Page 1 L`hiver de force d`après le roman de Réjean Ducharme mise

publicité
L’hiver de force
Réjean Ducharme
mise en scène et adaptation Lorraine Pintal
d’après le roman de
du 7 au 17 février 2002
Grande salle
>
Service de Presse
Lydie Debièvre, Odéon-Théâtre de l’Europe
tél 01 44 41 36 00 - fax 01 44 41 36 56
dossier également disponible sur http://www.theatre-odeon.fr
>
Location 01 44 41 36 36
>
Prix des places
(séries 1, 2, 3, 4, 5)
de 5€ à 28€ (de 32,80F à 183,67F)
>
Horaires
du mardi au samedi à 20h, le dimanche à 15h (relâche le lundi).
>
Odéon-Théâtre de l’Europe
1 Place de l’Odéon - 75006 Paris
Métro : Odéon - RER : Luxembourg
‘‘
>
T H E A T R E
oDeoN
D E
L ´ E U R O P E
>
>
L’hiver de force
d’après le roman de Réjean Ducharme
mise en scène Lorraine Pintal
et adaptation
décor
costumes
éclairages
musique originale et
environnement sonore
avec
Nicole
Laïnou
Roger Degrandpré
Thérèse Brassard dit Sex-Exepl,
l’hôtesse de l’air, Terry
André
Poulette
Catherine dit Petit Ppois
Danièle Lévesque
Julie Charland
Michel Beaulieu
Jean-Frédéric Messier
Céline Bonnier,
Anne-Marie Cadieux
Pierre Curzi
Brigitte Lafleur
Alexis Martin
Monique Mercure
Marie Tifo
Production : Théâtre du Nouveau Monde - Montréal
Coproduction : le Festival de théâtre des Amériques.
Réalisation : Odéon-Théâtre de l'Europe
Spectacle créé le 13 novembre 2001 au Théâtre du Nouveau Monde à Montréal
‘‘
>
T H E A T R E
oDeoN
D E
L ´ E U R O P E
>
L’ H I V E R
DE
FORCE
Poulette est arrivée vers onze heures dans sa Triumph au silencieux crevé et au bas des portières rouillé jusqu’à travers. Chapeau de léopard, lunettes fumées, cigarette au bec, elle est
entrée bras en l’air, tout éployée, comme si elle sortait d’un de ces films italiens montrant avec
complaisance la déchéance qui s’est emparée du sang bleu : les comtesses passé mûres qui couchent avec des bommes encore verts, and all that drag… Elle nous a embrassés sur la bouche
avant même de nous avoir regardés, le groin tout mou et tout entrouvert. Quelle haleine fétide !
Qu’est-ce ka mange ? Da marde ? Fuck ! Elle ôta ses verres, la blancheur de nos travaux de restauration la saisit, l’éblouit, ses yeux papillotèrent comme deux protozoaires ciliés mal pris, elle
prit dans ses mains gantées sa face craquelée, elle s’écria, fellinienne :
- Ah j’horreur de cette couleur, ah c’est cruel, ah ça agrandit trop la lumière, ah ça fait ressortir
des ans l’irréparable outrage, ah je sens mon make-up qui cuit et qui forme des grumeaux
comme une mayonnaise ratée ! Je suis pas trop laide ? Pas trop maganée, ravagée, marquée,
pokée ? […]
Tout ce que Poulette voulait semblait vouloir savoir c’était si elle n’était pas trop pokée. Si elle
n’a pas demandé quarante-deux fois je suis pas trop pokée ?, je ne sais pas comment je m’appelle. Et ça ne servait à rien de lui répondre mais non ! mais non ! Elle ne voulait pas du tout nous
croire, l’hostie de chienne sale.
- Je peux bien être pokée, j’ai encore passé la nuit au bout du fil… Ougi ne cesse de m’appeler
pour me tirer les vers du nez !… Il crie, il insiste, il menace… Je ne suis qu’une faible femme…
C’est là qu’on a décroché puis qu’on a jugé bon de s’effacer. Personne n’a essayé de nous retenir. Quand j’ai dit : " Bon eh bien je crois qu’on va aller brûler l’herbe derrière la maison ",
Poulette, qui s’était mise à parler en anglais parce qu’elle s’imaginait qu’on était trop épais pour
être bilingues, murmurait à Catherine : "I have a feeling that Ougi knows that I know, you
know"*, et tout le monde était tellement pris par son sujet que personne n’a entendu la moindre
de mes paroles.
Dehors, on se défrustre en déblatérant à tort et à travers dans les deux langues officielles.
- What is the matter ? (Qu’est-ce que la matière ?)
- La vie, c’est rien aux autres et puis tout aux mêmes : beauté, santé, prospérité, intelligence !
Puis ceux qui ont tout crachent sur tout : c’est tout triste, déçu, désenchanté, spleen, insomnie,
neurasthénie, dégoût. Regarde les Pygmées, par exemple : affreux, petits, pauvres, bêtes à
manger du foin : ils n’ont rien eu du tout. Quelle justice !
- I don’t see your point ! (Je ne vois pas votre point !) It’s totally irrelevant ! (Ce n’est totalement
pas révélateur !)
- I feel bad, that’s all ! (Je sens mauvais, c’est tout !)
Réjean Ducharme :
L’hiver de force (pp. 242-244)
* J’ai un sentiment qu’il sait que je sais, tu sais ? [Note de l’auteur]
‘‘
>
T H E A T R E
oDeoN
D E
L ´ E U R O P E
>
L’ H I V E R
DE
FORCE
" Puis demain, 21 juin 1971, l’hiver va commencer, une dernière fois, une fois pour toutes, l’hiver
de force (comme la camisole), la saison où on reste enfermé dans sa chambre parce qu’on est
vieux et qu’on a peur d’attraper du mal dehors, ou qu’on sait qu’on ne peut rien attraper du tout
dehors, mais ça revient au même "… Début des années 70, donc. Bohème québecoise. Entourés
de quelques amis (dont Catherine, alias Petit Pois, Petit Pouah, puis la Toune ; son éditeur et
amant Roger, Ougi pour les intimes, ou encore Laïnou, artiste contemporaine de son état), André
et Nicole Ferron, ex-étudiants des Beaux-Arts, vivent de corrections d’épreuves, cherchent une
place bien payée à ne rien faire dans la publicité, se gorgent de films avec Eddie Constantine et
Edwige Feuillère, se passent du Boris Vian ou des Beatles, ou ne font rien. Mais nous, nous ne
pouvons faire l’économie d’une mise en contexte historique du roman de Ducharme... L’errance
sur place d’André et Nicole, barricadés dans leur appartement, dévoile le désespoir de toute une
génération, celle de la " génération tranquille " (un mouvement contre-culturel qui a agité le
Québec au milieu des années 50). Publié en 1973, L’Hiver de force conserve aussi l’écho de la
période mouvementée que venait de traverser la France. Le roman permet de rapprocher les cultures de nos deux pays autour d’événements qui ont transformé le cours de leur histoire, et dont
nous pouvons être les témoins éclairés et visionnaires. Pour certains personnages, la France
n’est d’ailleurs jamais très loin. Laïnou voit enfin sa peinture reconnue en Europe et oscille entre
le luxe mondain qu’elle doit à son succès et le vide qu’elle ressent à être une handicapée de
l’amour. Petit Pois vient d’achever le tournage d’un film sélectionné à Cannes, ce qui réveille en
elle une méchante envie de montrer aux Français ce qu’elle pense de leur culture bourgeoise, si
florissante au Père-Lachaise : " On va leur en faire des colons, de la neige, des Maria Chapdelaine.
Dans dix ans, c’est eux qui vont se mettre à genoux pour qu’on les civilise. Leurs enfants vont
apprendre la grammaire joual puis c’est les pièces de Michel Tremblay qui vont les faire flipper à
la Comédie-Française. Ils sont pas dedans man! "
L’adaptation de Lorraine Pintal paraîtra aux Editions Gallimard
(Le Manteau Arlequin) en février 2002.
‘‘
>
T H E A T R E
oDeoN
D E
L ´ E U R O P E
>
L’ H I V E R
DE
FORCE
" Nous voulons changer du tout au doux, nous rebâtir sereins. Alors mettons-nous à tout aimer, à ne
plus choisir du tout, à accueillir tout, même les poissons fabriqués en série, à embrasser tout d'un
cœur égal. Nos horreurs et nos dégoûts ne font qu'empirer le mal qui nous est fait et améliorer le
plaisir de ceux qui nous le font. Alors n'en éprouvons plus; ouvrons-nous; brûlons nos venins, nos
boucliers, nos vêtements; offrons-nous, tendons-nous, donnons-nous, faisons-nous fourrer. "
(André Ferron , L’Hiver de force
Je n'ai jamais rencontré Réjean Ducharme. Peu de gens ont eu la chance d'échanger directement
avec lui sur la nature insolite et fascinante de son œuvre et sur la position unique qu'elle occupe
dans le paysage littéraire québécois et international. Enfermé dans un mutisme médiatique depuis
la publication de son premier roman L’Avalée des avalés, il nous livre sans concession des images
à la puissance dévastatrice, un langage au souffle ravageur et des personnages d’écorchés vifs dont
la pudeur maladive accentue l'authenticité de son génie.
Le parcours de Réjean Ducharme dans la galaxie de la dramaturgie est celui d'un météorite. Sa traînée lumineuse fragmente la profondeur des nuits fauves de Montréal et le choc qu'il provoque cause
tremblements de sens et raz-de-marée de mots. Ces derniers traduisent une émotion si fulgurante
que la grammaire telle que nous l’avons apprise à la petite école, échoue à en contenir l’explosion.
On avale l’oeuvre de Ducharme par le ventre comme Bérénice Einberg, le petit être farouche et sauvage de L’Avalée des avalés, se sent avalée par le dedans lorsqu’elle évoque le visage trop beau de
sa mère.
C’est d’ailleurs par la serrure du ventre de la mère que je me suis infiltrée dans le monde romanesque de Ducharme pour y découvrir ensuite celui du poète, du parolier, du scénariste, du créateur
de toiles et de sculptures iconoclastes qu’il signe sous le pseudonyme de Roch Plante. Et enfin, sans
crier gare, j’ai été parachutée dans l’appartement frette et blanc comme un lavabo de Sophie et
Roger, les piètres acteurs de HA ha!… Ce théâtre de foire psychologique où la cruauté règne en maîtresse absolue sur des couples à la dérive, a marqué un immense tournant dans l'expression de la
culture québécoise et dans le parcours du TNM.
Puis, il y a eu la confrontation avec Ines Pérée, Inat Tendu qui raconte la vertigineuse chute sur terre
de deux adolescents qui bouleversent la vie des habitants d'une île perdue, devenue leur asile et leur
tombeau. Dans les deux cas, j’ai procédé à des recoupements, ajouts, collages en puisant à même
les multiples versions signées de la main de Réjean Ducharme. Ce travail d’adaptation m'a permis
d’aborder son œuvre de l’intérieur au point où j'ai ressenti la pressante envie de dépasser le cadre
théâtral et de m'attaquer au roman.
Pour la force des personnages et la beauté de la langue
" Quand la Toune est partie, tout nous faisait mal: nos yeux saignaient de l'avoir tant regardée sans
trouver où loger, où se reposer assez, comme pour toujours; nos mains étaient couvertes d'ampoules
de n'avoir rien pu saisir, posséder, garder, d'un si grand bonheur si proche. "
André Ferron, L’Hiver de force
>
T H E A T R E
‘‘
André et Nicole Ferron, les protagonistes centraux de L’Hiver de force sont à l'œuvre romanesque
de Réjean Ducharme ce que Ines Pérée et Inat Tendu sont à ses textes dramatiques. Même soif
d'amour, même quête de liberté, même rage de vivre en marge de la société établie et même rejet
de l'abrutissement des masses qui emprisonnent leurs rêveries de dormeurs éveillés. Petit Pois,
actrisse vedette et son amant, Roger Degrandpré, éditeur controversé de livres P.Quisses font partie du même clan que Sophie et Roger dans la pièce HA ha!…. Les jeux de rôles dans lesquels l'auteur les emprisonne confère à ces personnages de roman un caractère hautement théâtral. On
pourrait affirmer que Petit Pois est l'emblème du déchirement entre la vérité du moâ et sa représentation. Petit Pois, Poulette, Roger, Laïnou, la tante folle des Beaux-Arts, sont tous plus ou moins
condamnés à jouer leur propre vie et la véritable exaltation réside dans le ratage de leur performance, ce qui pour Ducharme est l'exploit suprême.
.../...
oDeoN
D E
L ´ E U R O P E
>
L’ H I V E R
DE
FORCE
Pour incarner ces caractères hauts en verbe et en couleurs, des pistes d’interprétations plus près de la
performance que de l’approche traditionnelle du jeu dramatique s’imposent. Le jeu est sportif, voire athlétique. Il exige des réflexes, du rythme, du tonus.
De plus, il y a la langue Ducharmienne qu’il faut traduire en faisant voir ses sonorités et entendre ses couleurs. Sa langue ne coule pas; elle bégaie, secoue, cogne dur, invente ses idiomes, frappe le mur de la
logique et nous atteint comme de véritables chocs électriques. Le roman L’Hiver de force regorge de dialogues incisifs entrecoupés d’une trame narrative forte portée par André Ferron, symbole de l’errance de
toute une génération qui est celle des héritiers de la Révolution tranquille, mouvement contre-culturel qui
a agité le Québec au milieu des années cinquante. Sans minimiser le travail d’adaptation, force est de
constater que le roman impose son rythme, livre son énergie à l’état brut et trace les contours du texte dramatique.
Mettre en scène l’hiver chez Ducharme
En plus de reposer sur la puissance dramatique des personnages, la pertinence du projet d'adapter théâtralement le roman L’Hiver de force de Ducharme s’appuie aussi sur la force évocatrice des tableaux qu’il
peint. Même si la toile de fond représente " les derniers restes de l'hiver, des sortes d'os achevant de fondre
sur le béton du trottoir, cette sorte de mur horizontal ", il n'en demeure pas moins que l'hiver est plus qu'un
élément folklorique. Pour les Québécois, c'est comme la camisole, c'est un hiver de force. Notre poésie s'y
trouve, notre humour s'y loge, notre tendresse y meurt parfois et notre détresse s'en nourrit. Déchirés
entre ces quatre pôles, la vie de André et de Nicole s'organise dans le petit appartement de l'avenue
Esplanade devant le Mont Royal. Ce refuge devient le point central de la scénographie, lequel se transforme au gré des errances des personnages. Véritable forteresse de leurs rêves, coffre-fort de leurs ébats,
coffre à trésors de leurs amours, il est éclairé de l'intérieur par des lumières fuyantes qui échappent à la
réalité.
Nous sommes donc très loin des unités de temps, de lieu et d’action. Il nous fallait échapper au découpage temporel habituel et oser lorgner du côté du montage cinématographique avec ses plans séquence, ses
ralentis, ses retours en arrière et ses ellipses. L’atmosphère est irréelle, une certaine désolation s’en dégage. Le théâtre de Ducharme se nourrit aux images crues des bars que fréquentent André, Nicole et Laïnou
lorsqu’ils s’égarent dans leurs paradis artificiels. La beauté n’a pas ses gros plans. Elle est sous-jacente.
Elle se cache dans les racines du crocus qui se terre entre les pages de La Flore laurentienne, leur livre de
prières familial. Elle éclate comme le vert des yeux de La Toune lorsqu’ils se noient dans leurs larmes.
Devant cette lucidité désespérée qui dénonce encore aujourd’hui, une société flottant sur la couche grasse
des idéaux des faussaires politiques et culturels, doit-on s’étonner que Réjean Ducharme ait choisi la marginalité ? Son silence ressemble à un immense trou de mémoire creusé dans notre inconscient collectif
québécois. Mettre en scène Ducharme, le jouer, le lire, le proclamer permettra sans doute à son œuvre de
traverser les frontières et les époques et à confirmer la force de son talent. Je remercie tous ceux et celles
qui ont jeté sur la production l’éclairage de leur propre vision. Aux comédiens incroyables de L’Hiver de
force, aux concepteurs inspirés, à Marie-Hélène Falcon, directrice du Festival de théâtre des Amériques au
Québec, à Patrick Sommier, directeur de M.C. 93 Bobigny, à Claire Richard, discrète messagère, à l’équipe
du TNM et à celle de L’Odéon réunies autour de l’œuvre de Ducharme, je tiens à exprimer la Jouâ que j’ai à
partager avec eux la naissance de cette création.
Nous avons célébré à l’automne 2001 les 50 ans d’existence du Théâtre du Nouveau Monde. Pour marquer
nos festivités, nous avons accueilli avec succès à Montréal et au Québec, la trilogie d’Eschyle, L’Orestie,
magnifiquement mise en scène par Georges Lavaudant, dans le cadre de l’événement France au Québec/la
saison. À cette occasion, le directeur artistique de l’Odéon faisait valoir l’importance de renforcer les liens
qui unissent la France et le Québec et voyait dans le fait de porter dans son théâtre la parole originale de
Réjean Ducharme en réponse à celle d’Eschyle, un symbole du flambeau que se passent les générations
afin que la mémoire des textes anciens puissent tracer la voie à la parole contemporaine. Je salue bien bas
sa témérité et son audace. Les ponts créés par l’imaginaire sont parmi les plus tenaces.
Lorraine Pintal
‘‘
>
T H E A T R E
oDeoN
D E
L ´ E U R O P E
>
L’ H I V E R
DE
FORCE
OU
L’ E X I L
INTÉRIEUR
Écrit dans le passage des années 60 aux années 70, en des temps d’euphories révolutionnaires, le nouveau roman de Réjean Ducharme fait tache d’huile. Lors de sa publication en 1973, des critiques en
soulignent la profonde désespérance et les partisans de la ligue dure, socialiste ou communiste, la
qualifient de réactionnaire. Quoi qu’il en soit, L’Hiver de force allait devenir un roman culte au Québec
et, depuis au moins trois générations, le petit manuel de la résistance amoureuse, le livre de chevet
des objecteurs de conscience, des empêcheurs de tourner en rond.
Derrière la fresque épique d’un peuple en voie d’émancipation politique, économique et culturelle,
sous la conduite d’une élite scolarisée et l’impulsion d’une nombreuse jeunesse contestataire, L’Hiver
de force dressait la toile d’une société propulsée sans amarres dans le vide du progrès de l’écran
médiatique. À l’encontre des discours qui promettaient des lendemains qui chantent, Réjean
Ducharme ausculte la déroute morale et affective d’une génération devant qui s’ouvrait un si bel avenir.
LE PARADIS MAINTENANT OU JAMAIS
Pour les baby boomers, qui avaient alors entre 20 et 25 ans, toutes les expériences, tous les rêves et
les excès étaient permis. Débarrassés de la morale catholique, de la censure, de la famille, ils avaient
enfin accès au monde et, en plus, la force du nombre pour imposer leurs vues sur le monde. Investis
de la mission de construire une société nouvelle, ils pouvaient rêver de promotion et de réussite
sociales : les portes s’ouvraient et il y avait enfin des marches pour accéder, qui sait, à la tête d’un
ministère, d’une société d’État, d’une grande entreprise québécoise et, peut-être un jour, d’un pays
tout neuf. L’ère de la jeunesse au pouvoir s’éclatait dans toutes les directions : la drogue, le sexe, le
rock’n roll, le socialisme, le communisme, l’internationalisme, le millénarisme, l’indépendantisme, le
pop-art, le psychédélique, la poésie, la chanson et le théâtre québécois, dans le joualez-moi d’amour…
Le féminisme pointait à l’horizon, le parti québécois naissait en même temps que la trudeaumanie et
le Front de libération du Québec (FLQ) préparait le coup des Événements d’octobre 1970.
DANS LE VENT DE LA TEMPÊTE
Pressentant une autre possible débandade historique, Réjean Ducharme optait, lui, pour une stratégie
de la terre brûlée. L’Hiver de force dégonfle sans vergogne les nouveaux dogmes, les utopies et modes
du temps, sort les cadavres des vieilles armoires canadiennes, fait couiner dans des couacs intempestifs les détournements de sens contenus dans les discours politiques, les messages publicitaires, les
films et émissions à la mode, et toute autre forme de représentation à saveur idéologique et portée
démagogique.
Plutôt le rien, au sens existentialiste du terme, que le vide plein d’une société de consommation tous
azimuts. Telle est la seule devise acceptable pour les deux anti-héros de L’Hiver de force, le couple
André et Nicole Ferron, par qui tout arrivera et finira par se dissoudre dans le grand vide du vide de
l’image. Autour de ces deux crottés, têteux, jaloux, paranoïaques, sans argent et sans emploi, gravitent
quelques intellectuels et artistes qui swinguent tant bien que mal sur les crêtes des nouvelles vagues.
Pendant que ces derniers apprennent à grouiller et grenouiller dans un monde de requins, politiciens,
fonctionnaires, bureaucrates, et tous les autres en instance de promotion sociale et internationale,
Nicole et André renâclent à rendre l’âme. Trop romantiques, trop idéalistes, trop critiques et trop sensibles pour s’accrocher à la cohorte des futurs élus du pouvoir et de la gloire médiatiques et médiatisés.
>
T H E A T R E
‘‘
GELÉS À FENDRE L’ÂME
L’avenir est à ceux qui savent emprunter, improviser, composer, flairer la bonne affaire et faire des
affaires en québécois pour le " kik " ou la frime, en anglais pour le fric. Belle morale de l’ambiguïté que
les personnages de L’Hiver de force pratiquent ou contestent à leur corps défendant. Pendant que les
bâtisseurs et porte-étendards d’une culture, d’une langue et d’une société " open " s’élèvent au-dessus de la masse, ceux qui restent accrochés au sens des mots et des valeurs s’y enfoncent avec la lucidité du désespéré. D’un côté comme de l’autre, tous se défoncent, ou dans la drogue, le sexe, l’alcool,
pour amortir le choc trop brutal du renouveau, pour endormir l’angoisse générée par le sentiment
d’être en décalage ou en porte-à-faux par rapport à ce que la société attend d’eux.
.../...
oDeoN
D E
L ´ E U R O P E
>
L’ H I V E R
DE
FORCE
OU
L’ E X I L
INTÉRIEUR
Les personnages de L’Hiver de force ne s’appartiennent pas, sont extradés d’eux-mêmes, n’existent que
dans une dynamique de représentation et de projection dont ils ne contrôlent ni les entrées ni les sorties. Ils tanguent entre mégalomanie et paranoïa, " high and down ", flippent ou hallucinent. Tous des
handicapés de l’amour, des mésadaptés socio-affectifs, dirions-nous aujourd’hui, qui parviennent à rester fonctionnels s’ils ont la capacité de " fictionner " en temps réel sans basculer dans la folie.
DES PERSONNAGES EN EXCÈS DE REPRÉSENTATION
Dans l’adaptation théâtrale de Lorraine Pintal, les personnages de L’Hiver de force ont gagné en dérision et en force de frappe ce que la narration permet de distiller à petites doses, voire désamorce en faisant du lecteur l’interlocuteur privilégié et complice du narrateur. Dans cette opération de transfuge du
roman à la scène, les répliques des personnages se sont enrichies des commentaires " obscènes " du
narrateur, et toutes ces greffes contribuent à exaspérer et détricoter à vue leurs nœuds de contradictions. Par effet de contraction du temps et de l’espace du récit, de sélection et d’ordonnancement des
scènes selon une syntaxe cinématographique, les personnages sont en excès de représentation.
Télescopés dans une écriture qui pousse à bout la dérision et l’autodérision, ils en exaltent la langue,
luxuriante dans ses mixtures de cultures populaire et savante, décapante dans ses accents de vérité et
de vulgarité, jubilatoire dans ses citations retroussées, ses éclats poétiques, ses jeux de langue, absurde dans ses aphorismes, comptines, vers de mirliton et traductions traficotées d’expressions anglaises.
Ainsi drapés dans la langue ducharmienne, les personnages s’exposent, caricatures pathétiques d’enfants gâtés ou abandonnés, ridicules dans leurs peaux mal ajustées d’adultes, touchantes quand,
emportées dans des tirades à l’emporte-pièce, elles frôlent d’un peu trop près l’abîme de la misère
morale et affective. L’opportuniste qui s’ignore (Roger Degrandpré, le grand patriote et sauveur du
peuple) raconte son petit homme qui a peur dans le noir ; les nihilistes irrécupérables (Nicole et André
correcteurs d’épreuves à temps perdu et " drop-out " à temps plein) essaient sans y croire de raisonner comme les grandes personnes ; l’anarchiste libertaire (Laïnou, l’artiste qui gagne des bidoux en peignant du " an-art "), se complaît dans les déboires de la femme émancipée; l’égocentrique toujours "
stone " (Petit Pois, l’actrice qui veut devenir la Marylin Monroe du Québec), pleure et exploite sa petite
fille abandonnée ; la moralisatrice de service (Poulette, la mère de Petit Pois) entretient son statut
d’épouse frustrée mais bien mariée.
LA TRAGÉDIE EST DANS L’ÉCRAN
Drôle de cirque, d’une cruauté sans nom, dans lequel s’agitent et se décomposent sous nos yeux, sans
jamais perdre vraiment pied des personnages menés par le bout du nez par leurs démons intérieurs :
des enfants déracinés et inconsolables. À la manière de figures beckettiennes, ils vont et viennent sans
trouver de centre, de direction, tourbillonnent autour d’eux-mêmes, finissent par disparaître comme ils
étaient venus ou par revenir au point de départ. " Il n’y a rien puisqu’il n’y avait rien ", diront les deux
sismographes de ces mouvements erratiques, André et Nicole Ferron qui, dans leur quête désespérée
du sens, feront la preuve par (a+b-ab à la puissance 0) que la vie, dans les représentations qu’en donnent les quelques amis qu’ils perdront les uns après les autres, ne vaut pas le jeu.
Agitateurs par excellence d’une descente en règle dans la démesure du vide, métaphore que travaillent
la mise en scène et le décor en suggérant leur enfoncement progressif dans un monde d’irréalité, André
et Nicole seront hypnotisés par l’image de Petit Pois projetée sur l’écran de leurs rêves, puis digérés,
puis largués au milieu de nulle part entre la campagne et la ville, vraisemblablement en marge de la
marge de la société des adultes. Amoureux fous d’une vedette de l’écran, incarnation de leur désir de
n’être rien et tout pour l’autre, ils seront condamnés à rester dans leurs peaux, puisque mourir ne sert
à rien, que mourir d’amour ne veut plus rien dire. Tous les personnages qui gravitent autour ne sont en
réalité que des miroirs grossissants et déformants de ce que André et Nicole sont mais ne veulent pas
être, que des projections désespérées et désespérantes de leurs souffrances d’être.
.../...
‘‘
>
T H E A T R E
oDeoN
D E
L ´ E U R O P E
>
L’ H I V E R
DE
FORCE
OU
L’ E X I L
INTÉRIEUR
UNE STRATÉGIE DE L’AMBIGUÏTÉ
La mise en scène repose sur une stratégie qui cultive l’ambiguïté quant au degré de réalité des personnages, notamment par les entrées et les sorties comme autant d’intrusions dans l’espace réel ou mental
du couple Ferron. L’environnement sonore fait entrer à pleine porte, avec ici et là quelques plages de silence et de chansons triées sur volet, les bruits de la ville, de la télévision, de la culture de masse et de conversations téléphoniques. Pour soutenir ce jeu d’oscillations constantes entre réalité et irréalité (réclusion
intérieure et invasion par l’extérieur), un dispositif scénique dont l’élément central pivote sur lui-même,
suggère ainsi le voyage immobile dans la démesure du vide. La disparition progressive des accessoires, des
murs et des portes ouvre sur un désert blanc donnant accès à une forêt reproduite sur une tapisserie géante. Tout dans la mise en scène conspire à faire de André et Nicole les figures emblématiques d’une tragédie du déracinement et de l’exil intérieur. Qu’ils le veuillent ou non, ils seront confondus dans la masse anonyme des pareils aux autres, à défaut de se retrouver du côté des " happy few " enfermés dans leur tour
d’ivoire.
L’EXIL INTÉRIEUR OU L’IMPORT-EXPORT
Dans L’Hiver de force, les bourreaux sont des victimes qui s’ignorent, et celles qui finissent par se l’admettre ont le pouvoir des mots pour prendre leurs distances. La charge ducharmienne est implacable et
n’épargne personne, bien qu’elle soit pleine de tendresse à l’endroit du couple André et Nicole. S’il les lance
dans des travaux d’introspection sans bouées de sauvetage, il leur donne toutefois un repère de poids : la
présence et le regard de l’autre. Au terme d’une véritable épreuve de force, ils se retrouvent, toujours aussi
seuls mais encore deux, devant ce qu’ils ont laissé derrière, " leurs surpossessions de produits de consommation de masse ", et ce qu’ils s’apprêtent à retrouver : leur vie platte et leur haine de tout qu’ils transformeront par la lecture et l’écriture en immenses champs de crocus, de fleurs sauvages, d’amarantes
parentes.
Près de trente ans plus tard, les personnages de L’Hiver de force font penser à des artefact d’une époque
apparemment liquidée. Bien avant l’heure, Réjean Ducharme dressait la toile de fond sur laquelle se tramait l’ère dans laquelle la société québécoise allait plonger dans les années 1970. Une ère de désillusion,
de confusion et de démobilisation politiques, de cynisme de bon ton ou d’indifférence de survie qui donnent
aux personnages de L’Hiver de force une dimension tragi-comique. Il faut dire que le Québec, depuis, a
développé un sens inouï de l’import-export, un amour fou pour l’humour local, le cinéma américain, le
tango argentin, la business qui rapporte ou le décrochage en règle. Pourvu que ça vibre, brille, pète le feu
et pleure en silence.
Lorraine Hébert
Conseillère en dramaturgie et rédactrice
‘‘
>
T H E A T R E
oDeoN
D E
L ´ E U R O P E
>
R ÉJEAN D UCHARME
Il existe plusieurs façons de présenter Réjean Ducharme. La plus simple consiste à rappeler qu’il est l’auteur de neuf romans (tous publiés chez Gallimard), de quatre pièces de théâtre, de deux scénarios de film,
de vingt-six chansons interprétées par Robert Charlebois et de sculptures ou de collages signés Roch
Plante. Le plus souvent toutefois, on présente Réjean Ducharme comme l’écrivain fantôme qui, depuis la
publication de L’Avalée des avalés en 1966, refuse obstinément de se montrer en public, même lorsqu’il
reçoit les prix littéraires les plus prestigieux. L’écrivain n’est pas de ceux qui font des tournées de promotion, des séances de signature, des entrevues, etc. De sa vie, on sait peu de choses en dehors des informations qu’il a lui-même fait circuler en marge de ses premières œuvres : un père chauffeur de taxi, des
études interrompues à l’École Polytechnique de Montréal, un bref passage par l’Armée canadienne, des
voyages en auto-stop à travers l’Amérique. On sait aussi qu’il a gagné sa vie comme les deux héros de
L’Hiver de force, André et Nicole Ferron, c’est-à-dire en étant correcteur d’épreuves.
Réjean Ducharme est d’abord et avant tout l’un des deux ou trois plus grands romanciers québécois. Son
œuvre ne ressemble à aucune autre, même parmi les romanciers de sa génération. En revanche, on l’imite beaucoup, plus en tout cas que n’importe quel autre écrivain de la période dite de la Révolution tranquille
(1960-1966). Son autorité ne procède pas des marques de reconnaissance de nature institutionnelle, qu’on
distribue au Québec souvent plus généreusement qu’ailleurs. Elle vient de l’écriture même. Certains ont
commencé à parler, à tort me semble-t-il, d’une école de Ducharme, caractérisée par l’usage immodéré de
jeux de mots et par une prédilection pour les héros juvéniles. Mais ce sont là des aspects relativement
superficiels de son œuvre, même si certaines formules (" Nous y sommes, soyons-y ", par exemple) ne
s’oublient pas et même si l’univers ducharmien reste associé à celui des enfants. Il n’y a pas plus d’école
de Ducharme qu’il n’y a eu une école de Rimbaud ou de Lautréamont. Ducharme cherche moins que tout à
faire école, à se constituer en modèle : c’est donc malgré lui que des écrivains d’aujourd’hui, comme Sylvain
Trudel ou Gaétan Soucy, se reconnaissent en lui.
Si l’auteur de L’Hiver de force (1973) rejoint un public qui ne se limite pas au seul milieu des professeurs
de lettres et des spécialistes, il n’est pas et ne sera jamais pour autant un auteur " grand public ". Son
œuvre, on l’oublie trop souvent, reste une œuvre exigeante. L’humour qui court à travers tous ses textes,
sous la forme de clins d’œil complices au lecteur, ne doit pas faire illusion. Le rire de Ducharme est comme
celui de tous les grands écrivains : il participe directement à ce que Mille Milles appelle, au début du Nez
qui voque, " le tragique du monde ". Il se déploie à même la blessure du sujet et, à moins de ne lire que ce
qu’on veut bien lire, il produit le contraire d’une détente chez le lecteur.
Voici comment débute son dernier roman, Gros mots (1999) : " Ça n’a pas l’air de s’arranger mais je ne vais
pas me ronger. C’est mon histoire. On est ici chez moi. On ne va pas me déloger comme ça. Se débarrasser
du héros en trois coups de cuiller à mots. " Le héros de Ducharme s’accroche à son rôle comme s’il sentait
qu’on menaçait de le lui enlever. Le reste lui importe peu : il continue de prétendre écrire mal comme au
temps du Nez qui voque (1967), d’agiter la " cuiller à mots ", de parler du monde le plus actuel en citant des
figures d’écrivains célèbres : des poètes comme Rimbaud, Nelligan, Emily Dickinson, des romanciers
comme Gide ou Balzac. La critique ducharmienne a beaucoup étudié cette bibliothèque imaginaire. Elle a
moins analysé cette obstination du héros à déclarer, dès le seuil de chaque roman : " On est ici chez moi ".
C’est pourtant là ce qui fait de Ducharme un romancier au sens le plus fort. Rappelons quelques-unes des
figures principales de cette œuvre. La première des héroïnes ducharmiennes s’appelle Bérénice Einberg :
elle est juive, comme son nom l’indique, mais c’est surtout " L’Avalée des avalés ", suivant le titre du roman.
.../...
‘‘
>
T H E A T R E
oDeoN
D E
L ´ E U R O P E
>
R ÉJEAN D UCHARME
" Tout m’avale ", dit-elle au début : le fleuve trop grand, le ciel trop haut, les fleurs trop fragiles, mais surtout le visage trop beau de ma mère. " Ce qui compte ici, c’est le mot " trop ". Il qualifie exactement le rapport que les personnages de Ducharme entretiennent avec le monde. Nous sommes du côté de l’excès : la
beauté, comme la laideur ou la pureté, apparaissent toujours démesurées, insupportables. C’est justement
à l’excès de signification du monde que répond l’outrance verbale de Bérénice lorsqu’elle choisit pour mot
d’ordre : " Tout détruire ", qui est le pendant logique du " Tout m’avale ". Mais l’opération de destruction,
chez Ducharme, ne prend pas la forme d’une attaque en règle : le monde que cherche à détruire son héroïne s’offre à elle comme un monde déjà déréglé, inconsistant, à peine réel.
Bérénice ira jusqu'à dissocier complètement sa frénésie pure et toute forme de mouvement révolutionnaire qui soit porteur de sens : " J'appelle le désordre. Mais personne ne vient ". Qu'à cela ne tienne, elle
recommence : " J'appelle la guerre de l'homme contre ce qu'il a fait. Désordre ! Guerre ! Confusion ! Lutte !
Dérangement total ! Prise de possession ! " En dépit de ces appels répétés, le seul ennemi qui se présente est un docteur qui la déclare neurasthénique. Bérénice rejette aussitôt ce diagnostic, car elle refuse
d'être considérée comme simplement malade : " Je ne suis pas malade. Je suis morte. " Il faut lire ce
constat au pied de la lettre : le "je", en tant que sujet doué de profondeur psychologique (le "je" neurasthénique), est mort. Quant au "je" qui continue d'exister, il est à peine un corps, tout juste un visage, lui-même
menacé d'indistinction : " Dans une âme où il y a mille visages, le visage appelé Bérénice risque d'être
confondu avec le visage appelé Antoinette. " Après avoir été avalée puis après avoir tout intériorisé,
Bérénice renonce à ses états d'âme et se mue en un être de papier.
Le slogan de Bérénice (" Tout détruire ") devient celui de tous les héros de Ducharme, tous rebelles sans
cause comme James Dean, tous révolutionnaires sans révolution. Leur violence désintéressée ressemble
à celle de l’artiste :
" Voilà ce qu'il faudra que je fasse pour être libre : tout détruire. Je ne dis pas nier, je dis détruire. Je suis
l'œuvre et l'artiste. Ce qui m'entoure, ce que je vois, ce que j'entends, c'est le marbre d'où je dois sortir, à
coups de hache, de ciseau et de brosse. Dans un bloc de marbre il y a un buste, mais à une condition, à
condition de le sculpter. Est-ce clair ? "
L'enjeu est de taille : il en va de la mise au monde du personnage, d'un nouveau "je", lié au souvenir du "je"
précédent, mais différent de ce dernier puisque né de lui-même, disposant ainsi de l'encombrante mère
("Au fond, personne n'a de mère. Au fond, je suis ma propre enfant…"). La destruction est dotée d'une forme
de positivité, celle de l'action concrète; les coups de hache deviennent des coups de ciseau, la matière du
monde devient un bloc de marbre, le sujet social devient un sculpteur, le "je" devient un buste.
" C’est tout pour moi ", dira de la même manière Mille Milles, héros du Nez qui voque. Là aussi, le moi
absorbe le monde, le soumet à son pouvoir d’invention. Mille Milles baptise sa sœur Chateaugué (elle s’appelle Ivugivic en réalité, elle est d’origine esquimaude et ce n’est pas sa vraie sœur). Ils font un pacte de
suicide (ils appellent cela se " branlebasser "), mais Mille Milles rompra ce pacte de sorte que Chateaugué,
" la pauvre idiote, la pauvre folle ", l’exécutera seule. Ailleurs, dans L’Hiver de force, André et Nicole ne font
pas de pacte de suicide, mais ils ont un projet similaire : ils décident de faire en sorte qu’il n’y ait plus rien,
comme ça ils cesseront de dire du mal de tout ce qui les entoure. Ils se débarrassent de tous leurs biens,
jusqu’à ce que leur appartement soit tout à fait vide (y compris d’eux-mêmes, puisqu’ils se retrouvent à la
rue). Au monde superficiel et faux qui les désespère, Nicole et André substituent le rien, c'est-à-dire une
sorte de monde en creux, asocial et immatériel.
.../...
‘‘
>
T H E A T R E
oDeoN
D E
L ´ E U R O P E
>
R ÉJEAN D UCHARME
Épuiser le réel, c'est une façon radicale de l'épouser, de le consommer, d'y participer à mort : seul ce que
je jette m'appartient en propre, car seule la perte me permet de faire l'expérience de la réalité, de ressentir la réalité. Il y a une chose à quoi le héros ducharmien ne renonce jamais toutefois : c’est la présence
d’autrui collé au plus près de soi, parfois jusqu’à la fusion des noms (comme Mille Milles et Chateaugué qui
choisissent de s’appeler tous deux " Tate " dans Le Nez qui voque) et à la relation incestueuse (Bérénice et
Christian dans L’Avalée des avalés, Vincent et Fériée dans Les Enfantômes). Cet autre, ce double, cette
âme-sœur, c’est aussi une façon de représenter la figure du lecteur et d’établir avec lui une relation d’extrême connivence. Ce n’est pas un hasard si le lecteur se sent chez lui lorsqu’il entre dans l’univers des
personnages de Ducharme, dans ses romans comme dans son théâtre et ses films. Il y est un complice
nécessaire à la vérité même du langage, qui perd tout sens dès lors qu’il n’est que soliloque. L’intensité de
l’écriture de Ducharme passe par un appel à l’amitié du lecteur, à la chaleur de sa présence.
De L’Avalée des avalés à Gros mots, cette complicité s’établit dans un constant rapport au monde du
dehors. Tous les personnages de Ducharme engagent un dialogue avec leur époque, reprennent les expressions du jour, absorbent les idéologies dites dominantes et les livrent aux vertus transformatrices du
roman. Bérénice avale et recrache le discours de la révolution, Mille Milles parodie le patriotisme québécois des années 1960, Nicole et André se moquent de la " contre-culture de consommation " typique des
années 1970. Dans Dévadé (1990), le héros Bottom fait sien le discours du ressentiment propre à notre
époque et joue la carte du parfait opprimé : c’est un " déficient social crasse ", un " rada ", un " réprouvé
amer, […] paria abject, infect, alcoolique et ingrat ". Dans Va savoir (1994), Rémi Vavasseur récupère tout
ce qu’il trouve dans les dépotoirs pour se construire son chez-soi : il habite un monde où la récupération
des déchets est devenue une vertu sociale en même temps qu’une nécessité économique. Dans Gros mots,
le héros raconte son histoire, comme tout un chacun semble aujourd’hui capable de le faire, mais il fait
subir à son récit de soi les contorsions formelles les plus violentes.
À la différence de tant d’œuvres soucieuses de leur postérité qui sont devenues illisibles cinq ans après leur
parution, les romans de Ducharme, ironiquement nourris de la société du spectacle (la télévision, le sport,
la politique et la culture médiatique en général), semblent à l’abri du temps. Ils sont aujourd’hui plus
vivants, plus neufs et plus actuels que jamais. En 1976, le critique Gilles Marcotte, l’un des lecteurs les plus
fidèles et les plus éclairants de l’œuvre de Ducharme, se demandait ceci à propos de L’Hiver de force :
"Pourra-t-on lire L’Hiver de force dans vingt-cinq ans, sans un arsenal de notes explicatives ? " (
). " Dans vingt-cinq ans ", c’est maintenant et la réponse ne fait aucun doute : oui. Le roman ducharmien
tient tout seul, L’Hiver de force comme les huit autres.
Michel Biron
‘‘
>
T H E A T R E
oDeoN
D E
L ´ E U R O P E
>
R ÉJEAN D UCHARME -
BIBLIOGRAPHIE
Romans
L’Avalée des avalés – 1966
Le Nez qui voque – 1967
L’Océantume – 1968
La fille de Christophe Colomb – 1969
L’Hiver de force – 1973
Les Enfantômes – 1976
Dévadé – 1990
Va Savoir – 1994
Gros Mots – 1999
Scénarios
Les Bons Débarras – 1978
Les Beaux Souvenirs – 1981
Théâtre (Oeuvres dramatiques)
Le Cid maghané – 1968
Le marquis qui perdit – 1969
Ines Pérée et Inat Tendu – 1976
HA ha !… - 1978
Prix littéraires
Prix du Gouverneur général et Prix Athanase-David pour L’Avalée des avalés en 1966
Prix du Gouverneur général et Prix Belgique-Canada pour L’Hiver de force en 1973 et 1974
Prix Québec-Paris pour Les Enfantômes en 1976
Prix du Gouverneur général et Grand Prix du Journal de Montréal pour HA ha !… en 1982 et 1983
Prix Gilles-Corbeil pour l’ensemble de son œuvre en 1990
Prix Alexandre-Vialatte (France) pour Dévadé en 1991
Prix Athanase-David pour l’ensemble de son œuvre en 1994
Grand Prix National des lettres 1999 (France) pour l’ensemble de son oeuvre
‘‘
>
T H E A T R E
oDeoN
D E
L ´ E U R O P E
>
PETIT LEXIQUE DUCHARMIEN
Braves crottés
Moins que rien, ratés sympathiques, " drop-out "
Morpionner notre affaire
( néologisme –morpion ) gâter notre situation ou notre vie
Gars fucké
( néologisme de l’anglais -fuck) un individu qui a des idées et des
comportements bizarres
S’accoter avec quelqu’un
vivre avec quelqu’un sans engagement, voire par intérêt
Blonde
amante, fiancée, amie de cœur
Sacrer dehors
mettre à la porte
Gros bidoux
beaucoup d’argent
Maskinongé
petit village de la vallée du Saint Laurent, sur le bord du fleuve à environ
100 km de Montréal et à 30 Km de Trois Rivières, lieu de naissance du
coupe André et Nicole Ferron dont le patronyme est emprunté à Jacques
Ferron , écrivain québécois incontournable des années 1960-1970.
Forum
Grand centre sportif de Montréal où la ligne de hockey canadien a
connu ses grandes heures de gloire dans les années 1950 et 1960
Les bommes
(de l’anglais -bum) jeunes gens délurés, voire délinquants
La bombe Q
nom fictif donné à une revue ou un journal militant pour la cause de
l’indépendance du Québec
Fuck
sacre très vulgaire en anglais, mais utilisé couramment au Québec dans
le sens de : " merde ! "
C’est sharp
(de l’anglais) original, joli, au goût du jour
Avoir son voyage
en avoir plus qu’assez, être dépassé par la situation
Niaiser
(néologisme-niais) perdre son temps, glander
Les Laurentides
On va toffer
Très grande région de collines, lacs et forêts, correspondant à la bordure
méridionale du Bouclier canadien, très développée en infrastructures
touristiques et en industries forestières et dont la partie nord de Montréal
est riche en en résidences d’été.
jeu de mots avec toune (canadianisme - jeune fille qui a de l’embonpoint -)
et tune ( de l’anglais - air de musique populaire)
(néologisme, de l’anglais -tough) endurer, résister, passer au travers
Deux têteux
(néologisme –têter) quémandeurs
Etre dans un mauvais mood
(de l’anglais -mood) être de mauvaise humeur
Chum
(de l’anglais -copain ) ami de cœur, amoureux
Heavy feelings
(de l’anglais) émotions, sensations, sentiments intenses et négatifs ;
mauvaises vibrations
Sacrer son camp
(canadianisme) s’en aller
Ki manchent da marde
contraction phonétique de " qu ’ils mangent de la marde ", l’équivalent
de : " je vous emmerde tous "
Une grande masse de flan
jeu de mots à partir de " flanc-mou ", autre expression
populaire pour désigner un paresseux
Toune, la Reine des tounes
(etc ...)
‘‘
>
T H E A T R E
oDeoN
D E
L ´ E U R O P E
>
L ORRAINE P INTAL
Depuis sa sortie du Conservatoire d’art dramatique de Montréal où elle a complété sa formation de comédienne en 1973, Lorraine Pintal s’est toujours intéressée aux multiples aspects de la création théâtrale. Son
apport dans ce domaine lui a d’ailleurs valu plusieurs prix et distinctions : le prix de meilleure mise en
scène pour la création du Syndrome de Cézanne de Normand Canac-Marquis en 1987 et pour Hosanna de
Michel Tremblay en 1991, ainsi que les prix de meilleure production théâtrale pour Hosanna et pour HA
ha!... de Réjean Ducharme en 1990. Madame Louis 14, un spectacle solo qu’elle a conçu, mis en scène et
interprété a été reconnu meilleure production théâtrale de la Quinzaine internationale de Québec en 1988.
Le téléroman Montréal P.Q., dont elle a réalisé plusieurs épisodes, lui a valu un prix Gémeaux en 1993. En
2000, le Masque (équivalent des prix Molière) de la meilleure production théâtrale couronnait Les oranges
sont vertes de Claude Gauvreau, qu’elle avait mis en scène au TNM. En 2001, l’École nationale de théâtre
du Canada remettait à Lorraine Pintal le Prix Gascon-Thomas. À deux occasions, lors de la réouverture du
TNM au terme de rénovations majeures en mai 1997 et lors du 50e anniversaire du théâtre en 2001, le quotidien La Presse la nommait Personnalité de la semaine.
Comme comédienne, Lorraine Pintal a joué au TNM dès 1973 dans Mistero Buffo de Dario Fo monté par
André Brassard. Par la suite, elle a tenu de nombreux rôles au théâtre, au cinéma et à la télévision, dans
les séries Blanche d’Arlette Cousture et Juliette Pomerleau d’Yves Beauchemin. En 1972, elle signait déjà
ses premières mises en scène. Depuis, elle s’est taillé une place originale sur la scène théâtrale montréalaise en multipliant les spectacles marquants, aussi bien dans les petites salles que dans les grands
théâtres. Notons, entre autres, ses mises en scène de C’était avant la guerre à l’Anse à Gilles de Marie
Laberge à la Nouvelle Compagnie Théâtrale (ou NCT, devenue depuis le Théâtre Denise-Pelletier) en 1981,
d’Addolorata de Marco Micone en 1983, des Femmes savantes de Molière à la NCT en 1990, et de Hosanna
de Michel Tremblay en 1991 au Théâtre de Quat’Sous. Au TNM, elle a monté Les Beaux Dimanches de
Marcel Dubé en 1993, Jeanne Dark des Abattoirs d’après la pièce de Bertolt Brecht en 1994, Tartuffe de
Molière en 1997, Les Sorcières de Salem d’Arthur Miller en 1998, Stabat Mater II de Normand Chaurette en
1999 et Monsieur Bovary de Robert Lalonde en 2001. Elle a également mis en scène Le Vampire et la nymphomane, livret du poète Claude Gauvreau et musique de Serge Provost, pour la compagnie d’opéra
contemporain Chants libres en 1996. Elle s’est particulièrement distinguée par ses relectures des pièces
du répertoire québécois contemporain, faisant ressortir toute la pertinence des grands textes de Claude
Gauvreau, Marcel Dubé et Michel Tremblay. Lorraine Pintal a également effectué avec beaucoup d’audace
la mise en scène de pièces de Réjean Ducharme au TNM : HA ha!... en 1990 ainsi qu’Inès Pérée et Inat Tendu
en 1991. À l’automne 2001, elle assurait l’adaptation et la mise en scène de son roman L’Hiver de force.
La pratique de l’écriture dramatique n’est pas étrangère à Lorraine Pintal, puisqu’elle a collaboré à l’écriture de plusieurs textes collectifs au cours des années 70. En 1988, elle signait Madame Louis 14, un spectacle solo qu’elle a aussi mis en scène et interprété, sorte de bilan-miroir de la vie d’une femme remarquable, spectacle convaincant dont le propos courageux épousait une forme théâtrale audacieuse. Lorraine
Pintal a également fait carrière au petit écran où elle a réalisé des téléthéâtres et des émissions dramatiques, assurant entre autres la coordination et la réalisation des premiers épisodes de Montréal P.Q., de
Victor-Lévy Beaulieu, avant d’être appelée à la barre du Théâtre du Nouveau Monde.
Lorraine Pintal a donc succédé à Olivier Reichenbach à la direction du TNM au cours de la saison 1992-1993.
Par l’éclectisme de ses programmations, elle a contribué à faire du TNM un lieu de convergence où se
retrouve la multiplicité d’univers dramatiques de toutes tendances, où les classiques et l’avant-garde se
côtoient. Tout cela en maintenant un niveau d’exigence intellectuelle élevé sans faire de compromis sur le
plan artistique. Par ailleurs, l’un de ses accomplissements majeurs est d’avoir doté le TNM d’un nouveau
lieu de création et de diffusion. Lorraine Pintal et son équipe ont su organiser une campagne de financement, communiquer leur enthousiasme aux personnes concernées, rassembler les ressources financières
nécessaires à la rénovation du théâtre et mener à bien le réaménagement complet de l’édifice. Après deux
saisons d’itinérance dues aux travaux, le TNM est devenu plus que jamais un lieu de rencontre culturel
important à Montréal aussi bien qu’un théâtre vivant, une véritable maison du théâtre où le public se sent
chez lui et où les artistes aiment travailler parce qu’ils se sentent soutenus dans leur créativité.
Solange Lévesque
Critique, Journal Le devoir (Montréal)
‘‘
>
T H E A T R E
oDeoN
D E
L ´ E U R O P E
>
REPÈRES BIOGRAPHIQUES
Monique Mercure
Monique Mercure est l’une des comédiennes les plus marquantes du Québec et du Canada. Sa carrière
s’étend sur une quarantaine d’années.
Au théâtre, elle a interprété une centaine de rôles, dont Jocaste (Œdipe-roi, 1998), Albertine à 70 ans
(Albertine en cinq temps, 1995-1997), Arkadina (La mouette, 1994), Hécube (Les Troyennes, TNM, 1993),
La reine Elisabeth (Richard III, 1989), la Mère (Les paravents, TNM, 1987), Mère Courage (Mère Courage,
1984).
Au cinéma, elle a prêté son talent à près de 50 productions, sous la direction de Claude Jutra, Francis
Mankiewicz, André Brassard, Jean-Claude Lord, Jean Beaudin, Claude Chabrol, Yves Simoneau, David
Cronenberg, et plus récemment François Girard (Le violon rouge). Lauréate de nombreuses distinctions
(Prix Génie, Prix Denise-Pelletier, Prix Gascon-Roux, Prix du Gouverneur général), elle a remporté la
Palme d’Or d’interprétation féminine au Festival de Cannes ainsi que son équivalent canadien (décerné à
Toronto par le Canadian Film Award) pour son rôle dans J.A. Martin, photographe en 1977.
Marie Tifo
Après ses études au Conservatoire d’art dramatique de Québec, elle joue principalement dans cette ville
jusqu’au début des années 80, puis s’établit à Montréal. Depuis, toutes les grandes scènes de la métropole québecoise ont eu l’occasion de l’accueillir avec de grandes interprétations : citons Elizabeth Proctor
(Les sorcières de Salem, TNM, 1998), Dorine (Tartuffe, TNM, 1996-1997), Mère Courage (Mère Courage,
1995), Yerma (Yerma, 1993), Sichel (Le pain dur, 1991), La Reine Gertrude (Hamlet, TNM, 1990) et HA, Ha!
de Réjean Ducharme (1991), dont l’œuvre lui est familière : L’Hiver de force est la troisième incursion de
Marie Tifo dans l’univers de cet auteur.
Au cinéma, Marie Tifo a travaillé avec Yves Simoneau, Gilles Carle, Robert Ménard, Marc-André Forcier.
En 1998, Francis Mankiewitz lui confie le superbe rôle de la mère dans Les bons débarras (scénario de
Réjean Ducharme).
Entre autres distinctions, Marie Tifo a remporté les prix Gascon-Roux, le Prix de l'Association des critiques
de théâtre, le Prix Gémeaux et le Genie Award.
Céline Bonnier
Depuis ses débuts professionnels en 1987, cette jeune comédienne a connu un parcours peu commun. A
Montréal, Québec, Paris, Glasgow, ou Londres, elle a collaboré avec des artistes tels que Paula De
Vasconcelos (L’autre, 2001), Robert Lepage (Les plaques tectoniques, 1990-1991), Denis Marleau (Urfaust,
1999), Brigitte Haentjens (Je ne sais plus qui je suis, 1998), Serge Denoncourt (Le cid, 1997), ainsi qu’avec
l’une des compagnies les plus en vue dans la création théâtrale contemporaine, Momentum.
Ces nombreuses collaborations, de même que son travail à la télévision et au cinéma, l’ont mise à l’honneur maintes fois, que ce soit pour les Prix Génie, le Prix Gémeaux ou le Prix des Masques.
Anne-Marie Cadieux
Brigitte Haentjens lui a confié les rôles-titre de Mademoiselle Julie (2001) et d’ Électre (2000), mais aussi
ceux d’Elisabeth (Marie Stuart, TNM, 1999), Léone (Combat de Nègres et de chiens, TNM, 1997) ou
Merteuil (Quartett, 1996). Pour Robert Lepage, elle a entre autres interprété Sophie (Les sept branches de
la rivière Ota, 1994 à 1997) et Caliban (La tempête, 1992-1993), qui ont fait l’objet d’importantes tournées
européennes.
Lauréate des Prix Gascon-Roux et des Masques (théâtre), elle s’est illustrée au cinéma avec ses interprétations dans Le confessionnal, Nô (de Robert Lepage), qui lui ont valu le Prix Luce Guilbault (révélation),
ainsi que deux nominations aux Prix Génie. Anne-Marie Cadieux a également remporté le Prix Jutra pour
Paulette dans Le cœur au poing (Charles Binamé).
‘‘
.../...
>
T H E A T R E
oDeoN
D E
L ´ E U R O P E
>
REPÈRES BIOGRAPHIQUES
Brigitte Lafleur
Diplômée du Conservatoire d’art dramatique de Montréal en1999, Brigitte Lafleur vient de terminer une
série de représentations de La combine de Colombine, où elle tenait le rôle d’Isabelle. Au printemps 2000,
elle participait à La chatte sur un toit brûlant, de Tennessee Williams, sous la direction de Fernand
Rainville. À l’automne de la même année, elle jouait Sabine dans Le menteur de Corneille (mise en scène
de Martin Faucher). Auparavant, Normand Chouinard lui avait confié le rôle de Star dans Code 99.
Au cours du " Printemps du Québec ", Brigitte Lafleur a participé au Théâtre de rue, expérience qu’elle
avait déjà tentée à Saint-Malo pour la troupe 12N.
Alexis Martin
Alexis Martin partage sa passion entre l’écriture, la mise en scène et le jeu. Au sein du Groupement
Forestier du Théâtre, qu’il a cofondé en 1994, il a lui-même mis en scène plusieurs de ses textes. En tant
que comédien, il a participé à plus de trente productions : Matroni et moi (1994-1997), Oreilles, tigres et
bruit (1997); au NTE, la trilogie de Robert Gravel dont Durocher, le milliardaire (1991, en reprise au TNM
en 1999), mais aussi Hitler (2001), Le colonel oiseau (2000), Georges dans Des souris et des hommes
(1999), Lucky dans En attendant Godot (TNM, 1992).
Au cinéma, il a joué dans Les Boys III (2000), Matroni et moi (1998), Un 32 août sur terre (1997).
Alexis Martin est lauréat de plusieures distinctions, la dernière en date étant le Prix de la Meilleure
Adaptation Théâtrale pour L’Odyssée (TNM, 2000), décerné par L’Académie québécoise du théâtre.
Pierre Curzi
Homme de théâtre engagé, Pierre Curzi s’est toujours impliqué tant dans son art sous toutes ses formes
qu’à l’intérieur des organismes veillant au maintien et à la défense des droits des artistes. Dès le début
de sa carrière, en 1970, rejoint le Grand Cirque Ordinaire, qui marque les débuts de la création collective,
de l’improvisation, de la création pure faite spectacle. Cette expérience ne l’éloigne pas du circuit des
grandes scènes du Québec, au contraire : en 30 ans de vie artistique, Pierre Curzi a joué dans une cinquantaine de productions théâtrales. Parmi ses plus récents passages sur scène, notons Le mouton et la
baleine (2001), Trick or treat (1999-2000), Le miroir aux tartuffes (1998), La mouette (1994), Six personnages en quête d’auteur (TNM, 1993).
Au cinéma, Pierre Curzi a tourné dans près de cinquante films (parmi lesquels Le déclin de l’empire américain de Denys Arcand) ; à la télévision, il a tenu des rôles dans une quarantaine de séries.
Pierre Curzi est président de l’Union des Artistes depuis 1997.
Danièle Lévesque - décor
Danièle Lévesque est l’une des plus importantes scénographes du Canada. Son oeuvre lui a valu de nombreuses bourses et distinctions. Parmi ses réalisations les plus marquantes : Le Monument (2001), Dom
Juan (TNM, 2000), Hamlet, Les oranges sont vertes et Les sorcières de Salem (TNM, 1998), La tempête
(1997), Les beaux dimanches (TNM, 1995). Elle a fait plusieurs incursions dans l’univers de Ducharme : À
quelle heure on meurt ? (1988), HA Ha ! (TNM, 1991), Inès Pérée et Inat Tendu (TNM, 1991). À son actif,
plus de 60 conceptions de décors théâtraux ou muséographiques. Elle a représenté le Québec à la
Quadriennale de scénographie internationale de Prague en 1991 et en 1995.
‘‘
>
T H E A T R E
oDeoN
D E
L ´ E U R O P E
>
R ENCONTRES
AUTOUR DE
L’ HIVER
DE FORCE
Le vendredi 8 février à 18h30, au Petit Auditorium de la Bibliothèque Nationale de France – François
Mitterrand, Réjean Ducharme : le personnage, l'écrivain et l'artiste. Conférence d’André Gervais, professeur de littérature à l'Université du Québec à Rimouski.
Entrée libre - renseignements au 01 453 79 59 59.
B.N.F. - Quai François Mauriac, 75003 Paris.
Le lundi 11 février à 20h30, lecture de textes de Réjean Ducharme par l’Association Textes et voix. Fragments
de romans et de récits, poèmes et chansons seront lus par Gilles Arbona, de la troupe de l’Odéon, Pierre Curzi
et Marie Tifo, comédiens de L’hiver de force.
Renseignements au 01 43 35 42 05.
(Participation au frais : 8€.)
Librairie Tschann - 125 Bld du Montparnasse, 75006 Paris.
Le mercredi 13 février, à l’issue de la représentation, rencontre autour de l’œuvre de Réjean Ducharme,
avec Roger Grenier, écrivain, Lorraine Pintal et les comédiens du spectacle.
Entrée libre - renseignements au 01 44 41 36 90 33 ou 37.
‘‘
>
T H E A T R E
oDeoN
D E
L ´ E U R O P E
Téléchargement