Fiche niveau 3ème Histoire des Arts Période : Le XXè siècle et notre époque Domaine artistique : Arts du visuel, arts du son Thématique : Continuité, Discontinuité Problématique : Comment l'oeuvre d'art renouvelle-t-elle notre regard sur le monde ? Cartel de l'oeuvre Titre Visual Kidnapping Aute ur Zevs Date de réali satio n 2002-2004 Natu re de l'œu vre vidéo de minutes Loca lisati on http://www.gzzglz. com/video-visualkidnapping.html 26 L'art urbain, ou «street art», est un mouvement artistique contemporain. Il regroupe toutes les formes d’art réalisées dans la rue, ou dans des endroits publics, et englobe diverses techniques telles que le graffiti, la réclame, le pochoir, la mosaïque, les stickers, l'affichage, voire le yarn bombing (tricot de rue), ou les installations. C'est un art éphémère vu par un très grand public. La rue offre aux passants et aux publics des graphismes souvent éphémères qui naissent puis disparaissent au fil du temps. De nos jours, la société reste partagée sur le sujet des graffitis, certains considèrent ces inscriptions comme un acte de vandalisme et d’autres comme une œuvre picturale à part entière. Le street art est un art contestataire, il mène de multiples "combats" et revendique sa liberté d'expression. Par exemple, il lutte contre l'invasion de la publicité sur les murs et reprend possession de l'espace urbain. Le street artiste porte un regard humaniste (et anti-guerre) sur le monde. En montrant « sa vérité », il espère changer le regard des gens et ainsi transformer le monde. Pour les street artistes, l'art est une arme politique tout autant qu'un ravissement esthétique. Dans leurs œuvres, ils prennent parti sur les événements politiques, l'actualité, les débats de société... Ils exposent dans la rue visible par le plus grand nombre. Ils réclament un monde plus juste. L'atelier c'est la rue, le musée c'est la ville, la culture est accessible à tous. Le street art revendique une liberté d'expression sans limites ni frontières... Exposées dans la rue, non protégées, les œuvres ont une durée de vie très limitée... (intempéries, dégradations malveillantes, censure...). La photographie de l'œuvre permet de garder une trace de l'œuvre avant sa dégradation. La vidéo regroupe l'ensemble des techniques permettant l'enregistrement ainsi que la restitution d'images animées, accompagnées ou non de son, sur un support électronique. Le mot «vidéo» vient du latin «video» qui signifie : «je vois». C'est l'apocope de vidéophonie ou vidéogramme. L'auteur et le contexte ZEVS: Christophe Aghirre Schwarz nait le 17 novembre 1977 à Saverne. Artiste urbain contemporain français, il est connu depuis les années 1990 pour ses diverses œuvres de Street art, notamment dans la ville de Paris. Le pseudonyme de ZEVS — prononcé Zeus — a été choisi en «hommage» au nom du RER A ZEUS, qui faillit l'écraser en 1992 alors qu'il réalisait un graffiti. Une interprétation complémentaire fait du pseudonyme un acronyme: Zone d'Expérimentation Visuelle et Sonore. À la fin des années 1990, il forme avec Space Invader, un mini collectif, les @nonymous. Duo réalisant de petites vidéos, ils co-envahissent ensemble la ville de Montpellier en août 1999. Aux mosaïques de son partenaire, Zevs répond par des «surlignages» d'abord en bombant une manière de blasonmonogramme (un nuage orageux dont deux éclairs jaillissent où se lisent le Z, le E, le V et le S) puis en silhouettant au sol d'un trait argenté les ombres d'éléments du mobilier urbain. Lors de l'exposition Street Art chez agnès b. en 2001, les @nonymous s'associent à André. Une vidéo les montre intervenant tous trois sur la façade de l'hôtel délabré Le Diplomate, rue Oberkampf à Paris. Cette période est documentée dans le film de Banksy Faites le mur ! lors de la séquence musicale Kelly Watch the Stars, tube du groupe Air datant de 1998. Une biographie écrite par Toke Lykkeberg, L'exécution d'une image, aux éditions Callimard sort dans la collection Alternatives en 2014. Zevs vit et travaille à Berlin. Principales oeuvres: Urban Shadows (2000) où Zevs peint sur le sol, à la manière des silhouettes de cadavres, l'ombre portée par les réverbères du mobilier urbain. Visual Attacks (2001) : Zevs exécute des icônes d'affiches publicitaires en bombant un point rouge dégoulinant au milieu du front de ses victimes. Visual Kidnapping (2004) Liquidated Logos (depuis 2006), où il fait fondre ou couler les logotypes de marques omniprésentes en milieu urbain. Cette série d´œuvres est assimilable à du culture jamming.* Il est incarcéré à HongKong le 13 juillet 2009 pour avoir peint un liquidated logo Chanel sur une boutique Armani. Après une première audience le 15 juillet, il est jugé pour dégradation de propriété le 14 août, et condamné à deux semaines de prison avec sursis après avoir nettoyé le mur de la boutique. *Le culture jamming, que l'on peut traduire en français par sabotage culturel ou détournement culturel, est l'acte de subvertir de l'intérieur le fonctionnement d'un média de masse existant, en usant de la même méthode de communication utilisée par ce média. Le choc de Vénus. En 2010, consécutivement au renversement accidentel de la copie de la Vénus d'Arles, une statue située place Zeus à Montpellier, l'auteur s'est emparé de l'évènement pour une mise en scène fluorescente sur les lieux mêmes de l'accident. CONTEXTE: C'est tout d’abord, à Philadelphie en Pensylvannie qu'apparaissent les premiers « writers », sous les pseudonymes de Cornbread et Cool Earl, en écrivant leurs noms partout dans la ville et gagnant donc très vite l'attention de la communauté et de la presse locales. En même temps, le graffiti prend de l’ampleur dans les quartiers pauvres de New-York et de ses banlieues plutôt négligées et se développe peu à peu. L’apparition d'artistes précurseurs issus des quartiers mal famés de New-York tel « Taki 183 », « Tracy 168» ou «Stay High 149 » taguant sur les murs attire l’attention de la population. L'exemple de Taki 183 est sans doute le meilleur et le plus fameux lorsque l'on parle des writers new-yorkais : le jeune grec nommé Demetrius découvre avec son ami Greg pendant l'été 1969, alors qu'ils s'ennuyaient, un jeune garçon écrivant son nom et le numéro de sa rue : JULIO 204. Ils trouvèrent tous deux l'idée cool et commencèrent comme cela à parsemer leurs noms dans toute la ville. Demetrius use de son surnom « Taki » et du numéro de sa rue pour imposer sa marque. Ainsi débute la légende. Dès 1960, en France, on compare le street art à une forme d’art, ce qui s’avère être plutôt singulier à l’époque. Même si les critiques sont mitigées, l’art du graffiti était né, au grand plaisir des artistes qui s’adonnaient à cette pratique. Vers la fin des années 1960, on retrouve une valeur très intellectuelle et songée au sein des graffiti conventionnels, inspirés par la politique pour la plupart. Teintés parfois d’humour, parfois de poésie, on dépeint des slogans accrocheurs et sympathiques, souvent à double sens. Ces graffiti sont peints au rouleau ou au pinceau en règle générale, bien que certains artistes faisaient usage d’aérosols. Au début des années 1980, le graffiti est considéré comme étant de l’art urbain et son aspect illégal et clandestin intéresse bon nombre d’artistes. On peint de façon humoristique et légère, en adoptant de nouvelles techniques très intéressantes comme le pochoir, par exemple. Colorés et déjantés, les graffiti ont la cote ! C’est par ailleurs dans cette même période que les graffiti de style «new-yorkais» font leur apparition à Paris. Dans les années 2000, une association importante est créée: le M.U.R (modulable, urbain et réactif). Elle regroupe quatre vingt artistes et impose un principe simple. Tous les quinze jours un artiste squatte de grands panneaux publicitaires rue Oberkampf à Paris et expose son œuvre. Le groupe VLP (vive la peinture ) y exposera son personnage lui faisant dire : «j’existe je résiste». Il deviendra vite célèbre dans le milieu de l’art. En 2001 Agnés B expose dans sa «galerie du jour» Jonone , Mist , OS Gemeo et Zevs dans une exposition collective. Dans les années 2000, un des thèmes récurrents dans l'art urbain est la surconsommation. Celle-ci est dénoncée par de nombreux artistes. Le street art remplit son rôle d’art engagé à l’aide de l’utilisation de véritables chefs-d’oeuvre muraux. Il a su faire réflechir le monde sur des thèmes abordés de manière récurrente, tels que la guerre, la société de consommation ou encore le capitalisme, et continue son expansion à l’échelle mondiale. Analyse de l'œuvre Lecture descriptive et interprétative : Avant Visual Kidnapping, Zevs organisait ses Visual Attacks, au cours desquelles il exécutait des icônes d'affiches publicitaires en bombant un point rouge dégoulinant au milieu du front de ses victimes. Cependant, le résultat de ses attaques visuelles étant rapidement détruit par les annonceurs, Zevs décide d'aller plus loin en prenant en otage l'image de l'égérie des cafés Lavazza, qu'il découpe d'une affiche 15×15 m sur la Alexanderplatz à Berlin, en y laissant le message « VISUAL KIDNAPPING PAY NOW!!! ». Il présente alors pendant trois semaines la vidéo de l'enlèvement à la Rebell Minds Gallery de Berlin, où l'affiche découpée est visible. Pendant plusieurs mois, il va tantôt cacher, tantôt exhiber l'otage visuelle, menaçant de l'exécuter. Il va finalement lui couper un doigt qu'il envoie enveloppé de coton au PDG de la société, lui demandant une rançon symbolique de 500 000 euros, du coût approximatif de la campagne publicitaire. Une mise en scène de l'artiste a pu faire croire que Lavazza accepta de la payer sous forme de mécénat auprès du Palais de Tokyo, permettant ainsi à Zevs d'y présenter son œuvre. La cérémonie a eu lieu un premier avril. "Visual kidnapping is like entering an interactive game: If the brand on the billboard kidnaps the attention of the public with the purpose of consumer demand, I reverse the situation and I kidnap the model on the poster and I demand a ransom of 500,000€ from the brand. This sum represents the symbolic price of an advertising campaign for the brand." Interview with PingMag, 11 August 2008 A partir des années 60 les pays développés entrent dans l’ère de la consommation de masse dont le symbole est l’achat d’un frigo, d’une voiture et d’une télé. La mise en place d’une société de consommation est possible grâce à la hausse des niveaux de vie (augmentation des salaires et baisse des prix). Elle est encouragée par la publicité, le crédit et l’expansion des grandes surfaces. Petit à petit, les modes de consommation changent, on n’achète pas un produit parce qu’on en a forcément besoin mais pour l’image qu’il nous permet de donner de nous même. Zevs s'attaque à la publicité. La publicité joue deux rôles complémentaires : elle construit des «images» (des images de marque) et elle suscite des besoins. En ce qui concerne l’image de marque, son rôle est de dorer un nom d’une aura telle que l’acheteur acceptera de payer davantage pour une valeur présumée supérieure qui n’est en réalité que symbolique. Les jeunes consommateurs sont prêts à payer plus cher un t-shirt de marque qu’un t-shirt anonyme. La publicité suscite aussi de nouveaux besoins. À l’infini. Une fois logé, nourri, habillé, peu de besoins matériels sont essentiels. Les autres «besoins» matériels sont des besoins artificiellement créés. Le jeune qui a «besoin» d’un lecteur de MP3 comme l’intellectuel qui a «besoin» de L’histoire de Pi… sont pour une grande part, victimes de la «persuasion clandestine», selon le mot de Vance Packard. La publicité des grands annonceurs produit indéniablement des effets : ainsi, on estime que Coca-Cola réussit à faire boire à chaque Nord-Américain environ 395 canettes de sa boisson sucrée chaque année. La lutte des vendeurs pour s’accaparer les revenus discrétionnaires des consommateurs est rude. C’est pourquoi les sommes investies en publicité augmentent sans cesse : en Amérique par exemple, entre 1980 et 2000, les dépenses publicitaires ont été multipliées par quatre. C’est ainsi qu’en faisant croire qu’ils obtiendront le bonheur en achetant leurs produits – ce qui est le rôle des publicitaires qui agissent pour eux comme des haut-parleurs – les riches annonceurs s’enrichissent toujours davantage. Cette publicité est omniprésente dans nos villes, dans notre champ visuel urbain. La quantité de publicité augmente continuellement. C'est à cette quantité croissante que les artistes urbains comme Zevs s'attaquent. Désormais, ce type d'intervention peut se définir comme un acte de culture jamming, ou sabotage culturel. Cependant, en kidnappant cette image de la marque Lavazza et en exposant son enlèvement, il y a un risque que Zevs joue le jeu des publicitaires et de cette marque. En voulant dénoncer la publicité, Zevs ne fait peut-être qu'aller dans son sens et donner plus de poids à cette marque. Quoi qu'il en soit, sa performance interroge sur notre consommation, et notre place de spectateur actif ou passif de la publicité. En kidnappant cette image, Zevs nous renvoie à image de consommateur (ou de sur-consommateur). Oeuvres liées, prolongements, etc... Les oeuvres de Banksy et le film Exit Through the Gift Shop (Faites le mur) L'exposition Street Art, l'innovation au coeur d'un mouvement (du 4 octobre 2014 au 1er mars 2015) à la Fondation EDF Cette oeuvre de Duane Hanson, Supermarket Lady, 1969, sculpture hyperréaliste.