Dorothée Duplan & Aurélie Baguet, assistées d’Eva Dias / 01 48 06 52 27 / bienvenue@planbey.com / www.planbey.com 3
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NOTE D’INTENTION par Marion Aldighieri
réalisatrice d’Avec nos Yeux
Au hasard de mes rencontres professionnelles, j’ai travaillé avec des Sourds, et pendant quelques
années, j’ai réalisé des lms documentaires sur la communauté sourde.
Ces expériences m’ont permis une plongée dans
leur
monde. En fait,
le nôtre
, mais dans lequel
ils ont
le leur
.
En les côtoyant, ils m’ont fait rire, pleurer, laissée songeuse. Leur humour, leur côté direct, sans
inhibition, leur manière dense, libre et précise de transmettre les émotions, me touchent. J’ai
réalisé que leur appréhension du joug sociétal ne se plaçait pas exactement au même endroit que
les Entendants et que cela préserve quelque peu une certaine authenticité de l’Être.
J’ai été saisie par leur appétit de connaissances et de communication, par l’épanouissement et
l’accès à la lecture qu’apporte la maîtrise de la langue des signes française (LSF).
Mais aussi étonnée par les réponses données par la société dans une logique fréquemment op-
posée, indiérente, laissant subsister des relents de l’incroyable interdiction de la LSF.
Tout cela m’a interrogée sur nos carcans sociaux et leurs implications dans la vie, et dans l’inti-
mité de chacun. Mais bien plus encore, comme un eet miroir, grossissant ce qui arrive à tout le
monde.
Fréquenter les Sourds pose évidemment la question de notre relation à la diérence. Culturelle
et sensorielle. Chacun cherche un équilibre, entre déni, peurs, incompréhension, attirance, enri-
chissement, empathie… Et c’est aussi cela que j’ai eu envie de montrer à travers un lm.
Parcourir le monde des Sourds pour raconter les diérences, mais aussi les points d’intersections
de nos deux univers, et en donner des clefs.
J’ai croisé Emmanuelle Laborit et les comédiens d’IVT, ainsi que leurs interprètes, étonnants
relais entre les deux mondes. Cette troupe d’inouïs comédiens transforme leur surdité en art.
J’ai assisté à des répétitions, moments de recherches, là où on explore les passages entre mots,
attitudes et émotions. Un travail qui nous rappelle la complexité pour chacun d’exprimer ce que
l’on ressent, les variétés et les nuances de ses sentiments.
À IVT, les signes, le parler avec le corps, donnent encore d’autres dimensions à l’expression des
sentiments. On y cherche d’autres traductions.
IVT partait du château de Vincennes - leur lieu historique mais précaire - pour enn ouvrir leur
propre scène dans « le Paris des théâtres ». Dans cet élan, la compagnie renaissait pour jouer,
créer, adapter des grands textes, diuser son art, et sa langue.
J’étais avec eux.
L’aventure de ce lm était lancée.