Plaies et cicatrisation Sommaire • Les soins primaires : désinfection et antisepsie • Les plaies chroniques : – plaies de pression ou escarres ; – ulcères de jambe ; – plaies cancéreuses • Les pansements : mode d’utilisation De l’importance du rôle infirmier Plaies aiguës ou plaies chroniques, ces lésions sont les manifestations agressives d’une enveloppe que l’on préfère silencieuse : la peau. La peau recouvre tout le corps et en reproduit les formes extérieures (anatomie de surface) : c’est le premier moyen naturel de communication. Cependant, la peau n’est pas qu’un contenant, c’est une association complexe de plusieurs structures tissulaires très hétérogènes : épithéliales, conjonctives, musculaires, vasculaires et nerveuses. D’où l’importance du soin des plaies. a peau réalise une barrière continue qui protège les tissus profonds, et ses lésions, Lqu’elles soient exogènes ou conséquences et dans le métabolisme général. Fragile, la peau est pourtant d’une résistance remarquable, notamment à l’étirement, et aux nombreuses agressions : chaleur, froid, mais aussi microbes. Les tissus humains sont capables de guérir leurs lésions localisées par des processus de réparation et de régénération qui leur sont propres. Mais ce rempart efficace contre les microbes est aussi, du fait de sa forte vascularisation, une porte d’entrée microbienne par excellence. d’une pathologie, ont toujours une incidence sur la santé du sujet. La peau joue plusieurs rôles fondamentaux : protection, thermorégulation, défense immunitaire Structure L’eau est le constituant principal de la peau. Elle représente plus de 70 % de son poids total. D’où l’importance d’une bonne hydratation. Chez un adulte, la peau s’étend sur 1,5 à 2 m2 pour un poids compris entre 2,5 et 3,5 kg. Son épaisseur varie de moins de 5/100e de mm à plus de 1,5 mm, avec une moyenne située autour de 1/10e de mm. La peau est constituée de trois couches. Coupe de peau : poil, épiderme, derme, hypoderme, plexus nerveux, glande sébacée, glande sudoripare, muscle horipilateur. © Joubert/Phanie • L’épiderme C’est la couche la plus superficielle, elle-même constituée de quatre couches cellulaires : – les kératinocytes, plus spécifiquement physiquement protecteurs ; – les cellules de Langerhans, qui ont aussi un rôle défensif à rapprocher de celui des phagocytes mononuclés ; – les cellules de Merkel, récepteurs sensoriels du toucher ; – les mélanocytes, qui synthétisent la mélanine métabolisée avec le soleil. ●●● Professions Santé Infirmier Infirmière - No 35 - mars 2002 21 Plaies et cicatrisation • L’hypoderme L’hypoderme continue le derme en profondeur. Il est constitué de tissu conjonctif lâche richement vascularisé avec, et selon les conditions nutritives, plus ou moins de tissu adipeux. La peau de bébé La couche superficielle chez l’adulte réalise une barrière quasi infranchissable. Chez le bébé, cette couche inexistante rend l’épiderme beaucoup plus perméable aux agressions externes comme les rayonnements solaires, par exemple. Le sébum, depuis la naissance jusqu’à la puberté, n’est pas produit par les glandes sébacées et donc la peau se déshydrate plus facilement. Une sueur plus limitée rend l’enfant plus sensible aux différences thermiques, lui causant une mauvaise homéostasie. La production de mélanine est peu développée, d’où une peau vulnérable aux ultraviolets. La peau moins protégée l’est aussi aux irritations et aux infections. • Le derme Le derme est constitué d’un tissu conjonctif lâche en périphérie et plus dense en profondeur. Il est très riche en vaisseaux sanguins, lymphatiques, nerfs, terminaisons sanguines sensitives. Il contient des follicules pileux et des glandes sudoripares. Il est également très riche en eau : 70 % de l’ensemble. Hydrater correctement la peau – Éviter le dessèchement (effets du soleil ou de l’abus de détergents cutanés). – Aider à reconstituer le film hydrocolloïde superficiel à l’aide de préparations antidéshydratantes, avec actifs filmogènes, si dessèchement. – Adopter une bonne hygiène de vie (absorption quotidienne de 1 à 2 litres de boisson, exercice physique régulier, nourriture riche en graisses de poissons avec les oméga 3. 22 Professions Santé Infirmier Infirmière - No 35 - mars 2002 © CMEABG-UCBL/Phanie ●●● Provenant des profondeurs de l’épiderme, les kératinocytes migrent progressivement vers la surface en modifiant leur structure cellulaire. Ils se chargent en kératine et perdent leur noyau. En gagnant la surface, ils forment une superposition de couches successives liées entre elles, réalisant ainsi un film protecteur, contre les modifications climatologiques par exemple. Cette migration cellulaire de la profondeur vers la superficie aboutit à une desquamation superficielle sous forme de pellicules. L’épiderme ne contient ni vaisseaux sanguins ni vaisseaux lymphatiques, mais en revanche de nombreuses terminaisons nerveuses sensitives. L’hydratation Le réservoir principal de la peau, et du derme en particulier, est l’eau, à plus de 70 %. Cette eau est contenue dans les grosses molécules que sont les mucopolysaccharides. Cette fraction est en fait constante. Une faible partie est susceptible de variations, à savoir celle qui se trouve à la jonction dermo-épidermique et qui, éventuellement, peut migrer vers la surface afin d’hydrater alors l’épiderme. Une bonne hydratation de l’épiderme est le garant de la bonne santé de la peau. C’est seulement si celle-ci est lisse et bien hydratée qu’elle peut efficacement jouer son rôle de barrière dé- fensive. Qu’elle manque d’eau, et son aspect change en même temps que son efficacité de prévention contre les infections. C’est la porte ouverte aux inflammations : irritations, érosions et infections. D’où l’importance de l’hygiène, notamment chez la personne fragilisée. Il est bon de rappeler que l’hydratation régule aussi les capacités de rétention d’eau épidermique : que la peau soit déshydratée et la capacité de rétention d’eau épidermique diminue d’autant. Ce qui signifie que moins la peau est hydratée, moins son équilibre hydrique interne est maintenu. Les moyens de défense Après l’accident qui a causé la plaie, la première étape de la cicatrisation est vasculaire. Le sai- gnement est la conséquence d’une vasodilatation immédiate. En réaction, se produit rapidement une vasoconstriction de tous les vaisseaux sectionnés. La constriction a comme principale vertu d’arrêter le saignement. Phénomène auquel s’ajoute, dans un but de renfort d’efficacité, une coagulation mécanique avec réalisation du clou plaquettaire et production d’un exsudat. Celui-ci est constitué de nombreuses protéines : fibrinogène, fibronectine, thrombospondine, thrombine, facteur de Willebrand. Il doit éliminer les bactéries, les tissus morts et abîmés, les particules étrangères pouvant avoir été introduites lors de l’effraction cutanée. L’exsudat est utile aussi pour stopper l’hémorragie en formant un caillot de fibrine renforçant le clou plaquettaire. Après cette période vasculaire, vient le stade inflammatoire durant lequel à la phase de vasoconstriction succède une nouvelle phase de va- Quelques repères © Burger-HIA Percy/Phanie • Une plaie rose est bien vascularisée, bourgeonne et cicatrisera correctement. • Une plaie jaune, tapissée de fibrine, voit souvent débuter une infection : un nettoyage soigneux est nécessaire. • Une plaie noire indique que trop de tissus nécrosés sont présents. Leur élimination chirurgicale est fondamentale pour que la cicatrisation puisse se déclencher. sodilatation, qui permet aux cellules circulantes d’affluer vers le site de la plaie. Cette dilatation est alors sous le contrôle essentiel de l’histamine. A ce stade, tous les composants de l’inflammation sont réunis, à savoir : rougeur, douleur et chaleur locales. Pour une durée générale de quelques jours. Aussitôt cette phase passée, les tissus vont s’organiser pour apporter in situ les éléments nécessaires à la reconstruction des tissus lésés : c’est la granulation. La prolifération de néocapillaires apporte l’oxygène et les nutriments nécessaires. La libération enzymatique favorise la pénétration des cellules dans la plaie mais aussi sa détersion. Cette phase, qui débute vers le 7e jour, peut durer plusieurs semaines. Si, entre 48 et 72 heures après la plaie, les ma- crophages prédominent, vers les 5-7e jours ce sont les fibroblastes qui sont les plus nombreux. Ensuite, pendant la maturation, on observe la formation d’un tissu de granulation. Ce sont les fibroblastes qui jouent ce rôle primordial. De leur migration dépend l’apparition du nouveau tissu. Des bords où ils apparaissent en premier, ils gagnent progressivement le centre. Cette matrice de départ est riche en facteurs de croissance garants de la récupération cutanée. Ensuite se produit l’épithélialisation, elle-même se faisant en plusieurs phases avec migration des cellules épithéliales et leur multiplication, puis la différenciation de l’épiderme ainsi formé. Enfin, se déroule la phase de maturation avec restauration de l’état cutané initial. La durée de cette phase comme l’apparition de son déclenchement sont fonction du traitement de la plaie. Une suture chirurgicale avec affrontement des berges accélère ce processus contrarié par un manque de traitement ou lors d’une infection en cas de plaie profonde. On remarquera qu’en l’absence de rapprochement artificiel, la répartition de forces à l’intérieur de la plaie a tendance à provoquer un mouvement spontané de contraction et donc de rapprochement des berges. Pour accélérer la maturation, il est nécessaire d’aider ce phénomène naturel en éliminant tous les tissus non vascularisés, nécrosés, par un débridement soigneux et aseptique. Jacques Bidart La peau selon le sexe Chez l’homme, le système pileux est plus développé que chez la femme. La sécrétion de sébum est plus importante (peau plus lubrifiée, moins sèche). La transpiration est plus abondante. La peau est plus élastique au niveau de l’élastine et plus ferme au niveau du collagène. Professions Santé Infirmier Infirmière - No 35 - mars 2002 23 Plaies et cicatrisation Les soins primaires Désinfection et antisepsie Soigner une plaie commence par la réduction maximale de la quantité de microorganismes présents sur la peau. La désinfection est la troisième phase de ces soins. Utile pour certaines plaies aiguës, elle est controversée pour certaines plaies chroniques. n peut dire qu’une plaie, en général, se soigne en trois étapes. Grâce à un détergent, on soOlubilise les matières organiques et grasses dans l’eau. Ainsi sont éliminés les micro-organismes présents sur la peau. Le détergent le plus classique est le savon. Afin d’éliminer souillures et restes de détergent, le rinçage-séchage soigneux est le deuxième temps. Grâce à un film d’eau, sont ainsi éliminés les squames, germes et résidus de produits utilisés. Le troisième temps est celui de la désinfection ou de l’asepsie elle-même. Par son action de contact propre, le désinfectant utilisé permet de réduire le nombre de germes présents. Ou, du moins, ceux qui restent après les deux premiers temps. Est considéré comme antiseptique un produit qui, grâce à son application sur une zone lésée, permet de réduire ou de faire disparaître les micro-organismes pathogènes présents. Il en existe plusieurs types ayant tous obtenu, une AMM (Autorisation de mise sur le marché). Ce sont ceux à base de chlorhexidine, les dérivés iodés, les produits chlorés, les ammoniums quaternaires, les mercuriels, ceux à base de triclocarban, les produits à base d’hexamidine. Ce sont aussi les dérivés anioniques, les colorants (bleu de méthyle, éosine...). En revanche, ne sont pas considérés comme antiseptiques les permanganates de potassium, le nitrate d’argent ou l’eau oxygénée. Pas plus que les produits moussants utilisés en chirurgie. Le choix de l’antiseptique se fait en fonction de ses propriétés : de son caractère moussant, par exemple, mais aussi de sa présentation (solution alcoolique ou aqueuse), de son pH et de son spectre d’action par rapport au germe craint ou à la localisation de la lésion. L’utilisation est guidée également par la localisation de la plaie, les éventuelles allergies présentées par le patient. On doit éviter d’employer les mélanges d’antiseptiques, utilisés ensemble ou successivement sur la même zone. On doit éviter aussi d’associer dérivés iodés et mercuriels. Un rinçage insuffisant peut rendre l’antiseptique inefficace. J.B. 24 Professions Santé Infirmier Infirmière - No 35 - mars 2002 Antiseptiques et principes de base • Vérifier les dates de péremption. • Respecter les modes d’emploi quant aux dilutions et aux temps de contact indiqués. • Ne toucher ni les bouchons ni les orifices des flacons avec les outils stériles ou les compresses, bien reboucher après usage. • Ne pas transvaser les antiseptiques dans d’autres flacons mal identifiés. • N’utiliser que trois ou quatre produits que l’on sait bien manier. Le plateau de soins • Une boîte à instruments stériles avec pince de type Kocher, ciseaux, pinces à bec. • Compresses stériles. • Adhésifs. • Filet ou bande de type gaze. • Antiseptiques préférés en petits flacons. • Sérum physiologique en petites unités. • Pansements hydrocolloïdes et secs. • Une paire de gants stériles. • Haricot pour les déchets de soin. Désinfecter une peau lésée Il s’agit de suivre l’ordonnance établie par le médecin qui doit décrire précisément la procédure à respecter, les différents produits à utiliser. Devant une plaie propre ou peu souillée, l’application des soins est préventive, afin d’éviter une infection. Devant une plaie souillée, une escarre, la pratique est alors curative. Dans les deux cas, la phase de désinfection doit faire suite à celles de détersion puis de rinçage. L’attention doit être portée sur le choix de savons et d’antiseptiques de même gamme. Dans tous ces cas, un lavage de mains soigneux est indispensable, ainsi que le port de gants stériles et d’un masque. Plaies et cicatrisation Les plaies chroniques Plaies de pression ou escarres On retrouve dans la littérature plusieurs synonymes pour décrire les plaies de pression. La France a consacré la dénomination “escarre de décubitus”. Aux États-Unis, on parle de “decubitus ulcer bedsore” ou de “pressure sore”. pression étant considérée comme le facteur essentiel au développement de Lce aétiologique type d’ulcère, l’appellation “plaie de pression” semble plus appropriée. La plaie de pression se définit comme une lésion tissulaire causée par la pression et entraînant un dommage des structures sous-jacentes. La pression est en principe une force extérieure appliquée perpendiculairement à la peau au niveau d’une proéminence osseuse. Des forces variant de 32 mmHg à 480 mmHg sont nécessaires au développement d’une plaie. La combinaison d’une pression extérieure et d’une proéminence osseuse favorise la compression des vaisseaux sanguins. Il en résulte une hypoxémie localisée et une nécrose tissulaire. La prévention des récidives fait partie intégrante du traitement puisque les facteurs de risque de développer une plaie persistent chez un grand nombre de malades. L’utilisation d’échelles de risque, comme celles de Norton (la plus connue, et comportant cinq domaines de risque) ou de Braden et Bergström (six rubriques), permet d’évaluer le risque de développer une plaie de pression. Ces instruments ont pour objectif de prédire le risque d’apparition d’escarres à partir du calcul d’un score seuil et de déclencher la mise en œuvre des soins de prévention pour les malades à risque. Facteurs de risque L’escarre est donc une lésion cutanée d’origine ischémique liée à une compression des tissus mous entre un plan dur et les saillies osseuses. Elle survient généralement au niveau des pro- éminences osseuses, localisées principalement dans les zones du sacrum et des talons. Les facteurs de risque sont nombreux. Ceux-ci sont dits tantôt “intrinsèques et extrinsèques”, tantôt “primaires et secondaires”. Ces classifications ne sont pourtant pas totalement validées et admises. Les principaux facteurs de risque sont la pression, la friction et le cisaillement dans le tissu sous-cutané, qui jouent un rôle majeur dans l’apparition d’escarres. Viennent ensuite l’immobilisation et la diminution de l’activité, la dénutrition, l’incontinence urinaire et fécale, la macération et un état de conscience altéré, les affections neurologiques et vasculaires. La compression tissulaire diminue ou interrompt la microcirculation cutanée. Le type de lit ou les matériels d’aide à la prévention mal utilisés ou obsolètes peuvent entraîner l’apparition d’escarres. Le cisaillement est un phénomène de glissement des couches cutanées les unes sur les autres lorsque le tronc est incliné, et que le poids de l’individu a tendance à faire glisser son corps vers le bas. Ce phénomène survient en position semi-assise au lit, assise au fauteuil ou en position latérale, avec la tête du lit surélevée. L’humidité, le port de vêtements trop ajustés favorisent le cisaillement. Les frottements entraînent également des plaies, le plus souvent superficielles, par une abrasion mécanique de la peau, fréquemment localisées au niveau des coudes, du sacrum et des talons. Tout malade immobilisé de façon prolongée et dans l’incapacité de se mouvoir est susceptible d’avoir des escarres. Cela concerne les malades ayant des troubles de la conscience (coma, ●●● Mécanismes d’apparition d’une plaie de pression On a estimé qu’une pression de 60 mmHg appliquée pendant 1 à 2 heures est suffisante pour provoquer une plaie. Cette plaie pourra prendre jusqu’à 5 à 7 jours pour se manifester. En effet, les muscles sont plus sensibles à l’hypoxie que la peau elle-même. Lors de l’application d’une pression extérieure, le muscle peut se nécroser et, secondairement, s’infecter. Cette infection localisée peut conduire à la formation d’un abcès. Dans les jours suivants, celui-ci peut drainer spontanément, créant un ulcère de grand volume dont l’ouverture à la peau est relativement petite (phénomène de la “plaie iceberg”). 26 Professions Santé Infirmier Infirmière - No 35 - mars 2002 agitation...), des troubles moteurs et/ou sensitifs d’origine traumatique (fractures du bassin, des membres inférieurs, du rachis...), des troubles neurologiques d’origine centrale ou périphérique (accident vasculaire cérébral, hémiplégie, blessés médullaires...), d’autant qu’ils ne perçoivent plus ni douleur ni inconfort. Tout ceci est aggravé par l’incontinence urinaire et fécale, qui maintient le malade dans un milieu humide composé de substances irritantes et propice à la macération Les malades dénutris, mal nourris, déshydratés, cachectiques présentent plus de risques de développer des escarres. De plus, l’état psychique des malades souffrant de pathologie neurologiques responsables d’une perte de sensibilité et de résistance cutanée (dégradation du collagène de la peau et des os) ou âgés (manque d’élasticité de la peau, diminution du renouvellement des cellules) amplifie le phénomène. Il faut savoir que l’apparition des escarres dépend aussi de phénomènes psychosociologiques trop souvent ignorés par les soignants. De même, outre des conditions hémodynamiques, l’état de la microcirculation dépend également du fonctionnement du système cardiorespiratoire, phénomène constaté notamment en réanimation. ●●● © Raguet/Phanie Prévention et recommandations de l’ANAES En édictant ses dernières recommandations (15-16 novembre 2001), l’ANAES a regretté la pauvreté de la littérature en matière d’escarres. Cependant, il est admis désormais, et de façon péremptoire, que le premier soin des escarres consiste en leur prévention. Pour l’ANAES, l’utilisation systématique et répétée régulièrement d’un instrument d’évaluation des facteurs de risque permet de choisir et de planifier des actions de soins appropriées pour réduire l’apparition d’escarres. L’examen de l’état cutané en général, et plus particulièrement des zones à risque (proéminences osseuses), devrait être systématique au moins une fois par jour et à l’occasion de chaque soin. La toilette complète quotidienne est recommandée. Elle est indispensable dès que la peau est souillée par les urines, les selles, une transpiration abondante, des écoulements et sécrétions. Certaines pratiques sont à éviter : utilisation de savon modifiant le pH, érosion de la peau par frottement lors du lavage ou du séchage. Le change de la literie devrait être systématique deux fois par jour en présence d’une diminution de l’activité et de la mobilité. Selon les besoins du malade, surtout en présence d’une incontinence urinaire et fécale, le change sera plus fréquent (cf. Rapport “Évaluation de la prévention des escarres”, ANAES/Service de l’évaluation dans les établissements de santé, juin 1998 : à consulter sur le site www.anaes.fr, rubrique “Publications”, “Soins infirmiers”). Les frictions ou massages communs ne faisant pas appel à des techniques de kinésithérapie ne sont plus d’actualité. Des études ont en effet prouvé que les zones massées un peu trop vigoureusement présentent plus de tissus endommagés que des zones similaires non massées. Actuellement, sont préconisés des massages peu appuyés, à type d’effleurage, au niveau des points d’appui. Cette mesure est fondée sur l’opinion d’experts. L’intérêt des massages est de permettre un examen régulier de la peau. Les produits ne doivent pas contenir d’alcool (desséchant pour la peau). Certaines huiles facilitent le glissement des mains sur la peau en préservant son hydratation et sa souplesse. La prévention s’exerce au niveau de la prise en charge de l’incontinence urinaire qui permet de limiter l’exposition de la peau à l’humidité. De même, les changements de position, le maintien d’une mobilisation et d’un niveau d’activité sont essentiels pour éviter l’apparition d’escarres. Les changements de position au lit, la mobilisation passive et active (marche), les soulèvements et balancements au fauteuil sont recommandés. La fréquence préconisée des changements de position au lit est de toutes les deux heures au moins. Elle dépend de la tolérance de chaque malade à la pression. L’utilisation d’une planification des mobilisations peut être conseillée en établissement. Celle-ci précise le type de mobilisation à réaliser, le moment où le soin devrait être accompli et le soignant responsable de son exécution. L’action de la pression et des forces de cisaillement sur les tissus peut être limitée par une mobilisation adéquate des malades lors des changements de position, des transferts du lit au fauteuil. ●●● Professions Santé Infirmier Infirmière - No 35 - mars 2002 27 Plaies et cicatrisation ●●● Cette mobilisation répond à des principes de manutention et des techniques de soulèvement. En ce qui concerne les malades dans l’incapacité de changer de position volontairement ou involontairement, on doit les protéger des lésions, notamment au niveau des coudes et des talons, à l’aide de films protecteurs (pansements adhésifs transparents), ou de pansements de protection (hydrocolloïdes) réduisant les phénomènes de friction et de cisaillement. Enfin, l’utilisation du matériel d’aide à la prévention protège des effets des forces de pression, de friction et de cisaillement. Mais aucun matériel de prévention ne dispense des soins de prévention prodigués par ailleurs. Il existe une gamme importante de matelas d’aide à la prévention et de coussins (pour les talons). Les critères de choix peuvent être la répartition de la pression sur toute la surface du corps en réduisant au minimum la pression au niveau des zones d’appui. Les housses et literies en coton, qui permettent la circulation de l’air, sont d’une facilité d’utilisation (mise en place, stockage, poids, maintien d’une température adéquate pour le matelas d’eau) et d’entretien (nettoyage et désinfection) telle qu’elles sont à privilégier. Le confort du malade doit toujours être pris en compte par rapport au coût. Établir des protocoles La prévention des escarres résulte souvent d’une démarche empirique et les infirmières ont chacune leur méthode, sans fondement scientifique. Chaque infirmière agit au mieux selon sa formation, son expérience, ses connaissances ou ses croyances. Une approche multidisciplinaire des malades à risque et une coordination de l’équipe soignante dans son ensemble deviennent donc nécessaires. “L’utilisation de supports de transmission des informations concernant les malades à risque de développer des escarres devrait permettre une continuité des soins entre les différentes équipes et leurs membres. Une stratégie fondée, d’une part, sur l’identification des malades susceptibles de développer des escarres au moyen d’un instrument d’évaluation des facteurs de risque et, d’autre part, sur le choix d’actions de prévention permet de diminuer les escarres” (cf. Rapport de l’ANAES, 1998). L’élaboration d’un protocole de soins pour prévenir les escarres, véritable fléau dans les établissements, devient indispensable car c’est l’occasion de partager les connaissances et les compétences des uns et des autres et de développer une conduite cohérente. A.-L.P. Ulcères de jambe Il existe différents types d’ulcères de la peau. Ceux de la jambe sont les plus fréquents. Pour les soigner efficacement, il s’agit d’abord d’en bien connaître l’étiologie. ulcères sont des pertes de substances deret épidermique n’ayant aucune tenLdanceesmique spontanée à la cicatrisation. Les trois causes principales sont : – l’insuffisance veineuse profonde et/ou superficielle ; – l’artériopathie des membres inférieurs ; – l’angiodermite nécrotique (environ 10 % des cas). Souvent méconnue des non-spécialistes, il s’agit d’une plaque de nécrose superficielle très douloureuse. Cette pathologie atteint préférentiellement les femmes de plus de 60 ans ayant des antécédents d’hypertension artérielle et/ou de diabète. L’ulcère veineux est la conséquence d’une stase veineuse superficielle induite par l’obstruction des troncs profonds et/ou par l’insuffisance des valvules ostiales des crosses des saphènes. C’est en fait une véritable maladie du tissu conjonc28 Professions Santé Infirmier Infirmière - No 35 - mars 2002 tif, génétiquement déterminée, procédant à une destruction de la paroi veineuse, notamment des valvules empêchant le retour du sang dans l’axe veineux. L’ulcère artériel, moins fréquent que l’ulcère veineux, est secondaire à une artériopathie oblitérante des membres inférieurs dont l’étiologie dominante est l’athérosclérose. Les signes des deux ulcères, veineux et artériel, sont parfois combinés, induisant des ulcères mixtes. L’angiodermite nécrosante et l’ulcère hypertensif de Martorell sont, eux, deux entités proches de l’ulcère artériel classique. Les premiers signes sont une phlyctène, une micro-ulcération, ou une croûte recouvrant l’ulcère. L’évolution spontanée des ulcères est chronique et les complications sont multiples. Conjointement au traitement local, un traitement du terrain vasculaire doit être entrepris. misation, le nettoyage est facultatif. Tout au plus peut-on effectuer un rinçage au sérum physiologique. La peau périlésionnelle est lavée comme en phase de détersion. Si la plaie est très faiblement exsudative, il faut choisir : un hydrocolloïde mince à laisser en place jusqu’à saturation, un hydrocellulaire, laissé également jusqu’à saturation, à condition que ce produit ait déjà été prescrit au patient à un stade plus précoce, un film de polyuréthanne pouvant être laissé en place jusqu’à 7 jours, un tulle neutre dont l’utilisation ne dépassera pas les 48 heures afin de limiter les risques d’enclavement des bourgeons dans le maillage, ou une interface à changer dans un intervalle de 3 à 5 jours. Si les exsudats sont modérés, le choix peut se faire entre un hydrocolloïde et un hydrocellulaire, ce dernier devant être privilégié si une macération ou une irritation de la peau périlésionnelle apparaît, ou si un hyperbourgeonnement se développe sur la plaie. Ces deux types de pansements sont à renouveler tous les 3 à 8 jours. Si la plaie est encore très exsudative, un hydrofibre est placé sous une plaque d’hydrocellulaire ou sous un hydrocolloïde épais, jusqu’à saturation de cette plaque. Les complications, caractérisées notamment par une extension rapide en surface et en profondeur, souvent dues au manque d’hygiène, au terrain ou, tout simplement, au défaut de traitement, entraînent infections et surinfections. En bref, l’ulcère de jambe est une plaie cutanée d’évolution prolongée récidivante. Mais le traitement de la plaie est presque accessoire du fait que la cicatrisation est retardée si la cause n’est pas prise en compte. Il importe donc de rechercher les facteurs associés, comme le diabète, l’anémie, la dénutrition... Et, bien sûr, le rôle infirmier consiste aussi à éduquer le patient, notamment dans l’apprentissage de la mise en place des moyens de compression. Les évaluations doivent être renouvelées et les mesures prises en concertation avec les différents partenaires de soins. Gestion de la plaie En phase de détersion (plaie à fond noir et/ou jaune), l’action est mécanique, après une bonne prévention locale et générale des douleurs. Le lavage de la plaie se fait à l’eau et au savon de Marseille, le rinçage à l’eau par douchette et le séchage par tamponnement de la peau périlésionnelle. Si la plaie est sèche, on peut appliquer un hydrogel recouvert d’un hydrocolloïde mince ou d’un film de polyuréthanne à changer à saturation. Si les exsudats sont modérés, des hydrocolloïdes sont laissés en place jusqu’à saturation. Si les exsudats sont importants, il faut recourir aux alginates (à changer toutes les 24 à 72 heures) ou aux hydrofibres (à changer à saturation). En phase de bourgeonnement et/ou d’épider- © Phanie Le pansement secondaire Lorsqu’il n’est pas adhésif, le pansement primaire doit être maintenu par le pansement secondaire. Deux compresses sèches de gaze sont recouvertes d’une bande de gaze large, idéalement de 15 cm, et posée sans tension de la racine des orteils jusqu’au pli du genou. Si l’ulcère est d’origine veineuse, ce pansement s’achève par la mise en place d’une bande élastique de compression, large de 10 cm, longue de 3,5 à 4 m, idéalement étalonnée et posée de la racine des orteils jusqu’au pli du genou. Il ne faut plus utiliser les topiques potentiellement allergisants et irritants, et éliminer en priorité tous ceux contenant de la néomycine, de la lanoline et du baume du Pérou, qui sont les trois molécules les plus souvent responsables d’allergie chez les porteurs d’ulcère. Les soins d’ulcères doivent être effectués selon un protocole médical strict par un personnel infirmier pour éviter les complications infectieuses pouvant gagner les articulations voisines, l’ensemble du membre, ou encore servir de porte d’entrée microbienne à une septicémie. De même, une vérification des vaccins s’impose toujours en cas d’ulcère de jambe, qui peut conduire à une contamination tétanique. A.-L.P Professions Santé Infirmier Infirmière - No 35 - mars 2002 29 Plaies et cicatrisation Plaies cancéreuses Soigner une plaie chez le malade atteint de cancer déborde largement du cadre du soin local. Les ulcérations malignes méritent d’être évaluées individuellement lorsque la cicatrisation est possible, ce qui n’est pas toujours le cas. Le confort est l’objectif principal. une ulcération maligne, il faut toujours s’interroger sur le saignement de l’ulcération, Dsonevant aspect, l’ampleur de l’écoulement, mais aussi thérapeutiques sont souvent nécrotiques, fibrineuses, nauséabondes, exsudatives et parfois hémorragiques car les nodules de perméation sont très vascularisés. © Alix/Phanie la douleur... sans oublier la détresse ressentie par le patient. Outre l’aspect thérapeutique, les pansements des patients atteints d’ulcérations malignes doivent être le plus souvent camouflés pour améliorer l’esthétique (pansement de mousse de silastic pour remplir les cavités, prothèses), ce qui aide à accepter l’image corporelle dévalorisée. Quand un écoulement provient de l’ulcération, il faut réduire l’inflammation (corticoïdes), absorber l’écoulement par des pansements hyperabsorbants et protéger la peau en périphérie par une pommade protectrice, à l’oxyde de zinc par exemple. En cancérologie, on retrouve aussi les plaies dues aux traitements, les plaies de postradiothérapie, des réactions cutanées à type de brûlure, extrêmement douloureuses, inflammatoires et parfois exsudatives. Elles s’observent quelquefois à distance de la fin d’un traitement. Il s’agit de brûlures du premier ou du second degré superficiel. Sur le sein, elles sont parfois très étendues ; sur la cuisse, ces brûlures sont davantage creusées et fibrineuses. Les plaies de postradiothérapie sont quelquefois aggravées lorsque le traitement anticancéreux conjugue radiothérapie et chimiothérapie. Les plaies dues à un cancer du sein évolué n’ayant jamais été traité ou rétif aux ressources 30 Professions Santé Infirmier Infirmière - No 35 - mars 2002 Gestion de la plaie La gestion de la douleur doit être pensée avant le soin et requiert une prémédication. La plaie doit être nettoyée à l’eau stérile ou à l’eau du robinet. Il faut éviter l’utilisation de sérum physiologique et de tout antiseptique risquant de provoquer des sensations de picotement. Il est recommandé de couvrir la plaie d’un alginate (afin de limiter si possible les exsudats) laissé en place pendant 48 heures, recouvert de compresses ou de pansements américains, changés, eux, quotidiennement. Les alginates peuvent être utilisés pendant plusieurs semaines. Alternativement, il est possible de recourir aux pansements à base de charbon, pour leur pouvoir antiseptique et, surtout, d’absorption des odeurs. Ceux-ci sont également laissés en place 48 heures, et recouverts par des compresses ou des pansements américains quotidiennement changés. Lors de la réfection du pansement au charbon, il importe de préalablement le mouiller, afin de ne pas arracher de nodules de perméation. Les hydrocolloïdes sont peu employés du fait de l’odeur qu’ils dégagent, jugée désagréable. La peau étant particulièrement fragile, les pansements adhésifs sont contre-indiqués. Le pansement tertiaire est donc réalisé au moyen d’un filet tubulaire, rendant d’autant plus facile le changement journalier du pansement américain. Lorsqu’une patiente atteinte d’un cancer du sein déclare ne plus rien supporter, on doit recourir à de simples pansements gras, ou à des compresses vaselinées. Pour une meilleure prise en compte psychologique des difficultés de ces patientes et du regard qu’elles portent sur les plaies de leurs seins, il est préférable que les pansements soient occlusifs. Les brûlures de postradiothérapie nécessitent un nettoyage à l’eau. Un hydrocolloïde peut être posé, bien que des réactions avec apparition de phlyctènes au pourtour du pansement soient régulièrement observées. La brûlure est donc préférentiellement recouverte par de la sulfadiazine argentique, ellemême recouverte d’un tulle gras. L’ensemble est maintenu, mais non collé, par un pansement américain, puis un filet tubulaire. La réfection du pansement est fonction de l’état du patient, il peut néanmoins être maintenu 2 à 3 jours. Il est à retenir que les pansements réalisés ne soignent en rien la maladie, qu’ils permettent seulement une amélioration locale de son confort. En effet, il est impossible de voir cicatriser une plaie cancéreuse s’il n’y a pas de traitement anticancéreux efficace. En cas de nodules de perméation ou de nécrose, il ne faut surtout pas chercher à découper les croûtes, au risque de faire flamber la tumeur. Les soins doivent donc être pratiqués en douceur, par tamponnements. La prise en charge de la douleur mérite une prescription médicale et l’attention de l’équipe soignante. Si elle survient au moment des pansements, il faut changer de technique (par exemple, décoller les pansements avec du sérum salé à 9 %), utiliser des pansements hydrocolloïdes, de la lidocaïne en spray avant de nettoyer. Une analgésie supplémentaire peut être nécessaire. Si la douleur persiste en dehors du renouvellement des pansements, il faut revoir l’analgésie par voie générale et envisager un AINS systématique. A.-L.P. D’après Quels traitements pour quel type de plaies ? CDTM Éditions, Puteaux, avril 2000. Les pansements Mode d’utilisation Les pansements modernes sont de plus en plus spécifiques et adaptés à certaines plaies. Ils aident à la cicatrisation en diminuant les effets délétères et en permettant d’espacer les renouvellements, contraignants pour le patient et le soignant. On distingue plusieurs classes de pansements. Les hydrocolloïdes La couche interne d’un pansement hydrocolloïde est absorbante. Elle est composée de carboxyméthylcellulose sodique noyée dans une masse élastique et adhésive. Un film et/ou une mousse de polyuréthanne ou une compresse non tissée constituent la couche externe. La plaque d’hydrocolloïde s’applique sur la zone où siège la plaie après nettoyage au sérum physiologique ou à l’eau, en dépassant de 2 à 3 cm sur la peau périphérique à laquelle elle adhère. Pour certaines localisations et lorsque la plaie est très exsudative, notamment en phase de détersion, la plaque est recouverte d’un pansement secondaire pouvant absorber l’excès d’exsudat et permettant le maintien de la plaque en cas de plaie sur une zone de frottement. Le rythme de changement du pansement primaire se situe entre 48 heures et une dizaine de jours, dès lors que l’hydrocolloïde est dit “saturé” et/ou que la plaque se décolle déjà partiellement. Le pansement secondaire peut, lui, être changé tous les 2 ou 3 jours. Ces pansements hydrocolloïdes maintiennent un milieu chaud et humide favorable à la cica- trisation. Ils peuvent être utilisés à tous les stades de la cicatrisation. Au contact des exsudats, la carboxyméthylcellulose se transforme en un gel ressemblant à du pus. Les soignants doivent donc penser à informer le patient et sa famille du caractère normal de cet aspect, d’autant que ce liquide est en général très nauséabond. Une macération au pourtour de la plaie peut être observée lorsqu’elle est très exsudative. Le relais doit alors être pris par des pansements plus absorbants. Les films de polyuréthanne Ces films sont constitués d’une membrane transparente en polyuréthanne enduite d’adhésif hypoallergénique sur un côté. Ce pansement s’applique soit directement sur la plaie, en faisant dépasser le film sur la peau périphérique préalablement séchée, soit sur un autre pansement (alginate, hydrogel ou hydrocolloïde), pour ne constituer alors qu’un pansement secondaire assurant l’occlusion et l’isolement de la plaie. Les films de polyuréthanne possèdent des qualités de membranes semi-perméables : ●●● Professions Santé Infirmier Infirmière - No 35 - mars 2002 31 Plaies et cicatrisation perméables à l’oxygène et à la vapeur d’eau, ils évitent la macération ; imperméables à l’eau et aux bactéries, ils maintiennent l’humidité tout en empêchant les contaminations bactériennes extérieures. Ils adhèrent à la peau saine mais pas sur la plaie. Les films de polyuréthanne entretiennent au niveau de la plaie ouverte un milieu humide favorable à la cicatrisation et évitent la formation d’une croûte. Transparents, ils permettent un contrôle visuel de la plaie et de son évolution. De nombreux patients font valoir un effet antalgique immédiat. Les alginates Les alginates sont des polymères essentiellement, et parfois exclusivement, composés d’acides alginiques (alginate de calcium). Ils ont un important pouvoir absorbant et se gélifient plus ou moins au contact des exsudats, ce qui leur permet de ne pas adhérer à la plaie. Avant d’être utilisée, la compresse d’alginate doit être découpée approximativement aux dimensions de la plaie. Elle peut néanmoins déborder sans danger sur la peau périphérique, ce qui pourra aider à son changement. La plaie se nettoie au sérum physiologique puis la compresse d’alginate sèche est posée sur celle-ci. Il faut recouvrir d’un pansement secondaire et maintenir le tout par un bandage élastique, un film ou un adhésif. Le pansement sera renouvelé en fonction de l’abondance des exsudats : tous les jours en phase de détersion, tous les 2 à 3 jours en phase de granulation. Un pansement alginate peut être utilisé sur une plaie hémorragique, mais il doit faire l’objet d’une humidification avant d’être retiré. Le très grand pouvoir absorbant des alginates représente leur qualité majeure. Indiqués en phase de détersion et de granulation, ils n’adhèrent pas à la plaie et entretiennent un milieu humide favorable à la cicatrisation. Il est possible de les utiliser sur des plaies infectées, à condition de ne pas les recouvrir d’un pansement occlusif, mais de compresses de gaze simples. Les hydrofibres Cette classe de pansement est constituée de fibres non tissées d’hydrocolloïde pur (carboxyméthylcellulose de sodium). Après avoir nettoyé la peau avec du sérum physiologique, il faut appliquer la compresse d’hydrofibre en la laissant ou non déborder sur la peau périlésionnelle. Pour les plaies creuses, les mèches d’hydrofibre sont préférables. Dans tous les cas, il faut recouvrir par un pansement secondaire (plaque d’hydrocolloïde, film ou compresse 32 Professions Santé Infirmier Infirmière - No 35 - mars 2002 simple si la plaie est infectée par exemple). Le délai de changement entre chaque pansement varie suivant l’abondance des exsudats et la nature du pansement secondaire. Il ne doit pas dépasser 7 jours. Sous une plaque d’hydrocolloïde, par exemple, il peut être maintenu entre 3 et 5 jours. A la surface de la plaie, l’hydrofibre interagit immédiatement avec les exsudats et forme un gel cohésif, créant un milieu humide favorable à la cicatrisation. Ce produit, comme les alginates, est très absorbant et indiqué dans les phases de détersion et de bourgeonnement des plaies exsudatives. C’est un pansement qui n’adhère pas à la plaie et se change de façon indolore. Les hydrocellulaires et mousses Ces pansements se composent d’une couche hydrophile, le plus souvent en polyuréthanne, associée à un film ou à une couche externe imperméable aux liquides, voire, dans certains cas, à une masse adhésive hypoallergénique. Dans la forme non adhésive, ces pansements peuvent être utilisés même si la peau périlésionnelle présente un eczéma, une irritation ou une macération. Ils sont recouverts par un pansement secondaire (film ou compresse et bande élastique). Quand elles peuvent être supportées, les formes adhésives ont l’avantage de fournir à la fois le pansement primaire et le pansement secondaire. Après nettoyage préalable de la plaie au sérum physiologique ou à l’eau, le pansement est découpé de manière à dépasser la lésion de quelques centimètres en périphérie. Le rythme de changement d’un pansement hydrocellulaire varie de 3 à 8 jours environ. Il est fonction de l’importance des exsudats, c’est-à-dire dès lors qu’il y a imprégnation de la mousse sur sa périphérie. Le changement du pansement est indolore car celui-ci n’adhère jamais à la plaie, même si celle-ci est peu exsudative. Tout comme les alginates, ces pansements sont très absorbants et maintiennent l’humidité au niveau de la plaie, respectant l’écosystème de cette dernière et empêchant les contaminations par des germes extérieurs. Indiqués lorsque la plaie est déjà partiellement détergée, ils le sont surtout au stade du bourgeonnement et jusqu’à l’épidermisation complète. Confortables, les pansements hydrocellulaires et mousses évitent la macération et les odeurs que l’on peut observer avec les hydrocolloïdes. Les hydrogels Les hydrogels sont des polymères insolubles avec des sites hydrophiles, contenant plus de 80 % d’eau. Actuellement, le polymère est ●●● Plaies et cicatrisation ●●● essentiellement la carboxyméthyl-cellulose. Le gel à base de carboxyméthyl-cellulose est appliqué en couches épaisses sur la plaie préalablement nettoyée. L’adjonction d’un pansement secondaire est nécessaire. Il s’agira d’un hydrocolloïde ou d’un film de polyuréthanne. Les compresses de gaze classiques ne sont pas indiquées car l’eau contenue dans l’hydrogel serait alors absorbée dans le pansement secondaire et non dans la plaie. Le changement de pansement peut être espacé de 3 à 4 jours. Les hydrogels sont destinés aux plaies plutôt sèches et utilisés pour la détersion et la cicatrisation des plaies peu ou pas exsudatives. Ils comptent parmi les produits les plus efficaces pour ramollir une plaque de nécrose et ils remplacent avantageusement les compresses imbibées de sérum physiologique que l’on changeait trois fois par jour. Les hydrogels apportent de l’eau au niveau des plaies qui ne sont pas spontanément exsudatives, permettant une cicatrisation en milieu humide. Les pansements au charbon Il s’agit de pansements contenant une couche de charbon et de métaux (cuivre, argent) qui favorisent le drainage des bactéries. Le charbon peut être enveloppé dans une feuille non tissée, non adhérente aux plaies, ou associé à un pansement hydrofibre. Les pansements au charbon s’appliquent secs, ou parfois humidifiés avec du sérum physiologique, directement sur la plaie. Ils doivent être recouverts d’un pansement secondaire. Ces pansements peuvent être indiqués comme pansement primaire ou secondaire pour les plaies en détersion, les plaies infectées ou malodorantes. Ils ont en effet la particularité d’absorber les odeurs. Lorsqu’ils contiennent un hydrofibre, les pansements au charbon peuvent réduire des exsudats modérés ou plus importants. Les tulles et interfaces Il existe deux catégories de tulles et interfaces : – Ceux enrichis en antibiotiques, antiseptiques ou “facteurs de cicatrisation”. Leur emploi n’est pas sans danger. Ils risquent de créer des sensibilisations aux antibiotiques, de détruire les germes colonisant naturellement une plaie en cours de cicatrisation, ou de sélectionner des germes résistants beaucoup plus nocifs. Ceux contenant de l’iode sont à utiliser de manière brève car ils peuvent provoquer des intolérances et une perturbation de la glande thyroïde. – Ceux considérés comme “non médicaux” sont des tulles et interfaces imprégnés de ma34 Professions Santé Infirmier Infirmière - No 35 - mars 2002 tières grasses neutres hypoallergéniques comme la vaseline ou la paraffine. De conception récente, des interfaces en fibres synthétiques ont des mailles de petite taille et n’adhèrent pas à la plaie. Elle sont parfois composées de silicone. Ces pansements sont appliqués directement sur la plaie et recouverts d’un pansement secondaire absorbant (compresses de gaze, pansement américain...). Il est nécessaire de les changer tous les jours ou tous les deux jours, quel que soit le stade de la plaie. Leur faible pouvoir absorbant les fait réserver aux plaies peu exsudatives, en phase de bourgeonnement et d’épidermisation, en particulier sur des zones privées d’épiderme ou à la phase ultime de la cicatrisation. En revanche, les mailles de ces tulles étant souvent assez larges, et le bourgeonnement se faisant au travers de cellesci, il existe un risque d’arrachage des bourgeons charnus avec hémorragie à la réfection du pansement. Le changement du pansement se révèle alors souvent douloureux en raison de l’adhérence des bourgeons aux mailles du tulle. Les pansements osmotiques Il s’agit de produits devant être appliqués directement sur la plaie. Il est impératif de protéger la peau périphérique avec une pâte à l’eau en couche épaisse afin d’éviter une éventuelle irritation par ces produits. Le renouvellement de leur application est quotidien. Les pansements osmotiques sont indiqués dans la phase de détersion des plaies nécrotiques. Les enzymes En France, la plus employée est l’enzyme protéolytique, incorporée dans un excipient gras. Il est souhaitable de renouveler l’application de ce pansement deux fois par jour si l’on tient compte de la demi-vie de l’enzyme. A l’identique des pansements osmotiques, la peau périlésionnelle doit être protégée avec une pâte à l’eau. Un pansement secondaire à base de compresses de gaze suffit en général. Les enzymes sont indiquées dans la détersion des plaies nécrotiques et fibrineuses. L’excipient gras dans lequel l’enzyme protéolytique est incorporée permet le maintien d’une atmosphère humide durant 24 heures au niveau de la plaie. Quelques irritations ont été observées en périphérie de la plaie. D’après l’intervention du Dr Sylvie Meaume gériatre, pour le guide Quels traitements pour quel type de plaies ? CDTM Éditions, Puteaux, avril 2000.