THEATRE ET ARTS DE LA SCENE
Délégation Académique à l’Action Culturelle de Caen 5
Le théâtre à l’époque d’Ubu
Alfred Jarry s'inscrit à sa manière, c'est-à-dire en marge, dans une époque féconde pour l'art théâtral. La
création du Théâtre de L’Œuvre en 1893, inspiré par le Théâtre Libre de certains symbolistes et Nabis (avant-garde
cherchant à se débarrasser des contraintes imitatives) et auquel il se trouve associé, sera le lieu de création d'Ubu roi
le 10 décembre 1896. L'ambition du Théâtre de L’Œuvre est d'élever le théâtre au rang d'art. Le répertoire de ce
théâtre comporte des auteurs nordiques tels Strinberg ou Ibsen et intégrera en 1912 une pièce qui frappera l'opinion,
L'Annonce faite à Marie de Claudel.
Le théâtre occupe une place majeure dans la vie mondaine à la Belle Epoque et les Parisiens applaudissent
passionnément des interprètes qui passeront à la postérité tels Lucien Guitry, Réjane et la mythique Sarah Bernhardt.
Le Boulevard connaît un âge d'or, grâce à des auteurs comme Georges Feydeau (1894, Un fil à la patte, Le Dindon en
1896) et Georges Courteline (Un client sérieux en 1896). Un titre comme Ubu cocu se réfère d'ailleurs explicitement
au thème de l'adultère farcesque très en vogue dans le style vaudeville, et Jarry s'amuse à détourner les scènes
typiques de boulevard. Par exemple, sur le modèle de Boubouroche de Courteline, où le mari découvre que sa femme
Adèle le trompe, la même scène devient, transposée en langage Jarry-ubuesque :
« Mère Ubu : C'est Monsieur Ubu, je suis perdue !
Memnon (son amant) : par le guichet en as de carreau, je vois au loin ses cornes qui fulgurent. Où me cacher? »
Ubu cocu, Acte IV, scène 2, page 222, le Livre de poche.
Certes le genre du Boulevard se plaît à égratigner les travers de la bourgeoisie mais sans aller jusqu'à oser
franchir inconsidérément les limites de la bienséance. Or, justement, Jarry va projeter le public bien au-delà en jouant
la carte de l'extrême provocation. Ainsi il dépasse le «folklore potache» de la légende de son lycée au sujet d'un
professeur ridicule ; avec la création d'Ubu, ce qui n'aurait pu devenir qu'une simple comédie, devient une incarnation
outrée du bourgeois répugnant. Celui-ci est dans Ubu enchaîné tour à tour lâche face à la révolte des Argousins («Ah!
Je meurs de peur... Mes pantoufles !») et gonflé d'orgueil («la contrée où nous aborderons sera assurément quelque
pays assez extraordinaire pour être digne de nous»). Cette peinture du grotesque humain et la réflexion implicite sur le
ridicule des humains, que condense Ubu, bouleversent et divisent le public.
On peut consulter les textes critiques qui évoquent la création d’Ubu roi :
«...les couloirs trépidaient, l'assistance était houleuse comme aux plus beaux jours du romantisme. C'était,
toute proportion gardée, une bataille d'Hernani entre les jeunes écoles, décadentes, symbolistes, et la critique
Activité
De la même manière que l'on a fait procéder à des recherches sur Jarry on mettra en place des séances de
documentation sur la création théâtrale de la fin du XIXème siècle et des débuts du XXème siècle. Une traversée
dans les arts de l'époque s'impose et permettra aux élèves d'enrichir leurs carnets personnels d'histoire des arts.