VI Une fiscalité pour la croissance
SGCI. Il a eu largement recours à des papiers privés, provenant d’hommes
politiques ou de hauts fonctionnaires, il a utilisé les témoignages oraux de
certains d’entre eux, et il a systématiquement dépouillé le bulletin du CNPF
et les documents de multiples branches professionnelles qui ont été en rap-
port avec la DGI, pour saisir l’influence des groupes de pression. Il a ainsi
exploité une masse de documents impressionnante, contenant des informa-
tions souvent très techniques. En utilisant à bon escient divers travaux de pra-
ticiens, de juristes ou d’économistes, il est parvenu à comprendre (et à faire
comprendre aisément à ses lecteurs) le sens des dispositions législatives ou
réglementaires les plus ardues. Il a réussi à exploiter avec clarté, quand
c’était nécessaire, les documents les plus techniques, dans le seul but
d’appuyer et d’illustrer sa démonstration.
Celle-ci repose sur une idée centrale : « L’impôt, qui avait à l’origine une
fonction essentiellement budgétaire, est progressivement devenu, après la
dernière guerre, un instrument de politique économique » : alors que, selon
la conception traditionnelle, il constituait essentiellement un élément de
l’équilibre des finances publiques, des approches novatrices poussent à s’en
servir pour soutenir la croissance économique. L’auteur veut tout à la fois
montrer la « conversion » de la DGI à ces conceptions nouvelles et saisir la
mise en œuvre difficile de cette réforme de la fiscalité entre 1948 et 1968.
C’est une période d’intense transformation du système fiscal et
d’« adaptation de la fiscalité aux règles du marché », ainsi que l’indiquait le
titre de la thèse, mais le mouvement de réforme n’a pas progressé de façon
linéaire, l’ardeur réformatrice de la DGI ayant fluctué, avec des temps forts
très marqués et des moments de répit relatif ou de pause.
En 1948, la toute nouvelle DGI fait une première tentative, en partie avor-
tée, pour moderniser notre système fiscal, et elle hésite ensuite à soutenir les
premiers efforts des pouvoirs publics pour mettre l’impôt au service de la
modernisation de l’économie. À partir du milieu de l’année 1952, sa position
s’infléchit, elle prend l’initiative d’un train de réformes d’inspiration libérale
et elle est directement à l’origine de la création de la TVA en 1954. Mais la
révolte poujadiste de 1954 brise net cet élan réformateur. Après avoir tenté
vainement de sauver les réformes en cours, la DGI abandonne toute ambition
modernisatrice. La crise des finances publiques qui marque les deux dernières
années de la Cinquième République, due largement au coût de la guerre
d’Algérie, laisse pendant cinq ans l’administration fiscale « sans projet et
sans influence ». Cette pause prend fin en 1959 : le pouvoir gaulliste relance
alors une politique fiscale dynamique, à laquelle la DGI est étroitement
associée ; celle-ci soutient activement cette politique, qui s’accélère de 1963
à 1968 sous l’impulsion de Valéry Giscard d’Estaing.
Ce livre nous fait découvrir l’importance et la personnalité de hauts fonc-
tionnaires marquants qui ont été à la tête de la DGI, comme Paul Delouvrier,
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