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NN°°6633
visite la syna-
gogue de Ro-
me...
visite le
temple lu-
thérien de
Rome...
est avec
les schis-
matiques
orien-
taux...
et poursuit les entretiens avec
les lefebvristes...
Benoît XVI
LE PUZZLE ŒCUMÉNIQUE
prie dans la
mosquée...
dialogue
avec les
angli-
cans...
2
Éditorial
“Le Rhin se jette dans le Tibre”.
Tel était le titre d’un ouvrage du
Père Wiltgen sur Vatican II re-
pris comme intitulé de la première page du
numéro 58 de notre revue. En 1967 le Père
Wiltgen voulait exprimer le fait qu’avec
Vatican II les doctrines libérales et protes-
tantes des pays du Rhin s’étaient déversées
dans les eaux romaines et catholiques du
Tibre. Cette expression m’est venue à l’es-
prit non seulement parce que Joseph Rat-
zinger est originaire de l’un des pays bai-
gnés par le Rhin, l’Allemagne, et qu’il fut,
au Concile, le théologien du cardinal Frings
et l’éminent représentant de l’aile moder-
niste; mais aussi parce que j’ai été impres-
sionné par les images de Benoît XVI se
rendant à la synagogue de Cologne, ville al-
lemande située justement sur le Rhin.
Depuis lors les événements se sont suc-
cédés et nous avons vu ce même Benoît
XVI passer le Tibre pour se rendre à la sy-
nagogue de Rome.
Dans ce laps de temps, le théologien qui
contribua au triomphe du modernisme
dans l’aula conciliaire a mis en pratique
avec constance et fidélité le même pro-
gramme qu’alors, en vertu d’ailleurs de ses
déclarations faites le lendemain même de
son élection. Voyons les points essentiels
de ce programme conciliaire.
D’abord Ratzinger n’a pas corrigé mais,
fidèle à cette nouvelle orthodoxie et nou-
velle tradition conciliaire, il a plutôt pro-
gressé dans le ddiiaalloogguuee iinntteerrrreelliiggiieeuuxxap-
prouvé par le Concile dans la Déclaration
Nostra Ætate
. “L’esprit d’Assise” n’a pas
été désavoué, comme le démontrent entre
autres les visites de Ratzinger tant à la mos-
quée mahométane qu’à la synagogue israé-
lite. Dans ce numéro de
Sodalitium
nous
nous arrêterons sur ce dernier épisode.
En second lieu, Ratzinger a confirmé et
Sodalitium
” Periodico
n° 63, Anno XXVI n° 4/2010
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Stampa: - Ages Torino.
Le présent numéro
a été achevé de rédiger le 10/06/2010
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En couverture : les rencontres interreligieuses de
Benoît XVI avec les représentants des juifs, des an-
glicans, des luthériens, des lefebvristes, des musul-
mans et des schismatiques orientaux.
Éditorial p. 2
Reconnaissance des traditionalistes (anglicans) p. 4
Le discours de Joseph Ratzinger à la synagogue de Rome p. 11
“Avec le Pape et pour le Pape”. Vie de l’abbé Davide Albertario, journaliste intransigeant p. 14
Mgr Gherardini, Vatican II et l’herméneutique de la continuité p. 36
Notes pour l’étude de la Sainte Écriture (et des autres sciences ecclésiastiques en général) p. 45
Le mythe d’Hypatie p. 50
Jean XXIII et Carl J. Burckhardt p. 54
Vie de l’Institut p. 57
Sommaire
Le dialogue interreligieux ap-
prouvé par le Concile dans la
Déclaration Nostra Ætate conti-
nue. “L’esprit d’Assise” n’a pas
été désavoué, comme le dé-
montrent les visites de Ratzin-
ger tant à la mosquée mahomé-
tane qu’à la synagogue israélite.
même accéléré le mmoouuvveemmeenntt œœccuumméénniiqquuee
né dans le protestantisme et condamné par
l’encyclique
Mortalium animos
du Pape Pie
XI, et que Vatican II a fait sien. Après l’en-
thousiasme initial (des œcuménistes naturel-
lement), ledit mouvement était entré dans
une longue période de stagnation, sinon de
crise, miné comme il l’était par d’intermina-
bles rencontres et discussions qui n’aboutis-
saient à rien, tandis que le nom de chrétien
tendait à disparaître de plus en plus dans no-
tre monde sécularisé. Le règne, encore court
(de fait), de Joseph Ratzinger semble lui
avoir redonné vie grâce aux abondantes in-
jections de “tradition”. Nous ne parlons cer-
tes pas de la divine Tradition révélée par
Dieu, incompatible avec l’hérésie œcuménis-
te, mais d’un certain pan-traditionalisme
pour lequel Joseph Ratzinger semble avoir
une prédilection lorsqu’il prête toutes ses at-
tentions œcuméniques à l’aile traditionaliste
des anglicans, aux prétendues “églises ortho-
doxes”,
in primis
l’église russe, et à l’aile
droite du protestantisme, c’est-à-dire l’“égli-
se” luthérienne, se basant sur l’“accord”
conclu sur la Justification (et il y revient
continuellement), accord qui prétend mettre
d’accord Luther et le Concile de Trente, le
diable et l’eau bénite (cf.
Sodalitium
n° 49,
p. 49). La visite du dimanche 14 mars au
temple luthérien de Rome (qui tout comme
le temple juif est une conséquence de la li-
berté religieuse imposée à la Rome papale
par les canons de la brèche de Porta Pia), vi-
site réalisée sur les traces de Wojtyla, lequel
s’y rendit en son temps sur les traces de Lu-
ther, consacre cette ouverture aux luthé-
riens. Pour conclure, l’œcuménisme ratzin-
gérien s’étend aussi – et c’est logique – aux
“traditionalistes” catholiques de la Fraterni-
té Saint Pie-X: le
motu proprio
sur la Messe
catholique définie comme “rite extraordi-
naire” du rite ordinaire moderniste, la levée
des excommunications des évêques lefeb-
vristes, le début du dialogue œcuménique
avec la Fraternité Saint Pie-X, insèrent offi-
ciellement ladite Fraternité dans le mouve-
ment œcuménique et assurent à ce dernier
une vigoureuse cure de traditionalisme; une
seule condition: que la vérité ne soit plus
considérée que comme une opinion.
Enfin, en ce qui regarde les rapports en-
tre l’État et l’Église, que le Concile affron-
tait dans la Déclaration
Dignitatis humanæ
personæ
, Ratzinger a élaboré d’une manière
3
accomplie la doctrine de la llaaïïcciittéé ppoossiittiivvee
qui voit dans la séparation totale entre
l’État et l’Église théorisée par les fondateurs
des États-Unis au XVIIIème siècle, et bien
avant encore par les Pères pèlerins, le mo-
dèle et le régime idéal à appliquer partout.
L’État ne doit pas reconnaître la seule et
unique vraie religion, mais doit protéger et
promouvoir toutes les religions. Pour l’État
la religion n’est plus un ennemi à combattre
– comme dans le laïcisme jacobin – mais une
influence bénéfique à promouvoir, à une
seule condition, cependant: c’est qu’au
moins dans la vie publique et dans l’ordre
juridique, aucune religion ne prétende être
la seule vraie: l’unique, véritable, grand en-
nemi du nouveau laïcisme est L’INTÉGRA-
LISME! Islamique certes, mais aussi catho-
lique, si jamais il tentait de se faire entendre.
Appelons les choses par leur nom: Rat-
zinger applique –
volens nolens, scienter vel
non
– le programme de ce que Mgr Jouin,
avec l’approbation de Pie XI, appelait la
JJuuddééoo--MMaaççoonnnneerriiee.
Et ce également dans ses ouvertures à la
TTrraaddiittiioonn. Seul peut s’en étonner qui ne
connaît pas le mmooddeerrnniissmmee. Le modernisme
croit avoir triomphé avec Vatican II. En ré-
alité, il a déjà perdu parce qu’il est la néga-
tion de la Vérité. Il a déjà perdu parce que
l’Église l’a condamné avec l’encyclique
Pas-
cendi
. Il a déjà perdu parce qu’un cancer
peut certes détruire et s’autodétruire, mais
ne peut pas construire. À nous de ne pas cé-
der aux sirènes conservatrices de qui veut
conserver le modernisme, si nous ne voulons
pas être entraînés dans son inévitable ruine.
Visite de Benoît
XVI à la synagogue
de Rome
Reconnaissance des
traditionalistes (anglicans)
Par M. l’abbé Francesco Ricossa
Après le
motu proprio Summorum Pon-
tificum
et la levée des excommunica-
tions qui a suivi – étapes fixées en plein ac-
cord avec les quatre évêques de la Fraterni-
té Saint Pie-X – tout le monde s’attendait à
une rapide solution dudit “cas Lefebvre”
au moyen d’un Ordinariat personnel qui
aurait permis à la Fraternité Saint Pie-X et
aux autres sociétés qui lui sont liées d’exer-
cer leur propre ministère en “pleine com-
munion” avec Benoît XVI et indépendam-
ment des évêques diocésains, tout en main-
tenant la liturgie et la discipline tradition-
nelle de l’Église. Les critiques n’ont pas
manqué (de la part des ultramodernistes)
ou les applaudissements (de la part de
nombreux “traditionalistes” catholiques) à
Benoît XVI considéré lui même – du fait de
ces décisions – comme un “traditionaliste”
ou du moins comme un sympathisant de la
Tradition.
L’“affaire Williamson”, et les pressions
de la communauté juive, ont retardé la réa-
lisation dudit “accord” entre héritiers de
Mgr Lefebvre et héritiers de Paul VI, enga-
gés actuellement dans une série de discus-
sions et de rencontres œcuméniques sur les
points sensibles de Vatican II. Mais si un
Ordinariat “traditionaliste” se fait attendre,
un autre, lui aussi “traditionaliste” a abouti.
C’est le frère jumeau de l’autre, le modèle
est le même, et les deux “Ordinariats per-
sonnels” sont consacrés à des traditionalis-
tes : toutefois les premiers arrivés ne sont
pas des “traditionalistes catholiques” mais
des “traditionalistes”… anglicans !
Par la Constitution Apostolique “Angli-
canorum cœtibus” (AC), datée du 4 no-
vembre 2009, Benoît XVI a en effet accédé
aux demandes que lui adressaient, depuis
2007, les anglicans de la TAC (Traditional
anglican Communion) qui désiraient “en-
trer dans la pleine communion avec l’É-
glise” (sic). Il ne s’agit pas là de la première
initiative dans ce domaine: déjà en 1980,
sous Jean-Paul II, par exemple, la Congré-
gation pour la doctrine de la Foi dirigée à
l’époque par le cardinal Seper, avait recon-
nu par un texte communément nommé
4
Pastoral provision
, la possibilité d’accueillir
des groupes anglicans dans l’Église, en leur
accordant le maintien de certains éléments
de la liturgie et de la discipline de l’“église”
anglicane (1). Mais la confrontation entre
Pastoral provision
de Jean-Paul II et
Angli-
canorum cœtibus
de Benoît XVI met en re-
lief le pas en avant… dans l’œcuménisme
réalisé par Joseph Ratzinger, exactement
comme le
m. p. Summorum Pontificum
toujours de Ratzinger – avait été un pas en
avant dans l’œcuménisme avec les lefeb-
vristes par rapport aux premières timides
ouvertures de Jean-Paul II avec la conces-
sion de l’Indult et la constitution de la com-
mission
Ecclesia Dei
. Les ouvertures de Be-
noît XVI aux anglicans – superposables à
celles qu’il offre aux lefebvristes – de-
vraient faire mieux comprendre la significa-
tion – parfaitement œcuménique et dans la
ligne de Vatican II – du motu proprio
Sum-
morum Pontificum
et des ouvertures rat-
zingériennes aux “traditionalistes” catho-
liques. C’est ce que nous allons tenter de
mettre en évidence en examinant la consti-
tution apostolique
Anglicanorum cœtibus.
Une “constitution” fondée sur les “princi-
pes ecclésiologiques” de Vatican II
Anglicanorum cœtibus
commence par
rappeler les “
principes ecclésiologiques
” sur
lesquels elle se fonde : il s’agit des prin-
cipes des rédacteurs de la
Constitution
, et
on suppose que les anglicans qui ont fait
appel à Benoît XVI adhèrent à ces princi-
pes. Or, ces principes ne sont pas ceux de
l’Église catholique, mais les principes erro-
nés de Vatican II.
Le Pape est présenté comme celui qui “
a
reçu pour mission […] de garantir l’unité de
l’épiscopat et de présider et de sauvegarder la
communion universelle de toutes les Églises”
Si un Ordinariat “traditionaliste”
se fait attendre, un autre, lui
aussi “traditionaliste” a abouti.
Toutefois les premiers arrivés
ne sont pas des “traditionalistes
catholiques” mais des “traditio-
nalistes”… anglicans !
(LG 23,
Communionis notio
12, 13) : aucu-
ne mention de sa Primauté de juridiction sur
toute l’Église, mais seulement de la Collé-
gialité épiscopale (cf. la critique dans
Sodali-
tium
n° 59, pp. 5-38). L’Église elle-même est
le sacrement, c’est-à-dire à la fois le signe et
le moyen de l’union intime avec Dieu et de
l’unité de tout le genre humain
.” (LG 1),
union dont nous ne voyons pas comment el-
le se réalise. Même les baptisés sont divisés
mais pour AC et le Concile «
Toute division
parmi ceux qui ont été baptisés en Jésus-
Christ blesse ce que l’Église est et ce pour
quoi l’Église existe; en fait, “une telle division
s’oppose ouvertement à la volonté du Christ.
Elle est pour le monde un objet de scandale
et elle fait obstacle à la plus sainte des causes:
la prédication de l’Évangile à toute créature”.
(UR 1) C’est précisément pour cette raison
qu’avant de verser son sang pour le salut du
monde, le Seigneur Jésus a prié le Père pour
l’unité de ses disciples (UR 2)
», AC ne pré-
cise pas que la prière du Christ est déjà
exaucée, puisque l’Église est une, et que cet-
te unité n’est pas amoindrie par le scandale
de la division mais tout au plus combattue
par le scandale que sont l’hérésie et le schis-
me, dont ne sont coupables que les héré-
tiques et les schismatiques et non générique-
ment tous les “baptisés”. Selon AC, l’Église
du Christ n’est pas l’Église catholique mais
subsiste dans l’Église catholique: «
Cette
unique Église du Christ, dont nous profes-
sons dans le Symbole qu’elle est une, sainte,
catholique et apostolique, “subsiste dans
5
l’Église catholique gouvernée par le Succes-
seur de Pierre et les Évêques qui sont en
communion avec lui, bien que des éléments
nombreux de sanctification et de vérité se
trouvent hors de ses structures, éléments qui,
appartenant proprement par don de Dieu à
l’Église du Christ, appellent par eux-mêmes
l’unité catholique” (LG 8, UR 1,3,4 ; Domi-
nus Jesus 16
) » et c’est ainsi que sont renou-
velées les erreurs conciliaires que nous
avions déjà analysées (cf.
Sodalitium
n° 61,
pp. 28-46). Grâce à ces “
éléments de sanctifi-
cation et de vérité
”, les anglicans sont décla-
rés avoir été en communion imparfaite avec
l’Église catholique, selon un autre fonde-
ment de l’ecclésiologie conciliaire.
Pour résumer ce chapitre : Benoît XVI
est poussé par les “principes ecclésiolo-
giques” œcuménistes de Vatican II ; les an-
glicans sont invités à adhérer à ces principes,
ce qu’ils peuvent faire sans difficulté excessi-
ve, puisque lesdits principes viennent de
l’œcuménisme de facture protestante. Ce
n’est pas à la doctrine de Vatican I qu’ils ad-
hèrent, elle n’est même pas mentionnée,
mais à la néo-doctrine œcuménique de
Lu-
men Gentium
et d’
Unitatis redintegratio
.
Ni abjuration ni profession de Foi ; y suffit
le catéchisme (de Vatican II)
D’autre part, il ne nous est pas donné de
savoir à quoi croient les anglicans de la
TAC ou groupes similaires ni à quoi il leur
est demandé de croire.
Pastoral provision
avait été une réponse aux demandes réité-
rées de quelques groupes épiscopaliens qui,
refusant les ordinations féminines, s’étaient
séparés en 1976 de l’“église” épiscopalien-
ne. À son tour,
Anglicanorum cœtibus
est
une réponse aux anglicans qui n’ont pas ac-
cepté les ordinations de femmes et d’homo-
sexuels déclarés faites par leur “église”. En
cela, sans aucun doute, leur opinion coïn-
cide avec la Foi catholique ; mais il ne suf-
fit certes pas de refuser l’ordination de
femmes ou d’homosexuels déclarés pour
être catholique. La conversion à l’Église ca-
tholique a toujours impliqué une abjuration
des erreurs embrassées jusqu’alors, et la
profession de foi catholique. Après Vatican
II, et en particulier dans AC, ni l’abjuration
ni la profession de foi ne sont demandées.
L’unique allusion à ce sujet se trouve au
point I § 5 où il est dit :
L’archevêque hérétique Thomas Cranmer
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