La Lettre du Neurologue • Vol. XIV - nos 6-7 - juin-juillet 2010 | 195
Points forts
»
La révélation d’une “mauvaise nouvelle”, en ce qu’elle implique un changement brutal des projets d’une
personne, s’accompagne de réactions émotionnelles qui affectent sa compréhension des enjeux. Le recours à
une communication empathique, c’est-à-dire qui explore et nomme les émotions du patient, constitue un soutien
efficace pour le patient et lui permet une prise de conscience progressive de sa nouvelle situation.
»
Le médecin doit savoir distinguer le “messager du message”, autrement dit, ne pas considérer être tenu de
ressentir les mêmes émotions que son patient, ni être nécessairement d’accord avec lui.
»
La qualité de la communication médecin-malade ne relève pas tant d’une capacité “naturelle” du médecin
que de l’apprentissage répété de techniques de communication dans le cadre de formations professionnelles
adaptées aux spécificités de sa pratique.
Mots-clés
“Mauvaise nouvelle”
Annonce
Communication
Guide
de “bonne pratique“
(33 % versus 25 % pour les proches). Les entre-
tiens d’annonce se déroulent souvent en présence
du patient et d’un proche, et ils jugent positive-
ment l’attitude “confiante et d’encouragement”
du médecin. Cependant, le partenaire est, lui, plus
critique à l’égard du sentiment d’avoir été entendu
et compris dans la singularité de ses besoins. En
outre, après la consultation, bien que les deux se
disent (donc) plutôt satisfaits de la relation avec
le médecin, ils sont néanmoins, dans plus de 50 %
des cas, très découragés. Cette même étude indique
que les personnalités dites “demandeurs d’informa-
tions” (Information seeking behavior) sont à la fois
moins satisfaites par le contenu de l’information
et plus angoissées. Enfin, on relève que la plupart
des consultants auront cherché des informations
complémentaires sur les sites médicaux du réseau
Internet et que la compréhension de la maladie et
des traitements est influencée par de nombreux
autres facteurs que la seule relation soignante.
La littérature s’accorde pour faire de l’évaluation des
attentes de chaque patient ou proche à l’égard du
contenu de l’information un objectif essentiel mais
particulièrement délicat. Il faudra les encourager à
s’exprimer sur ce sujet et les assurer que leurs préfé-
rences à propos du contenu de l’information seront
respectées. Le médecin devra trouver les “bons mots”
pour informer sans désespérer.
Tout aussi essentielle est la recommandation faite au
médecin de ne pas “s’auto-représenter” comme un
agresseur. Il risque en effet de “s’identifier” peu ou
prou à la maladie qu’il annonce, ce que, d’ailleurs, la
réaction du patient peut induire dans ces instants de
grande confusion. Les émotions exprimées amènent
parfois le médecin à se remettre en cause, à douter
de la pertinence de certaines décisions, mais, selon la
formule souvent utilisée, il lui faudra pouvoir “séparer
le messager du message”. Il n’a pas à ressentir lui-
même les émotions qui bouleversent le malade,
mais il discutera avec lui de leur nature et de leur
intensité pour ensuite les légitimer. Alors, seulement,
il manifestera sa compréhension de manière empa-
thique. Il aura pu repérer, au cours de cet échange,
les ressources que ses interlocuteurs utilisent pour
progressivement “reprendre pied” assez spontané-
ment, et ainsi, en confortant ce processus, il trouvera
la distance nécessaire pour rester soignant.
Dans d’autres circonstances, paradoxalement, le
patient, après une longue phase d’errance diagnos-
tique, d’inquiétudes devant certains symptômes
inexpliqués, peut être rassuré par la découverte d’une
maladie pourtant grave, qui vient donner un “nom”
à une menace jusque-là mal définie.
Comment le dire ? Le guide
en 6 étapes de R. Buckman (4)
Plusieurs guides ont été proposés, en particulier
dans le champ de la cancérologie. P. Couratier
et al. dans leur article de 2006 se réfèrent à celui
de R. Buckman, un des premiers auteurs à avoir
proposé une chronologie efficace pour conduire de
telles consultations (5). L. Fallowfied et V. Jenkins
soulignent qu’aucun de ces guides n’a été “scien-
tifiquement” validé, ni par des études de satisfac-
tion, ni par le recueil des modalités d’adaptation
psychologiques ultérieures, ce qui serait pourtant
l’objectif principal. Ils rapportent que c’est le fait
de se sentir reconnus, compris, dans le cadre d’une
relation “personnalisée” et empathique, qui est le
principal besoin revendiqué par les patients (6).
◆◆Première◆étape◆:◆◆
les◆conditions◆matérielles◆de◆la◆rencontre
Elles devront garantir la disponibilité du médecin
et la confidentialité : l’accueil, la qualité des locaux,
les courriers et les éventuels résultats d’examens
complémentaires facilement accessibles, les horaires
et un agenda du médecin permettant une durée de
consultation suffisante sont parmi les conditions
principales.
Au-delà d’une formalisation qui peut déconcerter les
soignants, on peut retenir une dimension de “rituel”
dont la sociologie reconnaît l’importance : une
organisation “programmée” qui, dans un contexte
de violentes émotions, autorise que d’un désordre
puisse naître un “nouvel ordre”. Les patients seront,
il n’y a qu’à lire les témoignages dans les médias
pour s’en convaincre, particulièrement sensibles
à ces détails du setting : des années plus tard, le
patient et la famille garderont un souvenir assez
précis de ce moment où “tout a basculé”, et telle
ou telle péripétie et maladresse seront le prétexte
Keywords
“Breaking bad news”
Patients and physician’s
relations
Practice guide line
Communication