Vers la construction d`un modèle de la performance à long terme

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Vers la construction d'un modèle de la
performance à long terme des commerciaux
Xavier C. Martin
PhD ESSEC
Directeur PhormAction
24, av. André Chevrillon
92210 St Cloud
Pauline de Pechpeyrou
Docteur en Sciences de Gestion
Université de Lille II (ESA)
1, place Déliot
BP381 - 59020 - Lille Cedex
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Vers la construction d'un modèle de la
performance à long terme des commerciaux
Résumé :
Si la performance est l’objectif premier de l’organisation commerciale, celle-ci a été mesurée
historiquement en termes de ventes et de profits. La présente recherche propose une autre
lecture de la performance, soit celle du long terme. Le lien entre les actions managériales
(Système de Contrôle des Forces de Vente) et cette performance à long terme est ensuite testé
empiriquement auprès de 120 responsables des ventes en France.
Mots-clés : performance à long terme, vente relationnelle, Système de Contrôle des Forces de
Vente (SCFV)
Towards a Model of Salesperson’s Long-Term Performance
Abstract:
Sales force performance has been measured historically in terms of sales and profits. This
research proposes a new approach, i.e. the salesperson’s long term performance. The impact
of sales managers’ actions (Sales Force Control System) on this long term performance is
tested among 120 French sales managers.
Key-words: Long Term Performance, Relationship Selling, Sales Force Control System
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La notion de performance est au cœur des préoccupations des chercheurs et des organisations
commerciales, car elle constitue le critère ultime du succès d’un commercial et de son
organisation. La question de sa mesure est donc une problématique particulièrement
importante pour les responsables des forces de vente et les entreprises.
Dans l’approche traditionnelle du marketing, l’objectif des commerciaux est d’obtenir une
vente. Ils sont donc principalement évalués sur le nombre et le montant des ventes finalisées.
De nombreuses recherches se sont penchées sur l’impact des actions du management sur la
performance des commerciaux. De façon prioritaire, c’est la performance à court terme
(performance résultats) qui est prise en compte dans ces études empiriques, qu’il s’agisse de
celle des commerciaux ou de celle de l'organisation (Cravens et al., 1993 ; Oliver et
Anderson, 1995 ; Piercy et al., 1998 ; Baldauf et al., 2001a).
Cependant, chercheurs et praticiens sont de plus en plus convaincus que cette simple mesure
de performance orientée résultats n’est pas suffisante puisqu’elle ne prend pas en
considération toutes les dimensions de la performance attendue des commerciaux. En effet, la
concrétisation d’une vente immédiate n’est pas nécessairement le seul objectif assigné au
commercial par sa hiérarchie. Le manager est ainsi souvent confronté à des dilemmes du
type : faut-il s’occuper d’un client qui va amener une vente à court terme ou d’un autre qui
présente un haut potentiel à long terme ? Ainsi, bien que la perspective temporelle de la
performance n’ait pas été identifiée en tant que telle dans les études empiriques, elle y
apparaît en filigrane : « la vente relationnelle met plus l’accent sur les résultats à long terme
que sur les résultats à court terme ; les stratégies relationnelles requièrent donc davantage
d'implication de la part du management et des vendeurs et plus d'emphase sur les processus
(comportements) que sur les résultats à court terme » (Baldauf et al., 2001b, p. 494). Même
une recherche récente portant sur la conceptualisation de la performance du vendeur selon
trois interfaces (Parissier et al., 2005) ne prend pas en compte cette dimension de long terme
de la performance, même si les auteurs reconnaissent comme piste d’amélioration de leur
modèle la nécessité d’intégrer la réalité liée au temps, en évaluant le fait que certains
commerciaux veulent « privilégier une approche qualitative avant l’obtention de résultats
quantitatifs auprès des clients » (p. 71). Cette notion de performance à long terme n’a jamais
été considérée dans la littérature sur les forces de vente ; c’est donc un sujet nouveau.
L’approche que nous adoptons ici est exploratoire ; elle a pour but de comprendre et non de
tester un modèle intégrateur.
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L’objectif principal de ce papier est de proposer une autre dimension de la performance des
commerciaux, qui va prendre en compte l’approche relationnelle du marketing et de la vente.
L’article est organisé de la manière suivante : après avoir défini la performance à long terme
des commerciaux, nous proposons d’établir un lien entre le management de la force de vente
(par le biais des deux orientations du « Système de Contrôle des Forces de Vente » ou SCFV)
et cette performance à long terme. Ce lien sera testé grâce à une étude empirique menée
auprès de responsables des ventes en France.
LA PERFORMANCE DES COMMERCIAUX SELON LES APPROCHES MARKETING
Deux stratégies s’opposent en marketing et en vente, soit l’approche transactionnelle et
l’approche relationnelle. Celles-ci se distinguent notamment en fonction de l’horizon
temporel (court terme vs. long terme) et du focus privilégié (ventes vs. client) (Guenzi, 2003).
Ces différences conduisent à concevoir et mesurer la performance à l’aide d’indicateurs
spécifiques.
L’approche transactionnelle, qui a longtemps prévalu dans la littérature, se concentre sur la
finalisation rapide des ventes (Kotler et Turner, 1985). La conclusion d’une vente est
d’ailleurs généralement considérée comme la variable dépendante d’analyse (Webster, 1992).
La stratégie de vente transactionnelle a pour objectif principal l’obtention de l’accord, de la
commande du client ; « une activité ponctuelle dans laquelle l’effort de vente est porté sur le
résultat de la transaction à court terme » (Slater et Olson, 2000). Dans cette stratégie, parfois
définie comme la « vente forcée » traditionnelle, les commerciaux visent à obtenir des
résultats à court terme en utilisant des techniques de vente agressives afin de convaincre les
clients d’acheter leurs produits (Weitz, 1981). Ces techniques incluent notamment la
réfutation des objections, les tactiques de fermeture de vente ou encore la stratégie de
l’entonnoir. Ces comportements des commerciaux visent à maximiser les volumes immédiats
de vente, au détriment parfois des résultats à long terme (Hawes et al., 1996).
Cette approche transactionnelle a été remise en cause par le développement du marketing des
services (Rafiq et Ahmed, 1993 ; Grönroos, 1991, 1994). En particulier, les chercheurs
scandinaves (Grönroos, 1991 ; Gummesson, 1996) préconisent d’envisager la vente comme le
début de la relation et non comme la finalité de l’entreprise.
Dans la perspective relationnelle, l’avantage compétitif est acquis par l'établissement de
relations durables avec les clients, caractérisées par un degré élevé de confiance, de loyauté et
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d’engagement des clients (Grönroos, 1997). Les notions de partenariat et de confiance sont au
cœur du marketing relationnel (Cravens et al., 1993). Dans ce cadre, la vente relationnelle se
focalise sur « l'établissement de confiance mutuelle entre un acheteur et un vendeur et
l'apport d'une valeur ajoutée anticipée à long terme aux acheteurs afin de créer des relations
à long terme, des alliances et des collaborations avec des clients spécifiques, quand cela est
possible » (Jolson, 1997, p. 76).
L’approche relationnelle dans la vente, même si elle est récente, est une des tendances fortes
de l’évolution de la force de vente dans le nouveau millénaire (Anderson, 1996). Elle
implique une vente plus orientée sur le long terme (Bergadaà, 1993) ainsi qu’une
professionnalisation accrue des commerciaux (Darmon, 1997). La vente relationnelle confère
ainsi une place essentielle aux commerciaux : « en tant que lien fondamental entre
l'entreprise qui vend et celle qui achète, ils ont une influence considérable sur les perceptions
de l'acheteur concernant la fiabilité du fournisseur et la qualité du service, et en conséquence,
de l'intérêt de l'acheteur de continuer la relation » (Weitz et Bradford, 1999, p. 241). Une
entreprise adopte une stratégie de vente relationnelle quand ses commerciaux présentent des
comportements de vente relationnelle (Wotruba, 1996), caractérisés par une interaction
intense et une intention de coopération (Crosby et al., 1990).
Conceptuellement, l’approche transactionnelle est liée à une perspective stratégique de court
terme, alors que l’approche relationnelle est liée à une perspective stratégique de long terme.
Cette perspective temporelle différente affecte la nature de la performance visée. Ainsi, ce
sont les ventes à court terme qui sont privilégiées dans l’approche transactionnelle, alors que
ce sont les résultats à long terme, notamment la qualité des relations interpersonnelles entre le
vendeur et l’acheteur, qui sont au cœur de l’approche relationnelle (Crosby et al., 1990).
Depuis peu, des études génériques s’intéressent à la performance de long terme des
organisations, mesurée en termes de satisfaction de la clientèle et de confiance envers le
commercial (Ngobo et Ramaroson, 2005 ; Dussard, 2005). Les différences de perspective des
deux approches sont reprises dans le tableau 1.
< Insérer Tableau 1 >
Si la performance à court terme des commerciaux a souvent et facilement été mesurée
(Cravens et al., 1993 ; Piercy et al., 1998 ; Baldauf et al., 2001a), il n’y a à ce jour et à notre
connaissance aucun apport conceptuel ou empirique concernant leur performance à long
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