« Ruy Blas ou le romantisme en scène », Victor Hugo (1838) Ce

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« Ruy Blas ou le romantisme en scène », Victor Hugo (1838)
Ce travail a été proposé à des élèves de 1ère S par Monsieur Carlos GUERREIRO, professeur certifié de Lettres
Modernes, du Lycée Benoit de L’Isle/Sorgue (84)
Objet d'étude : « Le théâtre : texte et représentation »
Problématique : Comment porter sur scène la révolution romantique ?
Lectures analytiques :
L.A n°1 (Acte I, scène 1) : l'exposition
L.A. n°2 (Acte II, scène 2) : le monologue de la reine
L.A. n°3 (Acte III, scène 2) : la tirade de Ruy Blas, de « Bon appétit, messieurs ô ministres intègres ! » jusqu'à
« Babel est dans Madrid. »
L.A. n°4 (Acte IV, scène 2) : Don César ou l'intermède burlesque
L.A. n°5 (Acte V, scène 4) : le dénouement.
Documents complémentaires :
Art poétique, Nicolas Boileau : les règles de la tragédie classique
Extraits de la préface de Cromwell, Victor Hugo, 1827
Mise en scène de Jacques Weber (2002) adaptée pour la télévision
Document sur le travail du scénographe autour des costumes et du décor (extrait du dossier de presse de la mise en
scène de Ruy Blas par la Comédie-Française en 2002)
Lectures cursives obligatoires :
Document sur le contexte historique et culturel du XIXe (Littérature Hatier, "Des textes au séquences", 1ère)
La préface de Ruy Blas
Phèdre, Racine (1677)
Séance 1 : Contextes
Objectifs : Introduire l'oeuvre, son époque, son auteur ...
Introduction au contexte historique, politique, social et culturel du XIXème : il s'agit de replacer l'oeuvre dans le
contexte du XIX marqué par le douloureux enfantement de la démocratie, l'avènement d'une société industrielle dans
une double dimension (le positivisme du Progrès s'accompagne de la prolétarisation d'un peuple d'ouvriers de plus en
plus miséreux), et par le développement d'une culture de masse où la figure de l'écrivain occupe une place importante.
Éléments de la biographie de Victor Hugo, avec notamment ses combats littéraires, sociaux et politiques.
Le demi-siècle romantique : il s'agit de présenter grossièrement les « forces » littéraires en présence à l'aube du siècle
(« classiques » vs. « romantiques ») qui ont conduit à la fameuse bataille d'Hernani.
Activités : Lecture cursive des documents.
Supports :
Document sur le contexte historique et culturel du XIXème (Littérature Hatier, "Des textes au séquences", 1ère).
Document support résumant les points marquants à mémoriser :
Le XIXème : un siècle de bouleversements :
1804-1815 Empire (Napoléon 1er Empereur)
1815-1830 Restauration : Louis XVIII (1815-1824) puis Charles X (1824-1830)
1830 Révolution des Trois Glorieuses (27,28, 29 juillet)
1830-1848 Monarchie de Juillet (Louis-Philippe 1er)
1848 Seconde Révolution
1848-1852 Seconde République (Louis-Napoléon Bonaparte président)
1852-1870 Second Empire (Napoléon III Empereur- Coup d'état le 2 décembre 1851)
1870-1871 Guerre Franco-allemande
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1871 Insurrection de la Commune (Mars-Mai 1871)
1871-1940 Troisième République
Faits marquants :
Le douloureux enfantement de la démocratie, qui ne naît pas sans difficultés (six régimes se succèdent,
entrecoupés de crises violentes)
Le passage à une société industrielle, avec d'un l'essor de l'économie et de l'industrie (la science et la
technique deviennent des espèces de religions nouvelles), et de l'autre, la misère sociale extrême des ouvriers, leur
exploitation par l'homme ou par la machine (cf. par exemple, le travail des enfants dès huit ans sur les machines
textiles : voir le poème Melancholia de Hugo).
Les prémisses d'une culture de masse, avec l'essor du journal et le succès des romans populaires. L'écrivain est une
figure majeure de son temps.
Victor Hugo (1802-1885) :
Figure exceptionnelle dans la littérature française, il domine le XIXe siècle par l'ampleur et la qualité de sa
production (poésie, romans, théâtre, ...).
Génie précoce Je veux être Chateaubriand ou rien », écrit-il en 1816), il reçoit plusieurs récompenses littéraires
dès 16 ans (notamment, de l'Académie française en 1817) et est élu à l'Académie française en 1841.
Homme de tous les combats (le XIXe est traversé par deux révolutions, un coup d'état et une guerre), il mène une
triple lutte : sur le plan littéraire pour la révolution romantique, socialement contre la misère et pour le peuple,
politiquement pour la liberté, contre la censure (cf. notamment son combat contre Napoléon « Le Petit » lors de son
exil sur les îles anglo-normandes de 1852 à 1870.)
Figure de l'écrivain engagé, il prend part aux grands débats politiques de son temps et lutte pour plus de justice
sociale et contre la peine de mort (cf. Claude Gueux (1834) et Le Dernier jour d'un condamné (1829)).
Chef de file des romantiques, il mènera cette bataille au théâtre de 1827 à 1843 avec les oeuvres :
Cromwell (1827), dont la préface, véritable manifeste, définit le drame romantique.
Hernani (1830) : la bataille d'Hernani consacre le succès du drame romantique
Ruy Blas (1838) - Ruy Blas prend sa source dans l'histoire de l'Espagne de la fin du XVIIème siècle, pendant
une période de décadence de la monarchie et de la noblesse (Charles II et Maria de Neubourg).
Les Burgraves (1843) – échec de la pièce
Le contexte littéraire du demi-siècle romantique :
Au début du siècle et sous la restauration (1815-1830), deux « camps littéraires » s'opposent :
Les nostalgiques de l'Ancien Régime qui souhaitent un retour à l'ordre, à la tradition : les « classiques »
Les « romantiques », épris de liberté et partisans d'une révolution de l'art dramatique.
La tragédie classique est usée et son succès est moindre en ce début de siècle.
Un nouveau public, plus large, plus populaire investit les théâtres : celui-ci est avide d'émotions fortes et fait le
succès du mélodrame. Genre mineur qui privilégie le spectaculaire (mises en scène grandioses) et le pathétique,
plutôt simpliste, il privilégie l'intrigue au détriment de la psychologie, et met en scène des personnages et des
situations stéréotypées : le traite odieux, la victime vertueuse défendue par le jeune amant beau et héroïque, le niais
grotesque et bouffon, autant de personnages manichéens entraînés dans de sombres machinations les crimes
abondent1. Le mélodrame ne respecte pas les règles classiques (unités, vraisemblance, ...) : même si sa valeur
littéraire est très contestable, ses influences sur les conceptions romantiques ne peuvent être niées.
C'est dans ce contexte que naît le drame romantique avec des difficultés bien réelles :
Comment trouver sa place entre le mélodrame de piètre qualité et la tragédie (qui malgré son affaiblissement
garde ses adeptes et ses places fortes comme la Comédie-Française2) ?
Comment résister à la censure, bien présente, qui voit d'un mauvais oeil cette « révolution romantique » ?
Comment convaincre les acteurs ticents et décontenancés par les hardiesses du romantisme, acteurs
accoutumés aux règles de la tragédie, à son ton, à sa rhétorique ?
La bataille d'Hernani
Il s'agit des affrontements, restés célèbres, entre les « classiques » - ou les « grisâtres » - et les « romantiques » - les
« flamboyants », autour de Théophile Gautier et de son gilet rouge - lors des représentations de la pièce « Hernani » en
1830. C'est en fait un triple combat que remportera Hugo :
contre les acteurs (notamment la célèbre Madame Mars qui a 50 ans jouait le rôle de Dona Sol, 17 ans... et dont les
réticences à jouer le drame étaient nombreuses)
contre la censure qui n'admettait pas que l'image d'un roi soit ternie le roi s'exprime comme un bandit, [...] la fille
1 La plupart des théâtres parisiens où se jouaient les mélodrames se situaient boulevard du Temple, surnommé « le boulevard du crime » à cause
des très nombreux crimes commis ... sur scène !
2 Le théâtre s'appelait à l'époque Le Théâtre Français.
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d'un Grand d'Espagne n'est qu'une dévergondée »)
contre les « classiques », scandalisés par les audaces romantiques.
La pièce conquit le public, fut un succès commercial et permit l'avènement de la génération romantique sur la scène.
Séance 2 : L'exposition (I,1) : l'ouverture d'un drame romantique, entre tradition et innovation
Objectifs : Percevoir dans quelle mesure cette scène assume un rôle d'exposition et mesurer son originalité par rapport à la
tradition classique.
Supports : Acte I, scène 1
Questions préparatoires :
Quelles sont les fonctions d'une scène d'exposition ?
En quoi cette scène remplit-elle ces fonctions ?
Lisez la première scène de Phèdre. Quels points communs et quelles différences principales notez-vous entre cette
exposition et celle de Ruy Blas ? (intrigue, statut des personnages, didascalies, registres, langage, ...)
Projet de lecture : Dans quelle mesure cette scène d'exposition s'écarte-t-elle de la tradition classique ?
I. Une exposition qui répond à un double objectif d'information et de séduction (l'ancrage spatio-temporel les
personnages, l'intrigue – les procédés de la séduction)
II. Une exposition qui par certains aspects se rapproche de la tradition classique (l'efficacité dramatique de l'exposition
conforme au préceptes de Boileau la reprise du motif traditionnel de la scène de confidence l'installation d'un
univers proche du théâtre classique par certains aspects)
III. Une exposition caractéristique du drame romantique rompant avec la tradition classique ( une rupture annoncée dès le
titre et le premier vers – la « couleur locale » et l'Histoire – le mélange des genres et le traitement du vers)
Séance 2bis : Entraînement à la rédaction du commentaire (séance TICE)
Objectifs : Suite à la lecture analytique de la scène 1 menée en classe, on demande aux élèves de rédiger l'intégralité de la
première partie du commentaire. L'objectif principal est d'amener les élèves à une insertion rigoureuse et syntaxiquement
correcte des citations issues du texte. Les élèves réalisent cet exercice sur un support informatique, véritable brouillon
numérique, qui permet de retoucher et d'améliorer la syntaxe (et l'orthographe) des productions d'une manière simple.
Déroulement de l'activité : On procède en plusieurs étapes. Les élèves saisissent leur production sur un espace en ligne dédié et
le professeur procède à une première correction, en mettant en évidence les fautes d'orthographe et de syntaxe (mais sans les
corriger). Une première note est attribuée : celle-ci est calculée en retirant un point à chaque faute d'orthographe ou de syntaxe.
Le barème peut paraître sévère, mais il est destiné à faire en sorte que les élèves prennent conscience de l'importance cruciale
de la correction de l'expression. Les élèves sont ensuite invités à améliorer leur production en corrigeant les fautes signalées :
cette nouvelle version est corrigée une dernière fois par le professeur pour l'attribution d'une note définitive en suivant le même
principe de notation.
Exemple de mise en oeuvre : http://carlosguerreiro.free.fr/wiki/wakka.php?wiki=Espace1ereS1#6
Bilan de l'expérimentation : L'utilisation du support informatique comme brouillon numérique est un réel atout car il permet de
retravailler la syntaxe et l'orthographe d'une manière simple et efficace. Par ailleurs, en concentrant la notation sur les aspects
syntaxiques et orthographiques, on souligne l'importance d'une expression rigoureusement correcte : c'est une nécessité dont les
élèves n'ont pas toujours conscience et qu'ils négligent, même pour les meilleurs, pensant que l'à-peu-près est suffisant, à partir
du moment l'on comprend (parfois très vaguement) ce qui est écrit. Il faut cependant ajouter que ce travail nécessite une
double correction très méticuleuse du professeur et exige donc beaucoup de temps : on conseillera donc de privilégier des
productions assez courtes.
Séance 3 : Le monologue de la reine (II, 2)
Objectifs : Percevoir l'originalité de ce monologue lyrique qui permet de parachever le portrait psychologique de la reine en
héroïne romantique exaltée, et mesurer l'intérêt dramatique de la scène.
Supports : Acte II, scène 2
Questions préparatoires :
Situez le passage.
Découpez ce monologue en trois parties et donnez-leur un titre.
Comment ce monologue est-il relié à l'intrigue principale (et notamment à l'acte I) ?
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Quel portrait ce monologue dessine-t-il de la reine ?
Quels sont les éléments tragiques de la scène ?
Projet de lecture : Quelle est la fonction et l'originalité de ce monologue romantique ?
I. Composition et fonction dramatique du monologue (le monologue, une convention théâtrale les fonctions du
monologue (exutoire, dramatique, ...) – une composition originale et dynamique)
II. Un monologue lyrique qui dépeint la reine en personnage romantique exalté (le registre lyrique un autoportrait en
paroles – un lyrisme qui n'exclut pas une tonalité tragique)
Séance 4 : Analyse de la mise en scène de Jacques Weber (Actes I et II)
Objectifs : L'adaptation télévisée de Weber se déroule dans le décor naturel d'un palais portugais : celui-ci permet donc de
s'affranchir de certaines contraintes liées à la scène. On demande aux élèves d'analyser la fidélité/les divergences de l'adaptation
par rapport au texte de Hugo dans le choix des décors, dans le traitement des personnages (costumes, attitudes, ...) et des objets,
en s'attachant plus particulièrement aux scènes I,1 et II,2 étudiées en classe.
On s'attachera à mettre en évidence le respect partiel des indications données par Hugo et la visée à la fois mimétique (volonté
de reproduire un décor réel du XVIIe) et symbolique des choix de Weber. Par exemple, dans l'acte I, l'atmosphère ténébreuse
de mélodrame du début du texte est restituée et fait symboliquement écho à la noirceur de l'âme de Don Salluste, notamment
avec les jeux de lumière. En revanche, le lieu (le « salon de Danaé » dans le texte) n'est pas respecté. L'intrigue prend
rapidement place dans une cuisine une table déborde de victuailles : ce choix rappelle symboliquement le statut de valet de
Ruy Blas et la débauche de nourriture symbolise les gaspillages auxquels se livrent les grands d'Espagne. Dans l'acte II, le
monologue de la reine est très écourté (même si le personnage et son costume sont fidèles au texte) puisque Weber ne conserve
que la lecture de la lettre de Ruy Blas. En revanche, on note un jeu intéressant de la caméra qui filme la reine à travers les
barreaux de la cage aux oiseaux morts : ce jeu de caméra dit symboliquement l'enfermement de la reine dans le carcan de
l'étiquette et de l'ennui mortifère de la cour.
Supports : Visionnement de l'acte I et II du DVD
Séance 4bis : Comparaison de trois mises en scène (prolongement TICE)
Objectif : Le site de l'Institut National de l'Audiovisuel met gratuitement à disposition du public les 10 premières minutes de la
mise en scène de Claude Barma (1965) et de Raymond Rouleau (1972) sur Internet. Au cours d'une séance en salle
informatique, on demande aux élèves de visionner les deux extraits et de compléter un tableau comparatif fourni sous forme
informatique (la colonne consacrée à la mise en scène de Weber aura été préalablement complétée).
Jacques Weber (2002) Raymond Rouleau
(1972)
Claude Barma (1965)
Décors (lieu, meubles,
objets, lumière, sons, ...)
Ruy Blas (costumes,
attitude/déplacements,
gestes, ...)
Don Salluste (costumes,
attitude/déplacements,
gestes, ...)
Don César (costumes,
attitude/déplacements,
gestes, ...)
Synthèse (registres,
fidélité au texte ?, visée
mimétique/symbolique
?, ...)
Adresses Internet : Raymond Rouleau : http://www.ina.fr/archivespourtous/index.php?vue=notice&id_notice=CPF86636942 et
Claude Barma : http://www.ina.fr/archivespourtous/index.php?vue=notice&id_notice=CPF86636941
Séance 5 : Méthodologie de la dissertation
Objectifs : Révisions méthodologiques autour de la dissertation.
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Séance 6 : Dans quelle mesure la mise en scène constitue-t-elle une interprétation ?
Objectifs : Entraînement à la dissertation.
Supports :
Actes I et II du DVD de Weber
Documents sur le travail du scénographe autour des costumes et du décor (extrait du dossier de presse de la mise en
scène de Ruy Blas par la Comédie-Française en 2002) : voir ci-après.
Corpus du Devoir Maison (voir le sujet proposé plus loin).
Activités : Après une analyse des différents documents proposés, on procède à une recherche d'idée commune avec prise de
notes au tableau. Les élèves sont ensuite invités à élaborer un plan détaillé de réponse à la problématique. Correction commune
au tableau.
Documents autour de la mise en scène de la Comédie Française (2002) :
Texte 1 : Entretien avec Ezio Toffolutti, scénographe et costumier de Ruy Blas pour la Comédie-Française (2001-
2002). Propos recueillis le 1 octobre 2001.
On est frappé à la lecture de Ruy Blas par l’importance et la précision des indications scénographiques que donne V.
Hugo. Ces indications sont-elle une aide ou une contrainte pour le décorateur qui aborde la pièce ?
Hugo a effectivement pris le soin de détailler méticuleusement le décor et les costumes, et pour le décorateur, la tâche
n’est pas facile. On est loin de l’univers shakespearien3 qui laisse toujours une grande liberté de suggestion. La précision
dont Hugo fait preuve atteste de l’importance qu’il accordait aux éléments visuels, surtout pour des raisons
dramaturgiques. Dans Ruy Blas en effet, les travestissements, les déguisements font partie intégrante de l’action. Le
costume y joue donc un rôle moteur et nécessite de ce fait un traitement particulier.
De quelle façon avez-vous abordé ce travail ?
Malgré la précision des indications de l’auteur, je ne voulais pas adopter une démarche réaliste. J’ai même essayé, au
tout début, de voir si la transposition à l’époque contemporaine pouvait fonctionner. Très vite, j’ai abandonner cette
idée parce qu'elle était vraiment trop éloignée du texte, mais, néanmoins, j’ai cherché à faire en sorte que les costumes ne
soient pas décoratifs et ornementaux. Je voulais qu’ils aient une vie, un sens profond, qu’ils soulignent la complexité des
personnages et révèlent à quel point ils sont prisonniers de leur enveloppe. J’ai pris le parti de recréer des costumes très
riches, comme ils pouvaient l’être à la cour d’Espagne au XVIIe siècle, en m’inspirant essentiellement des tableaux de
Velazquez4. Mais je voulais que les costumes ne soient pas complètement finis, qu’ils soient comme des bâtis qui
laisseraient entrevoir constamment une autre personne sous l’apparence vestimentaire, qu’ils fonctionnent un peu comme
des masques. Mon travail pourrait s’apparenter à la démarche d’un Picasso5 ou d’un Bacon6 travaillant sur les tableaux
de Velazquez en y apportant un éclairage moderne qui ouvre de nouveaux points de vue.
Et le décor ?
aussi, je n’ai pas cherché à faire réaliste, même si je me suis largement inspiré des fonds de tableaux de Velazquez
et de Caravage7 et des dessins de Victor Hugo qui avait lui-même conçu le décor à la création de l’œuvre. Ruy Blas est
une pièce située uniquement en intérieurs, dans un univers clos, qui peut devenir étouffant et oppressant. Il y entre très
peu de lumière et peu d’éléments extérieurs, et j’ai beaucoup travaillé sur la matière pour restituer cette atmosphère.
L’espace choisi donne donc cette impression de claustrophobie plus ou moins accentuée selon les moments de
l’action.
C’est également une pièce sur le pouvoir, sur la manipulation, sur des forces qui écrasent l’homme et l’empêchent de
vivre. J’ai cherché à concrétiser cette réflexion sur le pouvoir par des moyens visuels : le décor, même s’il présente une
unité, est donc très mobile: des portes et des fenêtres s’ouvrent, des murs bougent suggérant les perspectives et des
tensions. Le décor accompagne constamment les personnages ; il est comme un paysage qui évoquerait leur évolution,
leur conflit et leur souffrance.
Texte 2 : Propos sur Ruy Blas, par Brigitte Jaques-Wajeman, metteur en scène (Comédie Française, 2002) -
extrait
Un rêve immense
La pièce m'est apparue comme un immense rêve. Un conte, un cauchemar. affleure l'inconscient. L'allusion
constante aux couloirs, aux fonds, aux trappes, aux égouts, au puits - aussi sombre que les personnes - et réciproquement
: un univers absolument étranger. On descend comme dans les entrailles de la terre. Aussi avais-je envie d'un décor aux
3 Les pièces de théâtre de Shakespeare ont fortement influencé les conceptions romantiques.
4 Peintre espagnol (1599-1660)
5 Peintre espagnol (1881-1973) qui a repris certaine oeuvres de Velazquez, qui le fascinait.
6 Peintre britannique (1909-1992) inspiré, lui aussi, par les oeuvres de Velazquez.
7 Peintre italien (1573-1610)
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