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L'ambition russe se porte en premier lieu sur le libre passage par les Dardanelles, qui relient la Mer
Noire — et donc la Russie — à la Méditerranée.
L'Angleterre veut conserver le contrôle de la Méditerranée et du Canal de Suez, des zones vitales pour
les liaisons avec l'Inde, son importante colonie.
Grâce à ses colonies, la France est devenue une «grande nation musulmane» (2) et, de ce fait, elle est
en faveur du statu quo. Elle craint des soulèvements au cas où elle serait impliquée dans une guerre
avec la Turquie musulmane. La France veut aussi maintenir les «capitulations», ces privilèges
spéciaux dont bénéficient les sujets français dans l'Empire ottoman — par exemple le droit de n'être
jugé que par des juges français.
A côté des grandes puissances, les bourgeoisies locales se développent aussi dans les Balkans : en
Serbie, en Croatie, en Bulgarie et en Grèce.
Depuis 1878, des partis politiques modernes sont à l'oeuvre en Serbie et prônent un programme
bourgeois radical basé sur une Constitution, un Parlement élu et les libertés individuelles ; ils
expriment en même temps la mission nationale de libérer tous les Serbes de la domination étrangère,
autrichienne et turque. Pourtant, la bourgeoisie serbe, tenaillée par trois grands empires, se divise en
fractions dont certaines cherchent l'alliance avec un empire contre un autre.
L'Eglise orthodoxe russe maintient depuis longtemps des liens avec l'Eglise orthodoxe serbe et devient
un canal par lequel l'influence culturelle et politique russe s'affirme. La bourgeoisie serbe cherche,
dans sa large majorité, le rapprochement avec la Russie tsariste. Mais en 1878, la Russie s'affirme
comme le protecteur du nouvel Etat bulgare.
La fraction dominante de la bourgeoisie serbe, chauvine, s'allie alors à l'empire austro-hongrois pour
réaliser la Grande Serbie vers le Sud, vers la Macédoine et la Thrace sous domination turque. En 1885,
un grand mouvement de masse se produit parmi les Bulgares. Ils veulent la libération du Sud de la
Bulgarie, mais aussi de la Macédoine et de la Thrace, ou vivent beaucoup de Bulgares. Or, ces
territoires sont aussi revendiqués par la Grande Serbie. S'en suit une guerre entre la Serbie et la
Bulgarie, en 1885, dont la Bulgarie sort vainqueur.
La Grèce, indépendante depuis 1827, suit, elle aussi, une politique "grande Grecque" : elle annexe la
Thessalie, mais réclame aussi la Macédoine, la Thrace et Constantinople, la capitale de l'Epire
grecque, il y a 435 ans...
Le Mouvement de la Jeunesse Serbie Unie, né en Voïvodine, regroupe des jeunes radicaux de la
Serbie, de Dalmatie, de Croatie, de Bosnie et de Monténégro. Il impulse surtout le nationalisme grand
serbe.
Au début du vingtième siècle, le yougoslavisme domine aussi bien parmi la bourgeoisie croate que
parmi la bourgeoisie serbe. Le yougoslavisme est le courant politique qui se prononce pour l'unité des
Slaves du Sud - Croates, Serbes et Slovènes. Mais les bourgeoisies serbe et croate rivalisent pour
l'hégémonie. Le sort de la Bosnie-Herzégovine décidera de l'issue de cette rivalité. La bourgeoisie
croate considère les Bosniens comme des Croates, tandis que les Serbes les considèrent comme des
Serbes...
Enfin, le chauvinisme de la bourgeoisie est à son tour contesté par les forces les plus progressistes.
Svetozar Markovic, le fondateur du socialisme serbe, appelle à la destruction des empires ottoman et
Habsbourg, à l'unité de tous les Serbes et de tous les Slaves du Sud sur une base socialiste. La social-
démocratie serbe prend position contre le chauvinisme des différentes bourgeoisies nationales dans les
Balkans. Dès la fin du dix-neuvième siècle, avec la social-démocratie bulgare, elle se prononce pour