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Aujourd’hui, le lieu privilégié de l’accès aux soins des populations les plus vulnérables est
le service d’urgence du centre hospitalier de proximité. Ces patients n’ont pas accès ou mal
à la médecine générale, très peu globalement à la médecine de ville. Il s’agit probablement d’une
question d’organisation (consultation sans RDV, nécessité d’inventer des nouvelles formes de coopérations
professionnelles, structuration de cabinets médicaux de ville), de coût du fait des dépassements d’honoraires
ou de la non pratique du tiers payant, mais aussi de formation des professionnels de santé à une approche
médico-sociale, à la coordination ou la facilitation entre professionnels issus de métiers différents, à la gestion
de cas complexes cumulant des facteurs de vulnérabilités médicaux, sociaux et / ou psychologiques. Les soins
primaires sous leurs différentes formes organisationnelles (médecine libérale, soins primaires hospitaliers,
centre mutualiste, maisons de santé…) doivent être accessibles à tous. La création de pôles expérimentaux,
transversaux ville-hôpital, médical et social, santé précarité serait un moyen de développer une pratique
médico-sociale de 1
er
recours. Ces plateformes pourraient être des pôles de référence pour un territoire et aussi
des lieux de recherche et de formation
4
.
Les filières de soins spécialisés s’organisent aujourd’hui autour de parcours normés, structurés pour l’application
de protocoles qui fractionnent le temps des malades. Les prises en charge ambulatoire sont incompatibles
avec le manque de repères (absence ou hébergement instable, instabilité administrative ou professionnelle,
labilité thymique, fragilité des liens et isolement social) de patients en situation de précarité. Nous disposons
en plus aujourd’hui pour des pathologies qui sont de plus en plus chroniques, de traitements efficaces mais
aussi coûteux. Les protocoles de soins appliqués parfois au long court, imposent des contraintes de suivi, d’où
la nécessité de formaliser un projet de soins et d’accompagnement cohérent, adapté au patient pour obtenir
son adhésion et son observance. Les paramètres psychosociaux et sa participation du patient devraient être
recherchés et pris en compte au sein de ces filières bio-médicales hyper-spécialisées au risque si on en fait
l’impasse, d’une mise en échec ou d’un échappement thérapeutique.
Que ce soit dans le champ de soins primaires ou dans celui des filières de soins spécialisés, nous devons avoir
la volonté de replacer systématiquement le patient au centre, c’est à dire lui conserver ses capacités de choix,
de négociation et d’élaboration de ses propres stratégies de santé. La loi de mars 2002 a ouvert des espaces. La
création des conférences régionales de santé et de l’autonomie peut être aussi une autre manière de partager la
responsabilité d’une co-construction avec les patients, des projets de soins et de santé. La place du patient aux
différents étages de l’élaboration du projet de la stratégie de santé, reste encore à construire avec l’obligation de
structurer un véritable volet d’éducation du citoyen et de ses représentants (élus et représentant des malades)
au système de soins et de santé. Les outils numériques sont probablement une piste pour développer ce savoir
partagé et la démocratie sanitaire, en s’appuyant sur l’accès pour tous aux données de santé ? Redonner le
pouvoir aux patients, sans démagogie, c’est lui redonner l’accès à une information juste et éclairée. Pourquoi ne
pas créer une agence nationale de la santé globale et de l’innovation médicale, mettant en ligne informations,
conseils, référentiels et débats essentiels dans le champ de la santé ?
Repenser la solidarité sous l’angle de la vulnérabilité individuelle
Redéfinir ensuite notre approche de la solidarité sous l’angle de la vulnérabilité individuelle et non pas
uniquement sous celui d’une simple lecture économique. Cette approche permettrait de prendre en compte
les mouvements individuels, les changements de cap, les ruptures, mais aussi les capacités d’adaptation
ou de résilience des personnes. Elle offrirait aussi la possibilité de mieux coller aux contextes évolutifs d’un
monde en constant mouvement, non figé dans une série de codes, changeant vite, plus vite que la capacité des
4 - « La prise en charge des personnes vulnérables. Agir ensemble à l’hôpital et dans le système de santé ». Les propositions de la Fédération Hospitalière
de France et de Médecins du Monde. Mai 2014.