LA MATRICE UBU
J’avais commis, mes très chers frères et sœurs en VARA, une
« UBUGONIE » compliquée lorsque -- il y a moins de deux jours—la
Mère UBU soi-même m’apparut en songe pendant le bonheur d’une
profonde nuit réparatrice.
Je passe sur la dimension descriptive du songe pour aller droit à
l’essentiel. L’apparence physique d’UBU MATER, on ne le sait que trop,
est ce qu’elle est. Mais la disgrâce en elle n’avait pas altéré la
foudroyante pertinence, car voici qu’elle me dit : «Crème d’abruti, tu fais
l’intéressant ? Tu vas chercher midi à quatorze heures ? » Car elle parle
comme ça.
« Tremble », poursuivit-elle, « abruti sans vergogne, tu vas l’avoir, ta
raclée ! »
Je m’aperçus à ce moment que je n’étais pas seul avec elle. Vous étiez
tous là, mes Belins Belines en VARA, assis et planchant comme moi, car
la Mère Ubu était en train de nous faire passer, selon ses propres
termes, une Héterro Ecrite dont elle distribuait le texte terrorisant, et
nous tirions tous la langue sur la question posée que voici.
« Traduire en français du cru : Il fut un temps où je buvais moins que
maintenant je ne bois. »
Nous étions cuits. Nous n’avions même pas eu le temps d’esquisser le
geste du coude propre à dissimuler nos sécrétions déliquescentes aux
regards du voisin que déjà Mère Ubu nous arrachait la copie tout en
triomphant sauvagement sur un mode qui me rappelait quelque chose.
L’embryon de souvenir bougea dans le trou de Mémoire, et je reconnus
la manière dont un jour, après avoir longuement loué la copie du seul
Louis Marin, le Beuhl jeta tout le reste du paquet sur une table vide en
disant :
« Le reste va sans commentaire. Il n’y a pas de degrés dans le néant ».
Mais voici que moins élégante dans la vacherie, Mère Ubu hurlait déjà
« Sombres crétins, vous avez tous FAUX dans toutes les cases, AU
TROU, AU TROU ! ».