Louis Walky Comment assurer la gestion du contrôle public avec l’avantage concurrentiel ? 2 2 2 3 42 Introduction Le modèle des forces concurrentielles provient de Michael Porter, professeur de stratégie à la Harvard Business School. Il est considéré comme l’un des spécialistes internationaux sur la stratégie concurrentielle et la compétitivité internationale. Ses idées sont maintenant au programme de toutes les écoles de gestion à travers le monde. Dans son ouvrage, « L’avantage concurrentiel », paru en 1986, il émet l’idée que l’élaboration de la stratégie d’une entreprise doit reposer sur un avantage concurrentiel, c’est-à-dire un atout qui placerait l’entreprise au dessus de la moyenne de son secteur de façon durable. L’investisseur Warren Buffet illustre cet avantage par des douves, plus grande son ces douves, plus l’entreprise est à l’abri de ses concurrents et plus elle prospèrera. L’analyse concurrentielle de Porter a pour objectif de permettre à une entreprise d’adopter une démarche stratégique conforme à l’environnement dans lequel elle évolue. Ainsi, l’ouvrage de Porter est censé permettre aux entreprises de prévoir des manœuvres subites des concurrents, de nouvelles entrées dans le 2 5 secteur d’activité, des modifications dans la structure des secteurs et de s’y préparer plutôt que de se limiter à y réagir. Michael Porter apporte les techniques et les instruments dont les dirigeants d’entreprises ont besoin pour conduire une analyse réussie d’un secteur et de la concurrence, notamment en repérant les signaux émis sur le marché par les concurrents. Le but est d’anticiper les différentes évolutions du marché pour le maîtriser. Il ne faut cependant pas confondre avantage concurrentiel et position dominante, seul le premier est garant d’une performance supérieure et durable. Si cette thèse se base sur le domaine de l’industrie, elle est aujourd’hui exportée dans tous les secteurs. Elle a fait ses preuves dans les différents domaines du secteur privé. Ainsi on peut s’interroger sur une éventuelle application au secteur public qui mène actuellement une réforme tendant vers la rationalisation des dépenses. Pour répondre à cette question, il faut analyser le modèle de Porter (I) avant de réfléchir à une possible application au secteur public (II). 62 Ière Partie Les Forces concurrentielles de Michael Porter 2 7 82 I] Le modèle de M. PORTER : une référence dans le domaine de la stratégie La théorie de Porter repose sur cinq forces (A), alimentée par des analyses complémentaires (B). A] 5 forces en interaction : Le modèle des cinq forces de Michael Porter est un outil d’analyse de l’environnement concurrentiel de l’entreprise. Les cinq forces correspondent aux acteurs qui structurent un secteur. L’objectif principal d’une entreprise est d’obtenir un avantage concurrentiel durable sur son secteur et donc de générer du profit en résistant à la pression des forces qui s’exercent sur elle. Il s’agit donc d’identifier les facteurs clés de succès d’un secteur et d’élaborer une stratégie en prenant en compte les réalités présentes et futures du secteur. Le modèle de Porter repose sur une configuration donnée. Il estime que la partie de l’environnement qui présente le plus d’importance pour l’entreprise est le 2 9 secteur d’activité, c’est-à-dire le lieu où l’entreprise entre en concurrence avec d’autres firmes. De même, le modèle présente le secteur indépendamment de l’influence de facteurs à court terme comme les grèves, les pénuries de matières premières ou autres évènements qui peuvent se produire de temps en temps. A partir de ce postulat Michael Porter établit un schéma illustrant les différentes forces composant un secteur d’activité. 1ère force : Les entrants potentiels : Ils représentent des entreprises qui souhaitent entrer dans le secteur et devenir ainsi des concurrents directs. Ils constituent une menace dans la mesure où ils vont faire accroître la concurrence en conquérant des parts de marché. Pour lutter contre cette menace, la stratégie est de freiner les entrants potentiels dans leur projet grâce aux barrières à l’entrée. 2 10 On recense six barrières qui correspondent à des rigidités du secteur obligeant les firmes à réaliser des investissements importants pour l’intégrer : – Des économies d’échelle, réalisées lorsque le coût unitaire d’un produit diminue au fur et à mesure que la quantité produite augmente. Elles obligent le candidat à l’entrée à démarrer à grande échelle l’activité et donc freinent l’accès des nouveaux entrants au secteur. – Des besoins en capitaux, nécessaires pour l’accès à un secteur. En effet, certaines activités requièrent des facteurs de production importants, des investissements en recherche et développement qui peuvent constituer des freins à l’entrée pour les entreprises. – Les coûts de transfert, coûts qu’un acheteur doit supporter lorsqu’il veut changer de fournisseur. Lorsque ces coûts sont élevés, ils limitent l’accès au marché. – L’accès aux circuits de distribution, limitant l’arrivée de nouveaux concurrents quand ces circuits sont restreints et déjà occupés par les entreprises du secteur. – L’effet d’expérience, relation décroissante entre la production cumulée et le coût unitaire, plus la production cumulée augmente plus le coût unitaire des produits diminue. – La politique gouvernementale, limitant l’accès à certains secteurs soit par des contraintes réglementaires soit en accordant des licences en nombre limité. La menace de nouveaux entrants potentiels sur le secteur, peut être réduite si les nouveaux entrants sont dissuadés d’infiltrer le secteur par peur d’une forte réaction offensive et défensive des entreprises déjà présentes sur le secteur. 2 11 2ème force : les fournisseurs et leur pouvoir de négociation : Les fournisseurs peuvent influencer le secteur selon le pouvoir de négociation qu’ils possèdent. Ce pouvoir est fonction de : – La structure sectorielle des fournisseurs : si les fournisseurs sont peu nombreux et fortement concentrés, ceux-ci auront un pouvoir de négociation élevé. Dans le cas contraire, c’est-à-dire présence de nombreux fournisseurs, leur pouvoir s’en retrouve affaibli. – Les possibilités de différenciation des produits des fournisseurs : les fournisseurs peuvent accroître leur pouvoir de négociation en offrant des produits différenciés à leurs clients. – Le poids de leurs produits pour le secteur : plus le poids des produits des fournisseurs est important plus leur pouvoir de négociation augmente. 3ème force : les clients et leur pouvoir de négociation : Les clients peuvent influencer le secteur en fonction du pouvoir de négociation qu’ils possèdent. Ce pouvoir est fonction de : – La structure sectorielle des clients : la concentration des clients, leur capacité à s’informer sur les prix et l’état de la demande peuvent avoir un impact sur le pouvoir de négociation des clients. – Les relations clients-secteur : le pouvoir de négociation des clients peut être influencé par quatre différents facteurs : • La répartition du chiffre d’affaires du secteur entre les différents clients : plus la part que représente 2 12 un client dans le chiffre d’affaires d’une entreprise est importante, plus son pouvoir de négociation est grand. • La part des produits du secteur dans les coûts ou les achats des clients et leur qualité : si la part des produits et leur qualité sont faibles, les clients peuvent menacer de changer de fournisseurs. • Les possibilités de différenciation des produits et les coûts de transfert : si les entreprises du secteur peuvent proposer une offre différenciée à leur client ainsi que d’accroître les coûts de transfert, elles peuvent limiter alors le pouvoir de négociation de leurs clients. • La menace d’intégration amont : les clients peuvent avoir la possibilité d’acquérir leurs fournisseurs ce qui accroît leur pouvoir de négociation. 4ème force : les produits de substitution : Ils sont des menaces dans la mesure où ils remplissent les mêmes fonctions que les produits présents dans le secteur et qu’ils répondent aux mêmes besoins mais de manière différente. Ils ont un impact sur la rentabilité du secteur puisque les produits de substitution bénéficient de coûts de production inférieurs aux autres produits. Ils proviennent généralement d’entreprises issues d’autres secteurs et sont souvent porteurs de nouvelles technologies. Ils sont liés à des facteurs tels que la maturité de l’industrie ou l’absence de différenciation des produits. 5ème force : l’intensité de la concurrence : L’intensité concurrentielle se mesure en fonction des actions menées par les entreprises du secteur pour garder ou améliorer leur position. Ces actions peuvent avoir deux effets inverses : soit améliorer la 2 13 rentabilité du secteur (politique d’innovation produit), soit la détériorer (guerre des prix). Ainsi, pour Porter, la concurrence basée essentiellement sur les prix a des conséquences défavorables sur le secteur car elle conduit les entreprises à baisser leur prix et donc leur marge. L’intensité concurrentielle peut se mesurer en fonction de sept critères : – Le nombre de concurrents et l’équilibre entre eux : si le secteur est concentré, c’est-à-dire dominé par quelques grosses entreprises, celles-ci vont pouvoir imposer leurs exigences aux autres entreprises du secteur et l’évolution du secteur est plutôt stable. A l’inverse, si le nombre d’entreprises est élevé ou si les rapports de force entre elles sont équilibrés, alors chaque concurrent dispose d’une marge de manœuvre plus importante ce qui rend la situation et l’évolution du secteur plus instable. – La diversité des concurrents : les actions de certaines entreprises peuvent venir modifier à la hausse ou à la baisse la rentabilité d’un secteur. – La croissance du secteur : si le secteur a une croissance faible, il est exposé à une concurrence moins agressive que si la croissance est élevée. – Les modifications de capacités par paliers : certaines productions de biens sont réalisées par paliers. Ce type de production peut conduire à une situation de surproduction et entraîner une baisse des prix. – Les possibilités de différenciation et les coûts de transfert : si une entreprise a la possibilité de se différencier elle peut esquiver les risques de concurrence par les prix. Les coûts de transfert peuvent avoir des répercussions sur les prix. La seule 2 14 manière pour une entreprise de limiter l’impact des coûts de transfert est de rester fidèle à ses fournisseurs. – Les enjeux stratégiques : toutes les entreprises présentes sur un secteur peuvent avoir des enjeux stratégiques différents qui peuvent déstabiliser le secteur : guerre des prix, amélioration de la qualité des produits, innovation,… – Les barrières à la sortie : certaines entreprises maintiennent leur position sur un secteur alors que les performances y sont mauvaises, parce qu’elles rencontrent des difficultés à se désengager du secteur. Michael Porter recommande de procéder à l’étude de la configuration et du poids des 5 forces concurrentielles. Les 5(+1) forces de la concurrence sont représentées à l’aide d’un hexagone sectoriel. Exemple du secteur des consoles de jeux vidéo en France 2 15