avec le charme des origines. Elle chercha à agir en harmonie avec les orientations de l’Eglise
locale. Elle s’inséra facilement dans le projet pastoral de l’archevêque de Catane, Benedetto
Dusmet, entièrement centré sur la charité, puis dans celui de son successeur Giuseppe Francisca
Nava, particulièrement attentif aux besoins de la société de son temps. Elle croyait que la charité
était le lieu idéal pour la création d’un climat humain positif qui rend efficaces les relations,
l’éducation en général. L’oratoire, où elle accueillait les jeunes filles, et, à un autre moment,
aussi les jeunes gens, fut aussi le lieu d’engagement dans la vie de l’Eglise locale, une chance
pour faire revivre les valeurs familiales.
Dans le cadre pastoral de Mgr Dusmet s’insérait le projet de donner un nouvel élan à l’éducation
des jeunes filles. Madeleine Morano, avec ses collaboratrices, fut la première dans le diocèse de
Catane à s’occuper de leur éducation dans une optique d’évangélisation. Aux défis lancés par la
société, elle répondit, sans peur ni timidité, en proposant une éducation attentive à développer
toutes les potentialités de la personne. Elle était convaincue qu’il n’est pas d’éducation intégrale
sans la dimension religieuse. D’où son entreprise courageuse pour fonder seize nouveaux centres
éducatifs pour les fillettes et les jeunes filles du peuple, centres qui se sont révélés tout de suite
riches en qualité et en nombre. Elle-même, maîtresse née, elle manifesta dans ce domaine des
aptitudes particulières
.
Dans les oratoires féminins, Madeleine fit un essai très clair de synthèse des valeurs humaines et
chrétiennes par le biais d’activités culturelles, professionnelles, récréatives. Le tout effectué dans
la sympathie, la joie, le bon sens, une humaine affection. Une place indiscutable revenait à la
catéchèse, coeur non seulement de l’oratoire mais de toute son oeuvre.
Ses qualités de femme ouverte aux signes des temps, prête et courageuse dans sa réponse exigée
par ces signes, n’échappèrent pas au cardinal Francica Nava, qui lui confia la coordination de la
catéchèse paroissiale feminine de la ville. Madeleine était consciente que l’éducation à la foi joue
un rôle décisif pour renouveler la société et elle organisa la catéchèse paroissiale avec précision
et hauteur de vue. Cette disponibilité, qui allait de pair avec son courage et sa compétence, la mit
au premier rang de l’engagement dans la ré-évangélisation du territoire, avec une attention
particulière portée aux jeunes filles. Souvent on lui demandait de contribuer à la sensibilisation
des prêtres catéchistes pour revitaliser la foi du peuple. Elle le fit avec simplicité et largeur de
vue.
Se sentir sicilienne parmi les Siciliens la rendait accueillante, attentive, ouverte aussi à utiliser
des expressions dialectales. Pour que le message de foi parvienne vraiment à tous, elle invitait à
transmettre en sicilien les vérités fondamentales du christinianisme et, surtout, à traduire les
valeurs évangéliques en expériences de vie. Seule la vie, en réalité, engendre la vie. Seul le
témoignage des valeurs ouvre les nouvelles générations à l’espérance de pouvoir les vivre à leur
tour.
Former le coeur
Madeleine Morano s’est employée à réécrire le charisme avec les couleurs typiques du peuple
sicilien. Elle continua ainsi l’expérience du système préventif que don Bosco avait entreprise
dans son oratoire et que Marie Dominique, avec les premières soeurs, avait traduit au féminin
dans le milieu de Mornèse. La passion qui l’animait était celle du “da mihi animas”, et comme
nos Fondateurs, elle veillait à former le coeur. “Il ne suffit pas d’instruire les enfants et les jeunes
filles – recommandait-t-elle – il faut former leur coeur”. La formation du coeur était l’expression
d’amour concret que les jeunes filles pouvaient percevoir, une bienveillance qui touchait les
fibres les plus intimes de leur personnalité où s’élaboraient les raisons de vivre et d’agir. La
raison fondamentale pour Madeleine, comme pour don Bosco et Marie Dominique, était l’amour
surnaturel.
Jésus Eucharistie était son pôle magnétique irrésistible. On entendait souvent de ses lèvres des
paroles comme celles ci : “Je vous recommande Jésus : il est dans la maison pour vous”. Elle
jugeait indispensable d’éduquer les jeunes filles à accueillir la grâce de Dieu, la seule qui rend
heureux, si on l’a en nous. La catéchèse, selon les usages du temps, était transmise avec des
formules, mais elle trouvait le moyen de dépasser cette habitude en donnant des témoignages
concrets de vie.