Item 46 - Facultés de Médecine de Toulouse

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Item 46 : SUJET EN SITUATION DE PRECARITE,
FACTEURS DE RISQUE ET EVALUATION.
Mesure de protection sociale. Morbidité et co-morbidité :
diagnostic, complications et traitements.
Objectifs pédagogiques:
Évaluer la situation médicale, psychologique et sociale d’un sujet en situation de
précarité.
Auteur :
Réfèrent :
Docteur Pascale Estecahandy
Docteur Pascale Estecahandy
([email protected])
Version 2008
Points importants :
-
Juillet 2008
état de santé et recours aux soins sont corrélés au gradient social
les mesures de protection sociale facilitent l'accès aux soins
la prise en compte de la vulnérabilité sociale favorise un soin de qualité
l'hôpital a un rôle dans la lutte contre les exclusions sociales
Module 3 – Item 46
Table des matières
1
2
3
Introduction............................................................................................................................................................................................3
Définitions : pauvreté, précarité, exclusion.................................................................................................................................3
2.1 Pauvreté
3
2.2 Précarité
3
2.3 Exclusion
4
Approche qualitative et quantitative .............................................................................................................................................4
3.1 Au niveau national
4
3.2 En Midi-Pyrénées
4
Les inégalités sociales de santé : éléments de compréhension.................................................................................................5
4.1 État de santé
5
4.2 Recours aux soins
5
8
8
Obligations réglementaires, législatives et déontologiques......................................................................................................9
6.1 Les textes législatifs de référence
9
6.2 Le service public hospitalier
7
7
Précarité : état de santé et recours aux soins............................................................................................................................7
5.1 Etat de santé
7
5.2 Recours aux soins
6
5
9
La protection sociale des personnes en situation de pauvreté............................................................................................... 10
7.1 La CMU de base
10
7.2 La CMU complémentaire
10
7.3 Les bénéficiaires de la CMU : profil et consommation de soins
10
7.4 L’Aide Médicale Etat
11
7.5 les personnes sans droits potentiels
11
7.6 La prise en charge soins urgents
11
Les dispositifs spécifiques..............................................................................................................................................................11
8.1 Les PASS : permanences d’accès aux soins de santé.
11
8.2 les LHSS : lits halte soins santé
9
10
11
11.1
12
Les dispositifs toulousains ............................................................................................................................................................. 12
Eléments de repérage : protocoles et aspect éthique ............................................................................................................. 14
La prise en charge : diagnostic, examens complémentaires, traitements............................................................................ 14
Interrogatoire du patient
14
11.2 Examen clinique
15
11.3 Rechercher les facteurs de risque
15
11.4 Les examens complémentaires
15
12
13
A retenir............................................................................................................................................................................................ 16
Pour en savoir plus…......................................................................................................................................................................... 16
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Module 3 – Item 46
1 Introduction
Précarité et altération de l’état de santé sont intimement liés, aussi l’analyse des déterminants
sociaux de la santé est indispensable à une prise en charge sanitaire de qualité. La précarité
sociale est importante dans nos sociétés tant sur le plan quantitatif que des catégories de
population touchées. Ses conséquences sanitaires sont par ailleurs révélatrices de
dysfonctionnements du système de protection sociale et nécessitent une prise en charge
spécifique. Dépassant la question de la précarité, les liens entre santé et contexte social
traversent tout le corps social et se retrouvent dans l’étude des inégalités sociales de santé qui
permettent de décrire et comprendre les inégalités face à la mort et à la maladie attribuables
au contexte social des personnes.
2 Définitions : pauvreté, précarité, exclusion
2.1
Pauvreté
Classiquement la pauvreté est définie en référence à une norme monétaire. Un individu est
considéré comme pauvre quand son niveau de vie est inférieur au seuil de pauvreté. Ce seuil
est fixé à 50 % du niveau de vie médian1 en France soit 6812 euros, tandis qu’Eurostat
(organisme européen) privilégie le seuil de 60 % soit 817 euros. Le revenu pris en compte est
le revenu "disponible" : après impôts et prestations sociales (attention, les données de l’Insee
ne comprennent pas une partie des revenus du patrimoine). Pour tenir compte de la
composition des ménages, on élève ce seuil en fonction du nombre de personnes du foyer. En
30 ans, le seuil de pauvreté exprimé en euros constants de 2005 (inflation prise en compte) a
été quasiment multiplié par deux, suivant ainsi l’évolution du niveau de revenu médian
global. Définir la pauvreté est une construction statistique. L’écart entre les seuils de 50 et
60 % le montre: le taux de pauvreté va du simple au double selon que l’on utilise la première
ou la seconde définition.
Autre approche, les minima sociaux, ils correspondent à une approche administrative des
situations de pauvreté. Il y a 9 minima sociaux en France.( RMI, AAH, ASPA, ASS, API,
ASI, AI, AER, Allocation veuvage)3
Mais la notion de pauvreté est aussi une notion relative car elle dépend de l’environnement
socioculturel de la personne. On introduit ici une notion qualitative « la pauvreté au regard
des conditions de vie » : l’individu est considéré comme pauvre s’il ne peut satisfaire à
l’ensemble des besoins qui lui permettent de mener une vie décente dans une société donnée (
logement décent, scolarisation, accès aux soins, équilibre nutritionnel…). Un indicateur
synthétique (synthèse des réponses à 27 questions) issu de l’Enquête permanente sur les
conditions de vie de l’Insee permet de mesurer cette dimension « conditions de vie ».
2.2
Précarité
« La précarité est l'absence d'une ou plusieurs des sécurités permettant aux personnes et aux
familles d'assumer leurs responsabilités élémentaires et de jouir de leurs droits fondamentaux.
L'insécurité qui en résulte peut être plus ou moins étendue et avoir des conséquences plus ou
moins graves et définitives. »4 En latin, precarius, signifie ce qui a été obtenu par la prière.
Cette étymologie indique que toute précarité est synonyme de dépendance à l'égard d'une
1
Le niveau de vie médian coupe la population en deux : autant gagne moins, autant gagne davantage.
Donnée 2007
3
revenu minimum d’insertion, allocation adulte handicapé, allocation de solidarité aux personnes âgées, allocation de
solidarité spécifique, allocation parent isolé, allocation supplémentaire d’invalidité, allocation d’insertion, allocation équivalent
retraite, allocation veuvage
4
J.WRESINSKI. Grande pauvreté et précarité économique et sociale. Paris, Journal Officiel, 1987, p 14.
2
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Module 3 – Item 46
puissance tutélaire, quelle qu'en soit la nature, qui peut accorder comme refuser ou retirer.
Ainsi, ce qui est précaire est, mal assuré, mal établi, instable.
La précarité ne caractérise pas une catégorie sociale particulière. C’est le résultat d'un
enchaînement d'évènements et d'expériences qui débouchent sur des situations de fragilisation
économique, sociale et familiale. Les notions de précarité et de pauvreté ne se recoupent pas
totalement. « Si la précarité a longtemps été considérée comme un phénomène marginal et a
souvent été confondue avec l'exclusion ou la grande pauvreté, elle a atteint une telle ampleur
qu'elle touche aujourd'hui, directement ou indirectement, une partie de la population française
qui va bien au-delà des plus défavorisés »5.
2.3
Exclusion
L'expression "exclusion sociale" trouve son origine dans l'ouvrage de René Lenoir : "Les
exclus", paru en 1974. C’est une notion dynamique et non un état. Elle est définie comme un
« processus de cumul de ruptures avec les formes essentielles du lien social : habitat, famille,
couple, travail et avec les formes essentielles des modes de vie dominants dans une société
donnée. » 6
A la notion d’exclusion sociale, répondent des politiques de lutte contre l’exclusion ou des
politiques d’insertion. Le concept d’exclusion sociale peut se définir, selon deux grands
principes dépassant le caractère monétaire du concept de pauvreté. Le premier est une
conception "juridique" correspondant à la non-réalisation des droits sociaux de base garantis
par la loi. Les politiques de lutte contre l'exclusion sont entendues comme la création ou
l'extension des droits sociaux, l'idée d'une citoyenneté retrouvée.
Le second reprend une définition de l'exclusion sociale de R. Castel et part du contexte
d'évolution technologique et sociale comme source d'exclusion. L'exclusion sociale est alors
définie soit "comme une incapacité d'expression de la situation vécue [...], c'est-à-dire une
anomie sociale", soit comme engendrant "une culture de l'exclusion [...], des modes de vie
spécifiques dans des groupes sociaux considérés par la société comme déviants, voire
dangereux". Les politiques d'insertion ont pour but le maintien de la cohésion sociale, la lutte
contre une forme de violence des rapports sociaux.
3 Approche qualitative et quantitative
3.1
Au niveau national
Si l’on prend l’hypothèse haute (seuil de pauvreté à 817 € mensuels), il y avait en France
7,136 millions de personnes pauvres en 2005 soit 12% de la population7. Dans cet ensemble,
le taux de pauvreté des enfants est supérieur à celui de l’ensemble de la population, de 8 %
environ contre 6 %. On estime le nombre d’enfants pauvres à deux millions.
Il y a environ 3 millions de travailleurs pauvres.
Le taux de chômage est stable depuis 2002 autour de 9%.
4,6 millions de personnes bénéficient de la CMU, soit 7,4 % de la population.
Il y avait 1,19 million de foyers qui percevait le RMI en 20078 (soit : 387,96 € mensuels).
Fin 2003, la France comptait 3,3 millions d'allocataires des minima sociaux, et environ six
millions de bénéficiaires en incluant enfants, conjoints, et autres personnes à charge des
ayants droit.
5
6
7
8
Rapport du HCSP : Progression de la précarité en France et ses effets sur la santé » 1998
GROS-JEAN CH. PADIEU C. Les exclus, Revue des Affaires sociales, 1995, n°2-3
Onpes
Dress
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Si le taux de pauvreté a quasiment été divisé par deux entre 1970 et 1990, il reste
pratiquement stable depuis. Chômage, précarité de l’emploi, difficultés de logement se
conjuguent pour aggraver les inégalités sociales qui sont reparties à la hausse depuis 2002.9
Le gouvernement s’est fixé comme objectif en 2007 de réduire la pauvreté d’un tiers en cinq
ans
Dans un contexte global d’amélioration des prestations vieillesse, la pauvreté ne touchent plus
les personnes âgées comme dans les années 1970, mais elle concerne surtout les jeunes. On
constate aussi une pauvreté plus urbaine certains quartiers étant particulièrement ciblés avec
des taux de chômage très élevés. Autre phénomène récent des années 2000, les travailleurs
pauvres quand les revenus du travail ne permettent plus une vie décente. Le logement reste
pour la plupart la difficulté majeure.
Enfin certains cumulent des vulnérabilités les rendant particulièrement fragiles : les jeunes, les
familles monoparentales où le chef de famille est une femme, les enfants élevés dans une
famille pauvre et les étrangers.
3.2
En Midi-Pyrénées
12% de la population vit sous le seuil de pauvreté soit 310 400 personnes
18,3% de la population de la ville de Toulouse est en situation de précarité financière10
le parc de logement social était de 37,5 %o en 2001 soit 2 fois moins que la moyenne
nationale
« Midi-Pyrénées est particulièrement concernée par la pauvreté, Ariège et Tarn-et-Garonne
figurant même parmi les 20 départements de France les plus touchés par ce phénomène. Les
familles monoparentales et les personnes seules, notamment les personnes âgées vivant en
milieu rural, sont les plus vulnérables. Relativement plus nombreuses dans la région, ces
dernières sont aussi souvent plus pauvres que dans le reste du pays ».11
4 Les inégalités sociales de santé : éléments de compréhension
4.1
État de santé
« Les inégalités sociales de santé dépendent bien moins du système de soins que de la
répartition des richesses et, au fond, de la solidarité nationale ».12 La France présente la
situation paradoxale de bénéficier du système de santé considéré comme le meilleur au monde
selon certaines évaluations internationales, et de connaître les inégalités sociales devant la
mort les plus profondes parmi les pays ouest-européens. Cette réalité est mal connue,
notamment du fait du peu d’intérêt de la recherche en France, et plus largement de la société,
à l’égard des inégalités de santé. Longtemps considérées comme naturelles, elles ont
progressivement été reconnues comme sociales. Le problème de leur définition et de leur
qualification est essentiel. Deux conditions sont nécessaires pour parler d’inégalités sociales
de santé, et non simplement de différences : il doit s’agir d’un objet socialement valorisé (la
vie, le bien-être…) et cet objet doit concerner des groupes sociaux hiérarchisés (classes
sociales, catégories socioprofessionnelles…). Elles sont finalement l’aboutissement des
disparités structurelles (ressources, logement, alimentation, emploi et travail, école et
formation), qui caractérisent l’état de la justice sociale dans un pays ou un territoire à un
moment de son histoire et de son développement économique.
9
10
11
12
Collectif « réseau alerte contre les inégalités » 25/04/07 note n°5
ORSMIP La santé observée en Midi-pyrénées 2006
Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques en Midi-Pyrénées. Schoen N. 2008/05
Pierre Aïach, Didier Fassin, revue du praticien, vol 54, n°20, 2004
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On note donc une corrélation statistique positive entre état de santé et statut socioéconomique. Il existe, à 35 ans 7 ans d’écart d’espérance de vie entre un cadre et un
manœuvre. Ces différences n’ont pas tendance à se réduire depuis 40 ans. En 1980 la parution
du Black report13 en Grande-Bretagne, montre un gradient par catégorie professionnelle pour
la plupart des indicateurs de mortalité (néonatale, infantile, par accident, cancer, maladie
respiratoire, cardiovasculaire) et une dégradation de l'état de santé des classes les moins
favorisées au cours des années soixante et soixante dix. Cette dégradation est confirmée par
des études plus récentes pour les deux décennies suivantes.
Ces inégalités de santé se retrouvent en France comme en Europe et touchent la santé perçue,
les maladies, le handicap ou le risque de décéder14. Les plus instruits et les plus qualifiés
bénéficient d’une espérance de vie plus longue et sont en meilleure santé. Elles sont moindres
chez les femmes sauf dans les catégories extrêmes. Les différences sont perceptibles dés
l’enfance et le niveau d’étude de la mère joue un rôle important dans le degré de prématurité
ou d’hypotrophie de l’enfant.
Les personnes au chômage et celles dont l'emploi est précaire, accusent de façon générale un
vieillissement prématuré de presque 2 ans alors que les actifs avec un emploi stable et ne
craignant pas de le perdre ont un vieillissement retardé de prés d'1 an soit un écart de 3 ans sur
une période d'activité de 35-40 ans (de 20 à 60 ans). Cet écart se creuse considérablement si
l'on considère les situations extrêmes. Ainsi un cadre actif ne craignant pas de perdre son
emploi présente un vieillissement retardé de plus de trois ans, alors qu'un ouvrier spécialisé au
chômage accuse un vieillissement prématuré de plus de 3 ans. En ce qui concerne les facteurs
de précarité, la composante ménage est particulièrement importante, les effets défavorables se
cumulent. Ainsi, les chômeurs, dans un ménage dont la personne de référence est elle-même
chômeur, accusent un vieillissement prématuré encore plus important que les autres
chômeurs(2,5 ans), de même que ceux qui vivent dans un ménage dont la personne de
référence est une femme (3,7ans).
13
14
Inequalities in health - Report of a research working group 1980
BEH thématique 23/01/07 n° 2-3 INVS
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4.2
Recours aux soins
Dans la majorité des cas, les personnes les plus malades consomment le plus de soins
médicaux et les dépenses sont croissantes avec l’âge, or cette liaison ne se retrouve ni au
niveau des groupes sociaux ni pour tous types de soins. Le milieu social a une influence
déterminante sur les comportements de consommation de soins.
Les personnes appartenant à un ménage dont la personne de référence est ouvrier ont, « toutes
choses égales par ailleurs », des dépenses hospitalières deux fois plus élevées que celles des
individus appartenant à un ménage dont la personne de référence est cadre ou profession
intellectuelle supérieure. Ainsi, à structures d’âge et de sexe identiques, les dépenses
hospitalières représentent 53 % des dépenses de santé chez les ouvriers, mais seulement 33 %
chez les cadres.
En revanche, les dépenses ambulatoires sont, « toutes choses égales par ailleurs », plus
élevées chez les cadres que dans les autres milieux sociaux, l’écart étant d’environ 10 %.
Au sein des dépenses ambulatoires, ce sont les dépenses optiques (+18 %), de spécialistes
(+13 %), de biologie (+12 %) pour lesquelles l’écart de dépense entre les cadres et les autres
milieux sociaux est significatif. Un faible niveau d’éducation apparaît également comme un
frein à l’accès aux soins de spécialistes, dentaires et optiques. La position sur le marché du
travail a par ailleurs une influence en tant que telle sur la consommation de soins. En effet, les
actifs au chômage ont, « toutes choses égales par ailleurs », des dépenses ambulatoires
supérieures de 19 % à celles des actifs occupant un emploi et des inactifs. Au contraire, les
inactifs ont des dépenses hospitalières supérieures de 38 % à celles des actifs (occupant un
emploi ou au chômage).
La mise en place de la CMU15 a permis d'uniformiser les prises en charge sur le territoire.
Entre 2000 et 2002, le nombre de bénéficiaire est passé de 3,8 à 4,6 millions. Les dépenses
remboursées en 2000 par les régimes d'assurance maladie pour la CMU complémentaire
montre une montée en charge des consommations orientées vers la médecine générale de
premiers recours, ce qui traduit un rattrapage de soins laissés en suspens. La part des
honoraires et médicaments est élevée alors que la part des dépenses dentaires et autres
produits de santé sont plus faibles16. Ainsi on note qu’il y a peu de modification du type de
consommation de soins.
5 Précarité : état de santé et recours aux soins
5.1
Etat de santé
Des facteurs comme les « évènements de vie » peuvent être hautement impliqués dans la
genèse de maladies. L'étude de ces évènements, apporte une contribution à l'étiologie sociale
et psychologique des états de santé. De même, l'observation et la recherche suggèrent que des
liens forts existent entre santé et réseau social, en particulier quand la personne fait
l'expérience d'évènements de vie négatifs et de stress17. Ainsi donc, le lien entre précarité et
santé peut s'entendre comme un processus de vulnérabilité. La pauvreté économique et sociale
entraîne, au delà de la vulnérabilité organique et psychique, des sentiments d'inutilité sociale
et de mésestime de soi pouvant conduire au renoncement des soins et à l'adoption de
comportements pathogènes qui aggravent la vulnérabilité pré-existante. Le CREDOC qui a
mené de grandes études qualitatives18 portant sur les histoires de vie et les suivis
longitudinaux des personnes en situation de grande difficulté, a confirmé la corrélation entre
le processus de fragilisation sociale et la dégradation de l'état de la santé. Il n'y a donc pas de
15
Couverture Maladie Universelle – Loi contre les exclusion 1998
Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale Rapport 2005 2006
17
Patrick Peretti-Watel – Economie et Statistique n° 391-392, 2006
18
GILLES. M.O., LEGROS. M. L'épreuve de la pauvreté. Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions
de vie (CREDOC). Paris. 1995
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maladies des pauvres (mis à part le saturnisme dont on a dit qu'il est la maladie des taudis),
mais une moindre capacité de ceux-ci à se défendre contre les agressions extérieures et un
recours aux soins tardif. Déni du corps, représentations complexes de la démarche de soins ou
méconnaissance de ses droits en matière de prise en charge des soins, le résultat est une
demande qui s'exprime le plus souvent dans l'urgence : pathologies dentaires, pathologies
oculaires, pathologies dermatologiques, problèmes d'hygiène générale et fatigue généralisée
sont les problèmes ou pathologies les plus couramment rencontrées à des états avancés de leur
développement. Enfin, cause et/ou effet, une mauvaise santé peut-être un obstacle à des
études lors de la jeunesse, à la tenue d'un emploi stable, à l'entretien de relations sociales
riches.
Ainsi on note chez les plus démunis :
- une sur représentation des troubles et des maladies par rapport à la population générale
- un cumul de pathologies et pour 50% des patients reçus dans les centres de soins de
Médecins du Monde19 au moins une pathologie chronique
- les problèmes de santé peuvent exister dés l’enfance avec une accumulation tout au long
de la vie et il peut exister une transmission inter générationnelle.
- les troubles fonctionnels sont fréquents mais ne doivent pas masquer des pathologies
organiques
- les prises de risque sont multiples : alcool, toxicomanies, risques sexuels, accident de la
voie publique, ils peuvent être aussi liées aux conditions de vie du fait de la violence de la
rue.
- un moindre accès à la prévention
La santé mentale est à considérer selon deux axes, d’une part une souffrance psychique quasi
constamment présente du fait d’une mésestime de soi et d’un stress permanent et d’autre part
il faut noter que la rue « recrute » des patients ayant des pathologies psychiatriques avérées,
l’errance étant un des symptômes de la psychose. Ainsi la fréquence des troubles psychiques
sévères (manifestations d'angoisse, phobies ou dépression majeure) est beaucoup plus grande
que dans la population générale. A titre d'exemple, les symptômes évoquant la dépression
sévère surviennent avec une fréquence de près de 20 % chez des hommes bénéficiant du RMI
contre moins de 3 % en population générale.
5.2
Recours aux soins
Le recours au soin est tardif et le plus souvent en urgence. On note pour les patients suivis par
Médecins du Monde un retard de recours aux soins dans plus d’un 1/3 des cas. Pour les plus
démunis il existe une sous-consommation au regard des pathologies, le soin est anarchique et
sans réel impact positif sur l’état de santé. Le faible recours à la prévention est inquiétant, les
patients arrivant dans des états avancés de leurs pathologies. L’exemple du cancer du col de
l’utérus le montre : c’est auprès de la population en précarité et souvent la plus à risque que le
dépistage est le moins suivi20.
Cet aggravation de l’état de santé parallèlement à la dégradation de la situation sociale
s’explique au regard de différents éléments : les conditions de vie et d’environnement
actuelles et depuis l’enfance, les conditions de travail par leur pénibilité mais aussi leur
précarité, les freins économiques et en particulier le non accès au tiers payant, la fragilité des
19
20
Rapport de l’observatoire de l’accès aux soins - www.medecinsdumonde.org
statistiques de la CNAM
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liens sociaux et/ou familiaux et enfin la position subjective de la personne dans son corps
social : la façon dont elle se perçoit en lien avec ses pairs. Ce dernier élément fait appel aux
notions de résilience.
6 Obligations réglementaires, législatives et déontologiques
Soigner tous les patients s’impose à tous les praticiens. L’ordre des médecins rappelle suite à
des refus de prise en charge de personnes bénéficiaires de la CMU21 que le code de
déontologie médicale dans son article 7 « impose un égal traitement, une attitude
respectueuse et attentive pour tous les patients quelque soit les sentiments qu’ils inspirent et
quelque soit leur réputation ». L’hôpital public assure une mission de service public, et répond
aux besoins d’une population sur un territoire donné. Il est soumis au contrôle de l’état et au
droit public. Les personnels hospitaliers exercent leur fonction dans le respect fondamental de
l’être humain et assurent un accueil sans discrimination et dans la stricte application du secret
médical et professionnel.
6.1
Les textes législatifs de référence
Loi n° 98-657 du 29 juillet 1998 d'orientation relative à la lutte contre les exclusions
Loi du 27 juillet 1999 portant création d’une couverture maladie universelle
Loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de
santé
Loi n° 2004-806 relative à la politique de santé publique du 9 août 2004 et objectifs 33 et 34
annexés à la loi.
Circulaire DAS/DH/DGS/DPM/DSS/DIRMI/DIV n° 95-08 du 21 mars 1995 relative à l'accès
aux soins des personnes les plus démunies
Circulaire DGS/SQ2/DAS/DH/DSS/DIRMI/99/648 du 25 novembre 1999 relative aux
réseaux de soins préventifs, curatifs, palliatifs ou sociaux
Circulaire DHOS/DSS/DGAS n° 141 du 16 mars 2005 relative à la prise en charge des soins
urgents délivrés aux étrangers en situation irrégulière et non bénéficiaires de l’aide médicale
gratuite
Circulaire DGAS/SD1A/2006/47 du 7 février 2006 relative à l’appel à projet national en vue
de la création de structures dénommées « Lits halte soins santé »
6.2
Le service public hospitalier
Au regard des textes ci-dessus, les missions de service public hospitalier sont élargies et
incluent la lutte contre les exclusions « leur nécessaire relation avec les autres partenaires
doit entraîner une dynamique de construction de réseau »
Le service public hospitalier devra veiller à la continuité des soins, notamment après la sortie
de l ’établissement « par l’orientation, notamment vers les structures adaptées »
Les hôpitaux devront prévoir la mise en place des PASS (Permanence d ’Accès aux Soins de
Santé) :
« Faciliter l’accès aux systèmes de santé pour les personnes les plus démunies, les
accompagner dans les démarches nécessaires à la reconnaissance de leurs droits ». L’hôpital
est un lieu d ’accueil privilégié où les personnes les plus démunies doivent pouvoir faire
valoir leurs droits y compris sociaux. Dans ce but, le soin et l’accueil doivent s ’accompagner
d’une aide dans les démarches administratives et sociales, tels qu’ils sont définis par
circulaires. Les travailleurs sociaux de l’hôpital sont à la disposition des patients ou de leur
famille pour les aider à résoudre leurs difficultés personnelles, familiales, administratives ou
matérielles liées à leur hospitalisation.
21
JF Chadelat IGAS Les refus de soins aux bénéficiaires de la CMU Novembre 2006
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Module 3 – Item 46
7 La protection sociale des personnes en situation de pauvreté
Les politiques publiques afin d’améliorer l’accès aux soins des personnes en situation de
précarité ont centré leur action sur l’accès aux droits. Il est fait référence ci-après à la Loi de
lutte contre les exclusions portant création de la Couverture Maladie Universelle. Elle a pris
effet le 1er janvier 2000.
Les éléments ci-dessous relatifs à la couverture sociale évoluant rapidement il est nécessaire
de se référer pour les mises à jour au site de l’assurance maladie www.ameli.fr
7.1
La CMU de base
C’est une assurance maladie pour toutes personnes françaises ou étrangères remplissant les
conditions cumulatives suivantes :
- résider en France de manière stable et régulière depuis plus de trois mois
- ne pas avoir droit à l’assurance maladie à un autre titre (activité professionnelle, etc.)
- pour les personnes étrangères avoir un titre de séjour en cours de validité
- ne pas dépasser le plafond de ressources
Les bénéficiaires du RMI ont un droit automatique à la CMU. Les droits à la CMU
concernent toutes les personnes du foyer
7.2
La CMU complémentaire
La CMUc est une sorte de complémentaire santé gratuite qui prend en charge ce qui n'est pas
couvert par les régimes d'assurance maladie obligatoire. Elle est accordée pour un an sous
condition de ressources. Elle permet de bénéficier d’une prise en charge à 100 % des dépenses
de santé, sans avoir à faire l’avance des frais. Elle prend en charge le ticket modérateur en
soins de ville ou à l’hôpital, le forfait hospitalier, les soins dentaires, l’optique avec un panier
de soin défini.
Les professionnels de santé ont l'obligation de respecter les tarifs reconnus par la sécurité
sociale (pas de dépassement d'honoraires autorisés pour un patient bénéficiant de la CMUc)22.
Au 1er juillet 2008, le plafond annuel de ressources pour bénéficier de la CMUc est fixé à
7447 euros par an (soit 621 euros par mois) pour une personne seule en métropole.
Ce montant évolue en fonction de la situation familiale et du lieu de résidence.
Le seuil d’attribution entraîne des effets de seuil préjudiciable aux usagers à faible revenus
mais dépassant le montant plafond. Une aide à la mutualisation mise en place pour ces
usagers n’a pas permis de réduire ce problème. L’augmentation régulière du reste à charge
pour les patients va de fait aggraver ce phénomène.
7.3
Les bénéficiaires de la CMU : profil et consommation de soins23
C'est une population jeune qui cumule les facteurs de précarité et qui est en moins bon état de
santé que la population générale. Les patients CMU déclarent 20% de problèmes de santé en
plus en comparaison avec la population générale et ils sont 35 % à bénéficier d’une ALD24
contre 26 % en population générale. Comme cité plus haut, ils ont plutôt un recours aux soins
hospitaliers et un moindre recours aux spécialistes
Si l’on se réfère aux indicateurs de précarité financière, 20% des personnes qui devraient
bénéficier de la CMU n’en bénéficient pas du fait en particulier d’une mauvaise connaissance
de leurs droits ou de difficultés à faire une demande auprès d’une institution sanitaire ou
sociale.
22
23
24
Fond CMU
Données du Fond CMU – www.cmu.fr
ALD : affection longue durée prise en charge à 100%
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Module 3 – Item 46
En moyenne, les bénéficiaires de la CMU consomment 25% de soins en plus que la
population générale. Il faut corréler ce chiffre au fait que c’est une population en moins bon
état de santé bien que plus jeune que la population générale. Ils sont 33% contre 27% en
population générale à consommer 90% des soins. Ce sont des soins plus lourds en particulier
des hospitalisations. En ambulatoire le différentiel se fait sur les prescriptions et non sur les
actes médicaux. 1 personne sur 2 déclare avoir renoncé aux soins pour des raisons financières
avant l’accès à la CMU. C’est l’accès au 1/3 payant qui facilite les soins.
7.4
L’Aide Médicale Etat
L’AME permet l’accès aux soins des personnes étrangères résidant en France de manière
ininterrompue depuis plus de trois mois et qui sont en situation irrégulière. L’obtention est
soumise à un plafond de ressource comme pour la CMUc. Ce sont des financements Etat dont
la gestion est confiée à l’assurance maladie. Pour autant les bénéficiaires ne sont pas des
assurés sociaux à part entière et ils n’ont pas de délivrance de carte vitale. Ils sont pris en
charge dans le cadre d’un panier de soin moins large que pour la CMUc mais les soins sont
couverts tant en hospitalier qu’en ambulatoire.
7.5
Les personnes sans droits potentiels
Ce sont les étrangers en simple séjour en France titulaire d’un visa de court séjour, ou certains
ressortissants non actifs de l’union européenne
7.6
La prise en charge soins urgents
L’art 254-1 du code de l’action sociale et des familles, énonce que « les soins urgents dont
l’absence mettrait en jeu le pronostic vital ou pourrait conduire à une altération grave et
durable de l’état de santé de la personne ou d’un enfant à naître (…) sont pris en charge par
l’Etat dans le cadre d’une enveloppe limitative dans laquelle ne doivent être imputés que ces
soins urgents». Peuvent en bénéficier les personnes résidant en France depuis moins de trois
mois et en situation irrégulière. Le législateur en a fixé le cadre comme suit :
- Les soins dont l’absence mettrait en jeu le pronostic vital.
- Les soins destinés à éviter la propagation d’une pathologie à l’entourage ou à la
collectivité (pathologies infectieuses transmissibles)
- Tous les soins et traitements délivrés à l’hôpital aux mineurs aux femmes enceintes et
nouveau-né
- Les IVG
8 Les dispositifs spécifiques
8.1
Les PASS : permanences d’accès aux soins de santé.
Ce sont des cellules de prise en charge médico-sociale, qui doivent faciliter l’accès des
personnes démunies non seulement au système hospitalier mais aussi aux réseaux
institutionnels ou associatifs de soins, d’accueil et d’accompagnement social.
En application de l’article L6112-6 du code de la santé publique, les établissements publics de
santé et les établissements de santé privés participant au service public hospitalier mettent en
place des PASS qui comprennent notamment des permanences d'orthogénie. Ils concluent
avec l'Etat des conventions prévoyant, en cas de nécessité, la prise en charge des consultations
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Module 3 – Item 46
externes, des actes diagnostiques et thérapeutiques ainsi que des traitements qui sont délivrés
gratuitement à ces personnes. 25
Au CHU de Toulouse, la PASS est située au Pavillon Nanta, service du Dr Viraben sur le site
de La Grave.
8.2
Les LHSS : lits halte soins santé
Ce sont des établissements médico-sociaux en référence au code de l’action sociale et des
familles qui ne se substituent à aucun dispositif existant et offrent une prise en charge médicosociale à la personne en situation de précarité. Ils sont destinés à l’accueil temporaire des
personnes pour des soins quelque soit leur situation administrative. Il offre une prise en
charge sanitaire type lits infirmiers, une évaluation sociale avec possibilité d’orientation vers
les structures d’hébergement pérennes et un encadrement éducatif. Créés en 2006, leur mise
en place est progressive sur le territoire au nombre de 200 par ans sur 5 ans. Ils répondent aux
obligations des établissements médico-sociaux et se réfèrent pour leur fonctionnement à un
cahier des charges cité dans la circulaire ministérielle portant création des LHSS. Au CHU de
Toulouse les LHSS sont situés rue des Jumeaux, c’est un établissement de 11 lits : la Halte
Santé.
9 Les dispositifs toulousains
Le CHU de Toulouse a depuis plus de quinze ans mis en place une organisation facilitant
l’accès aux soins des plus démunis en lien avec des associations et d’autres institutions. Il
répond en cela aux obligation législatives et réglementaires. Certains dispositifs sont
originaux car centrés sur les besoins du public et ont été créés dans le cadre d’un partenariat
étroit avec le CCAS ville de Toulouse. On retiendra :
- des structures de soins : gestion directe ou co-gestion
- une équipe mobile médico-sociale
- une organisation en réseau
- des outils d'orientation et d'accompagnement : interprétariat, pharmacie, secours sociaux,
transport des patients, protocoles d’orientation…
Le schéma du dispositif est présenté ci-après, les coordonnées sont disponibles sur Intra net.
25
DHOS - Sous-direction de la qualité et du fonctionnement des établissements de santé - Bureau E1
"Droits des usagers et fonctionnement général des établissements de santé"
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SERVICE SOCIAL
PERMANENCE
D’ACCES AUX
SOINS DE SANTE
Consultations médicales –
dentaires- psychologiques
sociales
CELLULES SOCIOADMINISTRATIVES
Sur chaque site du CHU
Ouverture des droits
Protocole CHU/CPAM
PHARMACIE
HOSPITALIERE
ACCES AUX DROITS
ET
ACTION SOCIALE
EQUIPE MOBILE
SOCIALE ET DE
SANTE - EMS
Maraude à la rue
Partenaire :
CCAS
MEDICAMENT
SOUFFRANCE
PSYCHO
SOCIALE
COORDINATION
DISPOSITIFS DE MEDECINE SOCIALE ET HUMANITAIRE
CHU DE TOULOUSE
LITS
INFIRMIERS
RESEAUX
RESEAU VILLE HOPITAL
« santé précarité"
Dr Estecahandy
HALTE SANTE
11 lits infirmiers
RESEAU ODONTOLOGIE
SOCIO-HUMANITAIRE
Dr Grimou
Vert : dispositifs en partenariat
Orange : dispositifs gérés CHU en direct
Noir : réseau et coordination en intra CHU
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ADMINISTRATION
MEDECINE SOCIALE ET
HUMANITAIRE
FEDERATION DE MEDECINE
SOCIALE ET HUMANITAIRE
ACCES
AUX SOINS AUX DROITS
TRAVAIL DE RUE
CONSULTATIONS
PSYCHIATRIQUES
Personnes désaffiliés
Accompagnement EMS
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PREVENTION
POINT SANTE
LA GRAVE
Hygiène, douches, IDE AS
CONSULTATIONS
AUPRES DES
MIGRANTS ET GENS
DU VOYAGE
SOINS INFIRMIERS
GENS DU VOYAGE
CONSULTATION SANTE
MIGRANT
INTERPRETARIAT
Disponible via intranet
Partenaire :
CROIX ROUGE
Module 3 – Item 46
Partenaire :
CCPS
Association d’aide
aux migrants et gens
du voyage
10 Eléments de repérage : protocoles et aspect éthique
La question du repérage des personnes en situation de précarité est complexe. En effet, il ne
s’agit pas d’une catégorie sociale mais de personnes associant un cumul de vulnérabilité, ce
processus évoluant dans le temps. A vouloir catégoriser, on risque de stigmatiser les
personnes à partir d’indicateurs restrictifs et avoir alors un impact négatif sur l’estime de soi
et sur les comportements face aux soins. Deux grandes approches de la question sont
possibles reste à définir en amont à quoi peut servir pour la personne cette « catégorisation ».
Il s’agit toujours de se situer dans un objectif d’amélioration du service rendu à l’usager.
Une approche en terme de « précarité sociale » à partir d’indicateurs objectifs testés en
routine auprès de consultants des urgences hospitalières au CHU de Nantes26 : le fait d’être
bénéficiaire d’un des éléments suivants : CMU, CMUc, AME, ou minima social est un
marqueur de précarité sociale.
L’autre approche plus large est centrée sur la « vulnérabilité sociale ». Elle permet de repérer
les personnes potentiellement vulnérables. Elle a une valeur diagnostique mais aussi
prédictive. Cette approche a été testée au CHS de Montauban dans le cadre d’un travail mené
par l’ORSMIP. 27 Les éléments recueillis par questionnaire sont les suivants :
- Avoir connu plusieurs périodes d’inactivité professionnelle involontaire d’au moins
6 mois
- Avoir rencontré des difficultés financières insurmontables
- Avoir rencontré plusieurs fois des difficultés d’hébergement liées à des problèmes
d’argent
- Avoir souffert d’isolement durable
Repérer la précarité sociale et plus largement les situations de vulnérabilité dans le secteur
hospitalier pourrait permettre de proposer aux patients un certain « rattrapage » des inégalités
sociales de santé en particulier dans le domaine de la prévention en offrant des programmes
spécifiques et adaptés.
11 La prise en charge : diagnostic, examens complémentaires, traitements
La prise en charge des personnes en situation de précarité doit se faire comme pour tout
patient selon les règles déontologiques et les recommandations de bonne pratique médicale.
La spécificité des patients en terme de mortalité, morbidité, de prise de risque et de recours
aux soins nécessite une vigilance particulière sur certains points détaillés ci-dessous.
Rappelons que sans pouvoir corréler certaines pathologies à la situation de précarité (à
l’exception du saturnisme), on doit être en alerte sur les diagnostics suivants :
- Asthme, BPCO
- Diabète
- Syndrome dépressif
- Troubles locomoteurs
- Alcoolisme et ses conséquences somatiques
- Pédiculose
- Grossesse, grossesse à risque
- Artérite, coronaropathies
- Tumeurs malignes ORL, pulmonaire ou gastriques
11.1
Interrogatoire du patient
L’interrogatoire devra relever tout particulièrement des éléments liés au contexte social
général : conditions de vie, accès aux droits et réseau social. Ces éléments ont un impact fort
sur l’accès aux soins et peuvent mettre en échec le soin.
26
Inégalités sociales de santé : identification « en routine » de la précarité sociale des consultants de l’hôpital public. Dr
Jean Pascal Praticien hospitalier CHU de Nantes. 2005 – DGS
27
Précarité sociale et recours aux soins dans les établissements de santé du Tarn et Garonne. Décembre 2007 - ORSMIP
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Rechercher un isolement social
Connaître le type d’habitat
Conditions de vie : sommeil, nourriture – barrière financière ou culturelle
Situation administrative : accès aux droits, minima social, chômage, droit au séjour des
étrangers
Retard de recours aux soins ou accès aux soins sans anticipation
Lien avec les professionnel : existence ou non d’un médecin traitant ou d’un réfèrent
social
11.2
Examen clinique
L’examen clinique doit être particulièrement vigilant quand on note une inadéquation entre la
plainte et le recueil clinique pouvant faire penser à un déni du corps ou de la pathologie ou à
l’usage de toxiques.
Attention à :
- État nutritionnel et cutané
- Examen cardiovasculaire
- Examen pulmonaire
- Recherche d’adénopathies
- Examen gynécologique
- Dents vue audition
- Rechercher une désorientation temporelle et spatiale ou des éléments de confusion
mentale
11.3
Rechercher les facteurs de risque
De façon transversale lors de la prise en charge, les facteurs de risque sont à noter car ils
aggravent les pathologies et sont un frein majeur au soin. Ils peuvent enfin avoir un impact
négatif sur la compliance aux soins du patient.
- Alcool, médicaments détournées de leur usage, toxicomanie
- Manque de sommeil, troubles de l’alimentation
- Tabac
- Violence subie ou agie – Maltraitance
- Prise de risques sexuels
- Vie à la rue
- Non observance du traitement et recherche de ses causes
- Absence de 1/3 payant
11.4
Les examens complémentaires
Une vigilance doit exister si on note un retard dans l’accès aux soins. De même, avec l’accord
du patient, certains dépistages devront être proposés même point d’appel au regard de
l’exposition aux risques, comme par exemple un dépistage annuel de la tuberculose pour les
personnes en foyer d’hébergement. La liste ci-dessous n’est bien sûr pas exhaustive.
- Anémie, glycémie, calcémie, bilan lipidique (témoin nutrition)
- Bilan hépatique
- Radio pulmonaire
- Dépistage VIH, hépatites
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Frottis cervico-vaginal – Bêta HCG
Et en fonction de l’examen clinique…
12 A retenir
La prise en charge après avoir dédouané l’urgence, doit se centrer sur la mise en place
d’une « stratégie de soin » à moyen terme et non sur une réponse au « coût par coût »
symptomatique, ce qui d’ailleurs est souvent la demande des personnes.
Il est nécessaire d’évaluer la situation sociale, de rechercher les possibilités d’autonomie au
regard de la pathologie et/ou des dépendances et d’apporter des réponses en terme de
reconnaissance d’un handicap si nécessaire. Enfin il faut valider avec la personne sa
compréhension des messages, ses possibilités financières pour le suivi du soin mais aussi sa
compliance aux soins.
La prise en charge globale implique de tenir compte : de la pathologie actuelle, des
pathologies associées, des facteurs de risque, des freins à l’accès aux soins, du contexte social,
et surtout des ressources positives de la personne.
Pour cela on s’appuie sur les recommandations suivantes :
Travailler en pluridisciplinarité : médico-psycho-social. La personne est rarement « seule »
dans le paysage médico-social il est important de faire un lien avec le réfèrent médical, social
ou associatif. La question du secret professionnel n’empêche pas le partage des informations
si cela se fait « dans l’intérêt du patient» et « avec son accord ». Il ne s’agit pas d’échanger
sur le diagnostic qui reste sous le sceau du secret médical mais autour des conséquences de la
pathologie pour le patient, ses capacités d’autonomie et son insertion sociale. Les
professionnels agissent dans le cadre du secret professionnel partagé.
Avoir en fonction de la compliance du patient aux soins des ambitions peut être à minima
mais poser avec la personne une stratégie de soin par étapes lui permettant de se repérer.
Sur le plan thérapeutique, pour les personnes à la rue ou en foyer d’hébergement préférer un
traitement à prise unique matin ou soir.
Prendre le temps nécessaire à la consultation afin d’informer la personne et faire si besoin
appel à l’interprétariat
Un certain nombre d’écueils sont à éviter. Ne pas vérifier les droits santé (CMU - AME). Si
la personne a les soins à sa charge elle doit être informée en amont (loi du 4 mars 2002). Ne
pas étiqueter « à priori » un patient alcoolique ou violent car les troubles du comportement
peuvent être des épisodes confusionnels liés à une pathologie récente. Ne pas prendre le
temps nécessaire à la consultation risque d’entraîner des recours non adaptés et avoir in fine
un coût financier élevé. Enfin un certain nombre de patient « usent » les professionnels par
des demandes fréquentes et non adaptées comme par exemple des demandes sociales aux
médicaux (demande d’hébergement) ou par des comportements d’agitation et même de
violence. Reconnaître un « burn-out » est important et parfois adresser la personne à un
confrère est souhaitable.
Il faut toujours avoir à l’esprit que la qualité de prise en charge ne doit pas dépendre du
comportement du patient.
13 Pour en savoir plus…
CHAUVIN (Pierre) et PARIZOT (Isabelle), Santé et recours aux soins des populations
vulnérables, éditeurs, Les éditions de l’Inserm, collection Questions en Santé Publique, Paris,
2005
CAMBOIS (Emmanuelle), Les personnes en situation sociale difficile et leur santé, Drees,
Les travaux de l’observatoire, 2003-2004
Juillet 2008
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Module 3 – Item 46
A LECLERC, D FASSIN, H GRANDJEAN et coll, Les inégalités sociales de santé, Paris :
La découverte, 2000.
Juillet 2008
- 17 -
Module 3 – Item 46
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