Votre qualité de vie Par Marie-Josée Lemieux, M.Ps. [email protected] Menace dans la salle d’attente Comment faire face à un patient hostile UN VENDREDI, VERS 13 H, après une matinée bien remplie de consultations, vous entreprenez le reste de la journée avec, autant que possible, le même entrain qu’à l’habitude. Malgré tous les patients rencontrés en avant-midi, la salle d’attente demeure bondée. L’atmosphère y est tendue. Un homme semble particulièrement agité : il est rougeaud, paraît à bout de souffle, les traits tirés, d’apparence quelque peu négligée et semble agressif. Il se lève à plusieurs reprises et interpelle impoliment le personnel à la réception. Il se permet même d’injurier votre secrétaire qui tente de le calmer, en vain. Cela fera bientôt trois heures qu’il attend pour rencontrer un médecin. Sa petite fille de 3 ans souffre énormément à l’oreille; il exige qu’elle soit soignée dans les plus brefs délais. Avant même de les inviter dans votre bureau, vous envisagez divers scénarios d’une rencontre avec un individu aussi irrité. Prévoir sa réaction est difficile. S’il fallait que le cas ne soit pas grave et ne requière pas de prescription? Après plusieurs heures d’attente, cet homme acceptera-t-il de quitter les lieux les mains vides? S’emportera-t-il, sera-t-il violent? Malgré votre professionnalisme, vous hésitez à le rencontrer. Comment se comporter face à un patient hostile? Devant un patient en crise d’agressivité, il n’est habituellement pas souhaitable d’adopter une attitude de confrontation. Il est pourtant tentant de lui dire « Baissez le ton, je n’accepterai pas que vous me parliez ainsi ». Mais cela ne jetterait que de l’huile sur le feu. Rappelons qu’un patient en crise émotionnelle est submergé par des émotions personnelles intenses; il faut donc tenter d’entrer en contact avec lui en se centrant sur ses émotions. Facile à dire, pensezvous? En effet, l’idée de faire preuve d’empathie envers quelqu’un d’hostile est loin d’être charmante. Serait-ce possible de l’éviter? Dans ce genre de contexte, plus on tentera d’éviter un conflit, plus on risque d’envenimer la situation. Saviez-vous qu’un individu en crise émotionnelle ne retient que 7 % de ce qu’on lui dit? Ce qui retient 93 % de son attention, ce sont votre attitude, votre regard, vos gestes, etc. Ainsi, rien ne sert d’entrer dans de longues explications : il sera incapable d’en retenir l’essentiel. D’un ton calme et avec une attitude empathique, optez pour une phrase simple, très courte et centrée sur son vécu : « Ça ne va pas? » et laissez-le s’exprimer. Par l’écoute empathique et le reflet d’émotions, aidez-le à faire passer la crise en mots. Si vous connaissez son nom ou prénom, utilisez-le pour personnaliser les échanges. C’est ce que l’on nomme la « pacification ». Gardez un contact visuel. Le patient hostile réagira mieux à des gestes lents de votre part. ll est aussi préférable d’éviter la menace ou les injonctions et de conserver une distance sécuritaire. En l’aidant à se vider le cœur librement, vous pourrez graduellement prendre le contrôle de la situation, il baissera fort probablement le ton par lui-même et se montrera plus coopératif. Bref, l’écoute empathique devrait vous permettre de désamorcer la crise. À ce moment, vous pourrez, avec sensibilité mais fermeté, proposer des solutions ou des options à son problème, dans les limites de ce que vous pouvez faire professionnellement. Il est possible que vos efforts pour désamorcer la crise soient improductifs. Sachez alors utiliser un prétexte pour quitter le bureau et discuter de la situation avec un collègue ou contacter une aide extérieure. Dans ce genre de situation, assurez-vous d’avoir accès facilement à votre porte de bureau. D’où l’utilité d’organiser l’intérieur de votre bureau de façon à ce que la chaise du patient soit le plus loin de la porte et la vôtre, le plus près possible. Somme toute, il n’est pas facile ni agréable d’avoir à faire face à une personne en crise d’agressivité. La pacification permet dans bien des cas de désamorcer la crise. Afin de mieux connaître les modes d’intervention pour assurer votre sécurité et celle des autres lors de telles situations, je vous réfère au programme « Oméga » (lien ci-dessous). ⌧ L’auteure est psychologue et pratique en cabinet privé ainsi qu’à l’hôpital Maisonneuve-Rosemont 20 S A N T É Programme Oméga : www.asstsas.qc.ca/documentation/op/op272004.pdf I N C . J U I L L E T 2 0 0 5