la femme kurde est moins un combat contre un adversaire extérieur que contre le système féodal dans lequel elle vit. Néanmoins, pour avoir l'attention et pour pouvoir faire entendre leur voix librement dans la société, cette dernière n'a pas le choix de partager cette guerre sale. Ce nouveau parti est une méthode révolutionnaire pour la femme de modifier le monde et la société. Il faudrait souligner que, si les femmes du PJAK revendiquent leur indépendance d'action et d'expression, leur idéologie demeure la même que celle du PKK. Sur ce point, Evin Çiçek note que « sur le plan idéologique, le PJAK a adopté beaucoup d'aspects de l'idéologie d'Ocalan »132. Le mouvement du PKK, par son idéologie rejettant le féodalisme, a largement participé à la libération de la femme kurde. La société kurde, féodale en général, n'avait pas donné jusqu'à tout récemment, les droits féministes aux femmes. D'ailleurs, le sociologue turc Ismail Besikçi, explique assez clairement cette réalité dans un article nommé La signification des femmes kurdes dans la guérilla: «La société kurde est une société traditionnelle avec une culture très machiste »133. En effet, chez les Kurdes c'est l'homme qui domine la famille. La femme a un statut secondaire, soumise à la règle d'honneur qui s'alimente des traditions musulmanes et du féodalisme kurde. Cependant, la participation des femmes dans le mouvement du PKK y voyant une liberté d'expression et de pratique a vraiment modifié les esprits, dans les années 1980. En devenant active dans la guérilla, en prenant les annes et participant dans les combats, la femme kurde a modifié la notion d'honneur à son égard. « D'une affaire uniquement sexuelle, c'est devenu une question patriotique. Le 132 ÇIÇEK, Evin, Paroles des femmes Kurdes révoltées, Paris le 08-03-2007, en ligne, hW: //www .haybachd ban.orYArmenie-Occ i denta le/Departement-Interieur/Question-Kurd e/La-1une-d­ EVIN-CICEK-et-La-Joumee-InternationaJe-des-Femmes.pdf, page consultée Je 08 octobre 2008. 133 VANN, Carole, Les femmes du PKK font dissidence, L'article consulté dans J'Info sud, 1999, en ligne, hnp://www.infosud.org/spip/spip.php?articleI 12, page consultée le 08 octobre 2008. 83 risque pour elle d'être torturée, déshabillée, violée en cas de capture passe au second plan derrière la fierté parentale d'avoir une fille combattante })134. Il faudrait mentionner aussi que les premières femmes qui se sont engagées dans cette lutte étaient souvent des étudiantes ou des diplômées qui n'hésitaient pas à abandonner leur carrière pour le combat. Comme le souligne Besikçi, les femmes dans le PKK ont un rôle plus autonome que celles qui ont lutté pour la cause auparavant: « Il faut savoir que lors d'anciennes révoltes kurdes, elles avaient résisté à coté de leur mari, frère et père. Mais, à l'époque, le combat des femmes se limitait à aider les hommes, transporter la nourriture, l'eau ou des informations ainsi que les munitions au front. C'était important, mais c'était seulement une aide })135. De son côté Philippe Boulanger note que « le rôle accordé à la femme par le PKK présente donc un caractère original et en apparence novateur, notamment par sa présence importante à la guérilla et les fonctions de direction et de commandement qu'elle peut y occuper })136. Finalement, il est important d'évoquer que le PKK eXige une discipline stricte. Par exemple, pendant les durées de repos, les femmes combattantes se rassemblent à une distance de près de 100 mètres des hommes. Pendant la nuit, les hommes et les femmes dorment séparément. Les relations sexuelles sont absolument interdites. Quiconque outrepasserait cette interdiction serait très sévèrement puni. Sur ce point, Sabri Cigerli écrit que « C'est précisément cette image d'un fonctionnement interne strict que veut donner le PKK que retourneront ses adversaires pour mieux dénigrer les combattants et dévaloriser l'idéal qui les guide 134 135 }).137 Idem. Idem. BOULANGER, Philippe, Le destin des Kurdes, op. cit. , p. 61. CIGERLI, Sabri et LE SAOUT, Dcalan et le PKK, Les mutations de la question kurde el au Moyen-Orient, op. cit, p. 147. 136 137 84 Nous ne pouvons terminer cette partie sans mentionner le nom d'une femme kurde militante, Leyla Zana. Elle est la première femme kurde élue députée au Parlement turc, mais par la suite torturée et emprisonnée. Cette dernière a milité pour la reconnaissance de l'identité kurde et pour la démocratisation de la Turquie. À son assennentation en tant que députée, elle a prononcé une déclaration en langue kurde et elle portait un bandeau rouge, jaune et vert, les couleurs traditionnelles kurdes. Ceci a provoqué l'indignation des parlementaires turcs, qui ont aussitôt mené des procédures judiciaires contre cette dernière. Elle a été condamnée en 1994 à une peine de 15 ans de prison accusée d'avoir fait partie d'une organisation armée illégale, alors qu'elle militait pacifiquement en faveur des droits humains et de la paix entre Kurdes et Turcs. Leyla Zana avait reçu en 1995, pendant qu'elle était en prison, le prix Sakharov remis par le Parlement européen aux plus éminents défenseurs des droits de l'Homme. En juin 2004, elle a été libérée par une cour d'appel, en même temps que Hatip Dicle, Orhan Dogan et Selim Sadak anciens députés du Parti prokurde de la démocratie (DEP dissous en 1994) qui ont comme elle passé dix ans en prison. De ce fait, il faudrait mentionner que la Turquie, qui avait obtenu l'ouverture des négociations d'adhésion à l'Union Européenne, savait que la libération de Leyla Zana et de ses confrères était une condition impérative. 3.3 La Guérilla Kurde Le PKK utilise la violence dans le but de mettre en pratique ses principes. Michel Verrier nous cite que « la guérilla va accentuer la radicalité idéologique du parti kurde, d'autant plus que le PKK l'a emporté dans sa rivalité avec les KUK (les Libérateurs nationaux du Kurdistan) et que la loi martiale est instaurée dès 1978 »138. À partir de 1984, la stratégie militaire du PKK serait la perpétration des attentats sur 138 YERRIER, 49-56. Michel, Kurdes: Le dilemme turc, Les Cahiers de l'Orient, n° 30, i'me trimestre 1993, p. 85 des cibles militaires dans le Sud-Est et de rendre cette région ingouvernable par les autorités turcs. « Au début, le PKK apparaît aux yeux de l'immense majorité des Turcs comme un reliquat du terrorisme des années 1970, qui s'était manifesté par de violentes guérillas urbaines dans tout le pays et avait provoqué le putsch du 12 septembre 1980 »139. L'année 1987 est une période importante pour la guérilla. Avec la nomination de l'administrateur Hayri Kozakcioglu, « qui régente les onze provinces soumises à l'état d'urgence dans le Sud-Est, le PKK devient le seul vecteur de résistance à l'occupation militaire du Kurdistan »140. Les jeunes qui avaient vu les membres de leur famille humiliés par les soldats turcs, vont aussitôt rejoindre les rangs du PKK. Il faut mentionner qu'à partir de l'année 1988, le PKK, appuyé par ces nouveaux partisans, demande aux touristes occidentaux de ne pas se rendre en Turquie pour passer leurs vacances, puisque les milieux touristiques deviennent un objectif stratégique proclamé de la guérilla. L'agitation révolutionnaire est une méthode de combat évident du PKK autant contre l'État turc que contre les féodaux ou collaborateurs kurdes. La Turquie, constatant le conflit entre le mouvement et les féodaux kurdes, s'allient avec ces derniers pour combattre le PKK. «En mai 1985, l'apparition des milices kurdes (korucular) à la solde d'Ankara, appelées aussi « gardiens de village », accentue le conflit: en 1989, les miliciens sont 17 000, en 1983, 30 000. La tribu Bucak, forte de quelque 20 000 membres, fournit 10 000 miliciens dont l'armement est assuré par l'État »141. Au lieu de protéger les villages contre les attaques du PKK, ces miliciens frappent la population kurde et deviennent redoutés de ces gens pauvres. Ces ordres 139 Commission des recours des réfugies, Le Parti des travailleurs du Kurdistan PKK nommé KADEK depuis avril 2002, en ligne, www.commission-refugies.fr/IMG/pdf/Turquie. page consultée le 13 août 2008. 140 141 BOULANGER, Philippe, Le destin des Kurdes, op. cit., p. 146. Idem. 86 de miliciens kurdes fonnent un type sociologique de composition tribale de la société kurde. Selon Philippe Boulanger « Se voulant sans pitié pour les traîtres, le PKK devient l'ennemi juré de ces milices kurdes au service de l'année turque, sans lesquelles celle-ci n'aurait pu contrôler le Kurdistan aussi efficacement »142. De plus, le PKK déclare clairement qu'il recourt à la violence seulement contre les forces années turques et les agents agitateurs notamment les gardiens de village, les ultranationalistes actifs au Kurdistan et d'autres fractions qui ont été créées par les autorités (ex. le Hizbullah, dirigé par Huseyin Veloglu, dont plusieurs meurtres des personnalités kurdes leur sont attribués) : « Les actions violentes contre la droite turque et les féodaux kurdes, abondamment couvertes par la presse turque, contribuent à la mauvaise réputation du PKK dans les métropoles turques, mais aussi à sa popularité dans les couches sociales les plus exploitées du Kurdistan »143. Le PKK étant un élève de l'école révolutionnaire, désire faire du Kurdistan un champ de bataille propice à la révolution. De ce fait, le soulèvement du PKK sera considéré par l'ensemble des miliciens Kurdes comme une opération de sauvetage du peuple dans les mains de l'autorité dictatoriale. 142 143 Ibid. , p. 147. Idem. CHAPITRE IV IMPACT DU PKK DANS LA REVENDICATION D'INDÉPENDANCE DES KURDES 4.1 Réveil d'un Peuple avec PKK Depuis la révolte de Dersim dont nous avons parlé dans la première partie, jusqu'à la lutte armée du PKK, le sentiment nationaliste ou la quête d'une indépendance chez les Kurdes ne constituait pas une préoccupation ou encore avait été affirmé sans détermination. Cela était du aux politiques de répressions sévères répétées au cours de l'histoire et de méthodes d'assimilation très bien appliquées dans le territoire kurde. D'ailleurs, l'écrivain Mahmut Aslan énumère les méthodes d'assimilation utilisées comme suit: Les Kurdes sont appelés et identifiés comme des Turcs de montagne. Les universités turques publiaient des ouvrages et organisaient des conférences pour avancer la thèse de l'inexistence des Kurdes. Des noms kurdes étaient interdits dans les papiers officiels comme carte d'identité. D'ailleurs dans chaque carte d'identité qu'elle soit détenue par un kurde ou autre, on lisait que le détenteur est identifié de TURC. Et finalement, et évidemment parler le Kurde était défendu strictement 144. Dans cette période, les Kurdes de la Turquie pour la grande majorité pour ne pas dire tous représentaient un peuple poussé au silence et dociles au régime totalement turc au détriment de leur identité nationale différente. Même les valeurs culturelles des kurdes leur étaient rendues étrangères par force de l'assimilation. Ce qui est plus tragique encore, les Kurdes en général avaient perdu la capacité de se considérer des Kurdes. À cette période, il n'était pas rare de voir des Kurdes, parlant même le kurde chez eux, de dire qu'ils étaient des Turcs! Dans un même contexte qui 144 ASLAN, Mahmut, J5 agustos dirilis bayrami, (La fête de J5 août), en ligne, http://www.rojaciwan.comlkoseyazisi-191.html. page consultée le 16 janvier 2009. 88 aurait duré encore une dizaine d'années, on n'aurait peut-être pas parlé aujourd'hui des Kurdes qui luttent pour leur indépendance. C'est dans cette période que naît le PKK. Certaines persOlmes instruites et au courant des jeux qui se jouent sur les Kurdes et dont l'esprit nationaliste encore présent en eux, comme Ocalan et ses camarades, n'hésitent pas à prendre les commandes pour réveiller un peuple qui était quasi mort. Le PKK, étant la 2ge révolte kurde et celle qui a duré le plus longtemps et qui assure sa présence encore aujourd'hui, a apporté des progrès remarquables pour la quête d'indépendance du peuple Kurde et plus important encore il a été à l'origine du réveil de ces derniers. L'organisation du PKK se réfère à la thèse de Frantz Fanon selon laquelle « la première balle tirée par le militant contre le «colonisateur» tue d'abord en lui l'esclave, l'opprimé dominé par la peur »145. Le premier but de la guérilla est, selon le leader Ocalan, réveiller la fierté d'être kurde et octroyer la confiance en eux-mêmes aux habitants de la région. Dans son message adressé au peuple Kurde pour l'occasion du neuvième anniversaire de la lutte armée, Ocalan affirme « La lutte armée de 15 août 1984 constituait pour nous en une renaissance, un réveil. Il ne s'agit pas d'une simple lutte de guérilla. En effet, elle consiste en une lutte pour le réveil national, sociétal, économique et moral »146. D'ailleurs, Alattin Aktas, prisonné pendant vingt ans pour être membre des Révolutionnaires du Kurdistan exprime le but premier du PKK comme ainsi: « La lutte armée a sonné le réveil de la population kurde. C'était une lutte pour réveiller le peuple kurde. Nous avons pu mettre sur pied une résistance nationale. Cette lutte armée n'avait pas pour but de renverser l'État turc. C'était une lutte contre nous, pour nous réveiller. Je crois que nous avons 145 VERRlER, Michel, Le mouvement kurde : de la guérilla à la démocratie, Confluences Méditerranée - ND 34, ETÉ 2000. 146 OZTÜRK, Sait, Kürt halklmn ozgürlük mücadelesi engellenemez (La lutte d'indépendance des Kurdes ne peut pas être empêchée), Yeni Ozgürpolitika, 18 Août 2008, en ligne, http://www.yeniozgurpolitika.com/?bolum=haber&hid=36497. page consultée le 14 janvier 2009. 89 réussi »147. D'ailleurs de nombreux spécialistes de la question kurde mentionnent que la lutte armée du PKK est vue comme le début de la renaissance du mouvement national kurde. Comme le mentionne David Mcdowall « le PKK transforma la question kurde d'un mouvement intellectuel touchant les étudiants et les travailleurs immigrés mécontents, en un mouvement communautaire de masse »148. Quant à une autre spécialiste de la question kurde, Jacqueline Sammali, « le mouvement du PKK a enlevé aux Kurdes leur sentiment de honte et leur a donné de la fierté »149. Aujourd'hui, grâce aux actions de PKK, des masses se réunissent en Turquie et à travers le monde pour crier la reconnaissance du peuple Kurde. Au début des années 90, « la partie réveillée du peuple» organisait des manifestations clandestines kurdes en Turquie et les autorités n'hésitaient pas à écraser ces manifestations avec une force illimitée. D'ailleurs, « lors des célébrations du nouvel an kurde, le Newroz, en 1992, la force armée turc a ouvert le feu sur les habitants qui ont pris part aux festivités pour en tuer 57 d'entre eux »150, Ces premières manifestations réunissaient encore peu de gens étant donné que la propagande de la cause kurde par le PKK se faisait lentement, mais assise sur une base solide. Dû à l'effort de la conscientisation du peuple par les milices du PKK et par le média clandestin sous son autorité, les Kurdes ont commencé à s'organiser de manière plus efficace avec les années. Aujourd'hui, des manifestations Kurdes en Turquie réunissent près d'un million de personnes qui crient des slogans pour les droits des peuples kurdes. De ce fait, ces protestations créent un sentiment de résistance absolue face à l'autorité répressive de la part du peuple kurde. Cette union et cette solidarité démontre bien la force du PKK dans sa lutte première de conscientisation du peuple. D'ailleurs, les citoyens Kurdes 147 CIGERLI, Sabri et LE SAOUT, Dcalan et le PKK, Les mutations de la question kurde et au Moyen-Orient, op. cit, p. 366. 148 MCDOWALL, David, The Kurdish question in the 1990s, Peuples méditerranéens, n068-69, p. 258. 149 SAMMALI, Jacqueline, Être kurde, un délit, Paris, Éditions L'Harmattan, 1995, p. 254-255. 150 Kurdistan time, Kanli Newroz (Newroz ensanglanté), 21 Mart 2008, en ligne, http://www.kurdistantime.com/?p=266. page consultée le 12 janvier 2009. 90 aujourd'hui qualifient clairement le mouvement du PKK comme une claque donné aux kurdes pour les réveiller d'un sommeil profond. Il faudrait aussi souligner que la naissance du PKK n'a pas été bénéfique seulement pour les Kurdes de la Turquie. Les Kurdes des autres parties du Kurdistan sont influencés par la vague de résistance et de lutte menée par le PKK. Le fait de compter dans les rangs de cette organisation des militants venant des quatre parties du Kurdistan est la démonstration claire que ce mouvement a joué un rôle déterminant pour réunir le peuple kurde des quatre parties qui étaient auparavant déconnectés l'un de l'autre. Donc, la situation des Kurdes dans les quatre États du Proche-Orient a évolué depuis le déclenchement de la guérilla du PKK en Turquie en 1984. Cette organisation, en plus de changer les pensées politiques des kurdes, a joué un rôle dans la vie sociale, culturelle, sentimentale de ces derniers. Un des exemples de progrès sur le plan social qu'on peut citer, c'est que les femmes kurdes d'aujourd'hui peuvent se reconnaître aussi importantes que les hommes dans leur famille ou dans la société ce qui n'était pas vrai avant l'avènement du PKK. Le fait de donner la place à de nombreuses guérillas femmes qui combattent avec des hommes au sein du PKK a révolutionné le rôle de la femme dans la société. En effet, les femmes ont trouvé leur identité et l'importance de leur présence dans la vie humaine sur tous les plans ce grâce à la vision du PKK. Finalement, le PKK a cherché aussi à mobiliser les Kurdes vivant à l'étranger. Dès la fondation du mouvement, ses dirigeants comprennent aussitôt qu'une présence plus politique est nécessaire dans les pays de diaspora, dans le but d'informer et surtout d'empêcher l'assimilation de son peuple. De ce fait, au début des années 1980, le PKK ouvre des bureaux en France, en Allemagne, en Autriche, au Royaume-Uni, en Suisse, en Suède, aux Pays-Bas et en Belgique. Le PKK dispose en Europe de nombreux relais. Les deux principaux sont: le Front national de 91 libération du Kurdistan (ERNK) qui constitue l'aile politique du PKK, et le Parlement kurde en exil. L'ERNK a surtout pour objectif de faire connaître et de défendre la cause kurde en Europe, ainsi que de recueillir des fonds pour le PKK. D'ailleurs, ce front national a joué un rôle remarquable pour conscientiser la diaspora kurde à l'importance de la préservation de l'identité kurde et à la recherche de la liberté pour les kurdes restés au pays. Le Parlement kurde en exil est né à La Haye en avril 1995, à l'initiative là encore du PKK. Il compte 65 parlementaires, venus de différents pays d'Europe, d'Amérique du Nord et d'Australie. De plus, c'est grâce aux actions politiques du PKK que le 15 avril 1995, la première chaîne de télévision en langue kurde dans l'histoire Kurdistan, MED-TV, fait son apparition en Europe. Ocalan exprime ses idées à propos de cette chaîne comme suit: « C'est la première institution nationale kurde. Elle permet aux Kurdes de se réapproprier leur langue, leur culture, de réaliser leur unité nationale. Développer une telle institution sans le PKK eût été impossible. Mais Med-TV, ce n'est pas le PKK. Toute idéologie, toute opinion, toute minorité culturelle peut s'y exprimer. Med-TV veut être une solution de rechange au chauvinisme populiste souvent affiché par les chaînes turques» 151. Med-TV illustre bien que les Kurdes sont capables de faire leurs propres émissions culturelles et des informations, contre­ propagande continue face à la vision officielle du conflit qui déchire l'est du pays. L'apparition du PKK est un événement crucial dans l'histoire des kurdes. Comme nous avons remarqué ce mouvement a connu un succès inégalé dans la recherche d'obtention des droits des Kurdes. Partant d'un peuple désespéré et inconscient de leur identité, le PKK a créé aujourd'hui une masse de plusieurs millions de personnes qui sont à la quête de la liberté. 151 VERRlER, Michel, Les atouts de la guérilla kurde en Turquie, Le monde diplomatique, décembre 1997, en ligne, http://www.monde-diplomatique.fr/l997/12NERRIER/9619. page consultée le 12 novembre 2008. 92 4.2 Reconnaissance de la force du PKK par les autorités turques L'apparition du PKK est venue déstabiliser le confort que vivaient les politiciens et l'armée de la République turque. Aussitôt les événements prirent une autre allure en Turquie et furent vus par les autorités turques comme très dangereux pour l'unité de l'État turc. Cette fois-ci, un mouvement clandestin revendiquait par ses gestes et ses écrits, distribués clandestinement, les droits d'un peuple qui n'existe pas d'après le propos officiel turc. En 1984, le PKK mène une guerre de guérilla contre le gouvernement turc. « L'armée turque, puissante, possédant plus de 800 000 soldats, la 5e armée du monde, lUle véritable machine de guerre moderne, croyait ne faire qu'une bouchée de ces quelque 300 combattants mal équipés, mal entraînés. Alors que vingt ans plus tard, ils sont plus de 30000 »152. Selon les sources du gouvernement turc, le PKK comptait, en 1995, au moins un million de sympathisants en Turquie, sans compter les centaines de milliers en exil. De ce fait, la répression des Kurdes n'a fait qu'augmenter l'appui de la population kurde envers le PKK. Tout porte à croire que si l'armée turque n'a pu écraser 300 combattants au début des années 80, elle ne pourra pas le faire maintenant puisque aujourd'hui ils sont 100 fois plus nombreux. D'ailleurs, l'impact économique de cette guerre met la Turquie dans une position précaire. Notamment les opérations militaires sont évaluées à 8 milliard de dollars annuels. Cet investissement dans l'armée mène au détriment de l'éducation, de la santé et d'autres infrastructures ce qui fait en que sorte que la population prend un retard par rapport aux pays développés en créant une pauvreté sans fin. Aux yeux du gouvernement turc, le PKK est considéré dorénavant comme une force sérieuse. 152 ISrTAN, Isaac, La tragédie oubliée des Kurdes, en ligne, http://www.revuerelations.qc.ca/relations/archives/themes/textes/po1jntemationale/poli_injsit_0108. htm, page consulté le 22 novembre 2008. 93 Suite à l'augmentation de son nombre de militants et de nombreuses attaques lancées envers l'armée lui imposant de lourdes pertes, le gouvernement turque commence à réaliser qu'il fait face à un mouvement kurde qui n'avait rien de semblable aux autres. D'ailleurs, le général principal de l'armée turque, ismail Hakkl KaradaYl, s'exprimait ainsi à propos du PKK : Les révoltes que nous avons connues auparavant, comme celle de Cheikh Saïd étaient des rébellions mal organisées avec des chefs peu instruits. Si on parle du PKK, ici, on fait face à une organisation bien implantée, bien organisée, ayant des ressources financières et morales très élevées, avec un objectif bien précis, celui de la création d'un état kurde indépendant. Aujourd'hui, la Turquie vit un danger avec ce mouvement. Cette révolte vise vraiment à partager la Turquie pour créer un état kurde à l'est du pays. Demander une identité différente de celle d'être turc, donnerait des prétextes aux autres minorités vivant dans notre pays. Par conséquent, je vois un avenir incertain pour la Turquie» 15 . Il est aussi intéressant de mentionner les propos de ge président de la République de la Turquie, Süleyman Demirel, à propos de PKK : « Au début, nous avons considéré le PKK comme une petite organisation créée par quelques aventuriers ignorants! Mais, nous avons compris beaucoup plus tard que c'était tout à fait le contraire de ce qu'on pensait »154. Pour la première fois, les autorités ne pouvaient plus cacher leur désespoir face à une révolte kurde. La lutte armée du PKK a permis de poser la question kurde sur le devant de la scène en Turquie. Comme le mentionne Sabri Cigerli « Ce parti qui revendiquait un particularisme de la population kurde, organisait des manifestations (non autorisées) dans plusieurs villes kurdes, des grèves de la faim, y compris dans les prisons, et 153 Hürriyet, le journal quotidien, i:}te komutanlara gare PKK sorunu (Voila selon. les commandements la question kurde), 12 novembre 2007, en ligne, http://www.hurriyet.com.tr/gundem/7671596.asp?top=1, page consulté le 5 janvier 2009, 154 Idem. 94 célébrait Newroz, le nouvel an kurde (21 mars) »155. De ce fait, le PKK a mis à l'ordre du jour la question kurde. Encore là, le même auteur note que « Outre l'action armée du PKK, c'est aussi le traumatisme vécu par la Turquie après l'arrivée sur son territoire de réfugiés kurdes irakiens en 1988 et surtout en 1991 après la guerre du Golfe qui a, à la fois régionalisé et internationalisé, le problème kurde, tout en mettant hors course l'idéologie officielle turque »156. Un espoir de solution du problème kurde paraissait s'ouvrir en Turquie après les élections de 1991. Le gouvernement de coalition des forces démocratiques formé par Süleyman Demirel avait déterminé un programme d'ouverture sur la question kurde qu'on appelle maintenant par son nom, alors que l'idéologie kémaliste défendait même de la nommer avant 1991. Ce développement est bel et bien dû aux pressions faite par le PKK. L'enjeu de ces questions a soutenu au renoncement de certaines lois touchant les Kurdes, comme celle qui leur défendait de parler leur langue maternelle. Sur ce, le président de la république turque Turgut Ozal, déclara le 31 janvier 1991 que «Si nous n'accordons pas la liberté de parler le kurde, nous serons alors coincés» 157. Alors, certains hommes politiques turcs commencent à accepter la reconnaissance du problème kurde. Parmi les présidents turcs seulement un, Turgut Ozal, avait décidé de rechercher des solutions politiques à ce problème. Paradoxalement, en incitant la participation des Kurdes irakiens, notamment de l'UPK, à ce processus, il essayait de lier l'avenir des deux ensembles kurdes. Ses efforts ont été brutalement arrêtés par sa mort en 1993. Une mort suspecte, vite classée" naturelle", selon les dires de sa propre famille. 155 156 157 CIGERLI, Sabri, Les Kurdes et leur Histoire, op. ciL. , p. 136. Idem. PICARD, Elizabeth. La question kurde, Paris, Éditions Complexe, 1991, p. 48. 95 Les mots « Kurde» et « Kurdistan » sont maintenant utilisés par les médias turcs. Certaines publications kurdes furent aussi créées. Donc, on constate que c'est la conjonction des événements internationaux et de l'augmentation à l'intérieur de la Turquie de la lutte armée du PKK qui a forcé les autorités turques à réaliser un tournant à propos de la question kurde. Toutefois, même si la capture et le jugement d'Ocalan ont signifié la diminution de la lutte armée menée par ce mouvement, la question kurde en Turquie n'est en aucune façon résolue. Néanmoins, le PKK continue encore à faire sentir sa présence en Turquie et fait en sorte que la question kurde soit présente parmi les principales préoccupations de la politique du pays. D'ailleurs, lors des manifestations pro-kurdes, les masses démontrent clairement que PKK représentent dorénavant tous les kurdes de ce pays. En effet, le slogan suivant qui est crié lors de chaque manifestation lance clairement un duel aux autorités pour leur faire comprendre que les kurdes sont là grâce au PKK : « PKK halktir, halk burada (PKK est nous autres et nous sommes ici) ». 4.3 Internationalisation de la question kurde Le problème kurde était toujours connu par la communauté internationale. Cependant, divers intérêts des grands décideurs du monde faisaient en sorte que ce problème n'a pas fait l'objet des initiatives de résolution. La richesse naturelle du territoire que cela soit en pétrole ou en eau et l'emplacement géopolitique ont été au cœur de divers conflits entre les impérialistes. Avoir le contrôle sur le territoire sans tenir compte de la présence de ses habitants est peut-être la raison principale du maJheur que les Kurdes ont vécu à travers l'histoire. Le partage du territoire en 1920 entre les quatre États sans se préoccuper de l'avenir des Kurdes qui y habitent démontre clairement cette réalité. 96 Plus tôt dans ce travail, nous avons vu que les Kurdes en diaspora étaient plus concentrer en Europe. PKK a vite vu l'occasion que présentait cette diaspora pour véhiculer le problème kurde vers l'Europe. Cette immigration, bien utilisée, pourrait sans doute jouer un rôle intéressant pour forcer la communauté internationale à se pencher sur ce problème. Par conséquent, les manifestations, les rassemblements et divers activités sous l'aile de l'ERNK sont organisés pour faire entendre la voix des kurdes aux autorités européennes. Le fait de voir des manifestants commettre des gestes extrêmes, comme s'immoler devant les parlements, pour protester la politique de la Turquie envers les Kurdes, a forcé l'Europe à se demander plus sérieusement les solutions qu'on pourrait adopter pour finaliser ce problème. Ces cris à l'aide du peuple kurde ont été entendus: de nombreux citoyens européens se sont ralliés aux Kurdes pour leur apporter leur soutien. Des personnalités connues, comme Danielle Mittérand, Bernard Dorin, Chris Kutchera et d'autres ont été très actif pour faire entendre la voix des kurdes au monde entier. De nombreux Kurdes immigrés en Europe sont très politisés. Ces derniers militent au sein des partis politiques kurdes ou des associations qui leur sont proches. Ils poursuivent leur action en Europe, à la fois pour sensibiliser l'opinion publique européenne et pour mobiliser la diaspora kurde. Aujourd'hui, on voit même des kurdes présents dans les institutions européennes et qui jouent leurs cartes en faveur des kurdes. Feleknas Uca, députée du parlement européen, est l'une des personnalités kurdes qui défend la cause kurde au sein du parlement. Sans les effOlis de c0l1:scientisation des Kurdes hors du pays par le PKK, il serait peut-être impossible de voir aujourd'hui des sympathisants étrangers qui s'intéressent à ce problème. Une autre réalité est de constater que la question kurde est un enjeu politique fondamental pour l'adhésion de la J:urquie dans l'union Européenne. En fait, les citoyens européens, dorénavant conscients du problème que les Kurdes vivent en Turquie, font de la pression à l'UE de ne pas accepter la candidature d'un pays qui vit 97 une guerre civile constante sans respect des droits des minorités. Ici, le rôle du PKK est directement relié à cette adhésion. En fait, le fait qu'un des critères de Copenhague oblige la reconnaissance de l'identité kurde obligerait la Turquie de respecter ce critère pour adhérer dans cette communauté et par conséquent le PKK, indirectement, atteindrait une partie de son objectif. La conscientisation de la communauté européenne pourra donc être bénéfique pour les Kurdes dans un avenir proche. D'ailleurs, l'abolition de la peine de mort en Turquie, après l'arrestation d'Ocalan, est une conséquence de la pression de la communauté internationale, plus particulièrement de l'UE. Ici, pour bien saisir le rôle du PKK dans le changement de comportement de l'UE face au problème kurde, il faudrait avoir en tête l'effort qu'ont donné les immigrés kurdes pour la conscientisation des citoyens des pays où ils vivent. La mise sous observation de la Turquie par l'UE concernant le traitement donné aux Kurdes, assure ces derniers qu'au moins rien ne passerait inaperçu comme ce fut le cas dans le passé. On parle donc aujourd'hui d'une internationalisation de cette.question. CHAPITRE V RÉUSSITE OU ÉCHEC DANS LA LUTTE 5.1 Passage de la lutte armée à la diplomatie Durant les années de guerre, Ocalan a de nombreuses fois prouvé sa bonne volonté à l'égard des gouvernements turcs successifs et des pays européens. Même plusieurs fois, Ocalan a condamné le terrorisme, les assassinats des enseignants turcs, de femmes et d'enfants employé par ses troupes. Il ne voulait plus que la population meurt dans cette sale guerre. Philippe Boulanger écrit « qu'à partir de 1992, cependant, année où l'armée affine sa tactique de lutte antiguérilla où il prend conscience de perdre du terrain faute de relais diplomatique, le PKK commence à comprendre cette réalité de la diplomatie. Il se met à tendre l'oreille aux bruits du monde »158. De ce fait, le PKK a essayé à de nombreuses fois, d'envoyer des messages politiques aux gouvernements occidentaux, et notamment à l'opinion publique internationale. De même que dans les années 1990, le PKK prend la volonté d'établir des cessez-le-feu. À partir de 17 mars 1993, Ocalan déclare un cessez-le-feu d'un mois dans le but d'arriver à des négociations avec le gouvernement turc. Ce dernier exige: La levée de l'état d'exception en vigueur depuis mai 1987 dans onze provinces kurdes du sud-est du pays; une amnistie générale; la reconnaissance constitutionnelle de l'identité kurde; la législation des partis politiques kurdes et de leurs activités; la possibilité pour les kurdes expulsés ou exilés de retourner sur leurs terres ou dans leur village; la prise ne charge par l'État des victimes de la guerre» 159. BOULANGER, Philippe, Le destin des Kurdes, op. cît. , p. 164. VERRIER, Michel, Carte blanche à l'armée turque au Kurdistan, Le Monde diplomatique, octobre, 1993, page consultée Je 20 janvier 2009. 15S 159 99 Toutefois, même si le PKK est ouvert à la pratique diplomatique, aux yeux des américains et des européens, le PKK n'a pas une bonne réputation. Sur cela Philippe Boulanger mentionne que « rarement complaisant à l'encontre de la Turquie et de sa politique répressive contre les Kurdes, le Parlement européen est loin de couvrir les actions terroristes du PKK en juillet 1993, il condamne la campagne terroriste menée par le PKK et reconnaît qu'il est du devoir des autorités turques de s'y opposer, mais insiste sur le fait qu'une répression aveugle et massive ne fera que renforcer le soutien dont jouit le PKK en Turquie et ailleurs »160. De ce fait, le Parlement européen pousse le gouvernement turc à accorder le droit de la minorité Kurde à l'autonomie et à l'utilisation de leur propre langue pour que le PKK arrête son combat. Alors nous constatons clairement que les actions du PKK poussent les forces internationales à se pencher d'avantage sur la résolution du problème Kurde en Turquie. Encore une fois le PKK renouvellera à deux repnses ces propositions de cessez-le-feu soit le 15 décembre 1995 et le 1er septembre 1998. De son côté, la hiérarchie militaire turque n'acceptera jamais de s'asseoir avec le PKK à une table de négociation dans le but d' arriver à une attente diplomatique. En septembre 1999, le PKK affirme qu'il abandonne définitivement la lutte armée. « Obéissant à leur grand sachem emprisonné, les chefs du PKK armoncent la retraite définitive des maquisards kurdes dans les montagnes du Nord irakien, où le PDK de Barzani, téléguidé par Ankara, engage ses hommes contre les guérilleros du PKK »161. Durant les armées 1995, le PKK progresse dans son idéologie et ses prises de position relative à la détermination de la question kurde en Turquie. À partir de ce moment, les dirigeants du PKK arrivent à conduire le PKK vers la diplomatie, 160 161 BOULANGER, Philippe, Le destin des Kurdes, op. cit. , p. 166. Idem. 100 D'ailleurs, en novembre 1995, à Damas, des négociations semi-officielles entre Ocalan et des délégués du chancelier KoW ont eu lieu. Il faudrait aussi mentioIU1er que le PKK montre qu'il a la capacité de concevoir un travail diplomatique efficace. Par exemple, c'est grâce à la pression du PKK que Nelson Mandela conteste le Grand Prix de la paix Atatürk en mai 1992. Aussi la présence d'une délégation à l'Unesco, le 9 décembre 1998, pour le cinquantième anniversaire de la Déclaration des droits de l'homme, constitue encore une excellente volonté diplomatique. De plus, ce dernier utilise le Parlement du Kurdistan en exil pour pousser ses démarches diplomatiques, surtout en faisant lire des propos de son président à chaque réunion du Parlement. Notre auteur Philippe Boulanger nous mentionne une fois de plus que « cette inclinaison vers plus de diplomatie et moins d'extrémisme idéologique est évidement une avancée significative du PKK. Car la manière dont un mouvement de libération ou une guérilla mène sa lutte dévoile nécessairement le type de société que ses partisans instaureront» 162. Le sixième congrès du PKK qui a avait eu lieu au début des années 1999, a changé le programme du parti. Comme la mentionne Michel Verrier dans le Monde Diplomatique « le PKK a réaffirmé la légitimité de la lutte armée, mais non du terrorisme. Il a abandonné la revendication d'un Kurdistan unifié et indépendant au profit d'une région kurde autonome au sein d'une fédération turque. Il devait également adopter des structures plus transparentes permettant un débat interne plus démocratique »163. Il est important de mentionner aussi que l'action diplomatique n'a pas été, constamment productive pour les Kurdes. Cependant le PKK n'a pas la seule 162 163 Ibid. , p. 167. VERRlER, Michel, Quelle stratégie pour le Kurdistan, Le Monde diplomatique, février 1999. 101 responsabilité, mais aussi la Turquie aussi a une part dans cela. D'abord, la Turquie, durant les années 1990 n'a pas accepté de prendre l'opportunité qui lui était proposée dans le but de mettre en œuvre une solution politique à la question kurde. À cette période, le gouvernement turc n'a pas respecté les cessez-le-feu donnés par le PKK, toutefois pris en compte par le Parlement européen. Les autorités turques n'ont en aucun cas répondu réellement aux démarches diplomatiques du PKK. Cependant, il faudrait mentionner qu'il est vrai que la reconnaissance d'Ankara d'une diplomatie kurde engageait celle du particularisme kurde en Turquie. Même suite à l'arrestation d'Ocalan, la Turquie n'a pas ouvert des négociations pour une solution politique à la question kurde. Quoique, les autorités turques ont décidé, en juillet 1999 de libérer des cadres du HADEp 164 entres autres le président Murat Bozlak. Le mois suivant, Süleyman Demirel, qui était le président de la République à cette période, accueille une délégation de maires kurdes, qui constituait une mince avancée du côté turc sur le plan diplomatique. Pour forcer les pourparlers, le 1er octobre 1999, neuf militants kurdes du PKK porteurs de « messages de paix », se rendent en Turquie. Trois semaines plus tard, une deuxième délégation venant de Bruxelles se rend en Turquie, encore une fois dans le but de tendre la main aux autorités turques. Ces derniers refusent ces messagers et les mettent aussitôt en prison. De son côté, les soldats turques continuent de passer à la frontière turco-irakienne dans le milieu du septembre afin de pourchasser les guérilleros kurdes dispersés en Irak et en Iran. Philippe Boulanger note une fois de plus, que « Cette volonté de négociations de la part d'un PKK décapité se heurte, en 1999, à la présence dans ce gouvernement de coalition d 'hommes politiques réunis par un nationalisme turc particulièrement chauvin: en Turquie il y a alternance sans alternative 164 165 »165 . HADEP Halkin Demokrasi Partisi (Parti de la démocratie du Peuple). BOULANGER, Philippe, Le destin des Kurdes, op. cit. , p. 169. 102 Donc, pour conclure cette partie, mentionnons que le PKK a fourni beaucoup d'efforts afin d'arriver à une solution diplomatique sans convaincre le gouvernement turc qui a ignoré totalement la main tendue par le PKK. Donc, ces tentatives pour une entente diplomatique resteront sans résultat. Les autorités turques mentionneront qu'ils ne négocieront jamais avec les terroristes. 5.2 PKK après l'arrestation d'Ocalan Depuis 1998, le PKK a vécu certaines recompositions importantes, notamment en changeant son nom par le KADEK (Congrès pour la démocratie et la liberté du Kurdistan), qui visait, après les événements du Il septembre 200 l, à recrédibiliser le parti sur la scène internationale en se libérant de l'étiquette de «terroriste» que le sixième Congrès du PKK (janvier 2000) n'avait pas vraiment réussi à faire. Ensuite, en avril 2002, le PKK change une de fois plus de nom par Kongra-Gel (Congrès du Peuple kurde) et finalement, son nom définitif sera PKK­ Kongra-Gel, en avril 2005. La capture d'Ocalan le 15 février 1999 au Kenya au cours d'une opération menée conjointement par les services secrets turcs (MIT), américains (CIA) et israéliens (Mossad) a marqué une rupture de la stratégie de la paix prônée par le PKK. Le PKK va vivre une crise importante qui l'a conduit à redéfinir son idéologie, ses propos et ses modes d'action. L'absence de leur leader va ainsi ébranler l'organisation kurde. Cette arrestation, qui dégage une grande colère chez les Kurdes vivant notamment en Turquie et dans les autres pays de l'émigration va donner l'occasion au PKK d'avoir de nouvelles sympathies dans une stratégie de dénonciation radicale. Dans le monde entier, les militants du PKK vont débuter des manifestations et vont même déclencher des grèves de faim. 103 L'organisation du PKK va vivre un obstacle pendant les quelques semaines qui vont suivre l'arrestation d'Ocalan. «Forts de l'expérience des années de lutte armée contre la Turquie, les dirigeants kurdes qui assimilent l'arrestation de leur leader à un acte de guelTe totale vont s'employer à justifier l'intensification des combats et prendre à contre-pied la politique qui avait été initiée par Ocalan avant même son arrestation »166. Le PKK s'est défini pendant près de vingt ans par leur leader Ocalan. Le but ultime des autorités turques, en arrêtant Ocalan, était de dissoudre le mouvement du PKK en soutenant la thèse suivante: un corps sans la tête est voué à la dysfonction. La stratégie de défense d'Ocalan à partir de la prison d'Irnrali, et ses propositions n'ont pas été acceptées par certains cadres du PKK. Par conséquent, il y a eu des départs de certains membres de l'organisation. Cependant, nous devrions souligner que la majorité des militants qui ont quitté le PKK avait déjà fait l'objet de critiques avant même l'arrestation d'Ocalan. Notamment, la stratégie militaire et les résultats des combats menés sous la direction de ces cadres avaient donné des résultats piètres (Exemples de Kani Yilmaz, Selim Curukkaya, etc.). Donc, l'arrestation d'Ocalan a créé un vide de gouvernance et de désordre dont ces cadres ont profité pour délaisser les rangs du PKK. La plupart d'entre eux ont été qualifié de mauvais perdants par le peuple Kurde et ont fait face à des critiques sévères. Neufans après l'arrestation du leader, son parti, bien que affaibli, a persisté et garde son importance en tentant de se réorienter. Sur ce propos, Christian Chocquet qui a travaillé sur ces types d'organisations nous mentionne que « Lorsque l'un de ses dirigeants est arrêté ou tué, l'organisation ne disparaît pas. Elle se transforme et évolue pour s'adapter aux agressions dont elle fait l'objet et aux opportunités qui s'offrent à elle»167. 166 CIGERLl, Sabri et LE SAOUT, Ocalan et le PKK, Les mutations de la question kurde et au Moyen-Orient, op. dt, p.309. 167 CHOCQUET Christian, Le terrorisme est il une menace de défense ?, Revue Conflits, 2001, n044, pp. 43-64. 104 Malgré les ennuis et les questionnements sur l'avenir du PKK, conséquences de l'arrestation du leader, ce dernier reste encore l'organisation idéale pour le peuple. Nous pouvons même affirmer que la capture d'Ocalan a renforcé le sentiment nationaliste chez les Kurdes de la Turquie et le nombre de militants dans les rangs du PKK n'a cessé d'accroître depuis cet événement contrairement à ce qu'escomptaient les autorités turques. D'ailleurs, en Turquie même, lors de chacun des grands rassemblements des Kurdes, on brandit les drapeaux du PKK et des posters d'Ocalan et on crie haut et fort le rattachement envers ce dernier: Bi Can, Bi Xwin, Em bi terene ey Serok (Avec ma vie, avec mon sang, je suis avec toi mon président). L'organisation très développée du PKK, fondée sur un modèle de centralisme démocratique a permis à ce parti de surmonter la disparition partielle de son leader, prouvant qu'il était malgré les discours d'Apo doté d'une vie propre. Le 29 juin 1999, Ocalan est condamné à mort pour avoir fondé le PKK et mené une guerre de quinze ans contre la Turquie. Sa peine capitale a toutefois été modifiée en détention à vie lorsqu'Ankara abolit la peine de mort pour satisfaire aux critères européens. Ocalan est aujourd 'hui emprisonné dans la petite île d'Imrali. CONCLUSION A travers notre étude, nous avons analysé le rôle du PKK dans la reconnaissance de la question kurde. Nous avons tenté de nous faire une opinion objective basée sur des arguments donnés par nos auteurs. Nous avons construit notre recherche autour de l'hypothèse selon laquelle les auteurs ne faisaient qu'une analyse superficielle du PKK. En faisant notre analyse, nous avons remarqué que ce mouvement joue effectivement un rôle important dans la politisation du peuple kurde et cherche à rétablir le rapport de force jugé nécessaire à la constitution d'un État indépendant. De plus, le PKK d'abord a permis de faire reconnaître la question Kurde et internationaliser le conflit. Il est difficile maintenant d'ignorer la question kurde. Le PKK est aussi arrivé à mobiliser une partie de la population Kurdes en créant un sentiment d'appartenance et mener depuis trente ans une lutte armée et politique contre l'autorité turque. Pour répondre à notre hypothèse, nous avons dû d'abord faire une partie historique qui nous semblait nécessaire pour comprendre le rôle du PKK. Dans notre première partie, nous avons retenu que l'origine de peuple kurde reste très confuse. De nombreux chercheurs ont démontré que les kurdes descendent de divers groupes anciens (Mèdes, Guttis, Persan, Tribus indo-européennes). Il est clair que les Kurdes, dont les origines demeurent mal connues, apparaissent toutefois dans l'histoire entre le Xème et le Xlème siècle. Quel que soit l'angle d'approche, l'origine, la religion, la langue, nous constatons que les Kurdes forment un peuple à part entière. Comme nous avons pu constater le peuple kurde est hétérogène aux plans religieux et linguistiques. Nous avons vu que, géographiquement, les Kurdes sont à la croisée du peuple turc, persan et arabe. L'histoire des Kurdes a commencé avec la conquête arabe. D'ailleurs, c'est à cette période que les Kurdes vont s'islamiser et vont même participer à des révoltes 106 contre les conquérants arabes. Nous avons vu aussi que c'est à cette période qu'apparaissent les dynasties kurdes qui seront aussitôt détruites par les Seldjoukides. Malgré cela, c'est durant cette époque que nous allons voir l'apparition du mot Kurdistan grâce au prince turc Sandjar. Au début de XVIe siècle, on remarque un renouveau kurde. La bataille de Tchaldran en 1514 amène la défaite des Perses face aux Turcs, et aussitôt la majorité des Kurdes font partie de l'Empire Ottoman. D'ailleurs, nous avons vu que le Kurdistan a longtemps été la scène des conflits armés entre les Empires Ottomans et Perse. À cette époque, les principautés kurdes ont pris parti tantôt pour l'un, tantôt pour l'autre et conservé ainsi leur statut d'autonomie. Toutefois, la politique de domination commencé par la Sublime Porte sur les Kurdes va provoquer des révoltes. De 1806 à 1880, la Sublime Porte tente de remettre en cause le statut d'autonomie kurde, qui provoque des soulèvements. Ces révoltes vont notamment amener des répressions féroces, et de déportations préparées par les autorités ottomanes. Après l'échec de ces révoltes, AbduIHamid II arrive au trône. L'arrivée au pouvoir de Jeunes-Turcs en 1908, malgré leur participation des premiers temps avec les minorités, surtout les Arméniens et les Kurdes, marque le début de la domination de l'idéologie nationaliste en Turquie. Après la Première Guerre Mondiale, l'Empire Ottoman périt et fait place à de nouveaux États qui sont créés sur son ancien territoire. Alors, l'Empire Ottoman, perdant, sera obligé de signer l'armistice de Moudros. À cette période, les événements étaient propices en faveur des Kurdes, pour la libération de l'ensemble du Kurdistan et la création d'un État national indépendant, mais les Kurdes n'ont pas pu saisir les opportunités. Nous avons constaté qu'à la suite de la signature du traité de Sèvres, un État kurde aurait dû être fondé, ce qui n'a pas eu lieu par la suite. Ce traité avait pour but 107 de libérer les peuples non turcs qui avaient souffert des Ottomans. En effet, le Traité de Sèvres conclu entre les Alliés, dont la France, la Grande-Bretagne et les États-Unis et l'Empire Ottoman préconisait dans sa section III (art. 62-64), la création sur une partie du territoire du Kurdistan d'un État kurde. Ce traité restera toutefois lettre morte, le rapport de forces (de Mustafa Kemal) sur le pays empêchera son application. Après la victoire de Mustafa Kemal devant les Grecs en 1922, à la Conférence de paix réunie à Lausanne, les délégués turcs affirmeront parler au nom des nations kurde et turque. Alors, le traité de Lausanne fut signé dans ce contexte entre le gouvernement kémaliste d'Ankara et les puissances alliées. Alors, comme nous avons constaté ce traité rendait caduc le Traité de Sèvres et sans apporter aucune garantie en ce qui concerne le respect des droits des Kurdes et consacrait l'annexion d'une grande partie du Kurdistan au nouvel État turc. L'Empire Ottoman et l'Empire Persan, qui s'étaient partagés le Kurdistan, ne reconnaitront jamais l'autonomie du peuple Kurde. L e pays des Kurdes, connu depuis le XIIème siècle sous le nom de Kurdistan, se trouvait partagé entre 4 États: Turquie, Iran, Irak et Syrie. Entre les années 1925 et 1938, les Kurdes exécuteront des soulèvements pour répondre à cette trahison. Ces révoltes laisseront une marque profonde dans l'histoire des Kurdes. Les années 1938 à 1980 sera la période de condamnation du mouvement national kurde. Les années 1970 témoigneront d'un grand nombre de mouvements kurdes qui prôneront l'indépendance du Kurdistan. Mais le coup d'État militaire de 1980 met fin à leur espoir. Tous les mouvements kurdes subissent un coup très dur à l'exception de PKK qui va s'en sortir indemne et protégera son existence jusqu'à nos Jours. Dans la deuxième partie de notre étude, nous avons analysé le rôle du PKK. En nous appuyant sur notre hypothèse de recherche, nous avons constaté 108 qu'effectivement le PKK a joué un rôle primordial pour la reconnaissance de la question kurde. Ce mouvement est venu revendiquer les droits du peuple kurde. Comme le mentionne Ocalan « le PKK a permis l'émergence de la « kurdité » et de la fierté d'être kurde, après des décennies de répression et de négation. Le 15 août 1984, date à la quelle le PKK a lancé sa lutte de guérilla, est pour lui le symbole de l'échec de la « sale guerre» menée par l'État turc, soutenu par les « forces impérialistes» et les collaborateurs »168. Nous avons retenu que l'idéologie du PKK était d'organiser et de mener la lutte du peuple kurde; libérer le Kurdistan de l'impérialisme et du colonialisme. On a constaté qu'il existait une v~ritable division du travail au sein de l'organisation du PKK. Des règlements sont mises en place pour gérer le travail quotidien que les militants. Pour ce qui était de la relation du PKK avec les autres mouvements (PDK, UPK et PSK), elle était dans la plupart de temps et encore aujourd'hui, conflictuelle. Pour ce qui est des militants du PKK, nous pouvons noter qu'au sein de l'organisation il y a aussi des femmes comme des hommes militants. D'ailleurs, nous avons remarqué que le PKK a participé très efficacement à la libération sociale de la femme kurde en Turquie. Quant à l'Impact du PKK dans la revendication d'indépendance des Kurdes, nous avons pu voir que le PKK a d'abord réveillé le peuple Kurde. D'ailleurs, la lutte de 1984 constituait pour le peuple kurde en une renaissance, un réveil. Le succès du PKK ne laissait pas indifférent les autorités turques. Nous avons vu que, suite à l'augmentation du nombre de militants et de nombreuses attaques lancées envers l'armée, lui imposant de lourdes pertes, le gouvernement turque commençait à réaliser qu'il faisait face à un mouvement kurde qui n'avait rien de semblable aux autres mouvements. 168 BOULANGER, Philippe, Géopolitique des Kurdes, op. cit. , p. 167. 109 Le PKK a, tel que mentionné dans notre hypothèse, internationalisé la question kurde. Il a profité des kurdes se trouvant dans la diaspora pour véhiculer le problème kurde vers l'Europe. Sans les efforts de conscientisation des Kurdes hors du pays par le PKK, il serait peut-être impossible de voir aujourd'hui des sympathisants étrangers qui s'intéressent à ce problème. Ensuite, nous avons pu retenir que le PKK a fourni beaucoup d'efforts afin d'arriver à une solution diplomatique pour résoudre le problème kurde. D'ailleurs, le PKK a cessé depuis des années de réclamer l'indépendance et s'en tienne à une solution fédéraliste ou autonomiste, ou bien à une reconnaissance constitutionnelle du peuple kurde dans la République Turque. Mais il n'a pas pu convaincre le gouvernement turc qui a ignoré totalement la main tendue par le PKK. Pour conclure notre analyse, nous pouvons mentionner que l'apparition du PKK à la fin des années soixante-dix a marqué vraiment une étape dans le renouveau du problème kurde. Dans l'histoire du nationalisme kurde en Turquie, le PKK a été l'unique organisation kurde à avoir conduit une guerre sur une partie aussi large du territoire durant aussi longue durée. Les opérations militaires ont causé la mort de dizaines de milliers civiles, de combattants kurdes et de militaires turcs. Comme le note nos deux auteurs Sabri et Didier « Au-delà de son engagement militaire, la lutte du PKK a également permis la diffusion de revendications reprises par la population kurde de Turquie. La défense de l'identité kurde a pris la fonne de manifestations non autorisées dans plusieurs villes, des grèves de la faim ont pu être menées y compris dans les prisons })J69. Les Kurdes de la Turquie d'aujourd'hui, sont de loin plus conscients de leur identité qu'ils l'étaient avant le PKK. Faire une analyse touchant un mouvement clandestin demande un effort particulier pour retracer des sources officielles objectives concernant les deux 169 CIGERLI, Sabri et LE SAüUT, Dcalan et le PKK, Les mutations de la question kurde et au Moyen-Orient, op. cit, p.385. 110 belligérants soit la Turquie et le PKK dans notre cas. En effet, nous avons dû, au cours de cette étude, porter une attention très particulière lors de l'analyse des documents pour garder une position objective. De plus, il a été effectivement très difficile de se procurer des informations issues directement des camps de PKK, puisque, de nombreuses publications de l'organisation ont été soit censurées, soit saisies par les gouvernements. Ce travail se veut une analyse partielle de la question kurde en Turquie. En fait, il reste différents autres pistes à explorer pour bien cerner l'ensemble des éléments entourant ce problème. D'ailleurs, différentes questions restent encore à analyser sur ce sujet. On peut par exemple essayer de voir si le PKK jouera encore un rôle dans la lutte de l'autonomie des Kurdes dans un Moyen-Orient qui prend une forme de gouvernance différente sous l'égide des occidentaux, notamment des États­ Unis. En fait, on peut se questioIUler ce que réserve pour les Kurdes le nouvel ordre que les États-Unis veut instaurer au Moyen-Orient. Cette politique de démocratisation de la région en supprimant les dictatures chacune à son tour permettra-t-il, comme la démocratie le veut, aux Kurdes de prendre part aux négociations sur les enjeux dans cette région? Dans un autre ordre d'idées, est-ce que l'union européeIUle maintiendra ses exigences concernant les droits du peuple kurde pour permettre l'adhésion de la Turquie dans sa communauté ou oubliera-t-on encore une fois la présence de ce peuple dans les négociations? Ou encore, une possible non adhésion de la Turquie ferait-elle reculer cette dernière sur sa position rigide envers les Kurdes? Toutes ces questions et plusieurs autres tracent en fait l'avenir et le destin de ce peuple qui ont été longtemps victime des intérêts des pays dominants. BIBLIOGRAPHIE Ouvrages en turc BENDER, Cemsid, Kurt Tarihi ve uygarligi (L 'histoire kurde et leur civilisation), Hem-Ley yayinevi, 1997, 320 pages. BIRAN 0 , Mehmet Ali, Apo ve PKK (Apo et le PKK), Istanbul, Milliyet Yayinlari, 3éme édition, 1992, 291 pages. CEMAL, Hasan, Kürtler (Les Kurdes), Istanbul, Dogan Kitapçilik, 2003,588 pages. ERSEVER, Ahmet Cern, Kürtler, PKK ve Dcalan (Les Kurdes, le PKK et Abdullah Dcalan), Ankara Ocak Yayinlari, 1998, 188 pages. HASRETYAN, Prof. Dr. M.A, Türkiye 'de Kürt sorunu (1918-1940) Tome l, (Problème Kurde en Turquie), Wesanên Instituya Kurdi, 1995,310 pages. HASRETYAN, Prof. Dr. M.A, Türkiye 'de Kürt sorunu (1945-1990) Tome 2, (Problème Kurde en Turquie), Wesanên Instituya Kurdi, 1996,278 pages. 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