Lajos Kossuth

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MINISTERE DES AFFAIRES ETRANGERES BUDAPEST
No 3/2002
Lajos Kossuth
(1802-1894)
L
ajos Kossuth naquit le 19 septembre 1802 à Monok
dans le comitat de Zemplén. La famille Kossuth
figurait parmi les plus anciennes de la noblesse
moyenne de Haute-Hongrie. Le premier document d'archives la
concernant date de 1263. Le père de Lajos Kossuth, László, était
né en 1763 dans le comitat de
Turóc. Dans les années 80 du 18e
siècle, il s'installa dans le
Zemplén, où il devint d'abord
receveur de l'enregistrement, puis
procureur du domaine des
Andrássy à Monok. Il se maria
relativement tard, aux alentours de
1800, et il épousa Karolina, la fille
d'András Weber de Tyrling, maître
de poste luthérien à Olaszliszka.
Lajos Kossuth fit de brillantes
études dans les villes de
Sátoraljaújhely,
Eperjes
et
Sárospatak. Plus tard, il travailla
en tant que clerc d'avoué à Eperjes
et à Pest. C'est également à Pest
qu'il acquit ses premières
expériences politiques. Lors de ses
études, il avait appris le latin,
l'allemand et le français et
commencé l'anglais. Il obtint son
diplôme d'avocat en septembre
1823, puis retourna dans le
comitat de Zemplén pour y
exercer son métier. En 1828-29, il participa au recensement des
contribuables dans le comitat de Zemplén. En 1830-31, aux
réunions du Conseil général, il intervint plusieurs fois comme
membre de l'opposition réformiste, et il joua un rôle important
dans la répression de la révolte du choléra. C'est grâce à la fermeté
de son action que les paysans insurgés n'avaient pas dévasté la ville
de Sátoraljaújhely. Dès cette époque, il se fit remarquer par les
conservateurs locaux par ses déclarations en tant que membre de
l'opposition. Au tournant des années 1831-32, à cause de sa
négligence dans la gestion d'un legs, il perdit toute chance de
réussir au niveau local.
En 1832-36, il représentait
plusieurs aristocrates du Zemplén
à la Diète de Pozsony. En tant que
délégué des absents (ablegatus
absentium), il était placé à la
Chambre basse où il prit la parole
à plusieurs reprises. Pour
informer ses mandants puis
l'opinion publique nationale,
Kossuth lança un journal
manuscrit,
Országgyûlési
Tudósítások (Chroniques de la
Diète).
Diffusé
par
correspondance, ce journal fut le
premier à communiquer, en
déjouant la censure, des
informations détaillées sur le
fonctionnement de la Diète.
C'était déjà suffisant pour s'attirer
la colère des détenteurs du
pouvoir de l'époque. C'est cette
entreprise qui le fit connaître dans
le pays et qui le mit en contact
avec les personnages éminents de
l'opposition, notamment Ferenc
Kölcsey (1790-1838) et Miklós Wesselényi (1796-1850). En
revanche, István Széchenyi (1791-1860), la plus importante figure
de l'opposition, se montra réservé à l'égard de Kossuth.
Après la clôture de la session de la Diète, Kossuth lança un autre
journal manuscrit, intitulé Törvényhatósági Tudósítások
(Chroniques des autorités territoriales), qui informait ses abonnés
Kossuth et les premiers billets de banque hongrois
sur le déroulement des réunions du Conseil
général. C'est dans ce journal qu'il relata les
protestations de l'opposition provoquées par
les procès intentés contre les personnalités
de l'opposition siégeant à la Diète de 183236. Le pouvoir réagit en sommant Kossuth
de cesser ses activités, puis en décidant de le
traduire en justice pour crime de lèsemajesté. Arrêté le 5 mai 1837, il fut
condamné à plusieurs années de prison.
L'arrestation de Kossuth suscita une
consternation générale. L'intervention
vigoureuse du régime provoqua toute une
série d'actions protestataires. En prison,
Kossuth ne passa pas tout son temps à
élaborer sa défense. Peu après son
arrestation, il demandait déjà à sa mère de
lui envoyer des livres. Ainsi s'efforçait-il de
rester en contact avec le monde extérieur. Il
perfectionna aussi ses connaissances
d'anglais. Il traduisit et adapta de l'allemand
l'ouvrage de Samuel Wilderspin sur
l'éducation des enfants en bas âge et
commença aussi à traduire Macbeth de
Shakespeare. Afin de se tenir au courant de
la politique, il lisait régulièrement une
demi-douzaine de journaux hongrois et
allemands. Les lettres écrites à ses parents
de sa prison constituent les pièces majeures
de son œuvre littéraire, certaines d'entre
elles sont de véritables essais.
La captivité ne brisa donc pas Kossuth et
grâce aux changements politiques, il ne dut
pas purger sa peine de quatre ans. Trois
mois après sa condamnation, la nouvelle
Diète se réunit le 2 juin 1839. Profitant
d'une erreur politique commise par le
gouvernement, la Chambre basse réclama
dans une adresse la cessation des poursuites
contre Wesselényi, Kossuth et László
Lovassy (1815-1892), ainsi que leur
libération. La Cour fut contrainte de céder,
et le 10 mai 1840 Kossuth fut libéré. Le 9
juin 1840, à la réunion du Conseil général
du comitat de Pest, Kossuth remercia la
population du comitat de l'avoir soutenu
avec tant de persévérance et d'efficacité.
Durant sa captivité, il avait perdu son
père László Kossuth, le 13 juin 1839.
Désormais, il devait subvenir seul aux
besoins de la famille Kossuth. Il se produisit
encore un autre changement important dans
la vie privée de Kossuth. En été 1840, il fit
la connaissance de Terézia Meszlényi,
originaire d'une famille catholique noble de
Transdanubie. Peu de temps après, le 9
janvier 1841, Kossuth épousait sa fiancée.
Après sa libération, il ne se retira point
de la vie politique. A Vienne aussi, on
préférait l'avoir à l'oeil; ainsi Lajos
Landerer (1800-1854), propriétaire d'une
imprimerie, fut-il autorisé à lui confier la
rédaction du Pesti Hírlap (Journal de Pest).
Il remplit cette fonction du 2 janvier 1841
au printemps de 1844. Dans de nombreux
articles, il propagea des idées réformistes
en démontrant le caractère intenable du
régime féodal en place. Dans la rédaction
du journal, il s'appuyait également sur les
membres de l'opposition. C'est lui qui a
écrit le premier éditorial de la presse
hongroise, ce qui montre bien la modernité
de son journal. (C'est encore lui qui a créé
l'équivalent hongrois du mot éditorial.)
Passé de 60 à 5000, le tirage de cette
publication était le plus fort dans la
monarchie des Habsbourg. Son poste de
rédacteur permit aussi à Kossuth de
consolider sa situation matérielle.
C'est au sujet des articles parus dans
Pesti Hirlap que s'engagea le grand débat
entre Kossuth et Széchenyi sur la tactique à
suivre par l'opposition réformiste.
Széchenyi désapprouvait l'attitude trop
ferme et trop critique de Kossuth et
s'opposait à la détérioration des rapports
avec l'Autriche. Il attaqua Kossuth dans
son livre Kelet népe (Le Peuple de l'Est),
puis dans une douzaine d'articles.
« Lajos Kossuth veille au pays »- caricature
Cependant Kossuth sortit vainqueur de la
polémique en démontrant que la plupart
des allégations de Széchenyi n'étaient pas
pertinentes. La majorité de l'opposition
soutint Kossuth dans le débat.
A la fin de 1843, on en eut assez à
Vienne des activités du journaliste Kossuth.
Landerer reçut l'injonction de renvoyer son
rédacteur. Il provoqua alors un conflit
d'ordre financier, à l'issue duquel Kossuth
démissionna et tenta d'obtenir, en vain,
l'autorisation d'éditer un autre journal.
Comme le régime la lui refusait, Kossuth
dut se trouver d'autres activités. Il dut
abandonner la propagation par écrit des
idées réformistes. Ainsi devint-il le
promoteur de différentes entreprises
économiques. La plus importante était la
Ligue nationale Országos Védegylet,
fondée en 1844, qui cherchait à promouvoir
le développement de l'industrie et du
commerce nationaux par une politique
douanière protectionniste. En effet, Kossuth
craignait l'adhésion de l'Autriche à l'union
douanière allemande (Zollverein) et, de ce
fait, l'incompétitivité de l'industrie et du
commerce hongrois face aux produits
allemands de meilleure qualité. C'est la
raison pour laquelle il préconisait une
politique protectionniste. La plupart des
initiatives économiques de Kossuth
aboutirent à un échec ou à un succès
modéré. Cependant, elles renforcèrent
quand même l'organisation de l'opposition.
Kossuth était convaincu que, pour
l'instauration d'une société bourgeoise en
Hongrie, il fallait abolir le servage. Selon lui,
c'était le seul moyen d'éviter une guerre civile
qui aurait mis en danger l'existence même de
la noblesse et du pays. L'objectif du
programme de conciliation des intérêts,
élaboré en partie par Kossuth, consistait à
réaliser l'instauration d'une société
bourgeoise en Hongrie sous la direction de la
noblesse hongroise et en maintenant
l'indépendance du pays. Lorsque les
conservateurs hongrois fondèrent leur propre
parti, Kossuth décida d'organiser un parti
d'opposition unifié et d'élaborer le
programme de l'opposition, dans la rédaction
duquel il joua un rôle important avec Ferenc
Deák (1803-1876) . Lajos Batthyány (18061849) fut élu président du nouveau parti
d'opposition. Kossuth participa à la Diète de
1847-1848 comme député du comitat de
Pest. Le régime en place avait fait son
possible pour empêcher l'élection de
Kossuth, mais en vain. A la Chambre basse,
l'opposition était majoritaire, mais la
résistance de la Chambre haute ne lui permit
pas de profiter de cette situation.
L'opposition luttait pour la réalisation des
passer un accord spécial avec Vienne, mais à
la suite de l'intervention de Kossuth, l'union
de l'opposition se rétablit rapidement.
Les révolutions européennes de 1848
provoquèrent une situation favorable à la
Kossuth prononce un discours de recrutement en automne 1848
réformes sous la direction de Kossuth à la
Chambre basse, et sous celle de Batthyány à
la Chambre haute. En janvier-février 1848,
une partie de l'opposition aurait été prête à
Hongrie. Les chefs radicaux de l'opposition,
Kossuth et Batthyány, estimaient qu'il fallait
profiter de l'affaiblissement de l'Empire des
Habsbourg afin de réaliser le programme de
Kossuth présente au Parlement, le 8 octobre 1848, les drapeaux pris à l'ennemi à Ozora
!
l'opposition réformiste. Dès la fin de février,
ils voulaient demander à l'Empereur
d'inciter le gouvernement à ramener la paix
et « de ne pas faire couler le sang hongrois
pour opprimer la liberté italienne ». Pour ce
faire, il devait doter les peuples d'une
Constitution. Cette revendication illustrait à
la fois le bon sens et la largeur d'esprit de
l'opposition en matière de politique
extérieure. Batthyány et Kossuth savaient
que la liberté de la Hongrie était liée à
l'existence d'un régime constitutionnel dans
les provinces héréditaires, car les intérêts
divergents des différentes parties de
l'Empire ne pouvaient être conciliés que
dans le cadre d'un régime politique
identique. La proposition de Kossuth fut
alors rejetée même par la majorité de
l'opposition. Or, l'intuition de Kossuth fut
confirmée par la nouvelle de la révolution
de Paris parvenue à Pozsony quelques jours
plus tard, le 1er mars. Le 3 mars, Kossuth
présenta une motion historique à la réunion
régionale de la Chambre basse en exhortant
la Diète à « élever sa politique au niveau des
circonstances ». Il exigeait – pour le moment
à mots couverts – la participation égale aux
"
La bataille de Kápolna, le 27 février 1849
charges publiques, un système politique
représentatif, l'égalité des droits politiques
et l'instauration d'un gouvernement national
indépendant en Hongrie. Mais il ne s'arrêta
pas là. Conscient de ce que c'étaient les
changements survenus dans la situation
politique extérieure qui avaient permis de
formuler ces revendications, il exigea
également une Constitution pour les
provinces héréditaires de l'Empire des
Habsbourg.
Certes, les détenteurs du pouvoir étaient
effrayés par les nouvelles de la révolution de
Paris et la situation financière de l'Empire
était critique – ni pour la première, ni pour la
dernière fois d'ailleurs –, mais ils pouvaient
toujours compter sur l'aide du tzar Nicolas Ier
(1796-1855) et de son armée. Cependant, le
discours de Kossuth, dans lequel il exigeait
une Constitution pour les provinces
héréditaires de l'Empire également, fut
traduit et imprimé en allemand et provoqua
une telle fermentation à Vienne qu'une
réaction violente devint impossible. Le 13
mars, la révolution éclata à Vienne. Le
chancelier omnipotent Klemens Metternich
(1773-1859) dut démissionner et s'enfuir,
tandis que l'empereur promettait une
Constitution aux peuples de l'Autriche.
La révolution de Vienne eut lieu au
meilleur moment pour l'opposition libérale
hongroise, car l'adresse formulée d'après le
discours de Kossuth avait été mise de côté
par la Chambre haute. De plus, les
aristocrates fidèles à la Cour se rendirent en
masse à Vienne pour empêcher la
convocation de la Chambre haute. En sa
qualité de délégué du roi et de fondé de
pouvoir, István Széchenyi, adversaire
impitoyable de Kossuth, proposa même
d'employer la force militaire contre
l'opposition réformiste. Toutefois, la
révolution de Vienne changea la situation.
Le 14 mars, les aristocrates adoptèrent le
projet d'adresse de Kossuth qu'une
délégation de la Diète porta à Vienne le
lendemain. Le monarque et son entourage
tentèrent de résister, mais le 17 mars
Ferdinand V (1793-1855) accepta la
nomination de Lajos Batthyány au poste de
premier ministre. La révolution qui éclata à
Pest le 15 mars influença, bien entendu,
l'entérinement de cette nomination et la
satisfaction des revendications hongroises.
Après le retour de la délégation à
Pozsony, la Diète adopta en quelques
semaines les lois permettant l'instauration
d'une société bourgeoise dans le pays. La
mise en œuvre rapide et ferme de ces cadres
était facilitée aussi par des faux bruits selon
lesquels Sándor Petõfi (1823-1849), chef de
la révolution de Pest, campait sur le champ
de Rákos à la tête de 40 000 paysans
armés de faux. La promulgation des articles
de la loi se heurtait cependant à de sérieux
obstacles. A Vienne, les membres de la
Conférence d'État essayaient de réduire le
plus possible les compétences du ministère
hongrois. Grâce à son excellente
préparation aux négociations et au fait que
les mouvements de masse soutenaient
toujours ses revendications au meilleur
moment, la délégation de la Diète hongroise
réussit à vaincre l'autre partie sur la plupart
des points essentiels.
Kossuth joua un rôle important dans la
formulation des lois d'avril, qui permirent à
la Hongrie féodale de se transformer en un
Etat de type bourgeois.
Le 10 avril, le roi Ferdinand V nomma le
gouvernement hongrois présidé par le
comte Lajos Batthyány, et le lendemain il
promulgua les articles de loi formulés par la
Diète de Pozsony. Ces articles régissaient la
formation d'un gouvernement indépendant
et responsable, l'abolition du servage,
l'introduction de la contribution égale aux
charges publiques et de l'égalité des
citoyens devant la loi, ainsi que la mise en
place d'un Parlement représentatif.
La création de la gestion financière
indépendante est liée au nom de Kossuth,
ministre des Finances du gouvernement. Le
Trésor public était presque vide lorsque
Kossuth entra en fonctions, mais il maîtrisa
rapidement la situation. D'abord, il essaya
de stabiliser la situation financière du pays
par l'émission de bons du Trésor productifs
d'intérêts, puis il eut recours à l'émission
indépendante de billets de banque. Le 5
août 1848, la Banque de Commerce émit
les premiers billets de deux forints. Ce
billet, comme les autres coupures mises en
circulation après septembre 1848, reçut le
nom de "billet Kossuth". Le manque
d'argent expliquait en partie pourquoi le
gouvernement refusait de participer au
déficit astronomique de l'État autrichien. Il
estimait en effet que la Hongrie n'avait pas
été consultée pour les dépenses et qu'elle
n'en avait pas été bénéficiaire.
Kossuth fut le porte-parole du
gouvernement lors de la session du
Parlement représentatif en juillet 1848. C'est
là qu'il connut un de ses plus grands succès
était d'avis que la nation devait se préparer à
une offensive de la part de la réaction.
Lorsque le gouvernement Batthyány
démissionna le 11 septembre 1848, Kossuth
garda son portefeuille, mais le lendemain il
soutenait déjà Lajos Batthyány, nommé de
nouveau premier ministre. Entre le 16 et le
21 septembre, il fut élu membre de la
commission parlementaire qui devint par la
suite le Comité de Défense nationale, à
laquelle devait rendre des comptes le
premier ministre. Après son élection le 24
L'Empereur d` Autriche et le tzar de Russie achèvent l'hydre de la révolution
en tant qu'orateur. Le 11 juillet, c'est à la
suite de son intervention que le Parlement
offrit 200 000 soldats et 40 millions de
forints pour la défense du pays. Kossuth
septembre, il alla recruter des soldats dans
l'Alföld (la Grande Plaine). Lors de ses
deux tournées de recrutement, il prononça
des discours devant des foules énormes.
#
C'est probablement à ce moment-là que
naquit la chanson populaire sur Kossuth,
ainsi que le culte qu'on lui voua. Le 27
septembre 1848, c'est à la suite de son
intervention que le Parlement qualifia
d'illégale la nomination de Ferenc Lamberg
(1791-1848) au poste de chef de l'armée et
l'invalida.
Après l'assassinat de Lamberg et la
démission du premier ministre Batthyány,
Kossuth fut élu par le Parlement président
du Comité de Défense nationale. A partir
d'octobre 1848, c'est cet organe qui exerça
le pouvoir exécutif, et Kossuth devint le
dirigeant politique du pays. Pendant la
deuxième moitié du mois d'octobre 1848, il
recruta des soldats dans la région
transdanubienne, puis convainquit l'armée
hongroise de franchir la Leitha. Après la
défaite militaire de Schwechat, c'est lui
qui nomma le général Artúr Görgei
(1818-1916) commandant en chef du gros
de l'armée hongroise. En automne et en
hiver 1848, Kossuth joua un rôle important
dans l'organisation de l'armée. Après
l'offensive de l'armée impériale, c'est lui qui
proposa de transférer le Parlement et
l'administration dans la ville de Debrecen.
Son travail d'organisateur contribua
grandement à maintenir la résistance
hongroise en hiver 1849 et à faire triompher
l'armée hongroise au printemps 1849.
Lorsque Kossuth apprit que FrançoisJoseph Ier (1830-1916) avait scindé la
Hongrie en plusieurs parties dans la
Constitution d'Olmütz – dite « octroyée » –
promulguée le 4 mars 1849, Kossuth décida
de proclamer l'indépendance de la Hongrie et
de détrôner la Maison des Habsbourg. (Par la
Constitution d'Olmütz, c'est surtout aux
Hongrois que le monarque voulait imposer
ses
aspirations
centralisatrices
et
germanisatrices. Le roi avait pour objectif le
renouveau de l'Empire d'Autriche, puis
l'obtention d'un rôle dirigeant, dominant pour
l'Autriche au sein de l'unité allemande.) Ce
sont les victoires de la campagne de
printemps qui permirent d'envisager
l'indépendance et le détrônement. Le 14 avril
1849, sur l'initiative de Kossuth, le Parlement
les proclama. Kossuth fut élu présidentgouverneur du pays, et jusqu'à sa démission
du 11 août il remplit les fonctions de chef
d'État. (La Hongrie restait un royaume
malgré les efforts de la majorité des forces
politiques qui aspirait à la proclamation de la
république, à l'encontre de Kossuth qui
$
Kossuth fait ses adieux à la Hongrie en août 1849
alléguait des raisons de politique
européenne.) C'est Kossuth qui pressentit la
plupart des membres du nouveau
gouvernement, et le 1er mai 1849, il confia les
fonctions de premier ministre à Bertalan
Szemere (1812-1869), précédemment
ministre dans le gouvernement Batthyány.
Kossuth espérait que les grandes
puissances
européennes
allaient
reconnaître la Hongrie indépendante, mais
il n'en fut rien. A la mi-juin 1849, une
nouvelle offensive de l'armée impériale fut
lancée contre le pays. Dans cette
campagne, l'Autriche bénéficiait du soutien
de 200000 soldats russes. Kossuth s'affola.
Il avança des plans stratégiques successifs.
Il proposa le haut commandement de
l'armée à presque tous les généraux
hongrois importants. A l'issue de la défaite
décisive infligée par les unités impériales à
Temesvár, le 9 août 1849, Kossuth perdit
tout espoir et renonça à poursuivre la lutte.
L'arrivée de Kossuth à Sumen
Le 11 août, à la demande de Görgei, il
démissionna de son poste de gouverneur et
prit le chemin de l'exil.
La démission de Kossuth signifiait
également la fin de la guerre d'indépendance
hongroise. Kossuth et la plupart des hommes
politiques hongrois se réfugièrent en
territoire turc. Ils allèrent d'abord à Vidin et à
Sumen en Bulgarie. La Russie et l'Autriche
exigèrent l'extradition des réfugiés hongrois.
La Cour ottomane, soutenue par l'Angleterre
et la France, refusa et le conflit risquait de
dégénérer en guerre continentale. L'Autriche
et la Russie finirent par céder, néanmoins les
réfugiés hongrois et polonais les plus illustres
furent internés en Asie Mineure, à Kütahya.
C'est là qu'en avril 1851 Kossuth élabora son
législation. Sur les territoires où vivaient
plusieurs nationalités (comme dans la
plupart des régions frontalières de Hongrie),
les nationalités, usant de leur droit
d'association, devaient se rassembler dans
"des associations publiques nationales",
disposant seulement de compétences
collégiales et non pas territoriales. Ainsi, la
représentation des intèrêts des nationalités
pouvait être réalisée sans l'application du
principe d'autonomie territoriale. Les
différentes communes déterminaient
elles-mêmes la langue utilisée dans
l'administration, mais la minorité ethnique
avait droit à sa propre langue dans la gestion
de ses affaires. Il en était de même pour les
réunions du Conseil du comitat composé
L'exécution de Lajos Batthyány le 6 octobre 1849
projet de Constitution sur la réorganisation
démocratique de la Hongrie basée sur
l'autonomie. Ce projet réalisait l'égalité de
droit des nationalités sans porter atteinte à
l'intégrité territoriale de la Hongrie.
Kossuth estimait que le suffrage
universel ne garantissait pas les libertés
individuelles et collectives si la
souveraineté du peuple relevait uniquement
du Parlement et si le gouvernement était
doté de pouvoirs trop importants. Par
conséquent, le principe de la souveraineté
du peuple devait être associé au principe de
l'autonomie. Chacun des droits individuels
devait être énoncé dans la Constitution et ils
ne pouvaient être modifiés ni abolis par la
des délégués des communes. Le pouvoir
législatif se composerait de deux chambres:
celle des députés élus par l'ensemble de la
population du pays dans les circonscriptions
électorales et celle des sénateurs délégués
par les Conseils du comitat dans chaque
comitat. Le pouvoir exécutif ne pourrait pas
donner des ordres directement aux
conseillers des comitats, et il ne pourrait
communiquer ses ordonnances qu'au
Conseil du comitat habilité à formuler des
objections.
Kossuth pensait que ces garanties
étaient suffisantes et rendaient inutile
l'instauration d'un fédéralisme intérieur en
Hongrie. Néanmoins, il se disait prêt à
reconnaître, le cas échéant, la sécession de la
Croatie et de la Slavonie. A propos de la
Transylvanie, il estimait qu'il n'existait pas
de nationalité transylvaine et que, par
conséquent, la révision de l'Union avec la
Transylvanie n'était nullement justifiée. En
revanche, pour calmer les inquiétudes des
Saxons, Kossuth souhaitait doter les districts
saxons (et aussi sicules) d'une autorité de
comitat. Quant à la revendication des Serbes
au sujet de la Voïvodine dans le sud de la
Hongrie, Kossuth était d'avis que, sur le
territoire en question, les Serbes n'avaient
même pas la majorité relative et que les
traditions historiques non plus ne justifiaient
pas la création d'une Voïvodine
indépendante. (Dans une nouvelle version
de son projet de Constitution, élaborée en
1859, Kossuth aurait accepté que les
habitants de Transylvanie décident du
maintien ou du rejet de l'union dans un
référendum, mais même au cas de
l'indépendance de la Transylvanie, il
préconisait un lien d'union personnelle avec
la Hongrie. Dans cette version du projet,
Kossuth aurait également accepté une
Voïvodine réunissant la population de
nationalité serbe.) Ce projet constituait l'un
des antécédents idéologiques du projet sur la
Confédération danubienne publié en 1862.
Kossuth et ses compagnons purent
quitter Kütahya en automne 1851. Le
premier se rendit d'abord en Angleterre, puis
en Amérique, où il tenta d'éveiller la
sympathie envers la Hongrie. Ses discours
prononcés en anglais eurent beaucoup de
succès. Il voulait convaincre les
gouvernements anglais et américain
d'adopter
le
principe
de
« l'ingérence pour la non-intervention ».
Autrement dit, il voulait que ces États
empêchent par exemple l'intervention de la
Russie au cas d'une nouvelle guerre
d'indépendance de la Hongrie. Ses discours
d'Amérique exercèrent une influence même
sur une personnalité telle qu'Abraham
Lincoln. Nous retrouvons la conception de
Kossuth sur la démocratie dans le discours
de Lincoln prononcé en 1863 à Gettysburg:
« La démocratie est l'esprit de notre époque.
Tout pour le peuple et tout par le peuple.
Aucune décision sur le peuple sans le
peuple. Voilà le sens de la démocratie et de
l'esprit de notre époque. »
L'un des objectifs de Kossuth était de
prendre en main la direction des émigrés.
Cependant, la plupart des expatriés se
%
L'arrivée de Kossuth au port de Southampton en octobre 1851
Carte postale à la mémoire du voyage de Kossuth en Amérique
&
détachèrent de lui à cause de son arrogance.
Par ailleurs, dans les premières années de
son exil, Kossuth se berçait de nombreuses
illusions. Il fut l'instigateur d'une une série
de conspirations secrètes qui se soldèrent
toutes par un échec. Ceci fit enfin
comprendre à Kossuth qu'il n'était pas
possible de mettre fin à la domination
autrichienne en Hongrie par de tels
moyens. Déjà durant la guerre de Crimée
en 1853-55, Kossuth espérait que
l'Autriche allait intervenir dans le conflit.
Dans ce cas, les grandes puissances
auraient peut-être fait appel aux émigrés
hongrois, et elles auraient soutenu le
rétablissement de l'indépendance de la
Hongrie. Or l'Autriche ne prit pas part à
cette guerre.
La première occasion sérieuse se
présenta en 1859, lorsque l'empereur de
France Napoléon III (1808-1873) s'associa
avec le royaume italien du Piémont. Kossuth
fut également associé aux négociations
dirigées contre l'Autriche. Par la suite
Kossuth, László Teleki (1811-1861) et
György Klapka (1820-1892) constituèrent la
Direction nationale hongroise (Magyar
Nemzeti Igazgatóság). Ils espéraient que
Napoléon III ne se contenterait pas de la
défaite de l'Autriche, mais qu'il restaurerait
aussi l'indépendance de la Hongrie. C'est
pourquoi Kossuth ne voulait proclamer une
nouvelle guerre d'indépendance en Hongrie
qu'après l'arrivée des troupes françaises dans
le pays. L'alliance franco-piémontaise
vainquit l'armée impériale à Solférino.
Cependant, Napoléon III ne tarda pas à
conclure un traité de paix avec l'Autriche.
Durant la guerre, une légion hongroise s'était
formée aux côtés des Italiens, mais la
conclusion rapide du traité de paix ne permit
pas de l'engager.
Pourtant, Kossuth ne perdait toujours
pas l'espoir de réussir. Il tenta de libérer la
Hongrie de la domination des Habsbourg
en s'alliant au mouvement pour l'unité des
Italiens, puis des Allemands. En 1862,
Klapka et Kossuth rédigèrent le projet de
l'alliance des peuples danubiens, c'est-àdire d'une Confédération danubienne. Cet
État aurait été une alliance basée sur
l'égalité des membres entre la Hongrie, la
Transylvanie, la Croatie, la Roumanie et la
Serbie. Il aurait assuré l'indépendance
intérieure de chaque État membre, mais il
les aurait protégés des attaques extérieures
en tant que grande puissance.
Les antécédents idéologiques de cette
conception remontaient à la fin du 18e siècle
et étaient liés à deux facteurs. Premièrement,
l'équilibre intérieur de l'Empire des
Habsbourg s'était ébranlé à cause de la
formation des nations bourgeoises.
Deuxièmement, en cas de désintégration ou
de réorganisation de l'Empire des
Habsbourg ou à cause de la fin de l'Empire
Turc, il aurait fallu créer la confédération des
peuples de l'Europe centrale et orientale
pour assurer le rôle que remplissaient dans
l'équilibre européen l'Empire des Habsbourg
et l'Empire Turc. C'est uniquement ainsi
qu'on pouvait contrebalancer les aspirations
de la grande puissance russe.
Les projets de confédération peuvent être
classés en deux catégories. Dans la
première, on retrouve ceux qui préconisaient
la réorganisation intérieure, fédérative de
l'Empire des Habsbourg, alors que les
partisans de la deuxième envisageaient
l'intégration à la confédération de certains
territoires situés en dehors de l'Empire des
Habsbourg. La première conception de ce
type fut développée en 1794 par les jacobins
hongrois, puis par Miklós Wesselényi dans
son ouvrage "Appel en faveur des
nationalités hongroise et slaves" en 1843. La
conception de Kossuth fait partie de la
deuxième catégorie. En effet, il avait déclaré
dès février 1848 que l'avenir de la Hongrie
était inconcevable sans une coopération
avec les peuples slaves du Sud. En 1848, la
conception nommée « Grande Hongrie » du
gouvernement Batthyány envisageait – au
cas de l'adhésion des provinces de langue
allemande de l'Empire des Habsbourg à
l'unité des Allemands – l'unification des
autres territoires de l'Empire avec la Hongrie
comme centre, la restitution de
l'indépendance de la Pologne, ainsi que
l'extension des intérêts impériaux aux
territoires roumains et slaves du Sud.
En 1849, László Teleki mena à Paris des
négociations avec des hommes politiques
polonais, roumains et tchèques sur la
réorganisation fédérative intérieure de la
Hongrie. C'est aussi Teleki qui eut l'idée
d'une confédération entre la Hongrie et les
petits Etats d'Europe centrale et orientale,
notamment la Valachie, la Moldavie, la
Serbie, la Bulgarie, la Bohême et la
Moravie. Les représentants des émigrés
roumains exprimèrent un avis encore plus
radical pour résoudre le problème des
nationalités en Hongrie: le rattachement
des territoires de Hongrie habités par des
nationalités à leur mère patrie voisine.
Selon Kossuth, la seule solution aux
problèmes des nationalités consistait à créer
la confédération de la Hongrie avec les
nations et les Etats voisins. Dans son projet
élaboré en 1850, il esquissa la confédération
des territoires hongrois, polonais, tchèques,
croates, slavons, dalmates et roumains.
Cette confédération aurait été basée sur une
obligation de défense commune, une ligne
douanière et une diplomatie communes,
avec l'autonomie intérieure totale des États
membres. Le centre de la confédération
aurait été en Hongrie. Les États auraient été
représentés au prorata de leur population et
de leur territoire dans le Conseil fédéral.
Kossuth estimait aussi qu'il était nécessaire
'
d'obtenir l'approbation de l'Empire Turc
pour créer la confédération, en raison des
principautés serbe et roumaine relevant de
l'autorité des Turcs. A son avis, pour
résoudre le problème des nationalités, la
division en comitats de la Hongrie devrait
correspondre, si possible, à la répartition
des nationalités. Cela s'intégrait dans la
l'indépendance totale de la Croatie et de la
Transylvanie. En 1862, c'est également lui
qui formula l'idée d'une confédération
danubienne au sujet de laquelle Kossuth lui
fit part de ses réflexions. Elles furent ensuite
rendues publiques et représentent, de nos
jours encore, la conception la plus connue de
la Confédération Danubienne. Selon le projet
conception d'une fédération intérieure de la
Hongrie, sans porter atteinte à l'intégrité
territoriale du pays. Les détails de ce plan
figuraient dans le projet de constitution de
Kütahya en 1851.
En 1855, György Klapka esquissa le
projet d'une confédération hungaro-serboroumaine, tout en étant prêt à reconnaître
signé par Kossuth, la confédération englobait
la Hongrie, la Transylvanie, la Roumanie, la
Croatie et, en cas de désintégration de
l'Empire Turc, la Serbie et les autres pays
slaves du Sud. La protection du territoire
fédéral serait commune, ainsi que la
politique extérieure, la diplomatie, le
système commercial, la douane, les grands
axes de la circulation, l'argent, les poids et les
mesures. Les questions relatives aux forces
militaires terrestres et maritimes, aux
forteresses et aux ports militaires seraient
également réglementées par l'autorité
fédérale. Les États n'auraient pas le droit
d'envoyer leurs propres représentants aux
puissances étrangères. Le Parlement pourrait
se composer d'une ou de deux chambres.
Dans ce dernier cas, la Chambre des députés
serait élue au prorata de la population des
États, alors que le Sénat comprendrait un
même nombre de sénateurs pour chaque
État. Le pouvoir exécutif serait exercé par le
Conseil fédéral élu par le Parlement. La
langue officielle de la confédération serait
déterminée par la législature, mais les États
membres pourraient décider eux-mêmes de
leur propre langue. L'administration fédérale
siégerait alternativement dans chacune des
capitales des États membres. Le chef de
l'État accueillant l'administration remplirait
aussi le poste de président de la
confédération. Les États bénéficieraient
d'une autonomie totale dans la gestion de
leurs affaires intérieures, mais leur
constitution devrait être conforme aux
principes adoptés par la fédération. Le
contingent militaire des États serait défini
dans l'accord fédéral, mais ils pourraient
cependant disposer de forces armées
supplémentaires. En temps de paix, aucune
force armée n'aurait le droit de stationner sur
le territoire d'un autre État, et l'administration
fédérale ne pourrait pas en retirer ses propres
forces armées. Les forteresses fédérales
seraient désignées par l'administration
fédérale, mais les forces militaires d'un autre
État ne pourraient y stationner qu'en cas de
guerre. Les membres du corps législatif
fédéral seraient élus par les Parlements des
États membres. Les résolutions du pouvoir
exécutif fédéral devraient être appliquées par
le gouvernement de chaque État. Kossuth
proposait le français comme langue officielle
de la confédération.
Le projet de Kossuth fut désapprouvé aussi
bien par l'opinion publique hongroise que par
celle des États concernés. Pour la plupart des
hommes politiques hongrois, le projet
contenait trop de concessions, alors que selon
les hommes politiques serbes et roumains, il
n'en contenait pas suffisamment. L'opinion
publique de Hongrie penchait de plus en plus
pour un compromis avec l'Autriche.
Les échecs politiques de Kossuth étaient
aggravés par des tragédies personnelles. Le
22 avril 1862, à Nervi, la fille de Kossuth,
Vilma, mourut d'une tuberculose dont elle
souffrait depuis des années. Elle fut enterrée
à Gênes, au cimetière anglais de San
Benignon. Le 1er septembre 1865 à Turin,
Terézia Meszlényi, la femme de Kossuth,
mourait à son tour. Elle fut enterrée dans la
tombe où reposait sa fille. Après la mort de
sa femme, Kossuth écrivit toutes ses lettres,
jusqu'à sa mort, sur un papier bordé de noir.
L'échec des efforts de Kossuth visant à
allier les peuples d'Europe centrale et à
contrecarrer le compromis austro-hongrois
s'explique par le fait que la plupart des
grandes puissances européennes prenaient
position pour le maintien de l'unité de la
Monarchie des Habsbourg. Entre-temps, la
situation avait changé en Hongrie aussi.
L'idée du compromis, représentée par
Ferenc Deák, avait de plus en plus de
partisans. Les négociations sur le
compromis furent accélérées par la nouvelle
défaite militaire de l'Autriche. En été 1866,
la Prusse et l'Italie entrèrent en guerre contre
l'Autriche. Les Prussiens infligèrent alors
une défaite cuisante à l'armée autrichienne à
Königgrätz.
Cependant, Deák et ses partisans ne
demandaient pas plus après la défaite
qu'avant. Kossuth avait beau mener une
campagne de presse contre le compromis en
préparation. Il avait beau dire que la
Hongrie voulait s'allier à un empire voué à
l'échec. Le pays était derrière Deák. La
plupart des émigrés se déclaraient
également satisfaits du compromis,
Kossuth était de plus en plus isolé.
Il ne revint pas en Hongrie, même après le
Compromis austro-hongrois de 1867. Dans la
dernière période de sa vie, il ne cessa de
critiquer le régime du Compromis. Ses
longues lettres révélèrent que, de Turin, il
voyait mieux les événements politiques
hongrois que ses contemporains vivant dans
le pays. Dans l'une de ses dernières lettres, il
incitait les chefs de l'opposition nationale à
voter des projets de loi concernant
l'introduction du registre d'état civil, ainsi que
la séparation de l'État et de l'Église. En raison
de la dégradation de sa situation financière,
Kossuth fut de nouveau contraint de travailler
pour gagner sa vie. Dans les années 1880
parurent les trois premiers volumes de ses
écrits nés pendant les années d'exil. Plus tard,
il vendit sa bibliothèque. Il travailla jusqu'à sa
mort survenue en 1894. Après son décès, son
enterrement fut également un événement
politique, une manifestation muette de
l'opposition contre le régime dualiste.
Déjà de son vivant, Kossuth est devenu
l'objet de mythes et de légendes. A l'époque
des réformes et durant la guerre
d'indépendance, l'absolutisme et le dualisme,
plusieurs centaines de poèmes ont été écrits à
son sujet ou lui étaient adressés. Parmi les
poètes, il y avait, à part les Hongrois, des
Allemands, des Français, des Anglais et des
Américains. Des centaines de chansons et de
légendes populaires perpétuent son activité de
1848-49. Il n'existe aucun autre homme
politique à qui le peuple hongrois soit si
attaché. Aussi tous ses objets personnels sontils devenus des reliques, tout comme le billet
Les funérailles de Kossuth
de banque portant son nom et sa signature.
On a donné le nom de Kossuth à sa coupe de
barbe et à son chapeau, voire même aux
armoiries sans couronne de la Hongrie.
Le début de ce culte se situe au
printemps de 1848. C'est l'affranchissement
des serfs qui l'a alors fait connaître et l'a
rendu populaire dans tout le pays. Un autre
tournant se situe en septembre-octobre
1848, lorsque plusieurs dizaines de milliers
de personnes découvrirent son talent
d'orateur exceptionnel à ses trois tournées
de recrutement. Son culte fut renforcé
même par l'ennemi qui, dans ses
manifestes, attribuait tous les changements
survenus en Hongrie à Kossuth et à ses
compagnons. Après 1849, la majorité de la
société hongroise estimait que le retour de
Kossuth pourrait résoudre les problèmes du
pays. Après 1867, on essaya même de
concilier ce culte avec la fidélité à
François-Joseph Ier. Après la mort de
Kossuth, le culte s'estompa de plus en plus
et il reçut un coup presque fatal lorsque la
dictature des années 1950 rangea Kossuth
parmi ses saints officiels.
Les statues de Kossuth, érigées dans la
deuxième moitié du siècle dernier, sont
les manifestations durables de ce culte.
La rue principale de centaines de
communes hongroises porte son nom.
Des
centaines
de
biographies
scientifiques et vulgarisatrices, de livres
et de romans de gare conservent le
souvenir du "Moïse de Hongrie".
Kossuth est considéré à juste titre
comme l'un des créateurs de la Hongrie
moderne. Dans son dernier écrit majeur, il
a désigné sa propre place dans l'histoire de
la Hongrie du 19e siècle avec une précision
stupéfiante: « Les aiguilles d'une horloge
ne règlent pas le cours du temps, elles ne
font que l'indiquer; mon nom est une
aiguille d'horloge; il indique le temps qui
viendra, qui doit venir si le destin réserve
encore un avenir à la nation hongroise. Cet
avenir s'appellera: patrie libre pour les
citoyens libres de la Hongrie, cet avenir
s'appellera: indépendance nationale. »
Les enseignements de la vie et de
l'oeuvre de Kossuth sont innombrables. Il
était un vrai polygraphe de la vie publique
et s'intéressait à tout ce qui touchait la
politique, qu'il s'agît d'économie politique,
de diplomatie, d'éducation, de culture ou
de science militaire. Il existe cependant un
Tableau allégorique à la mémoire de la révolution et de la guerre d'indépendance
hongroises de 1848-1849. En bas, on voit Sándor Petõfi, Lajos Kossuth, István Széchenyi,
Lajos Batthyány, Ferenc Deák, János Jeszenák et Zsigmond Perényi
enseignement que l'on peut tirer de sa vie
et de son œuvre et dont on parle moins
souvent. En effet, Kossuth fut peut-être le
premier politique de carrière de l'époque,
un homme pour qui les affaires publiques
étaient non seulement une raison de vivre,
mais aussi une vocation. Chacun de ses
compagnons de route ou de ses adversaires
aurait pu trouver sa place dans la société
hongroise de l'époque sans s'occuper de
politique. Széchenyi, Wesselényi et
Batthyány en tant que grands propriétaires
terriens, Kölcsey et Deák comme
propriétaires plus modestes. Pour Kossuth,
la politique n'était pas qu'une passion, mais
aussi une source de revenus. Il est
cependant important de souligner que ce
sont les idéaux qui ont mené Kossuth vers
la politique et non pas l'inverse. Il n'était
pas seulement l'homme des grands idéaux,
mais aussi un véritable politique capable
de les réaliser. Il ne restait pas attaché à des
idées devenues irréalisables, mais il avait
des idéaux qu'il n'a jamais sacrifiés au nom
du pragmatisme, notamment l'autonomie,
l'autodétermination et l'égalité devant la
loi. Des idéaux qui symbolisaient la
Hongrie indépendante et démocratique.
Róbert Herman
L'adresse Internet du Ministère des Affaires étrangères de la République de Hongrie est la suivante: http://www.kum.hu
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