
Journal Identification = IPE Article Identification = 1028 Date: March 6, 2013 Time: 11:36 am
Questionner la mixité des genres et des fonctions dans les renforts soignants : deux infirmières + deux infirmiers + trois
aides-soignants = un pool renfort
permanent car lui seul sait quels soignants sont déjà mobi-
lisés sur une agitation, un transfert, une réintégration
extérieure...
Ces deux organisations avant l’accueil soignant, avec
l’accueil soignant, n’étaient pas satisfaisantes d’un point
de vue de la qualité des soins.
Suite à une crise institutionnelle (les soignants passaient
de nuit ou quittaient l’établissement car ils ne supportaient
plus d’être écartés des activités soignantes et pédagogiques
dans leurs unités, ni d’être sans cesse interrompus dans leurs
tâches...) un mouvement soignant a été à l’origine d’une
pétition, une enquête s’en est suivie, puis un projet institu-
tionnel, où médecins et équipe de direction ont pris place,
a vu le jour en août 2010.
Conception très innovante et à notre connaissance
unique en France : deux infirmières, deux infirmiers, trois
aides-soignants, ils travaillent dix heures par jour tous
les jours. Placés sous l’autorité hiérarchique et fonction-
nelle des cadres de l’accueil soignant, dédiés aux soins
en CIT, transferts, agitations, leurs missions sont définies
mais on évite de tout protocoliser, on préserve le cas par
cas. L’équipe de l’accueil recueille et dispatche les infor-
mations relatives à leurs interventions, participe au retour
d’expérience [2].
Adossé à ce projet ilyalaperspective que l’équipe
soit ensuite affectée à un pavillon « fermé » (pas de tra-
vail à l’ordre du jour sur ce thème mais l’idée ferait son
chemin...).
Questionner la mixité
Pourquoi des soignants et non des vigiles ? Pourquoi pas
que des infirmiers ou que des aides-soignants ? Pourquoi
des hommes et des femmes ?
Pour une valorisation de l’aspect soignant en CIT,
une équipe pluridisciplinaire produisant une plus grande
richesse relationnelle, la mixité permettant la perception la
plus large des sensibilités des personnes soignées (complé-
mentarité).
Le pool n’a jamais été envisagé comme une solution
sécuritaire (pool « cow-boy »...).
La mixité des genres et des fonctions existait déjà au
sein des équipes intra. Le pool ne pouvait pas être en rup-
ture avec ce qui correspond aussi à l’évolution générale des
ressources humaines en secteur psychiatrique.
Concernant la mixité homme/femme, on pourrait faire
un parallèle avec la métaphore2paternelle médiatrice, sépa-
ratrice signifiant la symbolisation, la loi ; la fonction
maternelle : nourricière, protectrice signifiant la toute-
puissance.
Chacune de ces fonctions, interactives et complémen-
taires, peut être incarnée par une personne du sexe opposé
2Une métaphore permet de substituer un sens à un autre.
(« l’exercice ou la mise en œuvre de la fonction maternelle
n’est pas du ressort exclusif de la mère. Toute personne ou
instance qui œuvre à satisfaire l’enfant s’en trouve revê-
tue », Aldo Naouri).
Le travail psychothérapeutique est basé sur
l’identification, les phénomènes transférentiels ; cha-
cun soigne avec ce qu’il est, ce qu’il a vécu, sa propre
complexité (W. Bion). Ce qui compte ce n’est pas
l’apparence physique de force ou de faiblesse ni si le
soignant est un homme ou une femme mais la représen-
tation qu’en a le patient et l’équipe, et ce qui en est dit ;
le pool permettrait ainsi par sa mixité et sa disponibilité
le rétablissement de l’équilibre des fonctions symboliques
à l’œuvre dans la relation thérapeutique pour incarner la
fonction tierce, restaurer la continuité des soins en service
et requalifier en soin l’intervention d’urgence.
Introduire la mixité des genres dans une équipe de ren-
fort suppose un positionnement constant contre les préjugés
(venant des infirmières aussi bien que des infirmiers et
encore à l’heure actuelle !) car on ne peut balayer par
cette seule pratique le désir et le réflexe de se protéger,
protéger l’autre... [1]. Cependant, on demande de plus en
plus des renforts, de moins en moins des « hommes ».
S’il y a une contre-indication clinique (élément délirant,
persécutoire...) qui impose de mettre en place une équipe
exclusivement masculine, cela se fait bien sûr mais dès que
l’état du patient le permet, on revient à la mixité.
Cette représentation féminine au sein du pool a un
retentissement positif sur les équipes pavillonnaires : les
infirmières réinvestissent leur rôle soignant lors et en dehors
des interventions en CIT.
Le plébiscite du dispositif actuel est quasi unanime, mais
un autre discours circule néanmoins, qui consiste à proposer
un pool exclusivement masculin. Cette apparente contradic-
tion s’explique peut-être par, d’un côté, la reconnaissance
du travail infirmier féminin dans les situations de crise et,
de l’autre, la peur que dans les situations de violence les
« femmes » ne soient pas suffisamment efficaces et/ou trop
exposées.
Ce qui est attendu dans les demandes de renforts exclu-
sivement masculines est l’effet dissuasif de la présence
d’« hommes », surtout lorsqu’ils sont de « grands cos-
tauds »... à moins que l’on obtienne le résultat inverse : il y
a compétition, le patient veut démontrer qu’il est plus fort !
En réalité, l’expérience prouve que la démonstration de
force fonctionne parfois, de même que parfois une présence
féminine dissuade le patient de passer à l’acte justement
pour ne pas « blesser une femme ». L’appréciation de la
mixité des renforts reste donc toujours une évaluation au
cas par cas.
Les aides-soignants faisant de nombreux entretiens sous
le contrôle bienveillant de leurs collègues infirmiers, leur
qualité professionnelle s’en trouve renforcée (développe-
ment des compétences par l’expérience répétée de ce type
de soins).
L’INFORMATION PSYCHIATRIQUE VOL. 89, N◦2 - FÉVRIER 2013 169
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