Présentation de l`avancement actuel de la mise en œuvre de la loi

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Présentation de l’avancement actuel de la mise en œuvre de la loi ivoirienne
relative au domaine foncier rural
The current state of implementation of the 1998 ivorian law on rural land
ZALO Léon Désiré
Directeur du Foncier Rural et du Cadastre Rural
Ministère de l’Agriculture
CÔTE D’IVOIRE
Résumé
La contribution se propose, après un rappel des objectifs, des dispositions et de la procédure prévue de
mise en oeuvre de la loi de 1998 relative au domaine foncier rural, d'examiner l'état d'avancement de
sa mise en oeuvre dans le contexte actuel de crise que connaît la Côte d'Ivoire.
Dans ce contexte, l'essentiel des efforts porte sur la délimitation des terroirs villageois, qui fait l’objet
d’une opération-test en vraie grandeur sur 150 villages environ situés dans quatre zones où coexistent
des communautés autochtones, allochtones et non ivoiriennes, et présentant des problématiques
foncières différentes.
La contribution s'attachera :
- à rendre compte de cette opération-test en voie d'achèvement : objectifs et résultats obtenus,
procédure de mise en œuvre, perceptions par les différentes catégories de population et selon
les zones concernées, réalisations, difficultés concrètes rencontrées, effets sur les rapports
entre communautés ;
- à dégager les leçons à tirer de cette opération-test dans la perspective de son extension à
l’échelle nationale et du passage de la délimitation des terroirs à l'identification et à la
validation juridique des droits collectifs et individuels au sein du terroir, puis à l'établissement
des titres de propriété individuels prévus in fine par la loi ;
- à dégager les leçons à tirer dans la perspective de l'après- conflit, en particulier du point de vue
de l’apport de cette opération à la pacification des rapports fonciers au sein des villages et
entre les villages, de l’identification des principales difficultés et des moyens envisagés pour y
remédier.
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Mots-clés :
droits fonciers ruraux coutumiers, certificat foncier, comité villageois de gestion foncière rurale,
comité de gestion foncière rurale, enquête officielle, commissaire enquêteur délimitation des
terroirs villageois
Abstract
The contribution proposes, after recalling objectives, provisions and procedure envisaged to
implement the 1998’s law related to the rural field, to examine the progress of its implementation in
the current crisis context Côte d’Ivoire faces. In this context, the main part of efforts concerns the
village soils, which was the subject of a full scale operation test on 150 villages approximately, located
in four zones in which are found autochthones communities, immigrants and non ivorian people,
presenting different land problems.
This contribution will be :
- to make a report of the operation test in terms of objectives and result obtained,
implementation procedure, various populations categories perception and according zones
concerned, realisation, concrete difficulties faced and effects on relationship between
communities,
- to detect lessons to be leave out from this operation test in order to extend it on a national
scale and go from soil delimitation to identification and legal validation of collective and
individual within the soil, then build individual property document envisaged in fine by the
law,
- to detect lessons to be learnt to face what we can call “the after crisis” particularly as far as the
contribution of this operation to land relationship planification within and between villages is
concerned, from identification of main difficulties means planed for curing it.
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INTRODUCTION
La Côte d’Ivoire, pays situé en Afrique Occidentale, est peuplée par environ 16 000 000 d’habitants.
Elle a une superficie de 322 416 km2 soit 32 241 600 hectares. En 1999, les terres cultivables étaient
estimées à 24 190 000 d’hectares, soit 75% de la superficie totale du territoire national. La superficie
cultivée était d’environ 9 500 000 d’hectares, soit environ 39% des terres cultivables et 30% de la
surface du territoire national.
Au lendemain de l’indépendance du pays en 1960, l’accroissement et la diversification de la
production agricole ont été retenus comme priorité du développement économique. Plus de quarante-
cinq ans plus tard, la Côte d’Ivoire figure dans le peloton de tête mondial pour plusieurs produits
agricoles. A titre d’exemple, la Côte d’Ivoire est le premier pays producteur mondial de cacao
(1 400 000 tonnes par an environ) et le premier exportateur mondial de cola. Elle est le 4ème producteur
mondial de café et le premier exportateur africain de ce produit. Elle est le premier pays producteur
africain de caoutchouc et le 7ème producteur mondial de ce produit. Elle est le troisième producteur
africain et le dix-huitième producteur mondial de coton (environ 400 000 tonnes de coton graine)
etc.…
La superficie des terres rurales sur lesquelles se pratique en général l’agriculture est comprise entre 23
et 25 millions d’hectares. On estime généralement que seulement 1 à 2% de ces terres rurales font
l’objet d’un titre d’occupation ou d’un titre de propriété délivrés par l’administration. A titre de rappel,
ces titres d’occupation ou de propriété sont l’arrêté de concession provisoire sous réserve des droits
des tiers, l’arrêté de concession pure et simple, l’arrêté de concession définitive et le bail
emphytéotique. Ces titres d’occupation ou de propriété sont délivrés par le ministère en charge de
l’agriculture; il convient d’y ajouter les autorisations d’occupation à titre précaire et révocables
délivrées par les autorités préfectorales. Il s’agit notamment des permis d’occuper, des lettres
d’attribution et des autorisations d’occuper. Les terres rurales sur lesquelles l’administration n’a
délivré aucun de ces titres d’occupation ou de propriété, soit la majorité des terres, sont régies par les
droits coutumiers.
Les droits coutumiers sont définis par le décret n°71-74 du 16 février 1971 relatif aux procédures
domaniales et foncières. Au terme de ce texte « les droits portant sur l’usage du sol, dits droits
coutumiers, sont personnels à ceux qui les exercent et ne peuvent être cédés à quelque titre que ce soit.
Nul ne peut se porter cessionnaire desdits droits sur l’ensemble du territoire de la République.». Ce
texte interdit ainsi de manière explicite la cession des terres rurales régies par les droits coutumiers.
Malgré l’existence de ce texte, la pratique du foncier, singulièrement du foncier rural, montre que, les
terres régies par les droits coutumiers ont fait l’objet de nombreuses transactions principalement dans
les zones disposant de forêts naturelles inexploitées. Ces forêts ont attiré des paysans sans terre ou à la
recherche de terres propices aux cultures de rente. Ces paysans venaient et continuent de venir des
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pays voisins de la Côte d’Ivoire, mais également de l’intérieur du pays et notamment des zones de
savanes et des zones à pression démographique forte (le V baoulé). Les détenteurs de droits
coutumiers ont alors cédé leurs droits à titre onéreux ou à titre gratuit. Certaines fois, ils les ont loués
sous une forme ou sous une autre, avec des appellations diverses et des modes de paiement variés. Ces
cessions et locations ne se sont pas faites sur la base de documents officiels ou légaux. Elles étaient
soit verbales soit matérialisées par des actes sous seing privé communément appelés «petits papiers».
Ce mode de transaction qui est devenu une pratique courante, s’est développé alors qu’il est contraire à
la réglementation en la matière comme nous l’avons indiqué ci-dessus. Des dispositions légales ont
pourtant confirmé l’interdiction de cession de toutes les catégories de terres verbalement ou par acte
sous-seing privé 1
Progressivement, du fait de la rareté croissante des terres, ces transactions illégales sont devenues les
principales sources de conflits dans le domaine foncier rural. Elles ont rendu précaires les droits
fonciers de nombreux exploitants.
Afin de se définir une stratégie pour faire face aux nombreux conflits fonciers ruraux mais aussi pour
améliorer les performances de l’agriculture ivoirienne, le gouvernement ivoirien a initié au cours des
années 1980 le Plan Foncier Rural « PFR ». Le PFR consistait à faire pour chaque parcelle située dans
les zones couvertes par ce programme, un recensement des droits existants et de la délimiter.
L’opération s’est déroulée de 1990 à 2002 en trois phases et sur neuf zones. Au cours de cette période,
1.117.000 hectares ont été délimités, 44 201 parcelles ont été levées et 708 villages ont été couverts.
Les acquis du PFR ont été pris en compte pour l’élaboration d’une nouvelle législation relative au
domaine foncier rural. La loi qui a été votée à l’unanimité par l’Assemblée Nationale en décembre
1998, est le socle du cadre juridique du foncier rural. En raison de la crise que connaît la Côte d’Ivoire
depuis septembre 2002, les textes d’application ne sont toujours pas mis en œuvre.
1- LE CADRE JURIDIQUE DU FONCIER RURAL : RAPPEL DES OBJECTIFS, DES
DISPOSITIONS ET DE LA PROCEDURE
Le 18 décembre 1998, l’Assemblée Nationale a adopté une loi pour réglementer le domaine foncier
rural suivant un processus unique alors dans l’histoire de la Côte d’Ivoire. Les dispositions, l’objet et
les objectifs de cette loi et de ses textes d’application visent à moderniser l’occupation et la gestion des
terres rurales.
1 Article 8 de l’annexe fiscale à la loi de finances n°70-209 du 20 mars 1970 in Recueil des textes de droit
foncier rural applicables en République de Côte d’Ivoire (CIREJ)
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1.1- Le processus d’adoption de la loi relative au domaine foncier rural
Le gouvernement, tirant les leçons du PFR, a préparé un projet de loi sur le domaine foncier rural.
Compte tenu de son importance, l’examen de ce projet par l’Assemblée Nationale a été accompagné
de consultations d’experts et des populations. En juillet 1998, seize délégations parlementaires se sont
rendues dans chacune des régions administratives du pays, où elles ont eu de nombreux échanges
directs avec les populations. Ces missions sur le terrain ont permis aux députés de recueillir les
préoccupations des populations et de s’imprégner des us et coutumes locaux qui ont été restitués dans
le rapport de synthèse du 20 novembre 1998. Le Conseil économique et social a été également saisi.
L’ensemble de ces travaux préparatoires a permis aux parlementaires de voter la loi relative au
domaine foncier rural, à l’unanimité, le 18 décembre 1998. Cette loi a été promulguée le 23 décembre
1998 et publiée au Journal Officiel de la République de Côte d’Ivoire le 14 Janvier 1999.
Sur ce point, nous avons lu avec étonnement, dans le résumé des conclusions de la conférence sur le
foncier en Afrique qui s’est tenue à Londres les 8 et 9 novembre 2004 à laquelle nous n’avons pas
participé, que la loi sur le foncier rural de la Côte d’Ivoire « a en majeure partie été rédigée derrière
des portes»2
1.2-La loi relative au domaine foncier rural
Nous ferons une brève présentation de la loi sur le foncier rural à travers son objet, ses objectifs et son
contenu.
1.2.1-Objet et objectifs
La loi relative au domaine foncier rural a pour objet la transformation des droits fonciers coutumiers
en droits de propriété.
Ses objectifs sont notamment d’apporter la sécurité foncière en milieu rural. La clarification des droits
est un préalable pour réduire voire mettre fin aux trop nombreux conflits fonciers existants en milieu
rural. La loi fournit par ailleurs un cadre juridique précis pour le règlement des conflits lorsqu’ils
surviennent. Elle permet également de légaliser le marché foncier et de donner une vraie valeur
marchande à la terre rurale, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. La terre pourra alors être donnée en
garantie pour des prêts accordés par les établissements financiers. La loi contribuera ainsi à sécuriser
dans la durée les investissements réalisés sur le domaine foncier rural, constituant un encouragement à
la stabilisation et à la modernisation des exploitations agricoles. Elle facilitera le passage au droit
moderne qui nous paraît plus sécurisant dans la durée pour les propriétaires de terres rurales, les
exploitants non propriétaires, leurs héritiers et leurs partenaires. Enfin, elle encourage le retour ou le
2 Cette assertion qui figure dans le dossier 136 de mars 2005 de iied n’est pas conforme à la réalité.
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