LES MASSACRES ET LES GÉNOCIDES DU PREMIER

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LES MASSACRES ET LES GÉNOCIDES
DU PREMIER XXe SIÈCLE
L’historien n’est pas à l’aise pour définir précisément ces termes car tuer a
toujours été une intense activité des hommes. Mais des définitions simples
suffisent à montrer que le siècle du progrès, de la raison que la Belle Époque
semblait nous promettre, relevait de l’utopie.
DÉFINITIONS
Massacre. On peut nommer massacre (ou tuerie, voire hécatombe) l’acte de tuer en
grand nombre avec sauvagerie, avec volonté d’exterminer, des êtres sans défense, en peu
de temps, dans un contexte qui n’est pas celui de l’affrontement ou du combat guerrier. Le
terme de massacre signifiait en ancien français boucherie, et en arabe abattoir (où l’on tue
à coups de masse). De ce fait, le massacre concerne plutôt des populations civiles, et nous
ne retiendrons que les grands massacres qui ont marqué la mémoire de l’humanité.
Génocide. Le génocide correspond alors à l’extermination (physique, méthodique, systématique) d’un groupe ethnique (on dit aussi ethnocide) par un autre, en fonction de considérations religieuses, idéologiques ou racistes. Le mot et le concept de génocide
émergèrent en 1946 après la tentative d’élimination des Juifs.
MASSACRES DES MAJI-MAJI ET DES HEREROS
Les Allemands vinrent tard à la colonisation (début des années 1880). Ils subirent en Afrique
australe quelques revers militaires mais ceci ne saurait justifier les représailles qu’ils effectuèrent.
Au Sud-Ouest africain (actuelle Namibie), les pasteurs hereros avaient perdu en quelques années
les deux tiers de leurs terres. Alliés à leurs anciens esclaves, les Hottentots, ils se révoltèrent en
janvier 1904. Les Allemands les refoulèrent vers le désert d’Omaheke au nord-est de Windhoek.
Refusant toute reddition, ils bloquèrent les «rebelles» et les firent mourir par les armes et surtout de soif et de faim. En 1907, les Hereros comptaient 60000 morts, soit les trois quarts de
leur population et la totalité de leur bétail.
En même temps, les Maji-Maji se révoltèLa carotte après le bâton
rent dans le sud du Tanganyika (actuelle
Tanzanie, préfigurant la révolte des Mau-Mau
Le massacre des Maji-Maji, que le colode 1952). Après le massacre de colons euronisateur qualifia de pacification, valut en
péens et de fonctionnaires zanzibarites, les
1906 une interpellation au gouverneAllemands utilisèrent un peu la méthode
ment de Berlin. Il en sortit la création
d’un secrétariat aux Colonies, puis une
employée dans le Sud-Ouest. Leurs colonnes
politique plus positive de mise en valeur.
dévastèrent, par le fer et par le feu, les
Le discours colonialiste peut alors ajouchamps et les villages dans des régions
ter que la confiance des populations fut
entières pendant deux années (1905-1906),
retrouvée et que celles-ci témoignèrent
faisant 120 000 victimes. Ces deux masfidélité au drapeau allemand lors de la
sacres provoquèrent, en Allemagne, l’indiPremière Guerre mondiale !
gnation des Églises et des députés socialistes.
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LE GÉNOCIDE ARMÉNIEN
Dès l’Antiquité a existé un royaume d’Arménie conquis par les Romains en 75
avant J.-C., puis par les Arabes en 636. Au XIXe siècle, les Russes installés dans le
Caucase se voulurent les protecteurs des Arméniens de l’Empire ottoman, qui étaient
favorables aux tsars chrétiens; nombreux furent alors ceux qui passèrent en Russie caucasienne. Cette minorité de l’Empire était donc suspecte aux yeux des responsables
ottomans. Les premiers massacres commencèrent en 1894-1896, puis en 1909 où dans
la région de Dana 30000 personnes trouvèrent la mort.
La politique de «turquification» conduisit les autorités du massacre au génocide. À
partir d’avril 1915, l’élite politique et intellectuelle arménienne de Constantinople fut
massacrée, puis le peuple arménien systématiquement exterminé jusqu’en 1920. Ce
génocide coûta la vie à 1,5 million de personnes sur les 2,3 millions d’Arméniens vivant
en Turquie. En masse, des réfugiés partirent pour l’Iran, le Caucase, la Syrie et
l’Occident. Les bolcheviks créèrent en 1922 la république socialiste soviétique d’Arménie
qui réclama en 1936 à la Turquie les districts de Kars et d’Ardahan.
LE GÉNOCIDE KURDE
Les Kurdes, sunnites d’origine indo-européenne, pasteurs guerriers semi-nomades,
ont toujours lutté pour leur indépendance (principautés indépendantes aux Xe et
XIe siècles, république éphémère en Irak en 1945).
Le traité de Sèvres de 1920 envisagea la création d’un état kurde, mais le traité de
Lausanne en 1923 n’en fit plus mention. Les Kurdes subissaient ainsi le sort des
Arméniens. Établis dans le Kurdistan, en
Turquie orientale, en Arménie ex-soviéMustafa al-Barzani
tique, dans le nord-ouest de l’Iran, dans le
nord-est de l’Irak, ils ont été persécutés
Né en 1903 d’une grande famille de
par tous leurs voisins désunis.
Barzan, à la pointe septentrionale de
Des révoltes sévèrement réprimées
l’Irak, ce montagnard dirige la révolte
eurent lieu en Irak en 1922, 1931 (juste
des Kurdes menés par les Barzani en
1931, signe en 1945 l’accord reconaprès l’indépendance) et 1945; en Turquie,
naissant l’éphémère État kurde en Irak,
en 1925, 1930, 1937. À la fin des années
avant de fuir en Iran, puis treize ans
1950, la résistance nationaliste kurde est
après en Union soviétique.
incarnée par Mustapha al-Barzani.
La révolution irakienne de 1958 le
De 1961 à 1967 et de 1974 à 1975, des
ramène au pays où il fonde le PDK
combats si meurtriers se déroulèrent
(Parti démocratique du Kurdistan). Barzani mène la révolte kurde contre le
dans les montagnes que l’on a pu parler
gouvernement irakien de 1961 à 1970.
de génocide kurde. Surtout lorsqu’après
l’accord irako-iranien du 6 mars 1975,
l’Iran ferma sa frontière du Kurdistan privant de refuge la résistance kurde écrasée dans
le sang. Une partie des Kurdes d’Irak est déportée vers le sud. Barzani dénonça ce génocide et en appela aux Nations unies.
Il meurt en 1979 aux États-Unis alors que la révolution irakienne provoque un revif du
nationalisme kurde.
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