Philippe-Pierre Dornier
Michel Fender
LA LOGISTIQUE GLOBALE ET LE
SUPPLY CHAIN MANAGEMENT
Enjeux – principes – exemples
DeuxiÚme édition 2007
00 Dornier/Fender.fm Page III Vendredi, 23. février 2007 5:31 17
© Groupe Eyrolles, 2007
ISBN : 978-2-7081-3384-6
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© Groupe Eyrolles
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Les modes de coopération dans la Supply Chain :
démarches, outils et organisations
« Il faut que le sculpteur connaisse la technique de son art
et sache tout ce qui s'en peut apprendre : cette technique
concerne surtout ce que son Ɠuvre aura de commun avec
d'autres. »
Henri Bergson
1
(La Pensée et le mouvant)
Nous avons vu au travers des trois chapitres précédents que la logistique se construit
essentiellement autour de trois formes d’intĂ©gration, fonctionnelle, gĂ©ographique et
sectorielle. Parmi ces trois formes, la plus innovante est vraisemblablement
l’intĂ©gration sectorielle. C’est elle qui remet en cause de maniĂšre la plus nette les
pratiques de gestion au sein d’une entreprise. L’objectif de ce chapitre est donc de
rĂ©pondre aux questions suivantes relatives Ă  la mise en Ɠuvre de ces coopĂ©rations au
sein des Supply Chains :
‱quels sont les modes de coopĂ©ration logistique et quelles sont les caractĂ©ristiques
qui permettent de les distinguer ?
‱pourquoi entre-t-on dans un mode de coopĂ©ration logistique ? Et pourquoi ne le fait-
on pas plus vite ?
‱ quels sont les freins Ă  l’établissement de modes de coopĂ©ration logistique ?
‱quels sont les modes de coopĂ©ration logistiques qu’il semble performant de
développer et en fonction de quels critÚres ?
‱ quel est le rĂŽle jouĂ© par les prestataires de service logistique ?
1. Philosophe français (1859-1941). Spiritualiste, hostile Ă  l’intellectualisme formaliste, il dĂ©veloppe la
thĂ©orie de l’intuition qui permet une synchronie avec la crĂ©ativitĂ© de la vie et une approche articulĂ©e autour
de l’expĂ©rience immĂ©diate.
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‱quels sont les prĂ©requis et les consĂ©quences organisationnelles de la coopĂ©ration
logistique ?
Pour répondre à ces questions, nous proposons dans un premier temps une présen-
tation des modes de coopĂ©ration logistique au sein des chaĂźnes d’approvisionnement
en identiïŹant Ă©galement ce qui les dĂ©termine. Comme nous l’avons dĂ©jĂ  montrĂ© dans
ce livre aux niveaux fonctionnel et géographique, le concept de coopération, par les
propriĂ©tĂ©s d’adaptation qu’il dĂ©veloppe, permet de jouer un rĂŽle de tampon face aux
incertitudes et Ă  la complexitĂ©, dimensions caractĂ©ristiques des chaĂźnes d’approvi-
sionnement et dimensions rendues d’autant plus sensibles par le double phĂ©nomĂšne
de déstabilisation amont et aval auquel la logistique est soumise. Le cas des coopéra-
tions dans le cadre des produits de grande consommation, et en particulier dans le cas
des produits cosmĂ©tiques est prĂ©sentĂ© par la mise en Ɠuvre d’approches coopĂ©ratives
telles que le trade marketing et de projets tels que l’ECR. Nous concluons sur les
formes organisationnelles innovantes et les nouveaux mĂ©tiers qu’implique le dĂ©velop-
pement de coopérations logistiques entre producteurs et distributeurs.
1. L
ES
TROIS
MODES
GÉNÉRIQUES
DE
COOPÉRATION
DANS LES
S
UPPLY
C
HAINS
1.1. Les caractéristiques de la coopération logistique
L’observation des coopĂ©rations en gĂ©nĂ©ral et des coopĂ©rations logistiques en parti-
culier, permet d’énoncer les caractĂ©ristiques majeures de la coopĂ©ration logistique :
‱la dimension relationnelle, qui signiïŹe qu’il s’agit d’un processus continu sur une
période de temps étendue et sur une base répétitive, qui se confond avec un
apprentissage mutuel interactif en opposition au simple mode transactionnel ;
‱la poursuite d’objectifs communs entre les membres du canal logistique dont les effets
seront bĂ©nĂ©ïŹques et partagĂ©s, et qui aboutira Ă  la crĂ©ation d’actifs spĂ©ciïŹques ;
‱ l’égalitĂ© des partenaires sous une forme de donnant-donnant ;
‱le nĂ©cessaire changement de posture Ă  partir d’une posture initiale, caractĂ©risĂ©e —
entre autres faits marquants — par la forte dimension concurrentielle des relations,
la pauvretĂ© des informations partagĂ©es, l’absence d’expĂ©riences passĂ©es permettant
de dĂ©velopper la conïŹance, considĂ©rĂ©e comme une donnĂ©e intrinsĂšque de la
relation de coopération ;
‱l’optimisation globale est privilĂ©giĂ©e plutĂŽt que les optimisations locales. Global peut
vouloir dire que dans certains cas, il faudra dépasser la dimension purement logistique.
1.2. Principes pour bùtir une coopération logistique
L’initialisation et le dĂ©veloppement d’une coopĂ©ration logistique se bĂątissent sur
quelques principes qui ont Ă©tĂ© identiïŹĂ©s au nombre de six :
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‱En premier lieu, il faut reconnaütre que la coordination de la chaüne d’approvision-
nement s’accroĂźt dans le temps pour faire baisser les coĂ»ts et que la coopĂ©ration
constitue la voie privilĂ©giĂ©e de l’optimisation globale des chaĂźnes d’approvisionnement
logistiques en termes de service et de coĂ»t, et qu’il faut coopĂ©rer pour ĂȘtre compĂ©titif ;
‱Ensuite, second principe, si la logistique apparaĂźt comme un domaine privilĂ©giĂ© de
coopĂ©ration, il faut savoir dĂ©passer ce seul domaine en prenant en compte d’autres
champs grĂące aux premiers dĂ©veloppements rĂ©alisĂ©s en matiĂšre de gestion des ïŹ‚ux.
Pour nous, le logisticien dotĂ© d’une certaine neutralitĂ© par rapport aux enjeux sur les
prix et les conditions ïŹnanciĂšres est le facilitateur et l’organisateur de la coopĂ©ration.
Celle-ci, aprĂšs avoir portĂ© sur les opĂ©rations logistiques, peut s’étendre aux activitĂ©s
commerciales et marketing. Les logisticiens, pour obtenir les objectifs de baisse des
coĂ»ts et de service (respect du cahier des charges commercial) issus d’une dĂ©marche
coopĂ©rative, pilotent un ïŹ‚ux transversal physique et informationnel, qui conduit Ă 
associer :
– les opĂ©rationnels,
– les commerçants (orientĂ©s enseignes de vente au dĂ©tail) et les acheteurs,
– le marketing (orientĂ© consommateur ïŹnal) du producteur et du distributeur.
À ces diffĂ©rents niveaux, la coopĂ©ration s’appuie sur le dĂ©nominateur commun du
pilotage logistique.
‱TroisiĂšme principe, trois modes gĂ©nĂ©riques de coopĂ©ration producteurs-distributeurs
Ă©mergent dans les chaĂźnes d’approvisionnement. Ils se diffĂ©rencient par leurs
objectifs respectifs, les champs d’application et les modes de coordination qu’ils
mettent en Ɠuvre. Ils sont respectivement centrĂ©s sur des champs opĂ©rationnels,
commerciaux et marketing ;
‱QuatriĂšme principe, la rĂ©alitĂ© des coopĂ©rations producteurs-distributeurs se situe
comme un mix entre les trois modes génériques selon une pondération, fonction du
secteur oĂč se situent le producteur et le distributeur donnĂ©s ;
‱CinquiĂšme principe, l’évolution dans le temps des coopĂ©rations producteurs-distribu-
teurs ne procĂšde pas d’une dynamique circulaire ou linĂ©aire permettant de passer d’un
mode générique à un autre. Le développement chronologique des coopérations répond
à une logique sectorielle et aux postures stratégiques des acteurs économiques ;
‱EnïŹn, sixiĂšme et dernier principe, chaque mode gĂ©nĂ©rique de coopĂ©ration nĂ©cessite des
prĂ©requis organisationnels intra-ïŹrme au sens des mĂ©tiers, des compĂ©tences et des
systĂšmes d’information. Cela signiïŹe qu’il y a une corrĂ©lation entre le mode de coordi-
nation intra-ïŹrme et le mode de coordination de la chaĂźne d’approvisionnement.
1.3. Les trois modes génériques de coopération
1.3.1. Présentation des modes génériques de coopération
Le premier mode est qualiïŹĂ© de coopĂ©ration logistico-opĂ©rationnelle. L’objectif de
cette relation est d’éliminer les coĂ»ts de dysfonctionnements en produisant le service
voulu (s’il est connu), c’est-à-dire en remplissant le cahier des charges commercial. La
coopĂ©ration est donc limitĂ©e Ă  la rĂ©solution de problĂšmes dont l’origine est essentiel-
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lement logistique. Elle porte sur des activités opérationnelles de chacun des acteurs et
sur la mise en Ɠuvre de solutions techniques orientĂ©es vers la recherche de gains de
productivité. Les acteurs impliqués appartiennent à la logistique opérationnelle du
producteur et du distributeur (entrepĂŽts, transport).
Dans le second mode, la coopĂ©ration logistico-commerciale, l’objectif est non
seulement de minimiser la somme des coĂ»ts opĂ©rationnels mais Ă©galement d’intĂ©grer
la composante commerciale. On cherche à améliorer la performance commerciale,
chiffre d’affaires et marges, en s’appuyant sur des organisations et des systùmes logis-
tiques adaptĂ©s et en reconnaissant la nĂ©cessitĂ© d’une approche diffĂ©renciĂ©e par
famille logistique. Cette relation associe les logisticiens et les vendeurs chez le
producteur et les acheteurs chez le distributeur.
EnïŹn, troisiĂšme mode, la coopĂ©ration logistico-marketing suppose l’existence de
véritables fonctions marketing chez le producteur (ce qui est fréquent) et chez le
distributeur (moins frĂ©quent, mais en dĂ©veloppement rapide). Il s’agit d’adapter le
produit par une conception partagée et une démarche conjointe en termes de
marketing pour accroĂźtre la fonction d’utilitĂ© du consommateur. Dans ce mode,
l’échange relationnel s’inscrit dans la durĂ©e, les investissements (crĂ©ation de valeur
distinctive) et les gains (ïŹnanciers, commerciaux et coĂ»ts) sont partagĂ©s.
Le tableau 11.1 présente les caractéristiques principales de ces trois modes génériques
avant d’en prĂ©ciser les variables de reprĂ©sentation :
Comme nous l’avons mentionnĂ© prĂ©cĂ©demment, dans la rĂ©alitĂ©, les modes de coopĂ©-
ration sont hybrides et empruntent aux trois modes génériques selon des combi-
naisons qui varient en fonction des principaux facteurs suivants :
Mode 1 : coopération
logistico-opérationnelle
Mode 2 : coopération
logistico-commerciale
Mode 3 : coopération
logistico-marketing
– relation asymĂ©trique basĂ©e sur
le pouvoir exercé
– modùle de standardisation et de
productivité
– coĂ»ts limitĂ©s aux coĂ»ts de
transaction
– processus partagĂ©s pour
résoudre des problÚmes
– champs de la coopĂ©ration :
transport, entreposage, gestion
des commandes
– implantation de systùmes routi-
niers et standardisés (EDI) pour
accroßtre la productivité
– d’une approche orientĂ©e coĂ»t
vers un objectif de parts de
marché
– modĂšle de ïŹ‚exibilitĂ© passive
– minimisation du coĂ»t global de
la chaüne d’approvisionnement et
accroissement des ventes
– champs de la coopĂ©ration :
gestion des assortiments,
réduction des ruptures de stock
en linéaire, gestion des embal-
lages
– mise en Ɠuvre d’indicateurs de
mesure de performance dédiés
– modĂšle de ïŹ‚exibilitĂ© dynamique
et de réactivité
– crĂ©ation d’une valeur spĂ©ciïŹque
– le client est au centre de la
coopération
– champs de la coopĂ©ration :
mutualisation des ressources,
gestion intĂ©grĂ©e des ïŹ‚ux,
dĂ©ïŹnition partagĂ©e des assorti-
ments, abandon des ventes Ă 
perte, conception et introduction
de nouveaux produits dédiés à la
relation
T
ABLEAU
11.1.
Présentation comparative des trois modes génériques
de coopération producteurs-distributeurs
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