de l`architecture de l`image, à l`architecture d`images

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DE
L’ARCHITECTURE
DE
L’IMAGE,
À
L’ARCHITECTURE
D ’ I M A G E S
Merci à Olivier Bastin pour son enthousiasme ainsi que Architecture et Prospective (et tout particulièrement Michel
Vienne)
pour
la
logistique
informatique
0. I NTRODUCTION
1. DOIT -ON ÊTRE CONTEMPORAIN ?
1.1. La sémantique de l’architecture Occidental
1.1.1. L’architecture du XIVe et XVe siècle
1.1.2. L’architecture Moderne
1.1.3. L’architecture High Tech
1.2. La phénoménologie ou l’Ontologie?
2. QUE VEUT DIRE CONTEMPORAIN, A L’ÉPOQUE ACTUELLE ?
2.1. Quelques notions relatives à l’image, la publicité et les média
3. COMMENT ÊTRE LE REFLET DE NOTRE ÈRE?
3.1. Installations médiatiques ou publicitaires
3.1.1. Barabara Kruger
3.1.2. Nam June Païk
3.1.3. Diller et Scofidio
3.1.4. Upper Space
3.1.5. Dennis Adams
3.1.6. Dan Graham
3.1.7. Kate Ericson et Mel Ziegler
3.1.8. Bill Viola
3.1.9. Herbert Reymer
3.1.10. Krzysztof Wodiczko
3.1.11. Michael Zinganel
3.1.12. Survol illustré
2.2. La publicité
3.2. Architectures médiatiques ou publicitaires
2.2.1. [Nom] -Le Corbusier-, [Profession] -Publiciste2.2.2. De la société industrielle et ses produits à la société postindustrielle et ses images
2.3. Les images
2.3.1. L’histoire et les pouvoirs de l’image
2.3.2. La fenêtre en longueur de Le Corbusier
2.3.3. Télépolis ou le renversement du rôle de la fenêtre
2.3.4. Le problème de l’aura.
2.4. Les Média.
2.4.1. Le Télétravail
3.2.1. L’architecture comme média dans l’URSS des années vingt
3.2.2. Les architectures des sièges de l’info
3.2.3. Studio Alta.
3.2.4. Herzog et de Meuron
3.2.5. Wiel Arets
3.2.6. Rem Koolhaas
3.2.7. Jean Nouvel
4. NOTRE ÈRE EST-ELLE [ÉTHIQUEMENT ] REFLETABLE EN ARCHITECTURE?
5. EN ATTENDANT LE XXIE SIÈCLE (CONCLUSION)
6. RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
0 .
I N T R O D U C T I O N
_ “C’est nouveau.”
_ “Oui, c’est moderne.”
_ “D’ailleurs on ne comprend pas bien”
_ “Oui, C’est de l’architecture contemporaine, ...”
Voilà des réflexions que nous entendons souvent. De nombreuses
questions me viennent à l’esprit quand j’entends ce genre de propos.
En quoi est-ce contemporain? Ce bâtiment est-il médiatique,
humanitaire, éphémère, écologique, etc., représente-t-il quelque
chose de contemporain, reflète-t-il notre société actuelle? Illustre-til la société de consommation, la vitesse, ou encore, le monde de la
communication et de l’ubiquité du “village planétaire”? Critique-til, quelque chose? Etc.
Ce mémoire tente de formuler des questions relatives à la notion de
‘contemporain’. Il analysera d’abord certains courants architecturaux, et tentera d’y déceler les éléments qui ont un jour fait qu’ils
étaient contemporains. Nous analyserons ensuite le monde contemporain au travers d’une analyse réseaumatique de 3 phénomènes
corrélatifs de notre société : la publicité, les médias et les images.
Les techniques publicitaires sont en effet intéressantes, car la publicité pour être efficace doit refléter les besoins de la société contemporaine. Nous verrons qu’un élément important de la publicité est
“l’image de soi”, qui est une image métaphysique, mais qui, pour
être perçue doit être mise en “images”. Les médias, nous nous y
intéresserons, pour analyser le problème de la perception du monde
par l’homme contemporain. Au Moyen Age, l’information se trou-
vait dans la rue, c’est à dire juste de l’autre côté de la fenêtre. Ouvrir
la fenêtre c’était s’informer. Aujourd’hui le monde ne se perçoit plus
par la fenêtre. Ou plutôt un autre type de fenêtre, présent dans tous
les foyers : la télévision. C’est en effet au travers d’elle que se
perçoit le monde aujourd’hui. N’est-il pas dès lors du ressort de
l’architecte de repenser le rôle de la fenêtre en tant qu’élément
d’information et en tant que limite entre intérieur et extérieur?
Pour cette raisons nous analyserons le monde de l’image et celui
des écrans vidéos. Ils sont en effet la double représentation (métaphysique et physique) de notre société de consommation post-industrielle, celle du village planétaire, des sites Internet, ... Nous verrons
aussi comment certains artistes et architectes utilisent cet élément,
ce matériau que peut devenir l’image statique ou animée. Ces oeuvres
utilisent l’image comme un matériau qui a le pouvoir de modifier, et
d’influencer l’espace au même titre que n’importe quel matériau
‘classique’.
EVERYBODY
FAR MORE
U N D E R IT IS EXRATHER THAN
STANDING,
INFLUENCES
EXPERIENCES
THAN
HE
STANDS. YET
PERIENCE,
U N D E R T H A T
BEHAVIOUR
MARSHALL MCLUHAN
DOIT-ON
Ê T R E
CONTEMPORAIN?
1.1.1. L’architecture du XIVe et XVe siècle
1. D OIT-ON
ÊTRE CONTEMPORAIN?
La première réponse, que donnent la majorité des gens, serait sans doute négative.
L’architecture n’est pas un art éphémère, elle doit durer, transcender les époques.
De plus l’architecture a pour objet premier le fait d’abriter l’homme, et les besoins
de l’homme sont universels et constants dans le temps. Mais nous analyserons ce
que signifie ou a signifié la notion de «contemporain» au travers de quelques
courants architecturaux. Nous essaierons de déceler en quoi ils ont marqué leur
temps. Pourquoi étaient-ils qualifiés de “contemporains” à leur époque, même si
l’histoire les a rebaptisé en ‘Renaissance’, ‘Baroque’, ‘Moderne’ ou plus récemment
‘High Tech’.
Pour la bonne compréhension de l’analyse, il est important que le terme
«contemporain» soit bien interprété. Il ne faut pas confondre architecture
contemporaine avec architecture d’aujourd’hui. Le fait d’avoir été construit
aujourd’hui, ne fait pas qu’un bâtiment, puisse être qualifié de contemporain. Le
panthéon, à l’échelle 1/1 en aluminium et en plastique, produit-il des espaces
qualifiables de contemporain? A notre avis, non, le fait d’être construit en 1996,
ne fait pas d’un bâtiment, une oeuvre qualifiable de contemporaine. Mais qu’est
ce qui fait qu’une oeuvre soit contemporaine ou non?
La Renaissance, dont un des bâtiments le plus significatif est probablement
le Tempieto de Bramante (1500-1502) a un plan parfaitement circulaire.
Cette forme qui jusqu’à lors était considérée comme païenne ne l’était plus.
Elle ne l’était plus car Christophe Colomb, 10 ans auparavant (1492)
découvrit l’Amérique, prouvant ainsi à tout ses contemporains que la terre
est ronde. En architecture cela eut ces répercussions, le plan circulaire devint
chose commune et il témoignait d’une signification très contemporaine.
L’architecture se fit donc l’écho de la découverte de la géodésie réelle de
notre terre.
Très schématiquement, la Renaissance fût suivie par le Baroque. Ce
mouvement architectural est généralement caractérisé par entre autres son
dynamisme et sa prise de conscience de l’espace. L’espace n’entoure pas
l’architecture, mais est créé par elle. Cette vision peut être mise en relation
avec les découvertes de Copernic (1543) : ce n’est pas le soleil qui tourne
autour de la terre mais bien l’inverse et tout le système solaire est en
mouvement constant. Voilà donc une architecture qui elle aussi se fit l’écho
des découvertes en matière d’astronomie.
1.1.2. L’architecture Moderne
1.1. La sémantique de l’architecture Occidentale
La notion de contemporain est liée, comme nous le verrons dans l’analyse,
au temps mais aussi au lieu. Une architecture constructiviste en Afrique
même dans les années ‘20, ne saurait avoir été qualifiée de contemporaine
par un autochtone africain. C’est certes de l’architecture contemporaine russe,
mais pas africaine. Quand on parlera de contemporain il importera donc, de
bien se situer par rapport à notre société occidentale, et non par rapport à
d’autres civilisations. Cette notion, ne fut pas toujours claire pour Le
Corbusier. A Chandigârh par exemple, Le Corbusier prit sa contemporanéïté
pour universelle, et fit construire en Inde une ville certes contemporaine
pour la civilisation occidentale (celle de l’automobile) mais qui n’avait guère
de raison d’être dans une région ou 99% des habitants ne possèdent pas de
voiture et se déplacent à pied ou à vélo.
Mais revenons brièvement dans le temps, pour analyser l’architecture
“contemporaine” du XIVe et XVe siècle.
L’architecture moderne -nous le verrons au travers de plusieurs exemples- a
tenté de produire une architecture, qui caractérise ou reflète le mieux son
mode de diffusion. Au début du XXe siècle, Le Corbusier utilise sa propre
revue, pour diffuser son architecture, avec une obsession croissante pour la
pureté de ses images. N’est-il pas frappant de voir que la «Villa Savoie»
photographié aujourd’hui avec la meilleure chambre technique, par le meilleur
photographe, sur une pellicule avec un grain extra fin et une restitution très
fidèles des couleurs, ne donne pas un image aussi forte, aussi esthétique que
celle prise à l’époque par Le Corbusier, c’est-à-dire avec une pellicule à
gros grain, noir et blanc, et dont les fuyantes ne sont pas redressées par la
chambre technique? Peut-être les bâtiments de Le Corbusier ne sont-ils pas
innocemment blancs. La pellicule couleur n’était pas encore utilisée aussi
courament qu’aujourd’hui dans les média. Et c’était la couleur blanche qui
restituait le mieux les bâtiments de Le Corbusier, en photos.
Beatriz Colomina1 se pose la question de savoir si l’architecture moderne ne
serait en fait “moderne” que par son engagement avec les média de masses
c’est-à-dire avec un phénomène nouveau et très important de l’époque. Le
modernisme, n’était-il “moderne” que dans son attachement à la société
contemporaine du début du siècle, c’est-à-dire à une société de l’industrie de
masse (travail à la chaîne) et des mass-médias?
D’après Le Corbusier, penser l’architecture moderne c’est penser l’espace
et sa signification. Le Corbusier disait : “Il est en effet intéressant de penser
l’architecture, comme un système de représentations, ou plutôt une série de
représentations se chevauchant. La construction devrait être pensée en terme
de photos, d’écriture et de publicité et pas seulement parce que c’est au
travers de ces médias qu’on la découvre le plus souvent, mais parce que le
bâtiment est un mécanisme de représentation, un media en soi.” Nous
reviendrons sur cette notion d’architecture en tant que média ou médiatique.
L’architecture, ajoutait-il, “c’est plus que des bâtiments qu’on expérimente, elle
existe aussi en représentation (dessins, photos, écrits, films, publicité, ...).” La
critique conventionnelle accusait l’architecture moderne d’être un art élitaire et
non plus comme au XIX e siècle, une culture de masse. Beatriz Colomina2 explique
que l’architecture moderne n’a pu émerger que grâce à la culture du début du
siècle; à savoir ‘les mass-médias’ et ‘la société de consommation’ c’est-à-dire
une société offrant un nombre de tiré excédant les besoins de survie, et que
l’architecture moderne, est donc autant une culture de masse que les mouvements
architecturaux précédents.
L’architecture moderne est donc elle même un media de masses, et n’a en
fait rien d’élitaire. Quand l’oeuvre de Le Corbusier arrive aux Etats-Unis,
il semble que sous l’intitulé «le style international» l’architecture de Le
Corbusier ait été réduite à une question de style, et non, à une implication de
son travail dans la culture de masse, ou en tant que mass-média. Il n’empêche
que quand le MOMA (Museum of Modern Art) de New York, expose
l’architecture moderne en tant qu’oeuvre d’art, elle le fait au même titre
qu’un objet. L’exposition présente l’architecture moderne comme des objets,
comme des images d’art. Un objet de consommation, un produit de masses.
Le catalogue de l’exposition est d’ailleurs produit et distribué à un grand
nombre d´exemplaires. L’architecture en devient un produit de consommation
américain, un produit de masses perçu au travers d’un média de masse. Un
point cependant démarquait l’architecture moderne des styles précédents :
l’architecture moderne fut le premier mouvement artistique de l’histoire de
l’art à être reconnu en ayant été
perçu uniquement sur la “réalité”
photographique, plutôt que sur
l’expérience vécue. L’architecture
moderne ne fut pas moderne
uniquement parce qu’elle utilisait le
verre, le métal et le béton. Elle était
surtout moderne en embrassant les
techniques modernes des massmédias c’est-à-dire la photo, le
cinéma, la publicité, ... Le catalogue
de l’exposition a été conçu comme
une arme publicitaire, les images ont
été utilisées comme des munitions,
le texte était totalement subordonné
aux images choisies avec une grande
minutie. Des projets complets sont
concentrés dans une image
publicitaire aussi concrète que le bâtiment lui-même. N’est-elle pas
«Moderne» pour la seule raison qu’elle embrasse l’ère moderne, celle du
cinéma,
de
la
publicité
et
de
la
photographie?
Tout ceci n’a en fait que très peu de rapport avec l’espace, et donc avec
l’architecture au sens ou on le sous-entend généralement. Alors en quoi Le
Corbusier était-il moderne? Nelson Rockfeller dira en Juin 1947 à Le Corbusier,
“Vous avez changé la face de l’architecture aux Etats-Unis en 1935”. Mais Le
Corbusier en fait n’a rien changé en profondeur à l’architecture des Etats-Unis,
il n’y a d’ailleurs quasiment rien construit. La diffusion et donc la [re]connaissance
de son architecture était le fruit de
ses techniques de représentation, et
de sa façon de promouvoir
l’architecture, acquise grâce à sa
revue ‘l’Esprit Nouveau’dont nous
parlerons par la suite. Le «Style
International» était un mythe, né
grâce au déploiement massif de la
culture de masse pour l’architecture
de
l’époque.
1.1.3. L’architecture High Tech
La tour de l’ingénieur Gustave Eiffel, a fait couler bien de l’encre à l’époque. Si
beaucoup de gens ne l’aimaient pas, quasi tous admiraient la mécanique mise
en oeuvre. On était impresionné par ces machines capables de faire monter du
métal à 300m de haut et de les assembler 3. C’étaient de formidables prouesses
techniques et mécaniques.
Cette passion pour la mécanique n’a fait que s’accroître tout au long de ce
siècle, jusqu’à en arriver à une architecture qui mettait plus l’accent sur le plan
technologique que sur l’aspect spatial. Ce style fut communément qualifié de
‘High Tech’. Les premiers bâtiments High Tech, tels que Beaubourg ou la City
de Londres, coïncident avec le début de la conquête spatiale américanosoviétique. Elle se terminera d’ailleurs aussi avec un événement capital :
l’explosion en vol de la navette spatiale «space shuttle» en 1986.
Nous sommes donc en présence d’un style architectural qui reflète un aspect de
la société : les prouesses technologiques (aérospatiale ou autres).
contemporaine si elle se veut contemporaine ne doit-elle pas, elle aussi être le
reflet de son temps? De l’ère du XXIe siècle? Jean Nouvel6 pense que, “la
spécificité de l’architecture, est d’arriver à concentrer durablement et sous une
forme vivable, les valeurs culturelles d’un moment donné ou d’un âge”. Pour
Diller et Scofidio 7, “l’étude du quotidien n’est pas seulement le thème de la
sociologie, de l’anthropologie, de la philosophie, de la photographie et de l’art
plastique, elle est aussi le thème central de l’étude architecturale.” Herzog et de
Meuron8 approuveraient sans doute cette affirmation, car eux aussi pensent que
l’architecture n’est pas une discipline autonome. Pour eux, “l’architecture puise
son substrat dans d’autres activités ou objets. Elle est obligée de se référer à un
vécu, de se nourrir du quotidien car elle doit traduire la culture d’une époque en
mettant en parallèle des valeurs qui sont héritées et d’autres qui sont vécues.”
Si on interprète Jean Nouvel, Herzog et de Meuron ou encore Diller et Scofidio,
l’architecte doit traduire et amplifier les tendances de la société contemporaine.
Il doit jouer au “sismographe”. Ceux qui à l’heure actuelle sont de très bon
«sismographes», car non suelement ils analysent notre société de consommation
mais y participent activement, sont les publicistes. Il nous paraît donc important
dans le chapitre suivant de nous attarder sur le monde de la publicité.
1.2. La Phénoménologie ou l’Ontologie?
1
Le dictionnaire définit la phénoménologie, comme la description des
phénomènes 4. Une approche phénoménologique en architecture serait une
recherche du reflet de son temps à travers l’architecture. «L’architecture
phénoménologique» est une architecture qui est le reflet de l’ère contemporain.
L’ontologie est définie comme une partie de la métaphysique qui s’applique à
l’être en tant qu’être, indépendamment de ses déterminations particulières 5. Une
vision ontologique de l’architecture serait donc une vision de l’architecture se
référant à elle-même. Comment créer une architecture nouvelle et contemporaine?
Comment interpréter une architecture existante contemporaine en tenant compte
des deux visions [consciences] c’est-à-dire ontologique et phénoménologique?
Ainsi, que ce soit pour la Renaissance (reflet de la découverte de Christophe
Colomb), le Baroque (reflet de la théorie de Copernic), le Modernisme (reflet
de l’aire industrielle et d’un monde envahi par les mass-médias), ou encore le
High Tech (reflet de la conquête spatiale), ces mouvements architecturaux ont
été la matérialisation, la mise en forme, de l’ère de leurs temps. L’architecture
in ‘Privacy and Publicity; Modern architecture as Mass Media’, Beatriz
Colomina, M.I.T press; Massachusetts, 1994.
2
Ibidem.
3
Les pièces de la Tour Eiffel étaient levées à l’aide d’une grue qui se déplacait
sur la Tour, à mesure de l’avancement du chantier.
4
in Paul Robert, Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue
Française, Paris, 1977.
5
in Ibidem.
6
in El Croquis; Jean Nouvel.
7
in Naar een geniepige architectuur, Entretien avec Diller + Scofidio, Archis
du 8-96, pp45.
8
in Architecture d’aujourd’hui n°300, Herzog et de Meuron, pp40-50.
QUE
VEUT
DIRE CONTEMPORAIN,
A L’ÉPOQUE
ACTUELLE?
2. QUE VEUT DIRE
A
L’ÉPOQUE
CONTEMPORAIN,
ACTUELLE?
Répondre à cette question est bien sûr impossible, mais nous esquisserons
un nombre de phénomènes typiques, en espérant comprendre par leurs biais,
certain aspects de notre société.
D’après certains analystes politiques et économiques américains, la politique
actuelle de l’Europe, est une politique de fuite de l’avenir plutôt que de la
prévoir ou de la contrôler. Force est de constater que l’Europe injecte des
milliards dans l’agriculture (secteur secondaire) et quasi rien dans les
technologies de l’information et de la communication, c’est-à-dire le secteur
tertiaire. Parallèlement la production d’article de masses est sous-traitée à
des pays sous-développés, là où la main d’oeuvre est meilleur marché, comme
par exemple le Vietnam, l’Indonésie, ou le Bangladesh. Les conséquences se
ressentent directement sur notre marché de l’emploi avec un taux de chômage
au plus élevé. Mais pourquoi est-il tellement plus haut que chez nos voisin
Japonais et Américains, pourtant elles aussi des sociétés industrielles? Alvin
Toffler 1 donne une réponse qui sans être complète, est intéressante pour notre
analyse : Le Japon et les Etats-Unis ont des politiques beaucoup plus axées
vers le secteur tertiaire. N’est-il pas en effet inquiétant de constater que
l’Europe, alors qu’elle essaye de devenir la plus grande région industrielle,
poursuit une politique du secondaire c’est-à-dire du XXe siècle? Est-ce que
l’industrie est encore l’avenir d’une économie du XXIe siècle, c’est-à-dire
de l’ère post-industrielle?
Un autre phénomène qui risque de bouleverser notre système économique
apparaît aujourd’hui: la loi de l’offre et de la demande qui dit que la valeur
d’un produit dépend de sa rareté : l’or et le diamant sont chers, car ils sont
rares. Mais cette situation est en train de changer. Prenons par exemple la
société NETSCAPE qui produit le logiciel qui permet de naviguer [surfer] sur le
World Wide Web (WWW ). La société vaut plusieurs millions de dollars alors
que le produit n’est pas rare du tout. Au contraire, le produit vaut cher car il
est massivement utilisé, c’est donc le contraire de la loi de l’offre et de la
demande.
Dernier constat2 : De nombreux pianos achetés dans le commerce ne servent
pas et ne serviront d’ailleurs jamais, si ce n’est comme décoration dans un
living, une bibliothèque, etc. Ces pianos ne sont pas achetés pour exprimer
leur fonction en tant qu’instrument de musique, mais bien en tant que
symbole[image] exprimant que l’acheteur aime bien la musique, ou qu’il a
un niveau de vie lui permettant d’acquérir un objet onéreux. Dans la société
industrielle du début de siècle, ce genre de phénomène était relativement mal
vu. Dans notre société contemporaine, notre société de l’information, ces
pianos que personne ne touche, ont leurs raisons d’être, puisqu’ils existent
pour eux-mêmes, pour leur valeur symbolique, leur image de marque. C’est
ce que Baudrillard appelle le ‘simulacre’, qui est une forme de publicité à
l’égard d’autrui, un message de l’image qu’on a -ou que l’on veut donner- de
soi. Pour cela nous analyserons la publicité, mais aussi en général, la
consommation de produits au travers de leurs images. Images physiques,
bien sûr, mais aussi métaphysiques (l’image de soi). Nous commencerons
par Le Corbusier qui, nous le verrons, avait réussi à capter l’air de son temps
et nous analyserons la relation étroite qu’il entretenait avec le monde de
l’image et celui de la publicité. Nous concluerons avec l’analyse du passage
de notre civilisation de l’utilisation des software aux dépens des hardware.
Nous vivons en effet dans une société de plus en plus virtuelle. Avec l’Internet
[le Web] nous en sommes arrivés à acheter de l’information (élément abstrait),
que nous payons avec de l’argent virtuel, notamment par carte de crédit ou
numéro de compte bancaire (élément non moins abstrait). C’est ce qu’on
appelle aujourd’hui la «monétique». De plus en plus les choses deviennent
abstraites. Tout le phénomène des écrans y est lié. Nous ne nous déplaçons
plus, nous faisons venir les choses à nous. Nous ne percevons même plus les
choses en nous déplaçant vers elles mais bien en les approchant de nous.
C’est ce que nous faisons tous les jours en allumant la télévision et en regardant
les nouvelles. De ce point découlera une question importante pour
l’architecture qui se veut une approche phénoménologique : quel est aujourd’hui- le rôle de la fenêtre ?
Arrivé à ce point, nous analyserons les problèmes liés à l’image. Notamment
son problème d’aura. Et nous finirons cette analyse par la question :
l’architecture, à l’instar de l’image et de la publicité, est-elle un média, et si
oui, en quoi et comment?
2.1. Quelques notions relatives à l’image, la publicité et les média3
L’usage habituel du mot «image» renvoie le plus souvent à l’image médiatique
: c’est l’image envahissante, omniprésente, que l’on critique bien qu’elle
fasse partie de notre vie quotidienne. Annoncée, commentée, adulée ou
vilipendée par les médias eux-mêmes, l’image devient synonyme de télévision
et de publicité.
Cette confusion : image = publicité = télévision = média, entretient une relation
préjudiciable à la compréhension de cette analyse. La première est celle
d’assimiler support[médium] et contenu[média]. L’écran, le papier, une ligne
téléphonique ou un mur sont des supports, des médiums, c’est-à-dire des
outils de communication. Ils diffusent de l’information, un contenu, en d’autre
mots un média. La [chaîne de] télévision est un média particulier qui peut
transmettre à un moment un documentaire puis des nouvelles, elle même
interrompue par une plage de publicité, la publicité se trouve certes à la
télévision mais aussi dans les autres médias comme les journaux, les
magazines, le cinéma, etc. Elle n’est pas non plus uniquement visuelle, il
existe de la publicité radiophonique par exemple. La publicité, bien qu’elle
utilise souvent les médias pour s’exprimer reste elle-même un média à part
entière.
Une seconde confusion est celle entre image «fixe» et image «animée».
Considérer que l’image contemporaine c’est l’image médiatique et que l’image
médiatique par excellence c’est la télévision, ou la vidéo, c’est oublier que,
dans les média eux-mêmes, la photographie, la peinture, le dessin, la gravure,
la lithographie, et toutes les autres sortes de moyens d’expression visuelle,
coexistent.
Considérer que l’on est passé, avec la télévision, “de l’ère de l’art, à
celle du visionnement” comme le fait Régis Debray4 c’est prétendre
exclure l’expérience, cependant réelle, de la contemplation des images.
Contemplation des images fixes médiatiques comme les affiches, les publicités
imprimées, mais aussi les photographies de presse, la peinture, et toutes les
autres créations visuelles. Nous reviendrons sur cette notion du visionnement
avec Walter Benjamin plus loin dans l’analyse.
L’«image de soi» ou l’«image de marque», fait allusion à des opérations
mentales, individuelles ou collectives, qui visent plus l’aspect constructif et
identitaire de la représentation que son aspect visuel ou ressemblant.
2.2. La publicité5
A une époque où les catastrophes en tous genres se succèdent, où les médias
mettent en exergue d’une façon continue les malheurs du monde, seule la
publicité constitue une plage de sérénité et de paix. Elle montre des
personnages heureux, en bonne santé, sympathiques et intelligents, qui vivent
dans un paradis de la consommation, qui ne connaît ni chômage, ni baisse de
pouvoir d’achat, et où tous les rêves sont permis et possibles, y compris celui
de l’éternelle jeunesse. Ainsi, plus les gens prêtent attention à la publicité,
plus ils nient la crise et ses fondements structurels. Par là même, ils retardent
et arrivent à éviter la dure rencontre avec les réalités quotidiennes. La publicité
est devenue le symbole même et le langage d’une civilisation d’abondance
vouée à une consommation inconsciente et illimitée.
Comme l’architecture, la publicité n’est pas un art au sens où l’artiste a
d’abord pour vocation d’exprimer sa sensibilité et sa perception du monde.
L’architecture, comme la publicité, n’existe pas sans commande, sans un
programme à résoudre, d’où le fait qu’ils soient des arts appliqués. Ils ne
sont pas des arts auto-créables. Le publicitaire ne parle pas de lui, de ses
impressions, de sa vision du monde, mais d’un produit et d’une marque dont
l’image est pré-définie par une stratégie d’entreprise. En outre, il ne s’adresse
pas à lui-même ni à ses pairs, ni à ses disciples, mais à des consommateurs,
généralement très différents de lui, dont il doit respecter les désirs et le langage.
La publicité est souvent définie comme un mass-média en ce sens qu’un
média doit transmettre des significations au public à l’aide de symboles,
métaphores, figures, attributs, emblèmes, etc. En admettant cette définition
du mass-média peut-on ne pas considérer l’architecture comme un média?
Et le mur (élément architectonique), n’est-il pas un des supports médiatiques?
Nous y reviendrons par la suite.
Jaques Séguéla dit que “la publicité c’est réveiller des désirs, provoquer un
besoin, remettre en question les acquis”. Exemple la publicité pour le café
«Carte Noire» ce café nommé désir. Pour la première fois on parlait d’un
café en terme de désirs, de plaisir. Finis les critères de sélection antérieurs
tels que l’arôme, le grain, etc. N’est-ce pas tout comme l’architecture, revoir
les a priori, les acquis, et prévoir l’avenir?
Le publiciste est un sismographe, en ce sens qu’il analyse les désirss et les
tendances de la société. Mais en plus de les analyser, il amplifie ces
phénomènes. Par conséquent, analyser et comprendre le travail, et les
tendances du monde publicitaire n’est pas sans intérêt pour l’architecte dont
les démarches se veulent phénoménologiques.
Notre société est une société de consommation de produits, mais aussi
d’images. La publicité est un des éléments majeurs de ce phénomène. Elle
est le moteur qui nous pousse à acheter toujours plus. Elle provoque le besoin
de consommer et l’image est un des éléments forts de cette provocation à
l’achat, tant l’image physique que l’image métaphysique, c’est-à-dire
«l’image de soi». Le Corbusier avait très bien compris ces derniers points, il
utilisera d’ailleurs massivement les techniques publicitaires afin de diffuser
son architecture.
2.2.1. [Nom] -Le Corbusier-, [Profession] -PublicisteLa revue «l’Esprit Nouveau», avec Le Corbusier comme responsable de
l’administration et de la finance et Amédée Ozenfant et Paul Dernée comme
coéditeurs, fut très largement financée par la publicité.
Le Corbusier, retravaillait/truquait beaucoup ses photos (gommage, ajout,
recadrage, etc.) pour sa revue en amalgamant parfois publicité et reportage
d’architecture. Le Corbusier utilisait une publicité pour un produit, pour faire
sa propre publicité comme par exemple pour les produits «Euboolith» publié
dans un numéro de l’almanach de l’architecture moderne en 1925.
Le Corbusier, soucieux de l’aspect esthétique de ses photos, les retravaille,
les recadre jusqu’à en faire des “oeuvres d’art” en soi. Dans une publicité
pour sa revue il dit : “Ce livre puise son éloquence dans les moyens
nouveaux. Ces magnifiques illustrations tiennent, à coté du texte, un
discours parallèle d’une grande puissance. Cette nouvelle conception du
livre permet à l’auteur d’éviter les phrases, les descriptions impuissantes;
les faits éclatent sous les yeux du lecteur par la force des images”.
Le Corbusier gardait toutes les images qui visuellement le touchait :
publicités, photos, cartes postales, livres d’école illustrés, journaux
illustrés, ... Dans l’Esprit Nouveau, il juxtapose constamment texte et
images. Il y a beaucoup de publicités6 pour des articles modernes et des
produits de masses, et il
va même jusqu’à
imaginer et présenter
l’architecture comme un
produit de masse.
Dans sa revue Le
Corbusier utilise les
images publicitaires,
comme des «ready made». Il écrira à ce propos dans ‘Vers une architecture’
: “A chaque moment, que ce soit directement ou bien au travers
de médium tels les journaux et les revues, nous sommes présentés
avec des objets d’une nouveauté évidente. Tous ces objets,
incarnation de la modernité, créent à long terme, un état
d’esprit, une impression elle aussi moderne .” Même si Le
Corbusier tente ici de nous faire croire qu’il est en fait un élément
passif dans cette façon de voir l’architecture, il utilise et contribue à
la propagation de cette technique. Son architecture est souvent
découverte en arrière plan de voitures comme par exemple une
Citroën décapotable, très enviées et interprêtées comme la modernité
par le public de l’époque. Il utilise les techniques de publicité dans
ses photos d’architecture, et associe dans l’inconscient des gens la
voiture de l’homme moderne et la modernité de ses bâtiments. Ceci
explique comment l’architecture de Le Corbusier -et de façon plus
ou moins générale, tout le mouvement moderne- est arrivé à être une
architecture de l’image, basée sur la “réalité” photographique.
Une fenêtre comme une photographie est avant tout un cadrage d’une
vue plus vaste. Et Le Corbusier en arrive tout naturellement à une
architecture d’image dans laquelle la fenêtre est considérée comme
écran ou comme une photo 7.
Aujourd’hui, après une décennie de gloire un grands nombre de
réalisateurs de cinéma comme Francis Ford Coppola, Wim Wenders
ou encore David Lynch, se sont tournés vers les spots publicitaires.
Wim Wenders à propos de la publicité disait : “C’est important d’en
faire et de savoir comment c’est fait.”
L’architecte d’aujourd’hui, tout comme celui d’hier (Le Corbusier)
ne doit-il pas connaître et comprendre les mécanismes publicitaires?
Que ce soit pour les appliquer ou les contrer, qu’il les utilise à son
égard ou celui de ses bâtiment, ou encore pour convaincre un client.
Le Corbusier l’avait très bien compris, comprendre la publicité c’est
comprendre l’air du temps.
2.2.2. De la société industrielle et ses produits à la société postindustrielle et ses images
Aujourd’hui la préoccupation générale n’est plus la masse, comme au temps
de l’avènement de l’automobile, mais l’individu8. La culture de l’identique a
fait place à la culture de la différence. D’autre part quand nous achetons un
produit plutôt qu’un autre, le mobile d’achat est plus profond que la simple
consommation du produit. Le produit a, à nos yeux, d’autres valeurs. Quand
nous achetons un produit nous ne nous satisfaisons plus comme nos grand
parents, du nom du produit et de son contenu ou ses ingrédients. En choisissant
une compagnie aérienne, on aime à croire [savoir] que ses dirigeants sont
des ex-pilotes; amoureux de l’aviation plutôt que des businessemen en quête
d’une réduction des coûts, ou d’une augmentation de la marge bénéficiaire
de la société. Les entreprises actuelles vendent non seulement un produit,
mais elles se vendent elles mêmes : on vend ce que l’on est, on vend une
‘image’. Trois exemples récents : Le thon «Dolphin Safe» qui protège les
dauphins, les produits «Body Shop» qui ne teste pas ses produits sur les
animaux et enfin les étiquettes, dans le milieu du prêt à porter en france, qui
déclare que la société n’emploit pas des mineurs dans ses usines (même celle
délocalisées
dans
les
pays
du
tiers
monde).
En achetant un produit, on achète donc une image, l’image qu’a le produit à
nos yeux ou qu’on aimerait faire passer de nous aux yeux des autres. Quelle
que soit le motif, cette image on la veut proche de «l’image de soi» (ou
l’image qu’on aimerait avoir de soi). C’est pour cette raison que la publicité
est tellement “dans le coup”, “in”, avec l’air du temps. Elle doit refléter des
images auxquelles les gens veulent s’associer, s’assimiler, et dont ils
s’imprègnent. La société LEVI’S a commencé par faire porter ses produit par
des mannequins, ils ne vantaient plus les mérites de leur produit par rapport
à celui de la concurrence -en effet tous les jeans ont 2 pipes et 4 poches- mais
ils ont commencé à vendre, avec leur produit, un style de vie, une image
(métaphysique).
Les magasins ‘ÉQUIPEMENT ’ à Londres vendent des chemises qui ne se
différencient guère des autres chemises, mais dans un espace de vente très
minimal et très luxueux, la chemise prend une autre valeur, elle devient une
pièce de collection exposée au même titre qu’une oeuvre d’art dans un musée.
L’espace de vente contribue à l’image de marque du produit.
Quant à la société ‘ESPRIT ’ elle procède à une politique du cas par cas, qui consiste
a faire appel, pour chaque point de vente, à un ou des architecte[s] de renommée
internationale, l’architecture y est traitée comme une technique de communication
au même titre que la publicité. Pour D. Tomkins, patron de la société ‘ ESPRIT’ : “si
on veut développer une image cohérente et perceptible, on doit créer une sensibilité
autour du produit, parce qu’on ne vend pas seulement un produit physique.
L’architecture crée en quelque sorte l’ambiance en accord avec le produit et tous
les éléments qui s’y rapportent, comme les étiquettes, le mobilier, le packaging,
l’ambiance de vente, etc.”. L’espace, et donc l’architecture, semble un des points
forts de la politique d’image de marque préconisée. L’architecture du magasin
joue un rôle , à savoir celui de “media” qui communique au même titre qu’une
campagne publicitaire. Aujourd’hui tout ce vend, depuis le mode de fabrication au
packaging,
en
passant
par
l’espace
de
vente.
2.3. Les images
Les années ‘70 étaient les années de la musique. Si on demande de citer une
personnalité importante de cette décennie, les gens citaient volontiers Jimi Hendrix,
Frank Zappa, les Bee Gees, etc. Au cours des années ‘80, c’était plutôt Hollywood
qui était à l’honneur, les personnalités [idole] de l’époque étaient Richard Gere,
Sylvester Stalone, Steven Spielberg, etc. Aujourd’hui de nouveaux noms nous
viennent à l’esprit, d’autre gens sontles idoles des jeunes, comme Claudia Schiffer,
Elle Mc Pherson, Linda Evangelista, Pamela Anderson, Naomie Campbell, etc.
Nous sommes en 1997 en plein dans la décennie de la «fashion industry».
Dans les années ‘70 c’étaient les stars de la musique qui ouvraient des cafés et des
boites, par exemple les ‘HARD ROCK CAFÉ’. Dans les années ‘80 de nombreux
endroits mondains étaient la propriété de stars d’Hollywood ou avaient pour thème
le cinéma. Aujourd’hui les premiers restaurants et cafés tenus par des Top models
ont vu le jour : à New York, le ‘ FASHION CAFÉ’, est tenu par -entre autres- Elle Mc
Pherson et Naomie Campbell. Dans ce restaurant, comme dans de nombreux
restaurants aux Etats-Unis, les écrans de télé sont présent un peu partout, cela fait
partie de l’omniprésence de l’image dans notre société. Dans un restaurant tenu
par un top model cela prend tout son sens ; en effet, la mode est un phénomène de
société basé exclusivement sur l’image, le look, et l’écran de télévision est un
médium qui véhicule, diffuse et propage parfaitement cela.
2.3.1. L’histoire et les pouvoirs de l’image 9
Nous nous rappelons parfois de manière plus ou moins confuse que “Dieu
créa l’homme à son image”. Ce terme d’image, fondateur ici, n’évoque
pas une représentation visuelle, mais une ressemblance. L’homme-image
d’une perfection absolue, pour la culture judéo-chrétienne, rejoint le
monde visible de Platon, ombre, ‘image’ du monde idéal et intelligible,
aux fondements de la philosophie occidentale. Du mythe de la Caverne
à la Bible, nous avons appris que nous sommes nous-mêmes des
images, des êtres ressemblant au Beau, au Bien et au Sacré.
Notre enfance nous a aussi appris que nous pouvions être “sages comme
des images”. L’image, alors, c’est précisément ce qui ne bouge pas, ce
qui reste en place, qui ne parle pas. Nous voici, loin de la télévision
mais proche des livres d’images, les premiers livres pour enfants, où
l’on apprend parallèlement à parler et à reconnaître les formes et les
couleurs, et tous les noms d’animaux. Ces livres d’images ont bercé notre
enfance dans des moments de repos et de rêve. “A quoi sert un livre
sans images ?”, demande Alice 10
Ces quelques exemples illustrent que l’image vient de loin, qu’elle n’a
pas surgi là, maintenant avec la télévision et la publicité, que nous avons
appris à associer le terme «d’image» à des notions complexes et
contradictoires, allant de la sagesse au divertissement, de l’immobilité
au mouvement, de la religion à la distraction, de l’illustration à la
ressemblance, etc. Nous avons pu nous en apercevoir dans notre langage
et ses expressions; reflet et produit de toute notre histoire.
De quel coté que l’on se tourne, il y de l’image. Partout sur notre planète,
depuis les temps les plus anciens jusqu’à aujourd’hui, l’homme a laissé
les traces de ses facultés imaginatives sous forme de dessins sur les
rochers, les murs, les grottes, etc. Ces dessins étaient destinés à
communiquer des messages, et nombre d’entre eux ont constitué ce que
l’on a appelé «les avant-courrier de l’écriture». Ils utilisaient des procédés
de description-représentation qui ne retenaient qu’un développement
schématique de la représentation des choses réelles. Qualifiées de
«Pétrogrammes» quand elles sont dessinées ou peintes, et de
«Pétroglyphes», quand elles sont gravées ou taillées, ces figures
représentent les premiers moyens de la communication humaine. On les
considère comme des images dans la mesure où elles imitent, en les
schématisant visuellement, les personnes et les objets du monde réel.
Certains pensent que ces premières images pouvaient être liées avec la
magie et la religion.
Les religions judéo-chrétiennes, quant à elles ont également un rapport
direct avec les images. Non seulement parce que les représentations
religieuses sont massivement présentes dans l’histoire de l’art occidental,
mais, plus profondément, parce que la notion de l’image, ainsi que son
statut, représentent un aspect clé de la question religieuse. L’interdiction
faite dans la Bible (3e commandement), désignait l’image comme
statue et comme Dieu. Une religion monothéiste se devait donc de
combattre les images, c’est-à-dire les autres Dieux. La question peutêtre posée de savoir si notre soif contemporaine d’images n’est pas liée
à une pertes de conviction religieuses? Répondre à cette question, c’est
nous entraîner dans une psychanalyse de notre société, et cela nous
éloignerait de notre sujet.
La “Querelle des images” qui a secoué l’Occident du IVe au VIIe
siècle de notre ère, en opposant iconophiles et iconoclastes, est
l’exemple le plus manifeste de ce questionnement sur la nature divine
ou non de l’image. Plus près de nous, à la Renaissance, la séparation de
la représentation religieuse et de la représentation profane sera à l’origine
de l’apparition des genres picturaux. Même aboli, l’iconoclasme byzantin
a influencé l’histoire de la peinture occidentale.
Outil de communication, divinité, l’image ressemble ou se confond avec
ce qu’elle représente. Visuellement imitatrice elle peut tromper comme
éduquer. Reflet, elle peut conduire vers la connaissance. La survie, le
sacré, la mort, le savoir, la vérité et l’art, tels sont les champs auxquels
le simple terme d’image nous rattache. Consciente ou non, cette histoire
nous a constitués et nous invite à approcher l’image d’une manière
complexe, à lui attribuer spontanément des pouvoirs magiques, liée à
tous nos grands mythes.
“Une image vaut mille mots” disait Mao Tse-Toung.
2.3.2. La fenêtre en longueur de Le Corbusier
Pour Le Corbusier, ce sont les vues vers l’extérieur de ses bâtiments qui en
définissent l’espace. Ces espaces ne sont pas composés de murs mais d’images.
Des images, comme mur, ou comme il le disait “des murs de lumière”. Les
murs qui définissent l’espace ne sont plus des murs solides ponctués de petites
fenêtres, mais ils sont dématerialisés, affinés par de nouvelles techniques
comme le plan libre, et remplacés par la fenêtre en longueur (grâce à une
façade libre) dont les vues définissent l’espace. Les mur opaques flottent
dans l’espace au lieu de le produire. “La fenêtre n’est plus un trou dans le
mur, mais elle l’a remplacé”. Et si, comme le soulignait Rasmussen, “le mur
donne l’impression d’être fait de papier”, la fenêtre en longueur de Le
Corbusier est un papier peint avec comme motif une image, une photo, une
vue.
Pour Le Corbusier la maison est un outil pour voir le monde, un mécanisme
produisant des vues. “Aujourd’hui, la façade n’est plus contrainte par les
anciennes techniques, de porter le bâtiment, et peut remplir sa vraie destinée,
fournir de la lumière.... De là, découle la vraie définition de la maison : des
plans libres empilés, et autour d’eux, des «murs de lumières». Désormais
l’idée même de fenêtre sera modifiée. Jusqu’à présent la fonction de la fenêtre
était de fournir de la lumière et de l’air et de voir au travers. Je n’en retiendrai
qu’une seule de ces fonctions : désormais la fenêtre sert à voir au travers.”
La transformation de la maison moderne est de produire un espace défini par
des images. Cette façon de voir l’architecture en arrive à modifier le sens de
ses espaces. Le plus évident c’est la façon de penser la fenêtre. Une fenêtre,
c’est comme une photo, avant tout un cadrage d’une vue plus globale.
La fenêtre en longueur de Le Corbusier, ainsi que ses photographies du
Panthéon, dérangent les architectes les plus conservateurs, car elles découpent
et recadrent seulement une partie d’un paysage plus vaste. Le Corbusier,
modifie son espace de par son obsession pour l’image. Il était en désaccord
sur ce sujet avec Auguste Perret, qui disait que la fenêtre classique ‘portefenêtre’ reproduisait le mieux l’impression d’espace complet parce qu’elle
permettait une vue depuis la rue jusqu’au ciel en passant par le jardin. “Elle
donne ainsi une meilleur impression de profondeur et de perspective. Par
contre le fenêtre horizontale (fenêtre en longueur de Le
Corbusier) diminue, dévalorise cette appréciation de l’espace en perspective.”
Il ajoutait même “cette fenêtre en longueur, élimine ce que le paysage a de plus
beau, la ligne d’horizon qui donne l’illusion de profondeur à l’image. Le paysage
reste mais il donne l’impression d’être plan, de se coller à la fenêtre”. Cette
critique démontre clairement que la fenêtre en longueur de Le Corbusier
appartient à l’espace photographique. Par une démonstration qu’il qualifie lui
même de «preuve scientifique», il démontre l’avantage de sa fenêtre en longueur.
La science de Le Corbusier étant la photographie, il déclare à Adolf Loos que
“Dans deux volumes égaux, une plaque de photo, illuminée par une fenêtre en
longueur, nécessite une exposition 4 fois inférieure à celle d’une plaque illuminée
par 2 fenêtres portes”.
D’après Beatriz Colomina11 , avec la modernité, la fenêtre cesse d’être
simplement une frontière entre intérieur et extérieur. Il y a une transformation
de la relation entre espace public et espace privé grâce aux technologies
modernes de communication : journaux, téléphones, radios, films et chaîne de
télévision. Cela ne saurait aujourd’hui que s’amplifier et se propager à une
échelle planétaire, celle dite du ‘Global Village’ avec les réseaux informatiques
et Internet 12 .
Adolf Loos cadrait lui aussi des scènes, des images de vie, mais à l’inverse de
Le Corbusier, des scènes à partir de et vers; l’intérieur de la maison. Il cadrait
des pièces les unes par rapport aux autres, qui n’avaient pas de contact physique
entre elles . Par exemple, dans la «Möller House», la salle à manger et la chambre
de musique se voient de l’une vers l’autre mais le contact physique direct entre
les deux pièces est impossible. Le contact visuel et non physique, se retrouve
souvent dans l’architecture de Adolf Loos; il jouait donc lui aussi avec les
images, des images d’autres pièces de la maison.
Sur les photos de l’architecture de Le Corbusier, à l’inverse de celles de Loos,
les fenêtres ne sont jamais recouvertes de rideaux. La vue vers l’extérieur est
toujours très marquée, même parfois prédominante, comme si la maison était
là que pour cadrer des vues vers l’extérieur. Une série de cadrages qui, en se
déplaçant dans la maison, changent en permanence pour créer un enchaînement
d’images, c’est-à-dire une production cinématographique, qualifié par Le
Corbusier de «promenade architecturale», et qui, nous le comprenons mieux
maintenant, n’est rien d’autre qu’un film de cinéma.
En 1918, Le Corbusier perdit la vue de son oeil gauche13 . Est-ce la
raison pour laquelle il vit tant de choses en termes d’images, de deux
dimensions. Ayant perdu la notion de profondeur, l’espace devait lui
paraître très plat. Il n’est dès lors pas étonnant qu’il déclare que
“l’architecture est le jeu magnifique des volumes assemblés sous la
lumière”. Sans doute qu’en l’absence de lumière et donc d’ombres, il
ne pouvait percevoir les volumes, et donc l’architecture. Ceci peut mener
à remettre en question la défintion de l’architecture de Le Corbusier
comme étant un jeu de volumes, assemblés sous une lumière.
Dans “La chambre à ciel ouvert”14 , Le Corbusier pousse plus loin son
idée de limites entre intérieur et extérieur. Le périscope au dessus de la
maison, permet de projeter des images de la ville de Paris vers l’intérieur
de la maison.
Le Corbusier, à propos de la ‘petite maison’ construite aux bords du lac de
Genève15 écrit : “Je savais que la région où l’on voulait construire comportait
de 10 à 15 kilomètres de coteaux bordant le lac. Un point fixe : le lac; un
autre, la vue magnifique, frontal; un autre, le sud, frontal également. Fallaitil d’abord rechercher le terrain et faire le plan d’après le terrain? Telle est la
méthode courante. J’ai pensé qu’il valait mieux faire un plan exact,
idéalement conforme à l’usage qu’on en espérait, déterminé par les trois
facteurs déjà énoncés. Ceci fait partir, plan en poche, à la recherche d’un
terrain avantageux.”. Terrain qui serait choisi en fonction des vues possibles.
Si Le Corbusier avait pu disposer d’écrans vidéo comme fenêtres, peut-être
aurait-il placé la maison vraiment n’importe où. Le Corbusier disait “La
clef de l’habitation moderne c’est d’habiter ... se placer ensuite.”. Le
Corbusier parlant de la “petite maison” de 1923 disait 16 ; “Je suis monté
plusieurs fois à bord de l’Orient Express ‘Paris-Ankara’, avec dans ma poche
le plan d’une maison”. Le Corbusier se promenait donc avec un plan en
poche, pour une maison dont il ne connaissait pas encore le site. Une fois
encore, nous avons à faire ici à une construction, conçue pour cadrer des
vues pas encore définies lors de l’élaboration des plans. La maison est un
outil d’apprivoisement de vues et d’images. C’est la domestication du paysage
qui fait de l’espace un habitat.
La maison est un cadre pour un paysage/une vue , et la fenêtre un
écran géant. Dans la ‘ville radieuse’ ses croquis sont très évocateurs
en cela que les maisons sont des cellules avec une seule vue. Tout ce
que Le Corbusier tente d’explique17r, c’est que la modernité réside
dans la communication de masses, et les nouveaux médiums tels que
le téléphone, la radio, la télévision, etc.
L’architecture
moderne aurait-elle
été moderne si elle ne
s’était pas engagée
avec les médias de
masses des temps
modernes?
2.3.3. Télépolis ou le renversement du rôle de la fenêtre
La fenêtre, dans l’architecture occidentale, implique une relation entre intérieur
et extérieur, entre espace privé et espace public. Or, de nos jours l’espace public
n’existe plus, la vraie place publique c’est le Journal Télévisé de 19h30 ou de
20h00. Nous ne percevons plus le monde qui nous entoure, par la fenêtre.
N’assiste-t-on pas à une remise en question du rôle, du statut et de la fonction de
la fenêtre? Le phénomène ira encore en s’amplifiant avec le télétravail18 et
l’Internet. Dans dix ans, qu’est ce qui ne se découvrira pas au travers d’un
écran?
Nous pouvons avoir une vue d’une métropole depuis un avion, nous pouvons
utiliser des moyens de représentations graphiques pour voir les noyaux urbains
(plans, cartes, photographies), afin de nous représenter une image de cette
métropole. Mais comment représenter le stade qui regardait les J.O. de Barcelone
ou ceux d’Atlanta, sur leurs petits écrans? Comment faire pour avoir une image
de la tour de contrôle par laquelle des millions de gens ont suivi la Guerre du
Golfe sur CNN? Cela nous est impossible car le monde actuel ne se comprend
[perçoit] plus au travers de la fenêtre mais au travers d’autres médiums, comme
par exemple les écrans en tous genres.
Nous ne pouvons nous représenter ces espaces par les moyens classiques car
ces espaces sont virtuels. Ces espaces virtuels nous l’appellerons «Télépolis 19 »
ou «Global City». A télépolis, comme dans les villes actuelles, où nous avons
besoin de fenêtres, de portes et de rues qui nous permettent de sortir de nos
espaces confinés, nous aurons aussi besoin de portes et de fenêtres afin de relier
nos espaces physiques d’aujourd’hui aux espaces virtuels. Le téléphone,
l’ordinateur et la télévision peuvent être assimilés à ces portes, ces fenêtres qui
nous mettent en contact avec n’importe quel point sur terre. Il est fort probable
que dans un avenir proche, les autoroutes de l’information passeront dans nos
foyers, et généreront des espaces publics (des agora virtuels) au coeur même de
nos espaces privés actuels. Ne sommes nous pas ici dans un domaine proche des
préoccupations de l’architecte de demain. Que voudra dire, une porte, une fenêtre,
un mur? Où se situeront les limites entre les espaces privés et les espaces publics?
Telles sont les questions auxquelles il faudra répondre demain.
Lewis Mumford écrivait en 1932, à propos de l’habitat dans le catalogue original
de l’exposition, «Modern Architecture : International Exhibition», au MOMA
de New York: “..., ce n’est que récemment que nous avons commencé à améliorer
notre environnement domestique par les sciences et les techniques acquises tout
au long de notre histoire. ... Avec le retour des divertissements dans nos foyers,
par les inventions techniques telles que le phonographe, les images animées et
dans un futur, la télévision, la maison aura retrouvé son attrait du passé. Et plus
de temps que jamais sera consacré dans nos maisons.” Cette affirmation, s’avère
être une prophétie assez juste. Ce phénomène s’est amplifié tout au long du XX e
siècle.
Les fenêtres et les balcons étaient utiles dans le passé lorsque le monde se
découvrait par leur canal. Aujourd’hui la fenêtre sur le monde -comme nous
venons de le voir-, c’est la télévision, les écrans en tous genres. Par le biais des
satellites et du réseau mondial des câbles et des bandes d’images, les cameras
omniprésentes, peuvent faire pénétrer [projeter] en n’importe quel endroit, la
lumière et le son provenant d’un autre endroit, par exemple le coucher du soleil
sur le Grand Canyon et ce, en temps réel. Le monde du Software (travaux virtuels,
télécommunications et intelligence artificielle) remplace celui du Hardware
(voitures, autoroutes et machines mécaniques en tous genres). Les
télécommunications rendent les déplacements physiques de moins en moins
nécessaires, d’où l’interêt à analyser après le problème de l’aura, le télétravail,
et ses conséquences pour l’architecture à venir.
2.3.4. Le problème de l’aura
Nous arrivons ici à un stade dans l’analyse qui pour l’architecte peut poser
quelques problèmes éthiques. Rares sont en effet les architectes qui proposeront
et donc justifieront des vues vers l’extérieur qui soit uniquement virtuelles. L’écran
vidéo peut certes apporter beaucoup d’éléments positifs, mais il subsistera
toujours un problème majeur : ‘l’aura’, c’est-à-dire l’ambiance du lieu réel, une
réalité physique et non virtuelle. Certains philosophes du début du siècle se sont
déjà penchés sur le problème de l’aura à propos de la photographie. Cette question
garde toutefois toute son actualité avec la télévision, le cinéma et certainement;
les images de synthèse.
Il est intéressant de reproduire ici un résumé [exhaustif] de l’essai de Walter
Benjamin : “The work of art in the age of mechanical reproduction”20.Walter
Benjamin est un des grands penseurs philosophiques qui a influencé de nombreux
artistes dont nous analyserons les oeuvres par la suite.
Walter Benjamin se pose des questions quant à la valeur d’une oeuvre d’art à
l’âge [l’ère] de sa reproductibilité mécanique, à savoir le cinéma et la
photographie.
IV. Nous savons que les premières oeuvres sont toutes originaires d’une utilisation
rituelle, d’abord magique puis religieuse. Force est de constater que l’existence de
l’objet en se référant à son aura n’est jamais très éloignée de sa fonction rituelle. En
d’autres mots, l’unique valeur “authentique” de l’objet réside dans son utilisation
rituelle 23. L’utilisation rituelle, aussi lointaine soit elle, est toujours énonçable, même
dans sa forme la plus profane comme celui du culte de la beauté, développé au cours
de la Renaissance et qui prédomina pendant trois siècles.
V. à XII sont de moindre importance dans le cadre de cette étude.
I. Tous les objets façonnés par l’homme ont toujours su être imités par l’homme.
Les Grecs savaient reproduire de façon mécanique des pièces de monnaies, des
pots en bronze et en terre cuite. Au début du XIXe siècle la lithographie fit son
apparition. Avec la lithographie on avait atteint un stade essentiel dans la
reproduction mécanique. A peine quelques décennies plus tard la photographie
entrait dans l’histoire de la reproduction mécanique. L’oeil perçoit les choses de
façon plus rapide et plus pointue qu’une main ne peut les dessiner. Le processus
de reproduction picturale fut donc tellement accéléré qu’il put tenir le rythme
d’un discours. C’est ainsi que, autant la lithographie a induit la presse illustrée,
autant la photographie a façonné le cinéma.
II. Même la plus parfaite reproduction d’une oeuvre d’art aura toujours un élément
qui lui manquera : sa présence dans le temps et l’espace, cette unique existence
à l’endroit ou l’oeuvre a existé. Cette existence unique de l’oeuvre d’art lui
confère une histoire au travers de laquelle l’objet ‘fut’. La présence de l’original
est indispensable au concept d’authenticité. Dans la photographie et son mode
de reproduction, on peut faire apparaître des aspects de l’original qui sont
invisibles à l’oeil nu, et qui, pour un objectif où l’on choisit son angle, ne le sont
plus. La reproduction photographique, avec l’aide de certains procédés, comme
l’agrandissement ou le ralenti, peut voir des images qui échappent à la vision
naturelle. La reproduction mécanique peut ne pas être une atteinte à l’objet d’art
lui même, mais une dépréciation de l’original sera souvent ressentie. Ce qui se
fane avec l’ère de la reproduction mécanique c’est «l’aura», l’ambiance de
l’oeuvre d’art 21 .
III. L’attrait pour l’image réside dans un double phénomène : (1) le désir des
masses contemporaines 22 de se «rapprocher» spatialement et humainement des
choses, et (2) le vice de vouloir surpasser l’unicité de toute réalité en acceptant
sa reproduction.
XIII. Par des close-up, c’est-à-dire en focalisant sur des détails cachés d’objets
familiers, en explorant des lieux banals sous l’oeil de l’appareil de photo, nous
comprenons mieux les choses essentielles qui nous entourent. Nos tavernes et nos
ruelles métropolitaines, nos bureaux et nos pièces meublées, nos gares et nos usines
semblent nous avoir désespérément enfermés. Ensuite vint le film et nous délivra de
ces prisons 24 afin que nous puissions voyager au travers de l’écran.
Avec le close-up, l’espace s’étend, avec le ralenti, le mouvement se prolonge.
De façon évidente un nouveau monde s’ouvre à nos yeux par le biais de la
camera, car un espace pénétré inconsciemment est substitué par un espace exploré
de façon consciente.
XIV. Le tableau invite le spectateur à la contemplation, il laisse le spectateur
s’abandonner à ses interprétations, alors que devant l’écran de cinéma, à peine
l’oeil a-t-il saisi la scène qu’elle s’est déjà transformée. La scène ne peut être
arrêtée. Duhamel qui déteste le film et ne comprend rien à sa signification, écrit
: “Je ne peux plus penser ce que je veux penser, mes idées ont été remplacées
par des images en mouvement.»
XV. Duhamel qualifie le cinéma de «passe-temps», de «divertissement» pour
personnes non-éduquées, pour créatures lassées par leurs soucis quotidiens, un
spectacle qui ne nécessite aucune «concentration» et ne présuppose aucune
intelligence de la part du récepteur. Ce spectacle ne mène à rien, il n’éveille rien,
sinon l’aspiration ridicule d’un jour peut-être devenir une ‘star’ à Hollywood.”
Autrement dit, le cinéma est un divertissement populaire, destiné au
prolétariat25, et n’est en rien un art qui, lui, suppose une concentration,
une
connaissance
de
la
part
du
récepteur.
Le divertissement et la concentration forment deux pôles opposés qui
peuvent être qualifiés comme suit : un homme se «concentrant» devant
une oeuvre d’art est absorbé par l’oeuvre, par contre, la masse 26
«divertie» absorbe l’oeuvre. Les bâtiments en sont une bonne
illustration : l’architecture a en effet toujours représenté le prototype
de l’oeuvre d’art. L’acceptation de celle-ci est ressenti par la
collectivité dans un état de divertissement. Cette acceptation de
l’architecture en tant qu’art par la masse est très significative. Les
bâtiments ont toujours été les compagnons de l’homme. Au cours des
siècles, beaucoup de formes d’art se sont développées, mais beaucoup
aussi sont mortes. Le besoin de refuge, lui, est toujours resté.
L’architecture n’a jamais été inutile. Son histoire est plus ancienne
que celle de n’importe quelle autre forme d’art. Et son concept de
‘force vivante’ est clair dans la relation quelle a toujours entretenue
avec la masse. Les édifices sont doublement appropriés : par leur
utilité (fonctionalité) et par leur perception, autrement dit, le toucher
et la vue. Sur le plan tactile, il n’y a pas de contrepartie a la
contemplation visuelle. L’apprivoisement tactile se fait plus par
habitude que par réception visuelle.
La personne divertie peut elle aussi se former des habitudes, des
reconnaissances. La capacité à gérer certaines tâches dans un état de
divertissement prouve que la solution à cette tâche est devenue une
habitude. Comme les gens tentent de fuir ce genre de tâches, l’art va
se détourner vers où il est susceptible de mobiliser la masse.
Aujourd’hui, il le fait avec le cinéma qui met le public en position
d’un critique. Le public est un examinateur, un critique mais qui ne
doit pas prêter attention à ce qu’il regarde. Cela n’empêche toutefois
pas que le cinéma soit reconnu par la masse comme un art à part
entière.
Résumé et interprétations par rapport au sujet qui nous intéresse plus
particulièrement, à savoir l’utilisation de l’image -fixe ou animéeen architecture :
Selon Walter Benjamin, l’image doit être utilisée pour montrer des
choses qui ne seraient pas vues à l’oeil nu soit parce qu’elles ont lieu
trop vite soit trop lentement, soit à un autre moment. En admettant
que l’utilisation des images est intéressante dans la mesure ou elles
peuvent nous faire voir des choses qui avec la vision naturelle
(humaine) ne seraient pas visibles, on pourrait en déduire que le
coucher du soleil sur le Grand Canyon n’est pas visionnable pour une
raison de proximité. Et cela aurait la même valeur que quelque chose
qui aurait par exemple lieu trop vite ou trop lentement pour être vu à
l’oeil nu.
Le regard naturel est inconscient, c’est-à-dire automatique, instinctif,
machinal, voire spontané; par contre le regard au travers d’un écran,
est conscient. Peut-on dès lors affirmer que, regarder un espace au
travers d’un écran nous amène à le voir autrement, ne fut-ce que parce
que le regard est un regard conscient? A titre d’exemple : certain
parcs nationaux en Amérique du Nord, ont comme projet d’installer
des écrans géants et circulaires aux entrées des parcs, qui
projetteraient des images de l’attraction qui fait l’objet du
déplacement. Ces visiteurs pourraient ainsi s’abstenir d’entrer dans
le parc, se contentant de voir les chutes de Niagara sur un écran géant.
Si nous admettons ce pouvoir de l’écran, c’est-à-dire de voir autrement
et qu’on accepte le fait que voir autrement est une information, alors,
l’image -et ce de façon générale- est un média. La question se pose
alors de savoir si inclure des images en tant qu’élément d’architecture
en ferait une architecture médiatique, un média à part entière?
2.4. Les Médias
Imaginons que vous alliez, avec 500 autres personnes, manifester sur la Grand
Place à Bruxelles, la place Saint Marc à Venise, ou encore place de la Bastille
à Paris. Tout y est : les gens, les banderoles, les mégaphones, les voitures, les
forces de l’ordre, etc.. Tout sauf les médias. Votre manifestation aura-t-elle
un poids, une valeur, si aucun média n’est présent pour couvrir la
manifestation? Il est fort probable que non. Force est de constater
qu’aujourd’hui pour qu’un événement existe, il faut qu’il y ait la télévision
(ou un autre média). Un fait divers qui ne passe pas dans un média n’existe
pas. N’assistons nous pas avec cet exemples, à un discrédit de l’espace public
contemporain?
Pourquoi parle-t-on aujourd’hui beaucoup d’Internet? N’est-ce pas parce que
nous assistons à la naissance d’un nouveau média, plus puissant que tout ses
prédécesseurs, ce fameux «multimédia», qui inclut à la fois le son, l’image et
texte. Est-ce parce que les gens sont conscients à la fois de sa puissance, et
de son accès excessivement simple, et qu’il peut donc être installé rapidement
partout? C’est vrai que l’ordinateur est déjà présent dans de nombreux foyers,
et qu’il suffit d’un modem pour se brancher sur le «Net» ou «le Réseau» (le
World Wide Web). Ou est-ce parce que les gens ne sortiront plus de chez
eux, comme pensent certains pessimistes? Ou encore, est-ce parce que même
si Internet ne résoudra pas le problème du discrédit de l’espace public, on
sent bien qu’il pourrait l’influencer ou même le changer?
Pourquoi, en effet, le Web n’envahirait-il pas aussi l’espace public? Pourquoi
la télématique ne prendrait-elle qu’une seule direction : celle de rendre
les gens passifs, de les transformer en milliers de récepteurs à l’écoute,
ou au regard, de quelques émetteurs privilégiés? A l’instar de la
télévision et de la radio, les autoroutes de l’information et Internet vont
peut être changer le sens du flux et de la communication, transformant
ainsi les individus en milliers d’émetteurs, chacun se montrant aux autres
et s’exprimant dans la ville.
Si tel est le cas, à savoir une explosion du nombre de gens s’exprimant dans
un contexte urbain, n’aurions nous pas acquis des qualités urbaines perdues
depuis des siècles, qui furent présentes dans les villes médiévales
européennes où les gens se rencontraient quotidiennement de par la
structure de l’espace urbain?
2.4.1. Le Télétravail27
Un ordinateur portable et un palmier ne semblent à priori guère constituer
de menace pour la direction d’une entreprise. Mais, représentés ensemble
sur une publicité pour un portable, ils pourraient signifier la disparition
prochaine du lieu de travail tel que nous le connaissons. «Use it Wherever
you Think Best» dit le slogan de cette publicité, sous l’image d’un
ordinateur posé sur une plage de sable fin, avec un palmier qui se balance
dans la brise. Le message est à double sens, vu l’ambiguïté des deux
derniers mots. : d’une part, il implique habilement que la machine donne
à son utilisateur la possibilité de choisir «l’endroit» qu’il considère le
mieux adapté à son travail; et d’autre part il incite à s’en servir là où il
va pouvoir «être le plus céatif».
La silhouette d’un avion dans le ciel apparaît sur l’écran de l’ordinateur,
suggérant que la machine est conçue pour être utilisée à bord par le
passager en route vers le paradis tropical suggéré à l’arrière-plan. Cette
publicité pour le “T HINKPAD” d’IBM, a pris un caractère prophétique
lorsqu’en janvier 1994, la société annonça qu’elle songeait à évacuer
son siège d’Armonk, vaste immeuble d’une superficie de 40 000 m 2 dans
la banlieu de New-York. La nouvelle a fait la une du «New York Times»,
et fait présager qu’une ère, longue d’un siècle, d’architecture de bureaux
était en voie de s’achever.
Depuis la révolution industrielle, la maison sert de lieu de repos et la
ville, du moins ses espaces publics, aux déplacements. Depuis deux
siècles les gens quittent chaque jour leur foyer pour l’usine, le bureau,
ou le magasin. Les travailleurs et les acheteurs se meuvent vers leurs
outils, leur machines ou leurs marchandises. La production ainsi que
l’aquisition des produits, qui se déroulent dans la grande majorité des
cas à l’extérieur, ont engendré des autoroutes physiques (boulevards
périphériques et embouteillages), auxquels nous sommes tous confrontés
quotidiennement.
Grâce aux réseaux, ce n’est plus aux gens à se déplacer vers leurs outils -de
plus en plus digitalisés-, mais bien les outils et leurs informations qui se
déplaceront vers les gens. C’est le «Télétravail», c’est-à-dire la station de
travail à distance, le bureau virtuel. A l’ère de l’informatique et du «réseau»
on est en droit de se poser la question de savoir si la structure et le lieu de
travail, tel que nous les connaissons aujourd’hui, ne vont pas être amenée à
devoir se modifier?
Plusieurs facteurs ont contribué à ce bouleversement du mode de travail. La
planétarisation de l’économie a rendu obligatoire une réévaluation des
stratégies d’entreprise entraînant pour le personnel restructurations et
réductions d’effectifs. Simultanément, l’évolution des technologies de
communication a rendu possible, l’accomplissement de certaines tâches
pratiquement n’importe où. Au cours de ces dernières années, une large gamme
d’équipements de communication portables est apparue sur le marché :
ordinateurs, fax, modems, téléphones, agendas informatisés, etc. La
vidéoconférence peut remplacer la réunion en face-à-face en un lieu
géographique déterminé. De même, le développement aux Etats-Unis de
“l’autoroute informatique”, réseau de communication électronique couvrant
tout le pays, rend plausible l’idée que beaucoup d’employés pourront à l’avenir
travailler à partir de leur foyer ou de centres de «Telecommuting28 », et ce
même à plusieurs, car on assiste à un développement extraordinaire de
nouveaux logiciels, dit “logiciels de groupe” permettant la participation
simultanée d’un groupe de personnes sur un réseau informatique.
Deux exemples de bureau virtuel :
_ L’agence de publicité Chiat/Day, conçu par Frank Gehry avec la
collaboration de Claes Oldenburg, réaffecte en 1991, dans ses établissements
situés à Venice (CA) et à New-York (NY) des “bureaux virtuels. A Venice,
en janvier 1994, 325 employés avaient fait la transition vers le statut de
“mobile”, n’utilisant le siège de leur société que pour les réunions ou pour
occuper occasionnellement un poste de travail. Lorsqu’ils entrent dans
l’immeuble, les employés déposent leurs affaires personnelles dans le vestiaire
avant de retirer des bloc-notes et des ordinateurs portables au magasin. Ensuite
ils demandent à un responsable de leur attribuer un poste de travail
et une ligne téléphonique pour la durée de leur séjour. Ils peuvent choisir
entre divers espaces, dont une salle pour ceux qui aiment travailler couchés
sur le sol ou sur un bureau, et ce de façon individuelle ou en groupe. Des
réunions privées entre deux interlocuteurs peuvent avoir lieu dans des cabines
spéciales destinées à cet effet.
_ IBM a créé le procédé appelé «hot-desking» dans ses bureaux de Bedfort
Lakes près de Heathrow dans la banlieue de Londres. Conçu par Michael
Hopkins Architects, on y trouve des postes de travail pour environ les trois
quarts du personnel officiellement rattaché à l’endroit, et ce dans un espace
correspondant aux deux tiers d’un immeuble de bureau conventionnel. Comme
dans l’exemple précédent, les employés peuvent choisir entre plusieurs types
de lieux de travail.
Toutefois cette esthétique lisse et anonyme est en voie d’être mise à mal par
des employés qui gardent la nostalgie d’un environnement personnalisé.
Certains vestiaires sont couverts de trophées ou de photos, et partout on trouve
des messages -manuscrit- scotchés sur les portes. Il semble donc que en dépit
de la théorie, un sens du territoire soit toujours vital pour la plupart des
employés. Mais combien de temps cela durera-t-il encore?
A ce sujet, plusieurs questions peuvent être posées : La possibilité de voir
des sociétés telles que IBM déménager pour aller nulle part ailleurs, ne
constitue-t-elle pas une menace en ce qui concerne la vocation du siège
d’entreprise, et surtout pour le centre des villes, lieu de l’activité économique
et souvent vital à sa propre économie? Que deviendront nos immenses palais
de production et d’administration qui ont caractérisé l’ère industrielle? Serontils amenés à disparaître au fur et à mesure que ces nouvelles techniques se
banaliseront?
Après le tremblement de terre de Los Angeles, les 12 centres spécialisés 29 en
“télécommuting” que compte la mégalopole californienne, ont été prises
d’assaut par des société désireuses que leurs employés puissent continuer à
travailler malgré des obstacles comme les autoroutes affaissées. La ville de
Los Angeles compte étendre son programme de travail par “télécommuting”
aux trois quarts des ses employés, suite au succès d’un programme pilote
lancé en 1990. Programme qui a en plus le mérite d’être en conformité avec
le “Clean Air Act”, qui a pour but de réduire la pollution atmosphérique dûe
à la circulation automobile, particulièrement élevées à Los Angeles.
Peut-on affirmer que dans un avenir proche le siège d’une société devienne
aussi obsolète que le meuble à tiroir [bureau]? Tout comme l’ordinateur
portable apparaîtra un jour comme un objet technologique ridiculement lourd
et encombrant. Après tout, comme le remarque Bill Miller, la technologie de
pointe dans le traitement de l’information en 1912, c’était le classeur vertical.
Si le lieu principal du travail devient la maison, elle aussi devrait dès lors
prendre une autre dimension, puisque le travail va à nouveau pouvoir
s’effectuer dans nos cocons [l’habitat], c’est-à-dire dans l’espace actuellement
dit «privé». Ne faudrait-il pas que nous repensions l’espace urbain, et l’espace
public? L’espace public ne devrait-il pas retrouver l’attrait ludique, que la
maison n’aura plus? Imaginons un instant que serait la ville [télépolis] avec
les maisons et les centres de “télécommuting” comme lieux de travail, et les
espaces publics comme espace de récréation?
Toutes ces réflexions ont un point commun : la remise en question de la
valeur, de la signification et du statut des espaces privés et public. L’architecte
du XXIe siècle pourra négliger la publicité, les médias et les images. Mais
pourra-t-il négliger les espaces publics et les espaces privés qui sont en
correlation avec ces trois facteurs?
1
Alvin Toffler est dans les années ‘70 un des premiers utilisateurs d’Internet
aux Etats-Unis.
2
in Internet, http://www.kisho.co.jp/Books/book/chapter1.html.
3
in ‘Introduction à l’analyse de l’image’, Martine Joly, ed. Nathan, Paris,
1993, pp9.
4
in ‘Vie et mort de l’image, une histoire du regard en Occident’,Régis
Debray, Gallimard, 1992.
5
in ‘Publicité et société’, Bernard Cathelat, ed. Petite Bibliothèque Payot/
Document 83, Paris, 1992.
6
La technique de Le Corbusier pour attirer des investisseurs dans sa revue
par le biais de la publicité est un peu particulière. Il copie d’autre revues,
des publicités d’objets qu’il considère comme “modernes” et dont l’aspect
graphique lui plaisait, et les publie dans sa propre revue. Il envoit
gratuitement un exemplaire à la société en question, par après il demander
de l’argent pour la publicité qui leur a été faite. Sa technique se révéla
payante car souvent, elle aboutit à la signature d’un contrat et à la demande
de redessiner la publicité pour les numéros suivants.
7
in ‘De l’architecture de l’image à l’architecture d’images’, 2.3.2. La fenêtre
en longueur de Le Corbusier.
8
in Quaderns n° 203, Architecture by Software, pp76-81.
9
in ‘Introduction à l’analyse de l’image’, Martine Joly, ed. Nathan,
Paris,1993.
10
in ‘Alice aux pays des merveilles’, Lewis Caroll, ed. Gallimard, coll.
«folio», 1979..
11
in ‘Privacy ans Publicity’, Beatriz Colomina, ed. M.I.T. Press,
Massaschusetts, 1994.
12
in ‘De l’architecture de l’image à l’architecture d’images’, 2.3.3 Télépolis
ou le renversement du rôle de la fenêtre.
13
in Ibidem, pp375 : Pierre-Alain Crosset, “Eyes Wich See”, Casabella
531-532 (1987), p. 115. Should we remind the reader that Le Corbusier
lost the sight of his left eye in 1918: separation of the retina while working
at night on the drawing “La cheminée”? See Le Corbudier, ‘My Work’,
trans. by James Palmes (London: Architectural Press, 1960), p.54.
14
C’est-à-dire, au penthouse de Beistegui à Paris sur les Champs Elysées.
15
in ‘Précision sur un état présent de l’architecture et de l’urbanisme’,ed.
Vincent Fréal, Paris, 1930, pp127.
16
in ‘Zurich’, Ed. d’Architecture, Paris, 1954, pp8-5.
17
in ‘Précision sur un état présent de l’architecture et de l’urbanisme’,ed.
Vincent Fréal, Paris, 1930.
18
voir ‘De l’architecture de l’image à l’architecture d’images’, 2.4.1. Le
télétravail.
19
Terme utilisé dans l’article; ‘Télépolis’, du numéro ‘Urban ideas’ in
Quaderns d’Arquitectura i Urbanisme; n° 211, , ed. Col. legi d’Arquitectes
de Catalunya, pp42-47. Repris de l’exposé ‘Technology and domestic
cosmopolitanism’ présenté dans le forum ‘Habitations’ des débats centraux
du XIXe congrès de Union Internationale d’Architecture de Barcelone 1996.
20
Tout les paragraphes du résumé de l’essai de Benjamin Walter : ‘The
work of art in the age of mechanical reproduction’, se trouve en anglais
sur Internet. Site : http://pixels.filmtv.ucla.edu/ community/julian_scaff/
benjamin/benjamin.html.
21
Note de Olivier Bastin, directeur de ce travail.
Cette “déficience” de la reproduction peut être entendue comme
‘comblée’ par l’imaginaire.
L’imaginaire de l’être humain est ce qui lui permet, par exemple, de
percevoir un personnage présent sur une scène de théâtre, au travers
d’un comédien qui n’en est que la représentation. Le comédien disparaît,
le personnage apparaît.
L’imaginaire de l’homme est sa puissance créatrice, celle qui fait
reconnaître la “présence” de tout être et de toute chose, au sens
existentiel.
L’imaginaire au quotidien, celui qui permet à tout instant à l’homme de
s’identifier par rapport aux “images” (au sens large du terme) qui
l’entoure, est sa plus grande liberté.
L’homme qui se reconnaît cette puissance créatrice est un homme libre,
autonome, qui ne supportera plus toutes les illusions, les supercheries,
les faux commandements que certains (et ils sont bien peu en regard des
milliards d’être humains peuplant la terre) ont essayé (et réussi jusqu’à
présent) à lui imposer depuis plusieurs millénaires. Un des premiers
commandements de la Bible n’est-il pas de condamner l’homme à
l’ignorance de sa puissance créatrice? Quelle condamnation Adam n’at-il pas vécue lorsqu’il croqua la pomme de la sagesse et de la
connaissance!
Le XXIe siècle serait-il celui de l’homme, fier d’exister, et revendiquant
son existence, pour et par lui-même, sans que, ni religions, ni
austracisme, ne se permettent de lui voiler les yeux de sa conscience.
Dès que “Dieu” apparaît dans la Bible, l’homme est contraint de se
voiler la face. Regarde et contemple ton propre éblouissement, homme,
et soit responsable de ta propre existence!
Religion Opium du Peuple!
Pouvoirs et Dictatures, Bourreaux du Peuple!
Vive la Démocratie, celle de la Culture Consciente et Responsable!
22
Walter Benjamin vivait au début de ce siècle, il étais contemporain entre
autres de Karl Marx, d’où l’utilisation du terme «masses».
23
Il s’agit ici des termes de Walter Benjamin, nous ne nous prononcerons
pas sur notre accord ou désaccord avec cette affirmation, car nous
entrerions vite dans une analyse de Marcel Duchamp et ses ready made,
ce qui n’est pas le propos de cette étude.
24
La question se pose de savoir s’ il parle de nos espaces de vie ou bien de
l’image fixe, quand il dit «prisons»? Texte Original : “... our railroad
stations and our factories appeared to have us locked up hopelessly. Then
Came the film and burst this prison-world asunder by the dynamite of the
tenth of a second, so that now, in the midst of its far-flung ruins and debris,
we calmly ans adventurously go traveling”. Personnellement j’interpréterais
plutôt cela comme l’emprisonnement de l’images qui est figée comme en
photo, car dans le texte original en anglais, Walter Benjamin parle d’un
dynamitage de la prison par le dixième de seconde. Il s’agit donc
probablement de la fréquence, de la rapidité avec lesquelles des images se
succèdent au cinéma.
25
Walter Benjamin vivait au début de ce siècle, ses contemporain sont par
exemple Karl Marx, d’où le terme de «prolétariat».
26
Idem.
27
Paragraphe de Janet Abrams, in ‘Enquête sur les sièges de l’info’,
Véronique Parent, ed. Pavillon de l’arsenal, ed. Hazan, Paris, 1994, pp179191.
28
Terme Anglais désignant un centre de travail, appartenant à une société
indépendante offrant le matériel et la logistique informatique pour accueillir
des réunions et des bureaux pour d’autres sociétés.
29
Certains de ces centres sont privés, mais beaucoup sont public. Cela
illustre un propos tenu en introduction concernant l’investissement politique
des Etats-Unis dans le secteur tertiaire.
YOU
SEE
THINGS; AND
YOU
SAY
«WHY?», BUT I
DREAM THINGS
THAT
NEVER
WERE, AND I SAY
«WHY NOT?»
COMMENT
ÊTRE
LE
REFLET DE
NOTRE ÈRE?
3. COMMENT
È
ÊTRE LE REFLET DE NOTRE
R
E
?
Penser l’architecture contemporaine c’est penser l’espace et sa
signification par rapport au monde actuel. Il y a donc lieu de se poser la
question de l’inérêt à penser l’architecture comme un système de
représentation, ou plutôt une série de représentations se chevauchant.
L’édifice, l’installation, la construction, l’oeuvre, ou encore le monument,
ne devraient-ils pas être pensés en terme de photo, d’écriture et de publicité?
Non seulement parce que c’est au travers de ces médias qu’on les découvre
généralement, mais parce qu’ils sont des mécanismes de représentation,
et donc des medias en soi1.
Au travers d’une série d’exemples nous analyserons des artistes et des
architectes qui se trouvent à la limite entre art ou architecture et publicité ou
média. Ces artistes et architectes ont tous un point commun : ils utilisent des
éléments médiatiques comme ils utiliseraient un matériaux classique.
Nous ne ferons pas de critiques et nous ne porterons pas de jugement de
valeurs sur leurs oeuvres, seul nous importe l’utilisation du média «image»
ou «Internet» ou encore «publicité», et ce dans un contexte contemporain.
3.1. Installations médiatiques ou publicitaires
La colonisation, par des artistes, de l’espace des médias, n’est pas nouveau.
Des artistes, comme Barbara Kruger, utilisent les enseignes publicitaires
urbaines, Krzysztof Wodiczko, utilise la projection, Dara Birnbaum, Nam
June Païk, Marie-Jo Lafontaine, et Gary Hill, utilisent la vidéo, Jenny
Holzer utilise des panneaux LED (Light Emitting Diode), etc. Tous utilisent,
empiètent, ou critiquent le monde, l’espace, ou les conteneurs dits
«médiatique». Regina Cornwell, critique d’art, s’insurge quand elle voit
par exemple à la télévision une vue privilégiée de «l’oeil» d’un missile se
dirigeant sur Bagdad, durant ce que Aimée Morgana avait qualifié de
«Nintendo War»2.
Dans les années ‘20, Laszlo Moholy-Nagy reconnaissait que la photo
apportait quelque chose de plus qu’une fidèle reconstitution des chosesLes
«peintures à la lumière» de Moholy-Nagy, nous enseignent que la
manipulation d’un médium, crée son propre espace qui, contrairement à
tous les espaces perspectifs de la Post-Renaissance, ne se réfère pas à un
espace «réel», mais à un espace parallèle.
Par extension, d’autres espaces “technologiques” peuvent être
expérimentés, par exemple avec un écran vidéo, une télévision, un
projecteur de diapositives, un cassettophone, etc. Tout ces médiums,
en plus de l’aptitude à enregistrer et reproduire un événement à
un autre moment et en un autre lieu que celui de l’action originale,
engendrent une forme d’expérience qui est particulière et propre
à
leurs
modes
de
reproductions.
Les artistes dont nous parlerons, utilisent dans la majorité des cas les
technologies de l’information et les
conventions des communications de
masse, pour déstabiliser l’autorité et
la force du média.
3.1.1. Barbara Kruger
L’oeuvre de Barbara Kruger 3 , consiste
à créer des images à base d’images.
Généralement de grande dimension,
ses installations utilisent des photos,
prises à différents média, qu’elle
découpe, agrandit et juxtapose avec
des affirmations ou des phrases
typographiées. Kruger illustre, dans
son travail toute la force de l’image.
Elle travaille sur le positionnement de
l’homme -être social- par rapport aux
pensées, aux attitudes et aux désirs
que la société souhaite. Son travail
traite de l’intrusion du privé dans
le public et inversément.
La démarche de Kruger ne se limite
pas à la stratégie de présentation
des médias, elle aborde de façon
générale la médiatisation
cependant réelle de notre vie. Elle
s’intéresse beaucoup aux théories
sur la sémiotique (science des
signes) de Roland Barthes et à
celles de Jean Baudrillard.
Les travaux de Kruger sont
facilement reconnaissables : une
image -plutôt vieille- en noir et
blanc, trop contrastée sur laquelle
apparaît une bande rouge vif avec
un texte, un mot, une phrase en
caractère gras et de couleur blanche.
L’image noire et blanche est une
référence à la bi-dimensionnalité de
la presse écrite ou illustrée, alors
que le rouge donne une impression
de sortir du plan de l’image. Une
force incontestable apparaît aux
yeux du spectateur face à ces
o e u v r e s .
Dans son installation ‘UNTITLED’, en
1991, à la ‘Mary Boone Galery’
(New York) Barbara Kruger, a
couvert le sol, les murs et le plafond,
de textes et d’images sur les thèmes
de la violence, les femmes ou les
minorités. Pour voir l’oeuvre dans
son entièreté, le visiteur devait
entrer dans la pièce, et donc, ce faisant, pénétrer au coeur même de l’oeuvre.
3.1.2. Nam June Païk
Nam June Païk4 fait partie d’une association d’artistes, autour de George
Maciunas, connu sous le nom de «Fluxus». Ils travaillent aux Etats-Unis et
en Allemagne, ils ont commencé à explorer l’espace médiatique dès la fin
des années ‘50.
ce miroir, les danseurs pouvaient être dégagés des contraintes de la gravité
et libérés de l’horizontalité de la scène. La danse était ainsi perçue à la fois
de façon classique et depuis une vue aérienne. Une série de spots utilisant
des codes publicitaires venait interrompre de manière régulière un spectacle
continu. Les «spots» jouaient le rôle de cassures quasi-psychotiques dans le
déroulement de la chorégraphie. Ils visaient à confondre public de théâtre et
public de télévision.
3.1.4. Upper Space
Païk, dans son travail -d’abord sonore puis visuel- offre des situations à
l’audience lui permettant d’interagir avec la technologie. De cette manière,
il a défié l’autorité “d’impénétrabilité” des médias. Le spectateur pouvait
par exemple manipuler un champ magnétique, qui induisait son et lumière
sur un écran, et ainsi modifier et déformer l’image originale à l’infini.
Païk est reconnaissable à ses sculptures de télés. Sous-jacent à l’utilisation
de ses médiums, on retrouve chez Païk et chez Barbara Kruger une volonté
de critiquer, de défier notre société actuelle. Leurs sculptures, bruyantes et
animées, ont une influence sur l’espace qui n’est plus neutre, mais devient
lui même le reflet des couleurs et/ou le bruit de l’écran.
3.1.3. Diller et Scofidio
Diller et Scofidio 5 , utilisent le médium télévisuel pour démontrer certains
décalages entre réalité et image, et pour isoler des éléments hors de leur
contexte. Fin 1995, ils installent au Palais des Beaux Arts de Bruxelles un
écran au milieu d’une salle où ils avaient imprimé sur les modénatures de
petits personnages du même type que ceux qui illustrent dans les revues
spécialisées les sports ou ceux utilisés pour annoncer les toilettes dans les
aéroports international. Les personnages étaient d’une échelle relativement
insignifiante par rapport à la taille de la pièce. On ne pouvait les voir que
lorsque la caméra, placé sur un rail couvrant le périmètre de la pièce, passait
devant un de ces personnages. Le petit personnage se trouvait alors agrandi
sur l’écran au milieu de la pièce et mis en évidence.
Une autre installation de Diller et Scofidio, a été réalisée à Charleroi, dans
le cadre du Festival de Danse en mai 1996. L’élément principal de la scène
était un miroir semi-transparent, incliné à 45° au-dessus de la scène. Grâce à
Le 12 septembre 1996 a été inauguré au Teatro Fondamenta Nuove de Venise
«UPPER SPACE», projet organisé dans le cadre de la VI e Exposition
Internationale d’Architecture de la BIENNALE DE VENISE. Le projet
s’articulait en deux parties : “Metam”; la partie visuelle de Pascal Lansonneur
et “Soundcage”; la partie sonore de Antonio Camurri. Lansonneur, créateur
français, travaillant principalement en Allemagne, et connu pour ses
transformations de l’espace par la lumière, la couleur et de la toile dans des
‘rave’ parties. «Metam» était une installation constituée par des surfaces de
formes-base de grandes dimensions, qui rééquilibraient l’espace du théâtre.
Il utilisait des lumières de pigmentation naturelle, fluorescente et
phosphorescente. La «Soundcage» de Camurri était un espace à l’intérieur
duquel des senseurs, connectés à un software sophistiqué, créaient de la
musique en fonction des mouvements d’un corps humain se déplaçant à
l’intérieur de cet espace. L’union des deux installations donnait un espace
entièrement modulable et différencié en
fonction du nombre et des mouvements des
personnes dans la pièce.
3.1.5. Dennis Adams
L’artiste Dennis Adams travaille sur la
mémoire collective de notre société, Il
utilise souvent dans ses travaux les espaces
transitions, des entrées et des passages.
Adams a réalisé des installations et des
expositions dans des musées, des galeries
-donnant souvent sur un espace public- et
plus particulièrement au coeur même des
espaces publics comme sur des abris de bus, des stations de métro ou de train
ainsi que dans des tunnels.
Au printemps de 1991 J.C. Decaux proposa à la mairie de New-York ce
qui était déjà en place à Paris, Londres et Amsterdam, à savoir des
toilettes publiques payantes. “Il les installe gratuitement en échange de
l’autorisation de vendre de l’espace publicitaire à l’extérieur, suivant
une formule similaire à celle proposée en 1968 en France pour les abris
de bus. Cet exemple illustre de façon assez effrayante comment notre
société de fin de siècle -capitaliste et médiatique- gère son espace public.
On est en droit de se demander s’il faut accepter cet état de fait, et dans
la négative, comment pouvons nous combattre ce phénomène qui s’infiltre
partout? Comment pouvons nous protéger notre espace public, notre vie
publique? Comment échapper a cette omniprésence? Que pouvons nous
faire pour avoir un programme culturel sur la télévision publique?
Comment faire pour avoir une enseigne publicitaire qui soit la réflexion
d’un artiste?”6 Dennis Adams reconnaît qu’il n’a pas de réponses à ces
questions, mais tente de développer des stratégies de résistance, tout en
étant conscient de leur fragilité et parfois même de leur échec.
Trois projets de cet artiste nous semblent particulièrement intéressants à décrire
_ Le premier projet
consiste en une série
d’abris de bus. ‘BUS
SHELTER VIII’ (1988), est
un abri de bus sur un îlot
directionnel entre Bay
Street et Queen Street à
Toronto au Canada. En
raison des hivers rudes,
les abris de bus sont plus
hermétiques au Canada
qu’en Europe. L’abri de
bus est donc une vitrine,
une boîte de verre dans laquelle le
voyageur qui attend est exposé. Adams
a installé une image de jeunes
Canadiens manifestant devant le
parlement canadien à Ottawa. Le ‘ BUS
SHELTER IV’ à la Domplatz de Münster
(Allemagne), ne montre pas des
Canadiens, mais des photos de Klaus
Barbie et de son avocat Maître Vergès,
lors du procès Barbie.
_ Le deuxième projet ‘T HE ARCHIVE’
(1990), est la réaffectation d’une
entrée de tunnel près du Hirschhorn
Museum à Washington D.C.,
condamnée par crainte de
délinquances et de viols. Adams
installe là aussi deux énormes images
: la première celle du bâtiment des
archives nationales, la seconde une
photo de Bertold Brecht. L’une des
deux fut illuminée par l’arrière, la
lumière partant du tunnel.
_ Le troisième projet, qui n’a jamais
été réalisé, s’intitule ‘LA PISSOTIÈRE’.
Il date de 1988 et devait se trouver à
l’entrée du Boulevard Charles de
Gaulle à Dijon. Les pissotières de la
ville avaient une allure -comme le dit
Adams- d’une autre époque, à
caractère et domination résolument
machiste. Adams proposa de faire
une réplique de ces pissotières, grandeur nature, mais de mettre à la place
des niches, destinées à accueillir les urinoirs, des photos. Deux photos
(identiques) datant de 1962 c’est-à-dire à la fin de la guerre d’indépendance
en Algérie, représentaient les statues de deux gouverneurs française, détruites
et couchés dans le sable algérien, attendant leur rapatriement en France.
3.1.6. Dan Graham7
Dan
Graham 8
s’intéresse à la
presse, en laquelle il
voit un des moyens
d’une médiatisation
de l’art que les
artistes sollicitent
largement; il étend
ensuite sa réflexion à
l’ensemble des mass
médias. Il lui apparaît
que
leur
rôle
économique
de
vecteur d’informations les conduit à participer à l’idéologie du pouvoir
capitaliste, qui ne raisonne qu’en termes de rentabilité. Ainsi pense-t-il que
pour mieux révéler cette situation de l’oeuvre et court-circuiter le système
économique de l’art, il vaut mieux produire directement articles, photographies
ou diagrammes dans les magazines.
Avec ses «installations vidéo» (1974), et après ses «maquettes ou pavillonssculptures» (1978), Graham poursuit sa dénonciation du détournement de
l’architecture moderne par la société capitaliste. Il s’en prend aux immeubles
de verre qui donnent aux entreprises, le moyen de feindre l’idéologie de
transparence dont se targue une société démocratique. En fait, ces édifices
se replient sur eux-mêmes, ignorent leur environnement, pour se contenter
de refléter, en miroir, les changements de luminosité du jour et les signes de
leur alentour. Par là, ils sont espace discursif, espace de la ville toute entière
soumise et aliénante, espace aux codes sociaux établis par le pouvoir
dominant. La ville définit en outre les limites du privé et du public qui régissent
les relations entre les habitants. Dans une installation vidéo de 1974, ‘PICTURE
WINDOW ’, qui relie l’extérieur d’une maison à son intérieur, Graham démontre
les relations humaines qu’implique une fenêtre au rez-de-chaussée parce
qu’elle laisse voir d’un côté comme de l’autre. Parallèlement, la vidéo permet
de brouiller les limites données par l’architecture, en projetant à l’intérieur
une image plus vaste de l’extérieur, et vice versa. Utilisant la télévision, qui
propulse chez l’individu des images du monde, Graham anticipe encore le
développement de la vidéo, moyen de surveillance et risque de réduction
supplémentaire du domaine privé.
En 1974, Graham conçoit au Musée National d’Art Moderne de Paris (le
Centre George Pompidou) l’installation : ‘PRESENT CONTINUOUS PAST[S ]’.
L’image vue par une caméra apparaît avec huit secondes de retard sur un
écran. A condition que le spectateur ne masque pas l’objectif, la caméra
enregistre aussi l’image (réfléchie) de l’écran sur un des miroirs entourant la
pièce placé face à elle et prise huit secondes avant. De cette façon le spectateur,
voit huit seconde plus tard, son image ainsi que le reflet enregistré seize
secondes auparavant. Un retour en arrière infini de continuums temporels se
met en place.
Pour la Biennale de Venise de 1976, il conçoit ‘PUBLIC SPACE/TWO AUDIENCES ’
et emploie des matériaux courants de l’architecture, dans le but de lier
l’institution à son contexte urbain. Une paroi de verre insonorisante et
réfléchissant divise en son milieu une pièce dont les parois latérales sont
blanches d’un côté, miroir de l’autre. Le public, selon qu’il choisit l’une
ou l’autre porte, se répartit en observateur ou en observé. Le spectateur
qui contemple une oeuvre “traditionnelle” vit, sur le plan perceptif, la
même expérience que le passant capté par son propre reflet dans une
vitrine de magasin. Il oublie ce qui l’entoure, et ressent une vive
impression d’incomplétude devant un produit qu’il ne possède pas encore
: nouvel artifice de la société de consommation capable de transformer
un passant en un consommateur aveugle. Bien que l’oeuvre n’expose
aucun objet, le spectateur est néanmoins aliéné par le dispositif et est
convié à prendre la dimension des effets psychologiques et relationnels
qu’elle induit et auxquels il se soumet. La même année, Graham propose
cette expérience au passant d’un espace public avec ‘VIDÉO PIÈCE FOR
SHOWCASE WINDOWS IN A SHOPPING ARCADE’. Une caméra, un moniteur et
un miroir sont placés dans deux vitrines de magasins situés en vis-à-vis.
En montrant ce qui se passe dans l’autre vitrine, l’installations met en
évidence l’absence de relations entre
les citadins.
Nouveau luminaire des temps modernes, l’appareil de télévision fait office
non seulement de source d’informations -visuelle et sonore- mais également
de source d’éclairement et constitue ainsi à ce titre un véritable module
lumineux chez Bill Viola.. L’image y est une image-lumière, éclairée de
l’intérieur. Blanche, bleutée ou diversement colorée, la lumière des
installations vidéo s’impose d’emblée comme un de ses éléments constructifs.
3.1.7. Kate Ericson et Mel Ziegler
Herbert Reymer est directeur du groupe d’artistes : «De Beweging». Du 27
février au 17 mars 1996, une série de happenings intitulés «Interesting
Bodies» eut lieu au MUKHA (Museumt voor Hedendaagse Kunst van
Antwerpen). Un homme nu sur le sol blanc du musée faisait -à première
vue- un exercice de contorsion. Les gens étaient interpellés par le fait qu’il
soit nu, mais personne ne semblait porter attention à une camera située
pourtant à proximité. Plus loin on pouvait apercevoir sur un écran de
télévision ce que la camera filmait. L’écran, incliné de 90°, donnait une
toute autre vision de cette homme nu, en effet, l’homme semblait à présent
être poussé contre un mur blanc, victime d’un sens de l’apesanteur
horizontale.
3.1.10. Krzysztof Wodiczko
La réflexion sous-jacente à l’oeuvre
‘PICTURE OUT OF DOORS ’ (1988) de
Kate Ericson et Mel Ziegler est
intéressante : dans une maison ils ont retiré toutes les portes et les ont
placés contre un mur dans le salon. Le concept est de questionner les
ségrégations spatiales de l’environnement domestique et, bien sûr, à plus
grande échelle, celle de l’espace public et privé. La raison fondamentale
est le questionnement des différentes couches d’intimité. Ils questionnent
notre mode de communication et la valeur de l’information publique,
alors que le public est devenu un cohabitant de l’espace privé.
3.1.8. Bill Viola
Verres et miroirs sont conçus comme purs supports optiques, permettant soit
de retenir (de manière transitoire le miroir, ou plus durablement la vidéo),
soit de filtre pour ne laisser passer qu’un certain nombre d’informations,
reprenant -en le détournant- le dispositif optique conçu par Brunelleschi à
la Renaissance.
‘PEEP HOLE’ de 1974, amène le spectateur à contempler, à travers une
ouverture grossièrement pratiquée dans une paroi, le seul reflet de son oeil,
capté par un miroir et reproduit par une caméra sur le dos de ce même
spectateur. La caméra ici prend le relais du miroir en répercutant de manière
ubiquitaire des informations qui ne peuvent à leur tour être perçues que par
un autre observateur.
3.1.9. Herbert Reymer
Krzystof Wodiczko, Polonais
d’origine, utilise depuis 1980,
monuments et gratte-ciel
comme écran pour y projeter
d’immenses images et
exprimer une critique sévère à
l’égard des fonctions sociales
de l’architecture ou des
pouvoirs qui s’incarnent
symboliquement
dans
l’environnement urbain.
3.2. Architectures médiatiques ou
p u b l i c i t a i r e s
L’une des plus célèbres de ses
‘PUBLIC PROJECTIONS ’ (1984), sur l’arc de la
Grande Army Plaza à Brooklyn, montre
deux têtes de missiles américains reliées par
une chaîne cadenassée.
Le but recherché par Krzysztof Wodiczko
notemment pour la projection au Whitney
Museum en 1989, n’est pas de produire une
image de plus que les gens contempleraient,
mais de créer une opportunité -une situationqui suggère de regarder sous une autre
perspective -différente et pourquoi pas plus
claire- le monde qui nous entoure.
3.1.11. Michael Zinganel
Michael Zinganel, joue avec la
gravité et les éléments
architecturaux, en utilisant les
images animées.
3.1.12. Survol illustré
une image quelque peu artificielle d’un ville en fête, alors que les logements et
De nos jours, que ce soit pour
l’attrait d’une signature de
renom, ou par une conscience
réelle de l’apport de
l’architecture pour leur image, un nombre sans cesse
croissant de commanditaires se tournent vers l’architecture
et plus spécialement vers une architecture médiatique,
élément important dans le processus de construction de l’image de marque de
leur entreprise, qu’elle soit gouvernementale, environnementale, humanitaire ou
c
o
m
m
e
r
c
i
a
l
e
.
3.2.1. L’architecture comme média dans l’URSS
des années vingt 9
Quelques mois après le début de la Révolution
d’Octobre 1917, Lenine lance un plan de propagande
visant à utiliser l’espace urbain des villes russes
(Moscou, Petrograd, etc.) comme scène pour les
manifestations visuelles du discours bolchevique.
Avant même que soient lançés les premiers
programmes d’urbanisme ou de construction du
nouveau régime, l’idée d’une subordination de la
politique urbaine et de l’architecture aux stratégies
de communication de l’idéologie Marxiste, est mise en oeuvre. Il en résulte une
architecture et une production artistique essentiellement axées sur la thématique
de la communication.
Les fêtes commémoratives du calendrier révolutionnaire russe, les parades et les
cérémonies en l’honneur des héros passés et présents, et les événements quotidiens
qui rythment la guerre civile, sont autant d’occasions utilisées par les “brigades”
d’artistes et d’architectes pour s’exprimer. Le poète Vladimir Maiakovski affirmait
alors “les rues sont nos pinceaux, les places sont nos palettes.” Tous les
courants de la communauté artistique russe participent à ce mouvement, dont
certains épisodes tels la décoration de la place du Palais d’Hiver à Petrograd par
Nathan Altman, en 1918, et par Youri Annenkov, en 1920, sont restés mémorable s.
Le théâtre des rues, avec ses édifices aussi éphémères que colorés, donne ainsi
lesédificespublicssedégradentrapidement au cours de annéesld
aeguerre
civilequisuivit.
Acôtédecela,endépitdelapénuriedepapid
ee
rnouveauxjournauxapparaîssent,
e
tandisquelaIII
Internationale engage dès sa création en 1918 une campagne de
propagande radiophonique en direction de l’Europe. Cette politique, fondée sur
l’utilisation des techniques les plus avancées de l’époque, trouve un répondant
direct dans les travaux des artistes et des architectes de l’avant-garde
constructiviste. Les partisans d’un art tourné vers la production que sont Alexandre
Rodtchenko ou Gustav Klucis ne tardent pas à se saisir des nouveaux moyens de
communication dans leurs projets théoriques. Certains de ces projets s’inscrivent
dans le registre de la déclamation, et son élaborés pour magnifier le discours de
l’orateur. De multiples tribunes sont ainsi imaginées, dont la plus célèbre est
sans doute celle de Lenine, dessinée par El Lissitzky : une construction métallique
surmontée d’un panneau et prolongée par une plate-forme suspendue. Klucis
dessine en 1922 des variantes innombrables de stand d’agitation supportant des
haut-parleurs ou des écrans sur lesquels viennent se projeter des slogans.
Démontables et mobiles, ces dispositifs sont censés
annoncer et accompagner les manifestations et les
opérations de propagande organisés dans les rues. “Le
combat de la victoire” imaginé par Alexandre Vesnine
et le peintre Lioubov Popova en 1921, proposait de relier
deux décors cubo-futuristes par un dispositif aérien de
slogans et d’étendards soutenus par des dirigeables.
Le concours lancé en 1924 pour le siège moscovite de la
«L ENINGRADKAÏA PR AVDA », quotidien du parti
bolchévique, dont l’implantation sur un terrain de forme
carré exigu, révèle l’ouverture du spectre de solutions
imaginées par les architectes des différents courants.
Dans le projet des frères Vesnine, la superstructure de
l’édifice projeté reçoit ces emblèmes d’une modernité
médiatique une peu datée, que sont un projecteur censé
inscrire des slogans sur les nuages et un journal lumineux.
Trois ans après ce concours, historiquement
important mais sans débouché pratique, l’immeuble
de «IZVESTIA», organe du gouvernement soviétique,
est réalisé. Le projet de Grigori Barkhine
: un solide cadre de béton gris, dont les
montants verticaux encadrent de grands
pans de verre. Implanté au droit d’une
place, le bâtiment de la
rédaction cache les
ateliers situés dans la
profondeur de la
parcelle. A l’exception
des antennes, désormais obligatoires dans tout projet
d’immeuble moscovite, les systèmes de communication
sont limités et, surtout, intégrés dans le plan du
couronnement ou dans celui des balcons, qui supportent
-du moins au stade du projet- des néons et des horloges
digitales.
Dans cette conjoncture, la réflexion la plus forte sur l’importance
de la presse écrite dans la société soviétique n’est pas
exclusivement d’ordre architectural. Il s’agit du dispositif scénique
imaginé par El Lissitzky à l’intérieur du pavillon du l’URSS à
l’exposition «International Pressa»,
qui se tient à Cologne en 1928. Un
des
motifs
structurant
de
l’installation
est
un
ruban
transportant un ensemble de signes et
d’images, sur fond de photomontage
épique.
En 1931 lors du concours organisé
pour la construction d’un «Palais des
Soviets» à Moscou, auquel particip ait
Le Corbusier, Walter Gropius, Enrich
Mendelsohn, Auguste Perret et de
nombreux architectes russes, la
notion de propagande monumentale
retrouve droit de cité.
3.2.2. Les architecture des sièges de l’info
Dans notre recherche d’une architecture “médiatique”
dans un monde de l’image et de l’information, l’analyse
de certains sièges de sociétés de média nous paraît
intéressante. Les sièges de l’info10 se situent à michemin entre siège social et enseigne publicitaire dans
la ville.
La première idée qui leur sembla évidente fut de faire en sorte que le siège
social de l’entreprise de presse soit perçu par l’opinion comme un signal imposant, cette image devant, par assimilation, apparaître au public comme une démonstration de l’importance et de la qualité de leurs publications. Cette évolution a été constante depuis la fin du siècle dernier, les “sièges” des diffuseurs
d’idées écrites, puis parlées et enfin télévisées, sont devenus des enseignes pour
les messages qu’ils émettent.
Très vite l’architecture est devenue emblématique du média lui-même. Elle l’a
représenté à la face du monde : constructiviste pour promouvoir l’image d’une
société d’avant-garde -comme nous l’avons vu pour la «PRAVDA» à Leningrad, résolument moderne pour représenter la presse socialiste du nord de l’Europe
(«LE PEUPLE», «HET VOLK», ...) ou néogothique pour le «CHICAGO T RIBUNE»,
l’archi-tecture est le signe d’une volonté, de pouvoir, de puissance rarement
négligée dans les projets d’architectures de média.
Le projet (non réalisé) de
«Maison de la publicité» de Oscar
Nitztchké en 1935, sur les
Champs Elysées, la façade
publicitaire du «FIGARO» en 1937,
lors de l’exposition universelle, la
façade
endeuillée
de
«L’HUMANITÉ» rue du Louvre à
Paris, lors du décès de Staline en
1953, illustrent bien cette
utilisation de l’architecture
comme support médiatique.
Le bâtiment de
Grimshaw
and
Partners pour le
« W E S T E R N
MO R N I N G N E W S » à
Plymouth
est
tellement figuratif
du porte-avions
qu’on ne peut pas
ne pas y penser.
Le fait qu’il ait
été construit après
les événements de
la guerre du Golfe
ou les évenement en ex-Yougoslavie, où la télévision a été le
lieu du pouvoir fort, pour
ne pas dire autoritaire, a
certes i n s p i r é G r i m s h a w .
L’utilisation du porteavions en tant que
machine de guerre est
i n t é r e s s a n t e11
parce
qu’elle est emblématique
du quatrième pouvoir, le
pouvoir médiatique. Mais
c e q u i e s t p l u s remarquable
encore c’est l’utilisation
d’une image : à l’aide
d’une
image,
une
métaphore, Grimshaw
arrive à synthétiser une
analyse, une réflexion sur
le monde des médias,
aussi forte que s’il avait
écrit un livre entier sur c e
sujet.
3.2.3. Studio Alta12
Shinjuku est un des endroits les plus occupés du paysage
urbain tokyoïte. C’est là que se trouvent de nombreux
bureaux et banques, un grand centre commercial, des
restaurants, des musées, des cinémas, des théâtres, et des
endroits de divertissement. La gare qui se trouve au centre
de cette animation urbaine, accueille quotidiennement 1,5
millions de voyageurs; c’est donc un noeud urbain par
excellence. Ce qui retiendra tout particulièrement notre
attention, c’est le bâtiment Studio Alta.
Studio Alta, est une boîte blanche dont
la façade, qui fait face à la gare
mentionnée ci-dessus, est en fait nue;
à l’exception d’un gigantesque écran
vidéo, le «VIDÉO SIGN». La façade du
bâtiment n’est en fait rien d’autre
qu’un support médiatique, diffusant en
continu des spots publicitaires, des
nouvelles et des courts métrages. Il s’avère d’ailleurs que la place devant la
gare avec sa vue privilégiée sur le «VIDÉO SIGN» soit devenue un lieu de
prédilection pour les rendez-vous des Tokyoïtes.
Une
remarque
concernant ce bâtiment.
Bien qu’il existe depuis
dix ans, cela ne se voit
pas. C’est d’ailleurs
imperceptible vu que le
bâtiment change de
façade 24 fois par
seconde. Le style, lui non
plus ne se démode pas,
vu que les informations
diffusées sont -quant à
elles- toujours au goût du
jour. Seul le type d’écran
utilisé pourrait éventuellement dévoiler l’âge du
bâtiment, en effet de nombreuses évolutions techniques
ont été faites depuis. Mais cela n’est en soit guère
problématique car l’écran vidéo est facilement
remplaçable, il n’est sans doute pas plus compliqué de
remplacer un écran que de remplacer une fenêtre.
En dix ans, d’autres endroits similaires ont fait leur
apparition à Tokyo, par exemple le «SOGO DEPARTEMENT STORE» en face de la
gare de Yukakusho et un autre à la gare de «SHIBUYA». Il est frappant de voir
que les trois endroits sont dans le périmètre direct de la gare, voire même
dans la gare et que l’information diffusée est toujours du même type :
publicités, courts métrages et nouvelles.
Mais ce n’est pas tout : le paysage urbain de Tokyo connaît a présent une
nouvelle forme de diffusion de l’information. Des ballons dirigeables
sillonnent, la nuit, le ciel de Tokyo. Le dirigeable, de par sa couleur sombre,
n’est que très peu ou pas perçu de nuit; le seul élément visible est l’écran
lumineux sous le ballon.
3.2.4. Herzog et de Meuron
Herzog et de Meuron qualifient
leur approche de purement
phénoménologique. “Tout ce
que nous dessinons est le fruit
d’une observation projetée sur
des objets. On aime utiliser les
nouvelles possibilités offertes
par les nouveaux matériaux et
les nouveaux médiums : Vidéo,
Ordinateur, ... Nous voyons les
années ‘90 comme une période
ou les choses deviendront
encore plus incertaines et
encore plus instables. Il faudra redéfinir tout un tas de choses
quotidiennement”13 . Herzog et de Meuron mettent ici en évidence le fait que
nous devrons à l’avenir faire face à des temps où une ouverture et une
adaptation rapide seront nécessaires. Si l’architecture se veut
phénoménologique -et d’après Herzog et de Meuron elle devrait l’être-,
l’architecture elle aussi ne devrait-elle pas pouvoir [devoir] être très rapide
dans ces mutations?
“Nous n’avons jamais voulu que l’on qualifie notre architecture d’oeuvre
d’art, nous avons toujours imaginé nos bâtiments comme faisant partie de la
ville. La ville change, elle bouge tout le temps et nous imaginons aussi nos
bâtiments comme faisant partie de quelque chose susceptible de se transformer,
de muter et cela avec ou sans notre participation”14 . Selon cette logique il
n’est donc pas surprenant de voir apparaître dans l’architecture de Herzog et
de Meuron des écrans. L’écran est un parement capable de changer rapidement
avec ou sans leur participation. Dans le projet (non réalisé) de «Tiergarten»,
les bâtiments expriment la préférence de Herzog et de Meuron pour une
intervention plutôt anonyme -ce qui ne veut pas dire architecture anonymecar les habitants et les utilisateurs de l’édifice en définiront l’expression
finale : des inscriptions devaient être envoyées sur la façade par des personnes
privée ou des entreprises depuis l’intérieur du bâtiment vers l’extérieur c’està-dire
vers
la
ville.
Dans un grand nombre de réalisations récentes, le parement est du verre sérigraphié
ou un écran, sur lequel sont projetées des
images et/ou du texte. Herzog et de
Meuron15 pensent que pour faire des murs,
des étages ils ont besoin de matériaux de
construction. Ils prennent ce qui leur passe
sous la main : des briques, du béton, de la
pierre, du bois, du métal, du verre, mais
aussi des mots, des images, de la couleur
et même des odeurs. Le but visé est
d’essayer de repousser les limites et de
comprendre ce qu’est l’architecture, et cela
par tous les moyens, avec tous les matériaux à leur disposition. Ils disent16 :
“Nous ne classons pas les matériaux. Nous ne préférons pas un matériau à
un autre. Même si récemment nombreux de nos projet sont caractérisés par
l’utilisation du verre sérigraphié, nous sommes toujours ouverts au bois, à la
pierre, etc... Bizarrement certains architectes pensent que le verre est le
matériau contemporain par excellence. Nous ne pensons pas qu’un matériau
puisse être plus contemporain qu’un autre. Dans un bâtiment de Souto de
Moura ou Roger Diener, les deux travaillent avec des matériaux dits
“traditionnels”, vous trouverez une réponse aussi complexe et contemporaine
que n’importe quel spécialiste dans l’utilisation du verre.” Quand on les
qualifie de contemporains, ils déclarent : “Nous rejetons les classifications
dans l’architecture, et nous
restons ouverts
d’esprit afin
d’approcher
l’architecture
sous un maxium
d’angles”. Après
tout, peut-être estce cela “être” contemporain?
Quelques Projets :
1. La bibliothèque pour le campus de Jussieu,
Paris, France,
1993 : “La
façade du bâtiment est entièrement de verre (100 X 130 cm),
sérigraphié avec le portrait d’écrivains célèbres.”
2. Musée du XX e siècle, Munich, Allemagne, 1992 : “L’enveloppe
est constituée d’une série de couches. Elle remplit la fonction
thermique, optique et acoustique, elle est constituée de moniteurs à
cristaux liquides qui communiquent des images et des lettres.”
3. Centre Culturel de Blois, France, 1991
: “Les panneaux électroniques avec le
texte
forment
une
structure
supplémentaire horizontale. Grâce au
texte de la pièce où des parties de
chansons défilent sur les panneaux
électroniques, l’aspect du bâtiment est
changeant. En plus, le bâtiment reflète
vers l’extérieur ce qui ce passe à
l’intérieur “
4. Entrepôt et usine de Ricola Europe,
Inc., Mulhouse-Brunnstatt, France, 1992
: “La lumière est filtrée par la paroi
translucide de polycarbonate sérigraphiée
avec une photo de Karl Blossfeldt. La
question était : Peut-on faire un mur avec
des images? Un mur peut-il être
transparent ?” Ils ont trouvé un moyen
terme entre transparence et solidité. Afin
d’aller au delà de la séparation
dialectique du plein et du vide, et de
rapprocher ces deux états.
5. Exposition à Paris 17 : “Cette exposition
sur notre travail est un essai d’application
de l’image à grande échelle, dans
l’architecture. Ce beau bâtiment des années
‘50, tout en verre, a été complètement
transformé par notre intervention. De très
grandes photos de nos projets étaient
appliquées sur les façades. De l’intérieur
on percevait plusieurs couches d’images :
celle du bâtiment lui même, puis les images
de nos projets, et enfin la vraie rue et son
architecture. “Ces contaminations, si
courantes dans la vie quotidienne, nous
intéressent.”
3.2.5. Wiel Arets
“En Europe du Nord, nous avons 14 heures
de soleil en été; en hiver, c’est l’inverse,
nous vivons pendant près des 2/3 de la
journée dans le noir. Nous devons donc très
souvent faire appel à la lumière
artificielle.”
La ville ne vit plus comme au XIX e siècle
(12 ou 14h par jour), aujourd’hui elle
tourne 24h sur 24, et les bâtiments doivent
être perceptibles à toute heure. Les
bâtiments de Wiel Arets ne sont jamais
éclairés artificiellement. Par un subtile jeux
de creusement sous ses bâtiments et
l’utilisation assez massive de la brique de
verre le bâtiment s’auto-éclaire dès que la
lumière est allumée a l’intérieur du
bâtiment.
3.2.6. Rem Koolhaas
Rem Koolhaas, s’interroge depuis quelques années déjà sur notre société
post-capitaliste. En 1989, il présente un projet pour le centre ZKM de
Karlsruhe en Allemagne.
Le ZKM, est un musée du média dans lequel Koolhaas essaie d’apporter
des réponses aux problèmes, de l’espace médiatique et de l’ubiquité de
l’information. En diversifiant les connections entre les espaces, et en
adoptant différents modes de circulation -plans inclinés, escalators,
escaliers et ascenseurs- Rem Koolhaas juxtapose les espaces et les
trajectoires, et expérimente la simultanéité du mouvement et l’ubiquité
du monde contemporain.
Rem Koolhaas met en doute la validité du concept linéaire et uniforme
de l’espace et du temps dans un environnement contemporain qu’il déclare
artificiel : “L’espace et le temps sont dénaturés, par la mise en oeuvre
des technologies dans nos environnements”.
Loin de l’espace cartésien et kantien, en d’autres mots «Moderne», Koolhaas
traite l’espace de manière diversifiée, non modulaire, multi-fonctionnelle et
fluide.
3.2.7. Jean Nouvel
“L’architecture est avant tout un acte de pensée” affirme Jean Nouvel18. Dans
une société ou l’on pense en terme d’image, n’est-il pas normal que
l’architecture se pose des questions à propos de l’image?
“La spécificité de l’architecture est celle d’être une réponse à une demande
sociale dans un contexte culturel précis”19 . D’ou l’importance d’une
représentation symbolique, la création d’une image, elle est là comme réponse,
comme valeur d’un moment donné. Qu’est-ce qui capte mieux un moment,
un mouvement, une réaction qu’une image? Comment mieux représenter la
société de l’image que par et en images?
“Il est aujourd’hui reconnu -même dans d’autres domaines- que la
connaissance moderne est très étroitement liée à la notion de vitesse. La
vitesse qui est devenue une question cruciale de l’esthétique de notre siècle.
La vitesse est liée à la bi-dimensionalité de l’information visuelle : télévision,
cinéma, publicité, etc. sont toutes des formes d’un monde traduit en deux
dimensions. C’est pour cela que je suis très intéressé par les qualités du
verre. C’est en tant que matériau où je peux projeter des images, travailler
avec différents degrés de réflexion, d’opacité et de transparence ....”20 . Son
intérêt pour les surfaces en tant que telles, en tant que question architecturale,
est aussi, dit-il “lié à la question de bi-dimensionnalité. Je suis convaincu
que les qualités spatiales ne sont plus aussi cruciales qu’elles l’ont été
un jour. Même si la nature même de l’architecture est de maîtriser
l’espace, la matérialité, les qualités de textures ou les significations des
surfaces deviennent de plus en plus importantes. La tension entre les
objets se lit dans les surfaces, les interstices. Si nous
prenons la différence classique entre espace servant
et espace servi, on réalise que dans de nombreux
programmes contemporains l’espace servi est de plus
en plus entrelacé avec l’espace servant. La structure
est souvent concrétisée dans l’espace servant.”
Cologne, dont les élus locaux souhaitent faire la
capitale allemande de la communication, accueille au
nord-ouest de la ville le «Média Parc». Il devrait
accueillir de nombreuses fonctions : hôtels, bureaux,
appartements, commerces, parkings, etc. avec
cependant une exigence dans le programme.
Comme son nom l’indique, le bâtiment doit être
un corps médiatique. Les façades, qui telles
d’immenses écrans vidéos transmettent des
informations, sont conçues de verre gris ou clair,
ponctuées de sérigraphies qui renseignent sur les
fonctions des bâtiments et l’activité des
occupants. On peut lire : l’identité des sociétés
qui y ont leurs bureaux, une numérotation des
niveaux, le mouvement des circulations verticales
(ascenseurs) est visible de l’extérieur, en
contrepoint aux déplacements horizontaux des
occupants des lieux. Ainsi la vie même est
intégrée à l’immense écran, avec ses apparitions et disparitions. La transparence,
l’éclairage intérieur accru, à proximité de la façade, donnent à l’écran bidimensionnel une profondeur, permettant la lecture de plusieurs plans superposés.
Au «Média Parc», mais aussi à Berlin pour les «Galeries Lafayette», Jean Nouvel
intègre des enseignes publicitaires dans ses façades. Il trouve absolument ridicule
de voir que dans les écoles on apprend encore à représenter l’architecture sous
des ombres à 45°. Le bâtiment régit une image aussi intéressante sous le
brouillard, sous la pluie, dans la nuit; obscure ou de pleine lune. “Les enseignes
lumineuses des rues commerçantes et les éclairages sont un des spectacles
architecturaux les plus beaux qui soit.”
Ses projets préfigurent une virtualisation de l’espace. Le verre n’est plus là dans
la relation au fer du XIXe siècle ou des années trente. Il y a une préfiguration de
la réalité virtuelle. Le verre est en réalité un simulateur d’écran, comme un
écran à cristaux liquides; ce n’est plus vraiment du verre.
1
Est-il nécessaire de rappeler que la définition du média est qu’il représente,
illustre, ou informe de quelque chose.
2
Du nom du constructeur de jeux vidéo.
3
Barbara Kruger, est née en 1945 à Newark dans le New Jersey aux EtatsUnis, enfant unique d’une famille de classe ouvrière moyenne. Sa mère
était secrétaire et son père travaillait dans une usine d’huile de moteur.
Aujourd’hui Kruger pratique toujours son art, mais elle s’est investie dans
des travaux avec des architectes et des urbanistes. Elle est éditeur,
enseignante et écrivain.
4
Nam June Païk est né en 1932 à Séoul en Corée. Après avoir étudié la
musique, il quitte son pays en 1950 pour le Japon, et en 1958 il s’installe
en Allemagne.
5
Elisabeth Diller est née à Lodz (Pologne) en 1954. Elle est licenciée de la
Cooper Union et enseigne à la Princeton University. Ricardo Scofidio en
né en 1935 à New-York. Il fit ses études à la Columbia University (NY), et
il enseigne à la Cooper Union.
6
in ‘PLACE POSITION PRESENTATION PUBLIC’, Ine Gevers,
Amsterdam, 1992, pp124-134. Editer à l’occasion d’un symposium en Avril
1992 à la Jan Van Eyck Academie à Maastricht.
7
in AA n°286, Architecture et art, Commentaire, Graham, Le visuel pris au
piège, pp48-53.
8
Dan Graham, est né en 1942 à Urbana dans l’Illinois aux Etats-Unis. Il
vit à New York mais travaille souvent en Europe, où il expose régulièrement.
Il fut directeur de la John Daniels Galerie à New York jusqu’en 1965, date
de la faillite de la galerie.
9
Voir ‘Enquête sur les sièges de l’info’, Véronique Parent, ed. Hazan, Paris,
1994, pp148-153.
10
tel que Véronique Parent les a baptisé in ibidem.
11
Comme le faisait remarquer Paul Virilio, in ibidem.
12
Voir ‘Architecture et communication’, par Jean Luc Capron, in Japon :
Contexte d’architecture, A+ Architecture, ed. CIAUD, Bruxelles, 1989, Vol
104 de octobre, pp45-46.
13
in Architecture d’Aujourd’hui n°300, ‘Herzog et de Meuron’.
14
in El Croquis num. 60. Interview de Herzog et de Meuron par Alejandro
Zaera.
15
in ibidem.
16
in ibidem.
17
in Architecture d’aujourd’hui n°300, ‘Herzog et de Meuron’, pp47.
18
in El Croquis n°65+66; ‘Jean Nouvel’.
in ibidem.
20
in ibidem, pp30.
19
NOTRE
ÈRE
EST-ELLE
[ETHIQUEMENT]
REFLETABLE
EN
ARCHITECTURE?
4. N O T R E È R E E S T - E L L E
[ETHIQUEMENT] REFLETABLE EN
A R C H I T E C T U R E ?
matérialité. Cette architecture contemporaine qualifiée d’immatérielle, écarte et
repousse ses constituants habituels c’est-à-dire des éléments solides et palpables. Derrière la transparence se prépare la dérégulation de l’espace, au profit du
temps du XXIe siècle, celui du temps réel. Jusqu’à présent, l’important c’était
l’étendue des dimensions, des volumes et de la 3D. Or le temps vient à dominer
l’espace réel et à disqualifier ce qui fait [faisait] le fondement même de
l’architecture : la création d’espaces.
La vocation publique des actuels sièges de l’info, est d’afficher et d’informer.
Cela se reflète dans les média-building comme Paul Virilio 1 les appelle. Selon
lui, de nos jours, le bâtiment disparaît dans son information. “Si on regarde les
architectures de presse des années trente, il y avait déjà un affichage, mais
l’architecture avait encore des modénatures. Aujourd’hui le bâtiment se dissout
dans son message. Là réside la différence entre l’écran et l’image. L’écran est
le lieu de l’esthétique de la disparition. En disant que l’écrit s’oppose à
l’écran, je ne dis pas que l’écrit s’oppose à l’image, ce qui serait aberrant.
Non, l’écran, c’est le lieu d’apparition de l’émission-réception. Or l’architecture,
dans ces bâtiments médiatiques, préfigure sa propre expression dans un écran,
c’est-à-dire que l’écran devient l’architecture. Il y a dans ces bâtiments le
symptôme clinique d’une esthétique de la disparition de l’architecture au profit
des médias. De la même façon qu’il y a eu la disparition de l’escalier dans
l’ascenseur, quelque chose de même nature se passe aujourd’hui avec toute
l’architecture. L’architecture s’est constituée autour du corps physique, autour
de l’accès, de l’escalier, du porche, du seuil, et du narthex. Le corps servait de
référence à la pénétrabilité de l’édifice. Désormais la télé-entrée, la télé-venue,
la télé-présence, prennent le pas sur l’entrée et la présence physique du corps
dans l’espace. C’est une mutation importante. La télé-présence, c’est le passemuraille. Ces édifices sont de passe-murailles pour les images et le son.”
De plus l’image est bavarde, elle manipule. Mais l’architecture est un art abstrait.
L’abstraction est la seule opération mentale inaccessible aux animaux et que
l’humain seul est capable d’accomplir. Sans ce don d’abstraction, nous mangerions de la viande crue dans des grottes. Mais
heureusement, un jour, un homme a su faire abstraction de ce qu’il voyait, pour voir en la chose
qu’il regardait quelque chose d’autre. Il a su faire
d’une simple pierre un outil capable de trancher.
Nier l’abstraction dans l’architecture serait
donc en quelque sorte nier ce qui fait de l’architecture de l’architecture.
Derrière la question esthétique des immeubles dit «médiatiques» ou «de l’info»,
se pose une question d’éthique quant-au sort de l’homme informateur et de
l’homme informé. Ce qui menace cette architecture, est ce qui nous menace tous
et qui a déjà eu des répercussions sur la monnaie. Avec l’impulsion électromagnétique de ce qu’on appelle la «monétique», la monnaie est passé d’abord de
3D à 2D, et de nos jours à 0D. Elle est devenue une impulsion électrique qui
fonctionne à la vitesse de la lumière. La monnaie a perdu ses caractéristiques
antérieures d’or, d’argent, de billet ou de chèque. L’architecture qui se veut
phénoménologique traduit cette dématérialisation, cette éphémérisation de notre
vie quotidienne. Il en résulte donc une architecture qui se menace elle même, qui
s’auto-détruit, car elle élimine ce qui a toujours fait l’architecture, à savoir la
Paul Virilio déclarait récemment2 que “Le contenu de la mémoire est fonction de la vitesse de
l’oubli.” En effet, si les choses bougent de plus
en plus vite, grâce à des machines de plus en plus
puissantes, les gens retiennent de moins en moins.
Si’il est vrai que certaines choses qui avant prenaient des heures, peuvent aujourd’hui être réalisées en quelques dixième de
seconde, force est de constater que l’écran ou la bande vidéo ont cette extraordinaire capacité de mémoire infinie -dans le temps et en quantité- et qu’ils
peuvent jouer un rôle important dans la mémoire des gens.
L’architecture est un art muet et doit donc pouvoir faire passer des messages qui sont exprimables dans un monde muet. Il est vain de vouloir transposer
la force des images dans l’architecture, elle n’en est pas capable et cela n’a
jamais été son rôle.
1
in ‘Enquête sur les sièges de l’info’, Véronique Parent, ed. Hazan, Paris,
1994, pp159.
2
in Connaissance des Arts, Octobre 1996, Vol. 532, Paul Virilio, ‘Le cavalier de l’accident intégral’, pp57-91.
EN ATTENDANT
LE
E
XXI SIÈCLE
5. EN
ATTENDANT LE
XXIE
SIÈCLE
Avant de commencer cette conclusion, je tiens à préciser qu’elle est -comme
tout ce travail- partiale. Il y avait bien sûr moyen de faire une toute autre
analyse de la société contemporaine, basée par exemple sur l’humanitaire
ou l’écologique, mais tel n’a pas été mon intention. Il ma semblé plus
interessant d’analyser le coté «image», prédominant dans notre société
actuelle.
L’exemple de la domotique, où des capteurs solaires sur le toit renvoient
les rayons du soleil à l’intérieur d’un espace totalement clos 1 , montre que
la fenêtre n’est plus là pour éclairer. C’est un mécanisme fébrile qui n’a
plus grand chose à voir avec “l’art des volumes assemblés sous la lumière.” Les murs qui deviennent des écrans; les fenêtres, qui deviennent
des fibres optiques sont des éléments de mutation profonde non pas fonctionnels, mais du vocabulaire architectonique classique. Les technologies
nouvelles ont une telle puissance à modifier le rapport au réel que l’on
aboutit, comme le dit Paul Virilio, à “une déconstruction de l’architectonique”. Quand on voit l’importance des écrans et leur multiplication dans
les multimédias, il ne fait aucun doute que l’écran est appelé à remplacer
la fenêtre. Non seulement dans la fonction de vision, télévision, mais aussi
dans la fonction d’éclairement. Si la fonction primaire de la fenêtre était
de donner à voir et d’éclairer, les écrans d’aujourd’hui donnent à voir ce
qui se passe à l’extérieur. 2
Le siècle prochain sera incontestablement celui de l’image de synthèse, de
l’information à outrance (Cfr. Internet). Il en résultera forcément une architecture de l’image.
L’espace est caractérisé par autre chose que son volume, le matériau utilisé
a également son importance, et des matériaux on en découvre tous les
jours. L’image est un matériau qui aujourd’hui se retrouve dans relativement peu d’édifices, ce qui est assez surprenant vu l’importance qu’elle a
dans notre société.
Avant nous, de nombreuses civilisations s’étaient rendu compte que leurs
constructions pouvaient être plus parlantes, mieux comprises. Le texte a
toujours été mis sur des édifices, comme par exemple sur Taj Mahal ou sur
les pyramides d’Egypte. Il serait dès lors tout a fait logique que notre société de consommation post-industrielle se fasse écho dans son architecture
de ce qui la représente le mieux, à savoir les écrans et leurs images.
L’architecte qui ne s’intéresse pas à ce monde de l’image et de la perception du monde au travers des écrans est un «gérono-architecte». Mais
en s’intéressant à ce monde de l’image, on se rend vite compte que
l’architecte n’est plus occupé avec des notions d’espaces, c’est-à-dire
avec de l’architecture. Avec quoi il est occupé, nous n’avons pas réussi
à le définir 3 . De là à déduire que l’architecture telle que nous la
connaissons aujourd’hui, est irrémédiablement révolue et obsolète, il
n’y a qu’un pas que certains n’hésiteront pas à franchir.
Une civilisation qui ne crée plus de nouvelle architecture, mais repose
sur des valeurs antérieures et les qualifie de contemporaine, est une
civilisation qui n’évolue plus. Et une civilisation qui n’évolue plus est
une civilisation qui se meurt.
La maîtrise dans l’architecture de l’image permettra de maîtriser autre
chose que l’image elle-même, elle permettra de maîtriser son existence.
Ne pas assumer la société d’images dans laquelle nous vivons, c’est
refuser là où nous avons mené notre civilisation. Nier l’image revient à
nier la civilisation occidentale en cette fin de millénaire.
Grâce aux technologies contemporaines, on peut faire apparaître certains aspects des choses, invisibles à l’oeil nu. Avec l’agrandissement
ou le ralenti, on peut voir des images qui échappent en temps normal à la
vision naturelle. Par des close-up, c’est-à-dire en focalisant notre attention
sur des détails d’objets familiers, au travers de l’appareil de photo ou de
la caméra, nous comprenons mieux les choses essentielles qui nous entourent. Avec le close-up, l’espace s’étend; avec le ralenti, le mouvement
se prolonge. Le multimédia nous ouvre un nouveau monde. L’image et le
son montreront des choses qui ne sauraient être vues parce qu’elles se
déroulent trop vite, trop lentement, à un autre moment, ou à un autre
endroit.
L’environnement est perçu par l’ouïe et le regard, et cela de façon instinctive; par contre le regard vers un écran se fait de façon consciente.
Regarder un espace au travers d’un écran nous amène à le voir autrement, d’une façon plus consciente. Dans la perception d’un espace au
travers de l’écran, un processus inconscient se substitue à un processus
conscient [regard]. D’ailleurs à force de percevoir le monde au travers
des écrans, les gens ne prennent conscience et ne réalisent certaines choses
qu’après l’avoir vu à l’écran.
Les écrans de télévision ont aujourd’hui mauvaise réputation car on assimile l’utilisation de se médium à de mauvaises fins. L’intérêt de la télévision n’est pas de montrer des réalités [reality show], car elles n’auront
jamais la présence de la chose réelle [l’aura], mais de montrer des choses
qui ne seraient pas vues [connues ] si ce médium n’existait pas.
Avec les voies de communications contemporaines, l’information publique est devenue un point central dans nos foyers. Le public est devenu un
cohabitant de l’espace privé, et l’intimité elle aussi est devenue un objet
public 4 .
Certains architectes se sentent aujourd’hui trahis par le monde de la publicité et par les enseignes lumineuses qui défigurent et dénaturent leurs
élévations. Parmi les solutions qui existent afin de maîtriser ce nouveau
fléau qu’est le monde de l’image (publicitaire ou pas), on peut envisager
d’intégrer ces panneaux publicitaires dans la construction et ce dès la
conception architecturale. Nous espérons que cette étude aura montré qu’au
delà de l’intégration d’un phénomène jusqu’aujourd’hui mal maîtrisé, il y
a moyen d’utiliser ces nouvelles technologies pour créer des espaces
nouveaux, toujours différents, changeants -si on le souhaite- jusqu’à 24
fois par seconde. L’image est un matériau qui offre des possibilités
nouvelles et illimitées, pour les espaces du IIIe millénaire.
La transparence des bâtiments de verre de ces dernières années, préfigure
la virtualisation de l’espace, c’est-à-dire un espace où les murs sont
remplacés par des écrans, ou par des systèmes d’émission et de réception.
A l’avenir, la fonction d’isolement climatique comptera infiniment moins
que la fonction d’affichage.
1
Je fais ici allusion à l’architecture de Norman Foster «Hong Kong et
Shangai Banking Coporation» à Hong Kong.
2
Dans les ascenseurs à Tokyo il y a des écrans qui diffusent la vue qu’on
pourrait avoir si l’ascenseur était en verre.
3
Mais il est à noter que personne n’a jamais non plus réussi à définir
l’architecture
4
Ce phénomène est parfaitement illustré par les émissions récentes de
radio et de télévision ou les gens exposent leur problêmes généralement
privés au grand public, ainsi que tous les «reality shows».
RÉFÉRENCES
BIBLIOGRAPHIQUES
6. R ÉFÉRENCES
BIBLIOGRAPHIQUES
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15
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Documentaire télévisuel :
_ ‘Espace = Ecran ?’. Institut National de l’Audiovisuel (INA) et IMAGINA 1996
Monaco.
_ ‘Un monde digital, Internet’. un film de Martin Meissonnier. (Soirée théma sur
ARTE.)
Sites sur le Web :
_ http://pixels.filmtv.ucla.edu/community/julian_scaff/benjamin/benjamin.htm,
‘The work of art in the age of mechanical reproduction’, Paul Valery, texte original de
l’essai ‘The work of art in the age of mechanical reproduction’, de Walter Benjamin.
_ http://www.kisho.co.jp/Books/book/chapter1.html jusqu’à chapter6.html,
‘From the age of machine principle to the age of life principle’, texte original du livre
‘The philosophy of symbiosis’, Academy editions.
_ http://jw.nttam.com/LWT/TOKYO/REDCROSS/redcross_area_shinjuku.html
_ http://www.el.utwente.nl/tdm/istg/people/dnt/met.html
Livres a consultés en relation avec le sujet.
_ Bernard Cathelat, ‘Publicité et société’, ed. Payot, Paris, 1992.
_ Gérard Lagneau, ‘La sociologie de la publicité’, ed. Presses Universitaires de
France, Paris, 1977, Vol 1678 de Que sais-je.
_ Umberto Eco, ‘Le signe’, ed. Labor, Bruxelles, 1988.
_ Jean Luc Capron, ‘La ville européenne à l’épreuve de la dynamisation spatiotemporelle de l’environnement urbain’, in L’architecture et l’urbanisme : pédagogie
-praxis- recherche dans l’Europe unie de 1993, Dan Bernfeld, ed. I.S.A. Saint-Luc
Bruxelles, Bruxelles, 1993, pp35-41.
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