THEATRE ET ARTS DE LA SCENE
Ubu enchaî
20/02/12
Délégation Académique à l’Action Culturelle de Caen 1
THEATRE ET ARTS DE LA SCENE
Ubu enchaî
20/02/12
Délégation Académique à l’Action Culturelle de Caen 2
―SOMMAIRE―
Avant la représentation
Pour entrer dans l’œuvre 3
Patronyme et lexique 4
Le théâtre à l’époque d’Ubu 5
Jarry et la vie artistique 7
Le théâtre de Jarry 8
Lecture de l’œuvre 10
Le verbe jarryque 12
Scènes finales et personnages ubuesques 13
La scène du procès, III,2, étude 14
Proposition d’abécédaire 16
Se préparer à la représentation 20
Deuxième partie après la représentation
Confronter l’avant et l’après spectacle 21
Une description chorale 23
Les personnages sur scène 25
La scénographie et la construction des codes du spectacle 29
Une rencontre avec les acteurs Valérie Crouzet et Giovanni Calo 30
Photographies du spectacle 31
Un bilan de la mise en scène : Jemmet, Jarry… et Ubu 33
Coïncidence journalistique : Ubu et Cantona 34
Annexes
L’auteur 35
Bibliographie, sitographie 37
Ubu, figure récurrente 38
Rimbaud, « les Assis » 40
Ubu, modèles, accessoires, successeurs 41
Extrait, scène I,1 42
Extrait, le procès, III,2 43
Scènes finales d’Ubu roi et d’Ubu enchaîné 45
Le choix d’un acteur 47
Le metteur en scène et l’équipe artistique 48
Le texte d’Ubu enchaîné d'Alfred Jarry est disponible aux éditions du Livre de Poche dans le
volume Tout Ubu.
Pièces à vivre : une série de dossiers pédagogiques conçus en partenariat par la
Délégation Académique à l’Action Culturelle de l’Académie de Caen et les structures théâtrales
de l’académie à l’occasion de spectacles accueillis ou créés en Région Basse-Normandie.
Le théâtre est vivant, il est créé, produit, accueilli souvent bien près des établissements
scolaires ; les dossiers des « Pièces à vivre », construits par des enseignants en collaboration
étroite avec l’équipe de création, visent à fournir aux professeurs des ressources pour exploiter
au mieux en classe un spectacle vu. Divis en deux parties, destinées l’une à préparer le spectacle en amont, l’autre
à analyser la représentation, ils proposent un ensemble de pistes que les enseignants peuvent utiliser intégralement
ou partiellement.
Retrouvez ce dossier, ainsi que d’autres de la même collection et des ressources pour l’enseignement du
théâtre sur le site de la Délégation Académique à l’action Culturelle de l’Académie de Caen :
http://www.discip.ac-caen.fr/aca/
THEATRE ET ARTS DE LA SCENE
Ubu enchaî
20/02/12
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Avant la représentation
Pour entrer dans l'œuvre
Le programme d'Ubu est tout entier contenu dans cet extrait de la première scène de l'acte I :
« Puisque nous sommes dans le pays la liberté est égale à la fraternité, laquelle n'est comparable
qu'à l'égalité de la légalité, et que je ne suis pas capable de faire comme tout le monde et que cela
m'est égal d'être égal à tout le monde puisque c'est encore moi qui finirai par tuer tout le monde, je
vais me mettre esclave, Mère Ubu !»
Après avoir fait l'expérience du pouvoir royal, Ubu se pique de changer de condition et de se faire esclave au
pays des hommes libres... mais à sa manière, c'est-à-dire que même enchaîné, il fait régner sa tyrannie et son
absurdité. L'ouragan ubuesque bouscule les valeurs, en témoigne le cri d'exultation du personnage «Vive
l'esclavage!» qui, de péripétie en péripétie, va être jeté en prison à sa demande, puis va se glorifier d'être jugé et mis
aux fers. Enfin, consécration suprême, Ubu est envoyé aux galères, ce qui signifie pour lui la fin heureuse de ses
aventures.
Ubu «roi» va donc devenir Ubu «enchaîné» et une des premières clés pour percer le sens de la pièce réside
dans la nécessité de l'aborder en parallèle et en interaction avec la lecture d'Ubu roi. De l'aveu même de l'auteur, Ubu
enchaîné est «la contrepartie» d'Ubu roi (Jarry a d'ailleurs parachevé sa signature du bon de justification avant
publication à l'aide d'un même symbole, un dessin de hibou, sur chacune des deux pièces) ; ces deux pièces sont
jumelles, en dépit de la condition diamétralement opposée d'Ubu (roi vs. esclave) et doivent se confronter l'une à
l'autre dans la mesure elles sont deux pendants dialectiques poussés à l'extrême autour d'une unique force
centripète, le personnage éponyme. Elles se présentent comme le laboratoire d'un personnage qui fait deux
expériences de vie, au sommet et à la base de la pyramide sociale, et nous invitent donc à nous demander ce que
peut être le père Ubu au faîte du pouvoir et ce qu'il devient une fois renversé. Qu'expérimente-t-il au travers de ce
renversement ? Un personnage qui s'est attaché au pouvoir tyrannique devrait normalement souffrir de la déchéance,
or, le fonctionnement d'Ubu fait qu'il tire profit de toutes les situations, y compris de celles qu'on dit défavorables. On
verra que jamais Ubu n'est un esclave stricto sensu et que dans la mesure c'est lui le grand ordonnateur, on peut
dire qu'il met en scène sa définition autocratique de l'esclavage.
Activité
1. On invitera les élèves, en fonction de leur niveau, soit à lire les deux pièces en parallèle Ubu roi et Ubu
enchaîné, soit à comparer un passage de chacune, ou tout simplement à méditer les titres des deux pièces. Quelle
évolution, quel rapport s’esquisse entre les deux œuvres ?
2. En quoi la déclaration initiale du père Ubu est-elle surprenante voire comique ?
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Patronyme et lexique
Il sera évidemment bienvenu de faire s'interroger les élèves sur le nom de ce personnage-palindrome, un
et double à la fois, qui, en une voyelle « en miroir » et une consonne centrale, reflète la typologie universelle du tyran
avide, sot, couard. On pourra, au cours de cette même activité de réflexion sur la composition du titre programmatique
faire répertorier les multiples occurrences de l'adjectif «ubuesque» dans les medias. Signalons que l'année
écoulée a é riche en utilisations fréquentes de ce terme. On trouve par exemple le 12 mai 2011, sur le site
l'equipe.fr, «Titre ubuesque pour le Partizan» (il y est question du championnat de football de Serbie qui s'est déroulé
dans des conditions incroyables), sur Le Post.fr le 21 juin « 3000 copies de philosophie sans correcteurs : une
situation ubuesque», dans le journal Libération du 15 juillet sous la plume de Paul Quinio le titre «Ubuesque» pour
qualifier l'affaire l'Oréal, dans Libération du 24 novembre 2011, l'article d'Alain Duhamel sur les écologistes fait
référence à «l'épisode ubuesque du MOX», dans Le Monde du lundi 12 décembre 2011 il est question de
«L'ubuesque odyssée du faux pirate somalien», dans un entretien à Actualités AFP du 6 décembre 2011, J. P.
Chevènement clare «Je pense que les notations des agences ont quelque chose d'ubuesque» ou sur l'Express.fr,
on relève la réaction de lecteurs «Prouver qu'on est Français c'est une situation ubuesque », etc. On peut aussi
entendre citer ou lire le nom d'Ubu, il suffit de se référer au titre dans la page Monde du journal Libération da du 27
décembre 2011 :VIKTOR ORBAN, Ubu roi de Hongrie (Le Premier ministre de droite populiste a fait voter une loi
assurant à son parti les trois quarts des sièges au Parlement...). Des références politiques au simple calembour, cette
activité langagière sera un excellent moyen de faire toucher du doigt les enjeux du texte. On sera amené à voir que
l'adjectif a fait son entrée dans le dictionnaire, en 1906, soit cinq ans après l'écriture d'Ubu, avec l'acception « qui
ressemble au personnage d'Ubu roi par un caractère comiquement cruel ».
(Titre de
Libération du 27
décembre 2011)
Physiquement, Ubu n'est que silhouetté, (il est né, rappelons-le «nulle part»). Reviendront sans doute les
adjectifs «grotesque», «grossier», «violent» et le fait que personne n'imaginerait s'identifier à Ubu. On a bien un type,
facilement caractérisable au point qu'il est cité dans le dictionnaire Thesaurus il est dit de lui : «On s'y fère de
plus en plus fréquemment pour désigner l'absurdité agressive et malveillante».
Activité
De la même manière, après avoir fait chercher quels peuvent être les traits de caractère d'un personnage nommé
Ubu, on demandera aux élèves de fabriquer une fiche typologique du personnage à partir d'un relevé effectué lors
d'une première lecture de surface. (On pourra aussi inviter les élèves à imaginer une représentation plastique à partir
de ces quelques premiers renseignements.)
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Le théâtre à l’époque d’Ubu
Alfred Jarry s'inscrit à sa manière, c'est-à-dire en marge, dans une époque féconde pour l'art théâtral. La
création du Théâtre de L’Œuvre en 1893, inspiré par le Théâtre Libre de certains symbolistes et Nabis (avant-garde
cherchant à se débarrasser des contraintes imitatives) et auquel il se trouve associé, sera le lieu de création d'Ubu roi
le 10 décembre 1896. L'ambition du Théâtre de L’Œuvre est d'élever le théâtre au rang d'art. Le répertoire de ce
théâtre comporte des auteurs nordiques tels Strinberg ou Ibsen et intégrera en 1912 une pièce qui frappera l'opinion,
L'Annonce faite à Marie de Claudel.
Le théâtre occupe une place majeure dans la vie mondaine à la Belle Epoque et les Parisiens applaudissent
passionnément des interprètes qui passeront à la postérité tels Lucien Guitry, Réjane et la mythique Sarah Bernhardt.
Le Boulevard connaît un âge d'or, grâce à des auteurs comme Georges Feydeau (1894, Un fil à la patte, Le Dindon en
1896) et Georges Courteline (Un client sérieux en 1896). Un titre comme Ubu cocu se réfère d'ailleurs explicitement
au thème de l'adultère farcesque très en vogue dans le style vaudeville, et Jarry s'amuse à détourner les scènes
typiques de boulevard. Par exemple, sur le modèle de Boubouroche de Courteline, où le mari découvre que sa femme
Adèle le trompe, la même scène devient, transposée en langage Jarry-ubuesque :
« Mère Ubu : C'est Monsieur Ubu, je suis perdue !
Memnon (son amant) : par le guichet en as de carreau, je vois au loin ses cornes qui fulgurent. Où me cacher? »
Ubu cocu, Acte IV, scène 2, page 222, le Livre de poche.
Certes le genre du Boulevard se plaît à égratigner les travers de la bourgeoisie mais sans aller jusqu'à oser
franchir inconsidérément les limites de la bienséance. Or, justement, Jarry va projeter le public bien au-delà en jouant
la carte de l'extrême provocation. Ainsi il dépasse le «folklore potache» de la légende de son lycée au sujet d'un
professeur ridicule ; avec la création d'Ubu, ce qui n'aurait pu devenir qu'une simple comédie, devient une incarnation
outrée du bourgeois répugnant. Celui-ci est dans Ubu enchaîné tour à tour lâche face à la révolte des Argousins («Ah!
Je meurs de peur... Mes pantoufles !») et gonflé d'orgueil («la contrée nous aborderons sera assurément quelque
pays assez extraordinaire pour être digne de nous»). Cette peinture du grotesque humain et la réflexion implicite sur le
ridicule des humains, que condense Ubu, bouleversent et divisent le public.
On peut consulter les textes critiques qui évoquent la création d’Ubu roi :
«...les couloirs trépidaient, l'assistance était houleuse comme aux plus beaux jours du romantisme. C'était,
toute proportion gardée, une bataille d'Hernani entre les jeunes écoles, décadentes, symbolistes, et la critique
Activité
De la même manière que l'on a fait procéder à des recherches sur Jarry on mettra en place des séances de
documentation sur la création théâtrale de la fin du XIXème siècle et des débuts du XXème siècle. Une traversée
dans les arts de l'époque s'impose et permettra aux élèves d'enrichir leurs carnets personnels d'histoire des arts.
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