1 DAME MADELEINE (voir Jn 20,1-18) Au premier jour d`une

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Marcel Boivin, M.Afr
DAME MADELEINE (voir Jn 20,1-18)
Au premier jour d’une semaine toute neuve, dès l’aube, en toute hâte, elle
s’était mise en route. Pour trouver un tombeau vide.
Elle pleurait, la Madeleine.
Elle avait alerté Pierre et le disciple aimé de Jésus. Le vide laissé par Jésus
les avait bouleversés. L’un d’eux avait cru. Mais ne L’ayant pas vu, ils
étaient partis. S’Il revenait, c’est chez eux, sûrement, qu’Il descendrait.
Et ils l’avaient laissée là, la Madeleine, debout, seule au milieu des
sépulcres, à l’heure où les ténèbres se résignaient enfin à céder l’espace à la
lumière.
Le Ciel, Lui, s’était inquiété. On avait mandé deux anges pour s’enquérir du
pourquoi de sa peine: « Femme, pourquoi pleures-tu ?» -- « On a enlevé mon
Seigneur, et je ne sais où on l’a mis». Une réponse intrigante, du moins sur
les lèvres d’une Madeleine. Vingt siècles plus tard, les gens intègres n’en
finissent toujours pas de s’en scandaliser. C’est que le regard qu’ils jettent
sur elle n’a pas changé depuis que les commères de Magdala la voyaient
comme la dépravée qui ensorcelait leurs maris.
En ce premier matin de la reprise de la Création, le Père se laissa émouvoir
par ses larmes. Son regard porta sur son âme. Ce qu’il vît, c’est la flamme
encore vacillante qui signifiait Sa présence et l’identifiait comme sa fille.
Bien vite, Il dépêcha son Fils, vêtu comme le jardinier de la Genèse; un Fils
qui sur terre avait passé son temps à ramasser le fumier rejeté des hommes,
qu’Il s’affairait maintenant à étendre sur le Jardin du Royaume des Cieux.
Là où Il passait, les cimetières devenaient prairies; les pâquerettes dansaient
au rythme de la brise matinale; les hirondelles se pourchassaient en
formation d’alleluia. Et les enfants des hommes se mettaient à sourire
comme des enfants de Dieu.
Il fallut un temps pour que la Madeleine ajuste elle aussi son regard. Elle qui
cherchait le corps d’un mort ne perçut d’abord qu’un jardinier de métier.
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« Pourquoi pleures-tu? Qui cherches-tu? », qu’Il lui dit doucement. Quand
Jésus enfin l’appela, ce fût par son nom de naissance, encore empreint de
grâce et d’innocence : « Marie ». Les sept démons qui avaient enténébré son
âme sur-le-champ s’esquivèrent, et elle reconnut le Rabbouni dont la parole
avait lancé la grande œuvre d’un ciel nouveau et d’une terre nouvelle.
Habituée par la vie à retenir pour mieux posséder, la Madeleine mît du
temps à se rendre disponible à la mission que lui confiait le Ressuscité : « Va
trouver mes frères, et dis-leur : Je monte vers mon Père et votre Père ».
Enfermés entre les murs de leur monde d’antan, ces frères attendaient.
Ce qui advînt n’a plus jamais cessé de menacer la toile hiérarchique,
patriarcale, apostolique, tissée par leurs successeurs. La messagère que le
Seigneur envoya à ces messieurs pour annoncer qu’elle L’avait vu et leur
transmettre ce qu’Il lui avait dit, ce fût Marie, une femme en détresse, par
surcroît pécheresse, ennoblie par le Verbe du Créateur, à jamais vénérée
comme Dame Madeleine.
***
Récit d’un rêve fait à l’aube de Pâques, au monastère des Carmélites de
Jérusalem, au sommet du Mont des Oliviers.
Ce matin-là, 17 avril 2014, quand vint le temps de célébrer, c’est la page
entière de l’Évangile de saint Jean, 20, 1-18, que je proclamai. De la
première ligne à la dernière, l’héroïne, c’est Dame Madeleine.
Marcel Boivin, M.Afr. Mai 2014.
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