Turquie : dans le sud-est, l`économie victime collatérale de la reprise

Turquie : dans le sud-est, l'économie victime collatérale de
la reprise des violences
armenews.com - 23/10/2015
Des hommes marchent dans Diyarbakir, au sud-est de la Turquie, le 5 octobre 2015
après des violences entre les forces de l'ordre et les rebelles kurdes (AFP/ILYAS
AKENGIN)
Il y a quelques mois encore, le caravansérail Hasan Pasa de
Diyarbakir egorgeait de visiteurs. Il est aujourd'hui désert,
illustration de l'impact économique désastreux de la reprise du
conflit kurde sur l'économie de tout le sud-est de la Turquie.
"La reprise (des combats) nous a durement frappés", soupire Ahmet
Önen, qui tient une boutique de souvenirs et de vêtements
traditionnels kurdes dans ce bâtiment ottoman du XVIe siècle.
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"Notre chiffre d'affaires a chuté de près de 80% par rapport à l'an
dernier", ajoute-t-il, "ici, c'est le c?ur du tourisme et il ne bat plus".
Effectivement, les voyageurs ont disparu des rues du centre de Diyarbakir.
Et le million et demi d'habitants de la "capitale" du sud-est à majorité
kurde du pays n'y traîne plus beaucoup non plus, spécialement la nuit.
Depuis trois mois, la ville vit à nouveau au rythme des combats meurtriers
qui opposent les forces de sécurité au Parti des travailleurs du Kurdistan
(PKK).
Après trente ans de guerre, Diyarbakir avait repris espoir depuis le début
des discussions de paix entre le gouvernement et les rebelles kurdes, en
2012.
Ses milieux d'affaires se prenaient même à rêver d'un rattrapage avec le
reste de l'économie du pays. Mais cette ambition s'est envolée en juillet
avec la reprise des combats, replongeant la cité et toute la région dans le
cauchemar des "années de plomb" de la décennie 1990.
"Les gens ont peur", se plaint Umut Baci, un bijoutier de 24 ans, "les
clients nous appellent avant de venir faire des achats pour savoir s'il y a
des incidents". Son magasin jouxte un poste de police qui a été attaqué à
la roquette par des combattants du PKK.
"Depuis deux ans, on travaillait bien. Les gens se promenaient dans les
rues", se rappelle le commerçant avec nostalgie. "Mais aujourd'hui, plus
personne ne sort".
Cent mètres plus loin, dans le quartier de Suriçi, au pied des
fortifications centenaires de la ville, d'autres militants ont érigé des
barricades et creusé des tranchées pour empêcher les forces de l'ordre d'y
entrer. Les affrontements y sont réguliers.
Selon Sah Ismail Bedirhanoglu, le président de l'influente association des
hommes d'affaires du sud-est (Günsiad), le secteur le plus gravement touché
est le tourisme. Son propre hôtel a vu son taux d'occupation chuter de plus
de moitié.
- La fin du 'boom' -
"A la première détonation, les gens annulent leur voyage dans cette zone",
se désole-t-il.
Comme beaucoup d'autres, M. Bedirhanoglu regrette le temps béni du
"processus de paix" engagé à l'automne 2012 par le gouvernement islamo-
conservateur d'Ankara avec les rebelles du PKK. "A partir de là, les
investisseurs locaux et étranger sont arrivés", se souvient-il, "on a vécu
un véritable boom".
Aujourd'hui, il n'est déjà plus qu'un souvenir. "Quand on ne sait pas de
quoi sera fait l'avenir, on ne va pas aller acheter une usine, un immeuble
ou une maison", regrette le patron de la Günsiad.
Selon des chiffres informels, le taux de chômage, officiellement autour de
10% au niveau national, a grimpé à au moins 20% de la population active
dans le sud-est.
"Des entreprises d'ici ont déjà signalé à leurs employés qu'il n'y aura
aucune nouvelle embauche", confirme Sah Ismail Bedirhanoglu.
D'autant que la situation régionale vient s'ajouter à un climat général
morose. Plombée par les tensions politiques récurrentes et les guerres chez
ses voisins irakien et syrien, l'économie de la Turquie patine. La
croissance tourne au ralenti (2,4% en 2014), l'inflation galope (plus de
7%), les déficits se creusent et la livre chute.
Pour de nombreux habitants de Diyarbakir, le coupable est tout trouvé. Le
président islamo-conservateur Recep Tayyip Erdogan.
"Qui est responsable ? Ce ne sont pas ces pauvres gosses", affirme Sinan
Savci, un retraité de 58 ans, en évoquant les jeunes sympathisants des
rebelles qui font le coup de feu dans certains quartiers. "Ce n'est pas
l'organisation (le PKK)", poursuit-il, "le seul responsable, c'est lui,
pour camoufler la corruption".
Pour toutes ces raisons, M. Savci promet au président une sévère correction
lors des législatives anticipées du 1er novembre. En tout cas dans le fief
kurde de Diyarbakir.
http://www.armenews.com/article.php3?id_article=117760
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