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La Tribune (Sherbrooke, Qc)
Actualités, vendredi 12 janvier 2007, p. 6
Les ornières de l'Église canadienne
Explications officielles de l'archevêché de Sherbrooke par l'intermédiaire du curé André Castonguay,
l'Église a été vigilante. En raison des soupçons qui pesaient sur lui, l'abbé Daniel Pichette n'avait plus
de fonctions épiscopales depuis 1991. Il était prêtre sans l'être vraiment puisque l'évêque ne retenait
pas ses services.
Si un joueur de la Sainte-Flanelle était soupçonné d'avoir abusé à répétition d'enfants, que les doutes
étaient suffisamment sérieux pour que la direction du Canadien le retire de la patinoire, pensez-vous
qu'il serait autorisé à revêtir l'uniforme de l'équipe pour regarder les matchs du haut de la galerie de
presse?
Il n'était peut-être pas en mission commandée sauf que l'abbé Pichette portait régulièrement la
soutane, agissant ainsi comme "ambassadeur" de l'Église. Au vu et au su de l'archevêché qui,
techniquement parlant, ne lui a même pas reconnu la tâche de réserviste au cours des 25 dernières
années.
Même en "pénitence", l'abbé Pichette a concélébré les funérailles de Jean Besré aux côtés de l'abbé
Richard Bouffard, l'autre curé sherbrookois envoyé en prison l'an dernier pour des délits sexuels!
Avec le recul, ça écorche l'image de l'Église que deux prêtres pédophiles aient été coprésidents
d'honneur d'une cérémonie religieuse aussi fortement médiatisée. Le comédien sherbrookois a eu
droit à des funérailles grandioses au printemps 2001, retransmises en direct dans tous les foyers du
Québec.
À cette époque, les deux curés n'avaient pas encore amorcé leur descente aux enfers puisqu'ils
n'avaient pas encore été mis en accusation, mais le premier n'était-il pas au purgatoire ?
La Conférence des évêques catholiques du Canada, que préside d'ailleurs Mgr André Gaumond, ne
peut que faire le constat aujourd'hui que cette diligence a mal servi l'Église. D'autres, en tout cas, l'ont
admis. Les scandales sexuels ayant éclaté dans la région de Boston ont à ce point ébranlé le clergé
aux États-Unis qu'il n'y a plus de demi-mesure. Des prêtres sont renvoyés en rendant leur soutane
avant de sortir du presbytère. La crédibilité de la parole de Dieu et celle de ses messagers sont ainsi
mieux protégées. Les fidèles aussi.
Si de pareilles règles avaient été édictées ici, la commission des libérations conditionnelles n'aurait
probablement pas eu le réflexe d'envoyer l'abbé Bouffard compléter sa peine de prison à l'archevêché.
Décision, à mon avis, plus embarrassante que réconfortante pour Mgr Gaumond. Il n'est guère plus
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certain que cette pension se soit avérée le meilleur endroit pour la réhabilitation du prévenu lui-
même. Peut-il réfléchir objectivement à son avenir?
Le premier réflexe d'un ministre religieux trouvé coupable d'accusations aussi sérieuses devrait
d'ailleurs être de renoncer lui-même à la prêtrise. C'est un comportement indigne de la fonction. Il
devrait démissionner comme le ferait un ministre politique, pour le bien-être de son gouvernement,
de son chef et de ses collègues. Par respect, tout simplement.
Cela n'empêcherait pas que cette personne puisse s'amender. Qu'elle puisse en faire la démonstration
et regagner la confiance de son entourage avant de revenir frapper à la porte de Saint-Pierre.
Il ne s'agit pas ici de châtier plus sévèrement, de se livrer à une chasse aux sorcières par vengeance en
faisant porter aux prêtres toutes les fautes de l'Église catholique, qui n'a pas toujours eu des
comportements irréprochables. L'opinion publique n'attend que justice. Que les prêtes fautifs
empruntent le même chemin du repentir que le reste des mortels à qui ils disent que Dieu accordera
miséricorde.
De la même façon, l'Église n'a pas à compenser financièrement les comportements déviants de ses
représentants. Jusqu'à preuve du contraire, les gestes reprochés ont été commis à l'insu des autorités
et non durant une période de silence complice.
La Ville de Sherbrooke serait-elle blâmée et poursuivie si un de ses gardiens de parc avait un
comportement de pédophile? Desjardins, Bombardier, La Tribune, nommez-les, quelle corporation
ou institution engagerait sa responsabilité et se porterait garante de son personnel?
À partir du moment où l'Église canadienne enlèvera ses oeillères, une partie de la colère s'apaisera.
La religion catholique et ses fidèles en seront les premiers bénéficiaires.
Catégorie : Actualités
Sujet(s) uniforme(s) : Religion, philosophie et éthique; Prisons et détenus
Taille : Moyen, 496 mots
(c) 2007 La Tribune (Sherbrooke, Qc). Tous droits réservés.
Doc. : news·20070112·TB·0009
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