Schizophrénie - Une maladie qui se conjugue au pluriel

La notion de schizophrénie est apparue au dé-
but du XXesiècle. En 1887, Émile Kreapelin
décrit la démence précoce sur le critère évolutif
de l’état démentiel précoce. C’est Bleurer, en
1911, qui crée le terme de schizophrénie
(schizo = diviser, et phrénie = esprit) qui rend
compte de la dissociation.
Les facteurs qui ont amélioré le pronostic de
cette pathologie sont la découverte des neuro-
leptiques (découverte de Largactil®en 1952 par
Delay et Deniker), notamment ceux à action
prolongée qui améliorent l’observance et le dé-
veloppement des prises en charge extrahospita-
lières ou de secteur.
Qu’est-ce que la schizophrénie ?
Les troubles schizophréniques s’ordonnent au-
tour de trois grandes dimensions sémiolo-
giques : la dissociation ou syndrome dissociatif,
le délire, l’autisme (différent de l’autisme de
Kanner).
Les expressions cliniques sont très variées d’un
patient à un autre et fluctuent dans le temps. Il
est rare d’observer un tableau clinique complet
chez un malade. L’éclosion des troubles peut être
brutale, ou progressive et insidieuse.
Dissociation psychique
La dissociation ou la discordance est le trouble
fondamental de la schizophrénie. C’est la perte
de la cohésion et de l’unité de la personnalité qui
s’exprime dans le domaine psychique et dans le
comportement. Ce syndrome se caractérise par :
l’ambivalence : existence simultanée d’affects,
d’attitudes ou de propos contradictoires concer-
nant le même domaine (amour et haine, désir et
rejet, affirmation et négation) ;
la bizarrerie : aspect insolite, inhabituel des
sentiments ou des actes qui donnent une im-
pression d’étrangeté ;
le détachement : tendance du sujet à perdre “le
contact vital avec le réel”, à évoluer dans le
monde de la subjectivité ;
l’impénétrabilité : aspect énigmatique et incom-
préhensible. Les idées, les actes et les intentions
des patients revêtent un aspect hermétique.
Le syndrome dissociatif se manifeste dans la
sphère de la pensée, dans le langage, dans l’af-
fectivité et au niveau du comportement.
•Trouble de la pensée : l’intelligence potentielle
est conservée mais son usage est perburbé. La
pensée est embrouillée, désordonnée, chao-
tique : tantôt ralentie (stagnation, persévéra-
tion), parfois prolixe, tantôt discontinue. L’ab-
sence d’axe thématique donne un aspect
différent au discours. Le barrage (panne ver-
bale), symptôme presque patognomonique, tra-
duit au niveau du langage le trouble du cours de
la pensée : c’est la suspension brutale du dis-
cours qui reprend sur le même thème ou sur un
autre sujet. Les associations s’enchaînent par
contamination, persévération, substitution et
donnent un caractère saugrenu aux propos.
•Troubles du langage : le langage perd sa fonc-
tion de communication, allant du monologue
abstrait, du coq-à-l’âne, aux réponses à
Sommaire
• Qu’est-ce que
la schizophrénie ?
• Évolution et pronostic
• Traitement
• Quand
l’accompagnement
devient présence
et engagement
dans le temps
• Rôle infirmier :
aider les patients à vivre
un quotidien possible
Schizophrénie
Une maladie
qui se conjugue au pluriel
La schizophrénie est une psychose dissociative
chronique ; c’est une affection de l’adulte
jeune (15-35 ans). La schizophrénie
est rare après 40 ans. Sa prévalence
est de 2 à 3 0/00 dans la population
générale. Le risque de morbidité
par une schizophrénie sur une vie entière
serait en Europe de 0,3 à 1,35 %. On devrait
en fait parler de schizophrénie au pluriel.
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©Daquebo-Phanie
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côté jusqu’au mutisme. Parfois, il existe des
impulsions verbales ou l’emploi de néologismes
qui sont la création de mots nouveaux ou un
changement de sens d’un mot connu.
Altération du système logique : la pensée du
schizophrène n’est pas dénuée de logique
comme celle du dément, mais elle répond à la
logique du malade. Cette pensée est paralo-
gique, utilisant plus la métaphore et le symbole
que le raisonnement rationnel.
Les troubles de l’affectivité : ils s’expriment par
l’ambivalence affective dont les manifestations
émotionnelles sont inappropriées, paradoxales
(rires dans un contexte de deuil, ou pleurs lors
de moments de joie). On retrouve aussi un
émoussement des affects, avec froideur dans le
contact, une indifférence à autrui, une perte de
l’élan vital, un désintérêt, un retrait social. Ces
troubles induisent des perturbations de la vie
sociale, familiale et sentimentale.
•Troubles du comportement : ils se manifestent
par un maniérisme (stéréotypies gestuelles), une
mimique inadaptée (rires et pleurs immotivées
et athymormies) ou des crises d’agitation, des
crises clastiques imprévisibles, des passages à
l’acte auto- et hétéroagressifs (suicide, automuti-
lation ou homicide). La fugue, l’errance, les actes
relevant du médico-légal (viols, dévergondage
sexuel) peuvent être retrouvés.
Syndrome délirant
Il s’agit d’un délire paranoïde : c’est un délire
flou, diffluent, mal systématisé, illogique. Il peut
être riche, à thèmes multiples.
Plusieurs thèmes sans lien logique, donnant un
aspect absurde au délire sont retrouvés, tels la
persécution, l’hypochondrie, la sensation de
transformations corporelles, l’érotomanie et les
thèmes de grandeurs et mystiques.
Tous les mécanismes délirants peuvent être re-
trouvés : l’illusion, l’imagination, l’interpréta-
tion et surtout le mécanisme hallucinatoire (hal-
lucinations acoustico-verbales, cénestésiques
ou visuelles).
L’automatisme mental est fréquent, avec énon-
ciation et commentaires des actes et de la pen-
sée, vol ou devinement, échos de la pensée ou
actes imposés.
Évolution du délire au long cours : le délire peut se
manifester au décours d’une expérience déli-
rante aiguë inaugurale de l’affection ou appa-
raître de façon insidieuse. Il peut évoluer sur un
mode permanent ou sous forme de poussées
processuelles parfois suivies de périodes de ré-
mission. Il s’appauvrit en général au cours de
son évolution. Le délire est vécu dans une an-
goisse très profonde. Dans l’accès schizophré-
nique, la conscience en général n’est pas altérée
et les troubles somatiques sont absents.
Autisme schizophrénique
Il se manifeste par le repli progressif du sujet
dans son monde intérieur qui se ferme à toute
communication, avec un isolement et un désin-
vestissement de la réalité. Le patient est lointain,
distant, inaccessible. Cet investissement du
monde intérieur vient probablement combler le
vide de la dissociation psychique.
Différents types de schizophrénie
Schizophrénie paranoïde : c’est la description
type décrite ci-dessus associant le syndrome dis-
sociatif, le délire, l’autisme.
Elle évolue par poussées, avec des moments de
stabilisation ou rémission entre les accès.
Hébéphrénie : le début est insidieux, l’aggrava-
tion est rapide. Elle se manifeste par le syndrome
dissociatif où domine l’apragmatisme ; le délire
est pauvre, le pronostic est peu favorable. C’est
une forme devenue rare actuellement avec l’in-
troduction des neuroleptiques désinhibiteurs.
Hébéphrénie catatonique : très rare, avec perte
de l’initiative motrice, stupeur, négativisme.
Schizophrénie simple : le syndrome dissociatif
est modéré :
ambivalence, indifférence affective, retrait
social ;
pas de trouble majeur du cours de la pensée ;
pas de production délirante ;
l’activité est pauvre et stéréotypée et peut res-
ter adaptée ;
souvent, c’est un mode de stabilisation d’une
schizophrénie paranoïde ou hébéphrénique.
Schizophrénie dysthymique : c’est un tableau
de schizophrénie où dominent les troubles de
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Schizophrénie
©P.Garo-Phanie
l’humeur de type maniaque ou dépressif, ou
mixte (troubles de l’humeur atypiques).
Héboïdophrénie : forme évoluant sur un mode
de déséquilibre psychopathique avec des com-
portements antisociaux associés à des manifesta-
tions de discordance.
Schizophrénie pseudonévrotique : c’est l’asso-
ciation des symptômes dissociatifs (troubles du
cours de la pensée, de l’affectivité, etc.) avec une
symptomatologie névrotique, phobique, obses-
sionnelle et hystérique.
Évolution et pronostic
La généralisation des soins psychiatriques, l’ap-
parition des neuroleptiques ont bouleversé le
cours évolutif des schizophrénies. L’évolution
déficitaire vers un tableau d’allure démentiel est
devenue rare.
Selon certaines statistiques, il y aurait guérison
dans 25 % des cas, évolution défavorable défici-
taire dans 25 % des cas et évolution intermit-
tente, avec alternance de poussées évolutives et
de périodes de rémission, dans 50 % des cas.
Les facteurs de bon pronostic sont le début
des troubles à un âge tardif, le sexe féminin,
le déclenchement après un stress, l’associa-
tion d’un délire à des troubles de l’humeur, l’ab-
sence d’antécédent de troubles de la personna-
lité, la bonne réponse aux neuroleptiques, la
présence de périodes de rémission complète
dans l’évolution.
Traitement
Il est important d’éliminer les étiologies orga-
niques qui se révèlent par un tableau psychia-
trique avant de poser le diagnostic de schizophré-
nie et de mettre en place un traitement : il peut
s’agir de tumeurs cérébrales, de certaines maladies
infectieuses inflammatoires et métaboliques,
d’épilepsies ou de certaines prises de toxiques.
La prise en charge du schizophrène comporte
trois volets : la chimiothérapie, la psychothéra-
pie et la sociothérapie.
Chimiothérapie
Elle est basée essentiellement sur les neurolep-
tiques incisifs et sédatifs, associés parfois à des
hypnotiques et aux antidépresseurs (à utiliser
avec prudence car ils peuvent aggraver ou dé-
clencher le délire). L’hospitalisation dans les
phases aiguës est incontournable pour cadrer le
patient et mettre en place un traitement d’attaque
avec des doses importantes en intramusculaire ou
d’emblée per os, en fonction de la tolérance du pa-
tient. Les correcteurs des effets secondaires des
neuroleptiques sont souvent associés. En fonction
de l’évolution, on adaptera la posologie pour arri-
ver à un traitement d’entretien à doses réduites. La
forme retard des neuroleptiques sera privilégiée
pour une meilleure observance dans les cas de
non-consentement aux soins, assez fréquents.
Psychothérapie
Psychothérapie de soutien, qui aide le patient
à renouer avec la réalité et l’aide à poursuivre le
traitement.
Psychothérapie d’inspiration analytique : l’in-
dication est à poser pour certains cas.
Psychothérapie familiale pour permettre d’évi-
ter le rejet ou la surprotection du patient.
Les mesures sociothérapiques
Durant l’hospitalisation, l’ergothérapie et les
thérapies occupationnelles permettent de limiter
l’apragmatisme des patients. A la sortie de l’hô-
pital, il faut s’assurer que le logement et les
conditions d’existence des patients sont cor-
rects ; on peut les soutenir pour suivre une for-
mation professionnelle, pour retrouver un em-
ploi, continuer une scolarité déjà entamée ou
obtenir une pension d’invalidité si la réinsertion
socioprofessionnelle est impossible.
Certaines mesures transitoires peuvent être pro-
posées : hôpital de jour, de nuit, foyer de post-
cure, centre d’accueil thérapeutique à temps
partiel (CATTP).
En conclusion, la prise en charge du schizo-
phrène, conçue dans la politique du secteur, doit
être coordonnée par les différents soignants
(infirmiers, assistantes sociales, médecins géné-
ralistes, psychologues, psychiatres, etc.) avec
l’objectif de conserver une bonne relation thé-
rapeutique avec lui, d’apprécier l’évolution et
de dépister des rechutes éventuelles en vue de
la mise en place d’une prise en charge adaptée,
de s’assurer de la bonne observance du traite-
ment et de sa bonne tolérance, de soutenir les
démarches d’autonomisation et de réinsertion
socioprofessionnelle.
L’équipe soignante capable de contribuer à une
évolution favorable de l’affection est celle qui sait
être reconnue par le patient et sa famille comme
une équipe stable dans le temps et sur laquelle
on peut compter.
Dr D. Mebtouche
psychiatre, hôpital Sud francilien,
unité Jacques-Lacan, Yerres
Pour en savoir plus...
H. Hey. Manuel de Psychiatrie.
Revue de l’étudiant en médecine : Psychiatrie (24-2-06-3).
J. Daniel-Guelfi, P. Boyer, S. Consoli, R. Olivier-Martin. Psychiatrie. Puf,
coll. “Fondamental”.
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Schizophrénie
Dans notre vocabulaire de clinicien, nous utilisons maintenant, de manière
courante, le terme d’accompagnement pour qualifier un ensemble
de pratiques soignantes proposées aux patients schizophrènes ou,
plus généralement, souffrant de troubles psychotiques. Que recouvre ce mot ?
Pratiques soignantes
Quand l’accompagnement devient
présence et engagement dans le temps
Venant en contrepoint du terme traitement
qui s’applique aux soins dispensés en mi-
lieu hospitalier et qui est le résultat d’une dé-
marche clinique élaborant un projet de soins à
partir d’une évaluation et d’un diagnostic, l’ac-
compagnement semble s’arrêter aux portes des
soins. Il vient occuper un espace flou où la rela-
tion paraît hésiter à se situer franchement du
côté du thérapeutique.
Comment en effet considérer comme du soin
toutes ces pratiques résolument concrètes, ré-
pondant avant tout à des besoins ? Les visites au
domicile des patients, l’aide aux démarches ad-
ministratives, le soutien aux actes simples de la
vie quotidienne, les accueils infirmiers, passent
souvent pour n’être pas du soin et rivalisent
mal, du côté des évaluations, avec les proto-
coles, les grilles comportementales et les essais
thérapeutiques.
Entre suppléance à l’incapacité, apprentissage de
savoir-faire, présence parfois protectrice auprès
de patients psychotiques, l’accompagnement
pourrait vite être réduit à une démarche de réha-
bilitation. Il est porté par les équipes extrahospi-
talières, dispensé dans la cité, loin du cénacle
hospitalier, place forte et parfois toute-puissante,
dispensant les traitements “scientifiquement” pa-
tentés. Il est donc facile de le glisser du côté du
social, ce qui n’est pas sans risquer d’en perdre
l’attribution dans le contexte de rentabilité finan-
cière dont nous sommes tous dépendants.
Vous avez dit “accompagnement” ?
Quand un patient souffrant de troubles schizo-
phréniques, ou plus généralement psycho-
tiques, quitte l’hôpital où il a reçu des soins pour
un épisode aigu, il retrouve le tissu social qui est
le sien.
Le plus souvent, le contexte relationnel dans le-
quel les troubles sont advenus n’a pas changé. Le
temps de l’hospitalisation a de surcroît créé une
coupure que l’apparition des symptômes avait
déjà initiée.
Pour peu que l’épisode d’hospitalisation ne soit
pas le premier et/ou que la désorganisation de la
relation à l’autre engendrée par la maladie soit
déjà responsable d’une fragilité des liens sociaux
du patient, ce retour au domicile, dans la cité, est
difficile : le patient perd, le jour de sa sortie, la
présence permanente des soignants qui por-
taient totalement l’organisation de sa vie et la ré-
ponse à ses besoins.
Les équipes de secteur, en collaboration avec leurs
collègues de l’intrahospitalier, organisent pour lui
et avec lui, un prolongement des soins visant à lui
offrir une palette de relations pour le soutenir et
l’aider à faire face aux difficultés concrètes qu’il
pourra rencontrer dans sa vie quotidienne.
Outre le suivi médical proposé par les consul-
tants du secteur au centre médico-psycholo-
gique (CMP), les équipes soignantes l’assurent
de leur disponibilité de manière souple et adap-
tée à ses besoins.
Le malade peut rencontrer ses référents infir-
miers de façon régulière ou informelle, les rece-
voir à son domicile, être aidé dans la gestion de
son quotidien, pour les courses par exemple, la
préparation de ses repas ou l’entretien de son lo-
gement, la prise de son traitement.
Des rencontres multipartenariales avec les tra-
vailleurs sociaux, le médecin traitant ou des orga-
nismes de formation permettent de comprendre
et d’aborder les difficultés qui apparaissent et
d’œuvrer ensemble pour maintenir à flot le ma-
lade dans son milieu.
L’équipe soignante a devant elle un vaste champ
d’interventions qui, s’adaptant à chaque cas, de-
mande une solide capacité créatrice. Les grandes
lignes de cette prise en charge sont bien sûr éva-
luées lors des premiers contacts, mais elles doi-
vent être adaptées aux circonstances et aux diffi-
cultés qui apparaissent sur le terrain.
L’ensemble de ces prestations sont dispensées
en temps de jour et, le plus souvent, sur des
temps ponctuels qui laissent au patient de larges
périodes de temps personnel. Ce n’est plus un
regard continu qui suit le patient comme à
l’hôpital, mais un regard partiel où la présence du
patient ne dépend que de son propre désir de ren-
contre. Là, plus d’obligations ou de contraintes,
mais une véritable relation qui donne place à des
choix, des refus, des argumentations traduisant
l’exercice d’une liberté de penser et d’agir.
De cet espace relationnel ouvert naît une percep-
tion clinique différente du patient psychotique.
Différente en tout cas de la perception qu’en ont
eu les soignants pendant l’épisode aigu.
Baigné dans sa réalité quotidienne et ses obliga-
tions, le patient montre, par ses limites et ses dif-
ficultés, la traduction concrète de ses troubles
psychiques : l’altération partielle ou progressive
de son lien social.
La place de l’accompagnement se situe là, au
plus près de la réalité sociale. A la fois pour re-
pérer, identifier et évaluer les difficultés, mais
aussi pour restaurer le lien altéré.
Il ne s’agit pas, loin s’en faut, de suppléer, de cor-
riger, mais bien d’un véritable travail clinique
de soin.
Pourtant, à regarder ces soignants “faire avec” le
patient, on aurait vite fait de les confondre avec
des assistants sociaux ou des éducateurs.
Parfois, même au sein de l’hôpital, ce travail cli-
nique de fourmis, effectué par les équipes dites
de secteur, est perçu comme un adjuvant aux
soins, ne permettant au mieux qu’une meilleure
observance des traitements médicamenteux,
une vie moins perturbée, moins dérangeante et
plus décente. Sans aller jusqu’à généraliser l’hu-
mour grinçant de Claude Barrois* : «ce que les
traitements font de mieux pour les psychotiques c’est
de les rendre discrets... », on peut tout de même
constater que peu de soignants considèrent l’ac-
compagnement des patients comme un soin à
part entière.
Il me semble qu’il faut s’interroger sur cette per-
ception, cette méconnaissance et tenter de pré-
ciser le concept d’accompagnement pour éclai-
rer son apport spécifique dans l’éventail des
soins. Il n’est peut-être pas inutile d’éclairer une
pratique dont le savoir-faire cache parfois la so-
lidité d’une praxis.
Pourquoi cette méconnaissance ?
Peut-être faut-il voir là les conséquences de l’ori-
gine de l’apparition du mot accompagnement
dans le vocabulaire médical.
Utilisé d’abord à propos des personnes en fin de
vie pour qualifier l’organisation des soins quand
toutes les démarches curatives ont échoué, le
terme reste attaché à la notion d’incurabilité. La
maladie mentale, surtout dans ses formes psy-
chotiques, étant elle-même presque toujours
perçue comme inéluctablement destructrice de
la personnalité, il n’est (peut-être) pas étonnant
de voir apparaître la notion d’accompagnement
quand les soins hospitaliers sont finis.
Rester sur ce versant de l’accompagnement, c’est
placer le rôle des soignants dans un objectif de cu-
rabilité visible et, à court terme, par exemple obte-
nir la disparition des symptômes. C’est considérer
qu’une fois apaisée, la symptomatologie restante
est résiduelle et que le patient doit vivre avec.
L’accompagnement devient, dans cette vision
des soins aux patients psychotiques, une façon
d’aider, de soutenir là où le patient est défaillant,
un peu comme on aide les personnes physique-
ment handicapées.
Pourtant, son éthymologie (accompagnement
vient de compagnon : partager son pain) cache,
au-delà de la notion d’humanité dont elle est por-
teuse, bien plus que de “l’humanitaire”.
L’accompagnement comme base du soin
La psychose crée, pour la personne qui la vit, un
isolement relationnel responsable d’une solitude
psychique dramatique et des perturbations graves
de la structuration et de la perception du temps.
L’objectif à long terme des soins, son horizon
d’attente, est de construire avec le patient, d’une
part, une altérité (point de départ de la relation)
et, d’autre part, une temporalité (organisatrice
de la cohérence psychique).
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