Présentation de l`avancement actuel de la mise en œuvre de la loi

publicité
Présentation de l’avancement actuel de la mise en œuvre de la loi ivoirienne
relative au domaine foncier rural
The current state of implementation of the 1998 ivorian law on rural land
ZALO Léon Désiré
Directeur du Foncier Rural et du Cadastre Rural
Ministère de l’Agriculture
CÔTE D’IVOIRE
Résumé
La contribution se propose, après un rappel des objectifs, des dispositions et de la procédure prévue de
mise en oeuvre de la loi de 1998 relative au domaine foncier rural, d'examiner l'état d'avancement de
sa mise en oeuvre dans le contexte actuel de crise que connaît la Côte d'Ivoire.
Dans ce contexte, l'essentiel des efforts porte sur la délimitation des terroirs villageois, qui fait l’objet
d’une opération-test en vraie grandeur sur 150 villages environ situés dans quatre zones où coexistent
des communautés autochtones, allochtones et non ivoiriennes, et présentant des problématiques
foncières différentes.
La contribution s'attachera :
-
à rendre compte de cette opération-test en voie d'achèvement : objectifs et résultats obtenus,
procédure de mise en œuvre, perceptions par les différentes catégories de population et selon
les zones concernées, réalisations, difficultés concrètes rencontrées, effets sur les rapports
entre communautés ;
-
à dégager les leçons à tirer de cette opération-test dans la perspective de son extension à
l’échelle nationale et du passage de la délimitation des terroirs à l'identification et à la
validation juridique des droits collectifs et individuels au sein du terroir, puis à l'établissement
des titres de propriété individuels prévus in fine par la loi ;
-
à dégager les leçons à tirer dans la perspective de l'après- conflit, en particulier du point de vue
de l’apport de cette opération à la pacification des rapports fonciers au sein des villages et
entre les villages, de l’identification des principales difficultés et des moyens envisagés pour y
remédier.
Colloque international “Les frontières de la question foncière – At the frontier of land issues”, Montpellier, 2006
1
Mots-clés :
droits fonciers ruraux coutumiers, certificat foncier, comité villageois de gestion foncière rurale,
comité de gestion foncière rurale, enquête officielle, commissaire enquêteur délimitation des
terroirs villageois
Abstract
The contribution proposes, after recalling objectives, provisions and procedure envisaged to
implement the 1998’s law related to the rural field, to examine the progress of its implementation in
the current crisis context Côte d’Ivoire faces. In this context, the main part of efforts concerns the
village soils, which was the subject of a full scale operation test on 150 villages approximately, located
in four zones in which are found autochthones communities, immigrants and non ivorian people,
presenting different land problems.
This contribution will be :
-
to make a report of the operation test in terms of objectives and result obtained,
implementation procedure, various populations categories perception and according zones
concerned, realisation, concrete difficulties faced and effects on relationship between
communities,
-
to detect lessons to be leave out from this operation test in order to extend it on a national
scale and go from soil delimitation to identification and legal validation of collective and
individual within the soil, then build individual property document envisaged in fine by the
law,
-
to detect lessons to be learnt to face what we can call “the after crisis” particularly as far as the
contribution of this operation to land relationship planification within and between villages is
concerned, from identification of main difficulties means planed for curing it.
Colloque international “Les frontières de la question foncière – At the frontier of land issues”, Montpellier, 2006
2
INTRODUCTION
La Côte d’Ivoire, pays situé en Afrique Occidentale, est peuplée par environ 16 000 000 d’habitants.
Elle a une superficie de 322 416 km2 soit 32 241 600 hectares. En 1999, les terres cultivables étaient
estimées à 24 190 000 d’hectares, soit 75% de la superficie totale du territoire national. La superficie
cultivée était d’environ 9 500 000 d’hectares, soit environ 39% des terres cultivables et 30% de la
surface du territoire national.
Au lendemain de l’indépendance du pays en 1960, l’accroissement et la diversification de la
production agricole ont été retenus comme priorité du développement économique. Plus de quarantecinq ans plus tard, la Côte d’Ivoire figure dans le peloton de tête mondial pour plusieurs produits
agricoles. A titre d’exemple, la Côte d’Ivoire est le premier pays producteur mondial de cacao
(1 400 000 tonnes par an environ) et le premier exportateur mondial de cola. Elle est le 4ème producteur
mondial de café et le premier exportateur africain de ce produit. Elle est le premier pays producteur
africain de caoutchouc et le 7ème producteur mondial de ce produit. Elle est le troisième producteur
africain et le dix-huitième producteur mondial de coton (environ 400 000 tonnes de coton graine)
etc.…
La superficie des terres rurales sur lesquelles se pratique en général l’agriculture est comprise entre 23
et 25 millions d’hectares. On estime généralement que seulement 1 à 2% de ces terres rurales font
l’objet d’un titre d’occupation ou d’un titre de propriété délivrés par l’administration. A titre de rappel,
ces titres d’occupation ou de propriété sont l’arrêté de concession provisoire sous réserve des droits
des tiers, l’arrêté de concession pure et simple, l’arrêté de concession définitive et le bail
emphytéotique. Ces titres d’occupation ou de propriété sont délivrés par le ministère en charge de
l’agriculture; il convient d’y ajouter les autorisations d’occupation à titre précaire et révocables
délivrées par les autorités préfectorales. Il s’agit notamment des permis d’occuper, des lettres
d’attribution et des autorisations d’occuper. Les terres rurales sur lesquelles l’administration n’a
délivré aucun de ces titres d’occupation ou de propriété, soit la majorité des terres, sont régies par les
droits coutumiers.
Les droits coutumiers sont définis par le décret n°71-74 du 16 février 1971 relatif aux procédures
domaniales et foncières. Au terme de ce texte « les droits portant sur l’usage du sol, dits droits
coutumiers, sont personnels à ceux qui les exercent et ne peuvent être cédés à quelque titre que ce soit.
Nul ne peut se porter cessionnaire desdits droits sur l’ensemble du territoire de la République.». Ce
texte interdit ainsi de manière explicite la cession des terres rurales régies par les droits coutumiers.
Malgré l’existence de ce texte, la pratique du foncier, singulièrement du foncier rural, montre que, les
terres régies par les droits coutumiers ont fait l’objet de nombreuses transactions principalement dans
les zones disposant de forêts naturelles inexploitées. Ces forêts ont attiré des paysans sans terre ou à la
recherche de terres propices aux cultures de rente. Ces paysans venaient et continuent de venir des
Colloque international “Les frontières de la question foncière – At the frontier of land issues”, Montpellier, 2006
3
pays voisins de la Côte d’Ivoire, mais également de l’intérieur du pays et notamment des zones de
savanes et des zones à pression démographique forte (le V baoulé). Les détenteurs de droits
coutumiers ont alors cédé leurs droits à titre onéreux ou à titre gratuit. Certaines fois, ils les ont loués
sous une forme ou sous une autre, avec des appellations diverses et des modes de paiement variés. Ces
cessions et locations ne se sont pas faites sur la base de documents officiels ou légaux. Elles étaient
soit verbales soit matérialisées par des actes sous seing privé communément appelés «petits papiers».
Ce mode de transaction qui est devenu une pratique courante, s’est développé alors qu’il est contraire à
la réglementation en la matière comme nous l’avons indiqué ci-dessus. Des dispositions légales ont
pourtant confirmé l’interdiction de cession de toutes les catégories de terres verbalement ou par acte
sous-seing privé 1
Progressivement, du fait de la rareté croissante des terres, ces transactions illégales sont devenues les
principales sources de conflits dans le domaine foncier rural. Elles ont rendu précaires les droits
fonciers de nombreux exploitants.
Afin de se définir une stratégie pour faire face aux nombreux conflits fonciers ruraux mais aussi pour
améliorer les performances de l’agriculture ivoirienne, le gouvernement ivoirien a initié au cours des
années 1980 le Plan Foncier Rural « PFR ». Le PFR consistait à faire pour chaque parcelle située dans
les zones couvertes par ce programme, un recensement des droits existants et de la délimiter.
L’opération s’est déroulée de 1990 à 2002 en trois phases et sur neuf zones. Au cours de cette période,
1.117.000 hectares ont été délimités, 44 201 parcelles ont été levées et 708 villages ont été couverts.
Les acquis du PFR ont été pris en compte pour l’élaboration d’une nouvelle législation relative au
domaine foncier rural. La loi qui a été votée à l’unanimité par l’Assemblée Nationale en décembre
1998, est le socle du cadre juridique du foncier rural. En raison de la crise que connaît la Côte d’Ivoire
depuis septembre 2002, les textes d’application ne sont toujours pas mis en œuvre.
1- LE CADRE JURIDIQUE DU FONCIER RURAL : RAPPEL DES OBJECTIFS, DES
DISPOSITIONS ET DE LA PROCEDURE
Le 18 décembre 1998, l’Assemblée Nationale a adopté une loi pour réglementer le domaine foncier
rural suivant un processus unique alors dans l’histoire de la Côte d’Ivoire. Les dispositions, l’objet et
les objectifs de cette loi et de ses textes d’application visent à moderniser l’occupation et la gestion des
terres rurales.
1
Article 8 de l’annexe fiscale à la loi de finances n°70-209 du 20 mars 1970 in Recueil des textes de droit
foncier rural applicables en République de Côte d’Ivoire (CIREJ)
Colloque international “Les frontières de la question foncière – At the frontier of land issues”, Montpellier, 2006
4
1.1- Le processus d’adoption de la loi relative au domaine foncier rural
Le gouvernement, tirant les leçons du PFR, a préparé un projet de loi sur le domaine foncier rural.
Compte tenu de son importance, l’examen de ce projet par l’Assemblée Nationale a été accompagné
de consultations d’experts et des populations. En juillet 1998, seize délégations parlementaires se sont
rendues dans chacune des régions administratives du pays, où elles ont eu de nombreux échanges
directs avec les populations. Ces missions sur le terrain ont permis aux députés de recueillir les
préoccupations des populations et de s’imprégner des us et coutumes locaux qui ont été restitués dans
le rapport de synthèse du 20 novembre 1998. Le Conseil économique et social a été également saisi.
L’ensemble de ces travaux préparatoires a permis aux parlementaires de voter la loi relative au
domaine foncier rural, à l’unanimité, le 18 décembre 1998. Cette loi a été promulguée le 23 décembre
1998 et publiée au Journal Officiel de la République de Côte d’Ivoire le 14 Janvier 1999.
Sur ce point, nous avons lu avec étonnement, dans le résumé des conclusions de la conférence sur le
foncier en Afrique qui s’est tenue à Londres les 8 et 9 novembre 2004 à laquelle nous n’avons pas
participé, que la loi sur le foncier rural de la Côte d’Ivoire « a en majeure partie été rédigée derrière
des portes»2
1.2-La loi relative au domaine foncier rural
Nous ferons une brève présentation de la loi sur le foncier rural à travers son objet, ses objectifs et son
contenu.
1.2.1-Objet et objectifs
La loi relative au domaine foncier rural a pour objet la transformation des droits fonciers coutumiers
en droits de propriété.
Ses objectifs sont notamment d’apporter la sécurité foncière en milieu rural. La clarification des droits
est un préalable pour réduire voire mettre fin aux trop nombreux conflits fonciers existants en milieu
rural. La loi fournit par ailleurs un cadre juridique précis pour le règlement des conflits lorsqu’ils
surviennent. Elle permet également de légaliser le marché foncier et de donner une vraie valeur
marchande à la terre rurale, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. La terre pourra alors être donnée en
garantie pour des prêts accordés par les établissements financiers. La loi contribuera ainsi à sécuriser
dans la durée les investissements réalisés sur le domaine foncier rural, constituant un encouragement à
la stabilisation et à la modernisation des exploitations agricoles. Elle facilitera le passage au droit
moderne qui nous paraît plus sécurisant dans la durée pour les propriétaires de terres rurales, les
exploitants non propriétaires, leurs héritiers et leurs partenaires. Enfin, elle encourage le retour ou le
2
Cette assertion qui figure dans le dossier 136 de mars 2005 de iied n’est pas conforme à la réalité.
Colloque international “Les frontières de la question foncière – At the frontier of land issues”, Montpellier, 2006
5
maintien des jeunes à la terre sur un bien foncier familial bien identifié et sécurisé. Cela contribuera,
nous l’espérons, à limiter l’exode des jeunes ruraux vers les villes.
1.2.2-Contenu
Les dispositions essentielles de la loi relative au domaine foncier rural apparaissent dans sa définition
et ses principes.
La loi donne la définition du domaine foncier rural qu’elle régit. Il s’agit, en fait, d’un domaine
résiduel, en ce qu’il est situé hors du domaine public, hors du domaine urbain ou à urbaniser à moyen
terme et hors du domaine forestier classé.
Six grands principes régissent les 28 articles que compte la loi:
1- La consécration du droit à être propriétaire de l’Etat, des collectivités publiques ivoiriennes et
des personnes physiques ivoiriennes,
2- La reconnaissance des droits coutumiers dont la réglementation ivoirienne faisait de simples
droits d’usage du sol, incessibles. Ces droits coutumiers sont transformés en droits de
propriété au terme d’une procédure prévue par des dispositions règlementaires,
3- L’instauration d’un certificat foncier qui est cessible. Les terres sur lesquelles il est délivré
peuvent être louées ou vendues. Il est accompagné d’un cahier des charges qui comporte
différentes clauses dont l’une porte obligation de maintien de l’exploitant non propriétaire par
le biais d’un contrat de location dont la durée doit tenir compte de la nature de l’exploitation.
Le certificat foncier est individuel ou collectif. Le certificat foncier collectif indique l’identité
du gestionnaire du groupe.
4- Le maintien des droits de propriété acquis antérieurement à la loi par des personnes ou des
entités n’ayant plus vocation à devenir propriétaires dans le domaine foncier rural et la
transmission de ces droits à leurs héritiers même si ceux-ci n’ont pas la qualité pour être
propriétaires dans le domaine foncier rural,
5- La suppression du système de concession des terres rurales par l’Etat. Désormais, l’Etat est
propriétaire uniquement des terres immatriculées à son nom ou des terres sur lesquelles il
exerce des droits coutumiers. Il ne peut céder ses terres que par contrat. Les anciens
concessionnaires conservent les droits qui leur ont été concédés mais ils doivent les consolider
au terme d’une procédure prévue par décret,
6- Une motivation à la modernisation des droits fonciers ruraux. Les concessions non
régularisées à l’issue du délai accordé et les terres coutumières n’ayant pas fait l’objet de
certificats fonciers dix ans après la publication de la loi ainsi que les terres objet d’une
succession ouverte depuis plus de trois ans et non réclamées, seront considérées comme sans
maître et gérées comme telles.
Colloque international “Les frontières de la question foncière – At the frontier of land issues”, Montpellier, 2006
6
Sur ce dernier point, il convient de signaler que les délais fixés par la loi sont insuffisants. Il est
souhaitable que lorsque les conditions le permettront, le législateur soit saisi d’une révision de certains
délais.
2-EXAMEN DE L'ETAT D'AVANCEMENT DE LA MISE EN ŒUVRE DE LA LOI
RELATIVE AU DOMAINE FONCIER RURAL.
La loi relative au domaine foncier rural a été complétée par trois décrets, quinze arrêtés et plusieurs
circulaires afin de rendre opérationnelle la nouvelle réglementation. Des formulaires ont été conçus
pour faciliter la tâche des usagers et des administrations concernées par la mise œuvre de cette loi. Le
dispositif était prêt lorsque a éclaté la crise politico-militaire de septembre 2002. Cette crise qui n’est
toujours pas résolue, n’a pas permis la mise en œuvre nationale de la loi. Toutefois, il a été possible
sur ressources propres ou avec l’appui des partenaires au développement encore opérationnels de
mettre en œuvre à petite échelle trois types d’activités que sont la consolidation des droits des
concessionnaires provisoires, la délivrance des certificats fonciers et la délimitation des terroirs
villageois.
2.1- La consolidation des droits des concessionnaires provisoires
Le décret n°99-595 du 13 Octobre 1999 fait obligation aux concessionnaires provisoires de terres du
domaine foncier rural de consolider leurs droits.
Pour cela, le concessionnaire doit adresser une requête d’immatriculation au Ministère de
l’Agriculture. A cette requête rédigée sur papier libre, est joint un dossier d’immatriculation qui
comporte :
une fiche de renseignements sur l’identité du demandeur
un exemplaire enregistré de l’arrêté de concession provisoire
le procès-verbal de constat de mise en valeur établi par le directeur départemental de
l’Agriculture
le calque du plan du bien foncier et douze tirages de ce plan
Après l’accomplissement des formalités décrites ci-dessus, le terrain concerné est immatriculé au nom
de l’Etat. Il est ensuite loué ou vendu par l’Etat à l’ancien concessionnaire sous forme de bail
emphytéotique. Plus de 2000 concessions provisoires sous réserve des droits des tiers ont été délivrés
et sont donc concernées par cette procédure. Néanmoins, peu de demandes ont été reçues en raison du
manque d’information des populations et des administrations chargées de l’immatriculation de ces
terres.
L’immatriculation peut être faite directement au nom de l’ancien concessionnaire si celui-ci le
souhaite et remplit les conditions pour être propriétaire.
Colloque international “Les frontières de la question foncière – At the frontier of land issues”, Montpellier, 2006
7
2.2-Procédure de délivrance des certificats fonciers
Le décret n°99-594 du 13 Octobre 1999 fixant les modalités d’application au domaine foncier rural
coutumier de la loi n°98-750 du 23 Décembre 1998, définit la procédure de délivrance du certificat
foncier et la procédure d’immatriculation des terres objet du certificat foncier. Ce texte permet à toute
personne se disant détenteur de droits fonciers coutumiers de les faire constater au terme d’une
enquête officielle. Cette enquête officielle consiste à recenser les droits coutumiers exercés sur une
parcelle donnée, à constater les limites de cette parcelle et à en établir le plan. A cet effet, le
demandeur dépose une requête auprès du Sous-Préfet de la localité où est située la parcelle concernée
puis il choisit un opérateur technique agréé qui en l’état actuel de la législation est un géomètre expert.
Celui-ci est chargé de faire la délimitation du terrain objet de la demande suivant des normes définies
par un arrêté.
Cette demande d’enquête est rendue publique par le Sous-préfet qui désigne ensuite un commissaireenquêteur assermenté chargé de conduire avec rigueur et probité l’enquête officielle avec l’aide d’une
équipe qu’il aura constituée. Cette équipe comprend le demandeur, les voisins limitrophes, les chefs de
terre, des représentants du comité villageois de gestion foncière rurale et tout sachant3. L’enquête
officielle est publique et contradictoire. Elle permet de recueillir des avis multiples sur la nature des
droits exercés sur la parcelle. Les résultats de l’enquête officielle font l’objet d’une publicité pendant
une durée de trois mois au cours desquels un registre est ouvert pour enregistrer les accords et les
oppositions.
A l’issue de la publicité, l’enquête est soumise à l’approbation du comité villageois de gestion foncière
rurale (au niveau du village) puis validée par le comité de gestion foncière rurale (au niveau de la
Sous-préfecture). Le dossier validé est transmis au directeur départemental de l’agriculture qui prépare
le certificat foncier et le soumet à la signature du Préfet de département. Le certificat foncier une fois
signé est enregistré à la direction départementale de l’agriculture et publié au journal officiel.
Le bénéficiaire du certificat foncier dispose d’un délai de trois (3) ans pour requérir l’immatriculation
de la parcelle en vue de la création d’un titre foncier. Dès réception de la demande d’immatriculation,
le Conservateur de la propriété foncière immatricule la terre dans un délai de trois (3) mois.
Ce décret est appelé à régir la modernisation de plus de 25 millions d’hectares. Il n’est pas encore
véritablement entré en application. Néanmoins, une demande officielle de certificat foncier a été
déposée en décembre 2005 à Soubré. Une autre demande de certificat foncier avait été présentée à
Agboville puis instruite. Le certificat foncier a été délivré. Toutefois, à la suite d’irrégularités de
procédure liées, entre autres, au fait qu’il s’agissait d’un terrain urbain, le ministre de l’agriculture a
3
On désigne sous ce terme les personnes ressources, principalement du village, ayant des
connaissances sur l’histoire foncière du terroir du village et les pratiques coutumières qui ont régi son
évolution
Colloque international “Les frontières de la question foncière – At the frontier of land issues”, Montpellier, 2006
8
signifié que la délivrance d’un certificat foncier sur ce type de terrain était illégal et que le préfet
devait l’annuler.
Des missions d’information à l’intérieur du pays ont révélé l’intérêt des exploitants agricoles pour la
sécurisation de leurs droits fonciers et l’obtention de titres de propriété sur leurs parcelles. Ainsi, des
demandes ont été déposées notamment à Aboisso, Issia, Soubré, Daoukro, etc. Des dispositions ont été
prises pour que le premier certificat foncier puisse être délivré suivant la procédure édictée. En cas de
succès, cette délivrance pourrait être un bon levier pour tout le processus.
Néanmoins des difficultés persistent dont la méconnaissance de la procédure et la non disponibilité des
formulaires. Des dispositions ont été prises pour leur trouver des solutions.
2.3-La délimitation des terroirs villageois
En 1996, plus précisément le 16 juin, avant même l’adoption de la loi n°98-750 du 23 décembre 1998
relative au domaine foncier rural, le Gouvernement ivoirien a décidé que la délimitation des terroirs
villageois est une mission de service public prioritaire qui permettra de déterminer de manière
contradictoire les limites des villages et, par agrégation, celles des sous-préfectures, des communes et
des autres collectivités territoriales et d’en établir la cartographie précise. Le conseil des ministres a
autorisé ce jour-là, les ministres chargés de l’agriculture et des finances à rechercher les ressources en
vue du financement de cette opération.
2.3.1-Avantages
La délimitation des terroirs villageois comporte de nombreux avantages pour l’Etat et pour les
populations. Elle permettra, notamment, de préciser l’aire géographique de chaque village et de
déterminer ainsi la sphère de compétence des comités villageois de gestion foncière rurale et des
comités de gestion foncière rurale à l’échelon sous-préfectoral, de faciliter la délimitation des parcelles
en vue de la constitution des dossiers de délivrance des certificats fonciers et de réduire les coûts
d’intervention des opérateurs techniques qui pourront alors s’appuyer sur la cartographie des villages
et les bornes de référence qui auront été installées dans ce cadre. Elle fournira aussi à l’Administration
territoriale, dans le cadre de la décentralisation, un outil d’aménagement du territoire au service des
collectivités locales et des opérateurs économiques. Enfin, elle sera l’occasion de régler de manière
durable voire définitive les conflits inter-villageois qui sont à l’origine de nombreux conflits.
Colloque international “Les frontières de la question foncière – At the frontier of land issues”, Montpellier, 2006
9
2.3 2-La réalisation de l’opération test
Huit ans après la décision du gouvernement, le Ministère de l’agriculture a initié une opération-test
portant sur la délimitation de 280 terroirs villageois répartis sur toute l’étendue du territoire national
dont 150 dans la partie Sud du pays et 130 dans la partie Nord.
L’objectif de l’opération est de tester et de mettre au point des méthodes modernes de délimitation des
terroirs villageois au plan technique, au plan social et administratif, au plan économique et financier et
également de produire des dossiers techniques de délimitation pour les terroirs des villages retenus.
Mais en raison de la crise que connaît la Côte d’Ivoire depuis plus de trois ans, cette opération n’a pu
être réalisée sur l’ensemble des villages retenus. Dans un premier temps, elle est mise en œuvre dans la
partie Sud du pays sur les terroirs des 150 villages retenus et qui sont répartis en 4 zones
d’intervention que sont ABENGOUROU (EST), D ALOA (CENTRE-OUEST), S OUBRE (SUD-OUEST) ET
ALEPE / BONOUA (SUD).
L’Etat de Côte d'Ivoire a signé à cet effet un contrat de prestation de services avec le Bureau National
d’Etudes Techniques et de Développement (BNETD) le 22 mars 2004 qui a été désigné maître
d’œuvre de cette opération-test. Le Ministère de l’agriculture est le maître d’ouvrage et le Projet
National de Gestion des Terroirs et d’Equipement Rural (PNGTER) a assuré la maîtrise d’ouvrage
déléguée.
Déroulement de l’opération test
Le milieu rural est en Côte d’Ivoire, comme partout ailleurs, très sensible et très méfiant aux questions
foncières. Aussi, un accent particulier a-t-il été mis sur la sensibilisation et l’information afin de
rassurer les populations ainsi que sur la publicité et la transparence dans la conduite, l’établissement et
la validation des dossiers d’enquête. Les acteurs intervenant dans la mise en œuvre de l’opération ont
reçu une formation particulière.
*La formation des acteurs
La formation a concerné les Préfets, les Sous-préfets, les directeurs régionaux de l’agriculture, les
directeurs départementaux de l’agriculture, les commissaires enquêteurs ainsi que les membres des
Comités de gestion foncière rurale et les présidents des Comités villageois de gestion foncière rurale
qui sont concernés par l’opération-test.
*La sensibilisation des populations
L’opération a commencé par des réunions de sensibilisation et d’information des populations qui se
sont déroulées dès juillet 2004 à Abengourou et à Niablé pour le département d’Abengourou, à
Gboguhé pour le département de Daloa, à Méagui pour le département de Soubré, à Alépé et à Bonoua
pour les département de Grand-Bassam et Alepé. Chacune des réunions était présidée par le préfet du
département concerné. Ont pris part à ces réunions, les autorités administratives, les élus locaux
(députés, maires, représentants des conseils généraux), les populations autochtones, les populations
Colloque international “Les frontières de la question foncière – At the frontier of land issues”, Montpellier, 2006
10
ivoiriennes non originaires des régions concernées et les populations non ivoiriennes, ainsi que les
autorités coutumières (des chefs de village, des chefs de canton, des notables, des chefs de terres là où
il en existe). Des femmes et des jeunes ont également participé activement à ces réunions ainsi que des
opérateurs économiques.
Au cours de ces réunions, les représentants du ministère de l’agriculture ont expliqué le bien fondé de
la délimitation des terroirs des villages, ses objectifs et l’approche retenue pour la conduite de
l’opération. Les représentants du Centre de Cartographie et de Télédétection du BNETD ont expliqué
quant à eux les travaux qu’ils allaient mener pour établir la cartographie des terroirs et les travaux
connexes (bornage, etc.).
Ces séances d’information et de sensibilisation tenues au chef lieu des sous-préfectures ont été
prolongées par des séances de proximité, à l’échelon des villages-centres, conduites par le Sous-préfet
accompagné du directeur départemental de l’agriculture et des techniciens appelés à intervenir sur le
terrain.
Enfin, des séances rapprochées conduites par les agents de l’agriculture, devaient être tenues dans
chaque village à délimiter ainsi que dans les villages limitrophes.
Ces réunions devraient précéder les travaux de terrain. Mais à la pratique les choses ne se sont pas
toujours déroulées ainsi.
*Le recueil de l’historique de la constitution du terroir du village
C’est la phase factuelle de l’opération et qui correspond à la collecte d’informations en vue d’établir
comment le terroir qui appartient à un village donné a été constitué, s’est formé et s’est consolidé. Elle
est exécutée par un commissaire enquêteur. Celui-ci, à titre de rappel, est un agent du ministère de
l’agriculture, ayant un niveau au moins égal au Baccalauréat avec une formation complémentaire de
deux années dans un institut de formation agricole. Ces agents sont assermentés.
Le jour convenu avec les responsables du village, le commissaire enquêteur recueille les déclarations
des populations. La collecte des informations se fait de manière publique au cours d’une réunion à
laquelle sont conviées toutes les populations du village. Les populations choisissent en leur sein un
porte-parole. Les réponses aux questions du commissaire enquêteur sont transcrites dans un procèsverbal signé par le porte-parole, le représentant du conseil de village, le représentant des gestionnaires
des terres et le président du comité villageois de gestion foncière rurale. La liste de l’ensemble des
personnes présentes est jointe à ce procès-verbal.
Des renseignements sur le fondateur du village, ses activités, son lieu de résidence, la signification du
nom du village, la date de création du village, la localisation des sites sacrés, l’évolution du village, les
modes d’accès à la terre, l’indication des droits exercés sur les terres, la liste des villages voisins et la
localisation des limites communes sont quelques unes des informations qui sont recueillies par le
commissaire enquêteur.
Colloque international “Les frontières de la question foncière – At the frontier of land issues”, Montpellier, 2006
11
Le porte parole indique si l’existence du village a été officialisé par une décision administrative
formelle.
Le commissaire-enquêteur dispose d’un guide comportant 17 questions standard qui peuvent être
complétées par des questions de circonstance.
*Le constat des limites
L’étape suivante consiste à constater les limites du terroir villageois avec les villages voisins. Cette
opération est faite en présence des comités villageois de gestion foncière rurale des villages concernés
de manière contradictoire. En cas d’accord, les limites sont matérialisées par des layons.
La détermination des limites donne lieu à de nombreuses contestations soit parce que les populations
ne connaissent pas avec précision les limites de leurs villages soit elles les ignorent même si le plus
souvent elles refusent de le reconnaître.
En cas de désaccords, l’administration suspend les travaux et invite les populations à se concerter pour
trouver une solution consensuelle. Aucune limite n’est imposée.
En cas d’accord sur les limites, des layons de 1,50 m de large sont ouverts parfois au travers des
plantations parfois dans des zones difficiles d’accès (marécages ou autres). Dans ce cas, les layons qui
sont à la charge des villages, n’ont pas toujours les caractéristiques standards. S’il y a des plantations
sur le tracé du layon, il a été convenu de ne pas abattre les pieds productifs mais de les marquer à la
peinture. Pour la pérennisation des limites, il a été conseillé de planter des arbres traditionnellement
utilisés dans la région pour les limites de propriété.
*Etablissement du dossier technique de délimitation
- Pose des bornes
Après l’ouverture des layons, l’équipe des techniciens du Centre de Cartographie et de Télédétection
du BNETD pose des bornes sur le tracé des layons, en présence des populations concernées, du
commissaire enquêteur, de l’équipe d’enquête et de toute personne ayant connaissance des limites du
village. Les bornes sont posées tous les 250 ou 300 mètres et aux points d’intersection. Deux types de
bornes sont posés : les bornes–limites et les bornes témoins.
- Procès-verbaux de constat des limites
Chaque limite bornée entre deux villages fait l’objet d’un procès-verbal de constat des limites établi
sur les lieux et signé par l’opérateur technique.
- Etablissement de la carte provisoire du terroir du village
Lorsque les bornes sont posées sur l’ensemble du périmètre du village, le terroir est déclaré bouclé et
l’opérateur technique établit la carte provisoire du terroir du village et transmet alors l’ensemble des
documents techniques au directeur départemental de l’agriculture pour l’organisation de la publicité.
*La publicité
Colloque international “Les frontières de la question foncière – At the frontier of land issues”, Montpellier, 2006
12
- l’ouverture de la publicité
Elle fait l’objet d’une réunion publique préparée par le commissaire enquêteur à laquelle les
représentants des populations du village délimité et ceux des villages limitrophes sont conviés, au chef
lieu de la sous-préfecture. Avant la réunion, le commissaire enquêteur affiche le procès-verbal de
l’historique de la constitution du terroir du village, le procès-verbal de constat des limites, la carte
provisoire du terroir du village et le lieu exact, la date (jour, heure) de la présentation publique des
résultats de l’enquête. Ces affichages se font dans le village délimité, dans les villages limitrophes, à la
sous-préfecture et dans les services extérieurs du ministère de l’agriculture (DDA, SADR).
Huit jours après ces affichages, a lieu la présentation publique des résultats. Le directeur
départemental de l’agriculture lit entièrement le procès-verbal relatif à la constitution du terroir du
village et l’opérateur technique lit le procès-verbal de constat des limites et présente en le commentant
le plan provisoire du terroir du village. Après cela, le commissaire enquêteur ouvre un registre des
accords et oppositions dans le village délimité qui peuvent porter aussi bien sur l’historique de la
constitution du terroir du village que sur les limites. Ce registre est tenu par le secrétaire du comité
villageois de gestion foncière rurale. Un autre registre est ouvert à la sous-préfecture.
Les populations ont un mois (trente jours) pour faire connaître leurs accords ou oppositions. Les
populations du village délimité font leurs observations sur le registre ouvert dans leur village et les
autres populations font leurs observations sur le registre ouvert à la sous-préfecture. Le commissaire
enquêteur veille au bon déroulement de la publicité.
A l’expiration des trente jours, le commissaire enquêteur retire les registres et programme la clôture de
la publicité en accord avec le sous-préfet.
- la clôture de la publicité
La clôture de la publicité se déroule à la sous-préfecture au cours d’une réunion qui regroupe les
représentants du village délimité et ceux de tous les villages voisins ainsi que les personnes qui ont fait
des accords ou des oppositions. Le registre des accords et des oppositions est lu publiquement et les
accords et les oppositions mentionnées dans le registre sont débattus séance tenante. En cas de
désaccords persistants, le sous-préfet donne quinze jours aux comités villageois concernés pour
trouver une solution. Le commissaire enquêteur établit le procès-verbal de la clôture de la publicité. Ce
document est transmis au comité villageois de gestion foncière rurale pour approbation.
*L’approbation par les comités villageois de gestion foncière rurale
Le Comité villageois de gestion foncière rurale du village délimité est invité à approuver les résultats
de l’enquête relatifs à l’historique de la constitution du terroir du village.
L’approbation des limites se fait tronçon par tronçon par le Comité villageois de gestion foncière
rurale du village délimité et par chacun des villages limitrophes concernés.
Colloque international “Les frontières de la question foncière – At the frontier of land issues”, Montpellier, 2006
13
Le dossier d’enquête est alors transmis au comité de gestion foncière rurale de la sous-préfecture à
laquelle est rattachée administrativement le village délimité, pour validation.
*La validation par le comité de gestion foncière rurale de la sous-préfecture
Le comité de gestion foncière rurale de la sous-préfecture se réunit sous la présidence du sous-préfet
en vue de valider l’enquête.
*Etablissement de la carte définitive du terroir du village
Après la validation de l’enquête, l’opérateur technique établit la carte définitive. A ce jour, aucune
carte définitive n’a encore été établie.
RESULTATS PARTIELS DE L’OPERATION
L’Opération test de délimitation des terroirs villageois a démarré sur le terrain en juillet 2004. Elle
devait prendre fin le 31 décembre 2004. En raison de difficultés de terrain et de financement, les
activités ont enregistré plusieurs suspensions. Ils doivent prendre fin le 28 février 2006.
A la date du 28 décembre 2005, les résultats partiels sont les suivant:
1- Abengourou
*73 limites entre villages ont été matérialisées avec 2044 bornes sur une distance de 1031 kilomètres.
*26 terroirs ont été bouclés et 26 publicités ont été ouvertes et clôturées. Des oppositions sur trois
limites inter-villages ont été enregistrées.
*Sur 28 terroirs villageois programmés, 21 délimitations ont été approuvées par les comités villageois
de gestion foncière rurale, 5 terroirs villageois sont bouclés et deux terroirs villageois sont en cours de
délimitation.
2- Daloa
*142 limites inter-villages ont été ouverts et matérialisées avec 1534 bornes sur 1121 kilomètres
*41 terroirs ont été bouclés soit l’intégralité des villages programmés
*41 publicités ont été ouvertes et clôturées. Aucune opposition n’a été enregistrée.
*32 dossiers de terroirs ont été approuvés par les comités villageois de gestion foncière rurale
*12 dossiers ont été validés par le comité de gestion foncière rurale de la sous-préfecture
3- Soubré
*75 limites inter-villages ont fait l’objet de travaux avec 1500 bornes posées sur 450 kilomètres
*33 terroirs ont été bouclés
*29 publicités ont été ouvertes et 27 ont été clôturées
*des oppositions ont été sur trois limites inter-villages
4- Alépé/Bonoua
Colloque international “Les frontières de la question foncière – At the frontier of land issues”, Montpellier, 2006
14
*34 limites inter-villages ont été matérialisées avec 1500 bornes sur 188 kilomètres
*5 terroirs ont été bouclés dont 4 dans la zone de Bonoua et 1 dans la zone d’Alepé
* 5 publicités ont été ouvertes et clôturées. Aucune opposition n’a été enregistrée
Au total :
*324 limites inter-villages ont été matérialisées avec 5750 bornes sur 2800 kilomètres,
*105 terroirs ont été bouclés
*103 publicités ont été ouvertes et 99 ont été clôturées
*53 dossiers ont été approuvés par des comités villageois de gestion foncière rurale
*12 dossiers ont été validés par des comités de gestion foncière rurale de sous-préfecture
Les leçons à tirer
La réalisation de cette opération-test a permis de mettre en place, de manière progressive, un dispositif
minimum dans les zones où se déroule l’opération à savoir : l’affectation et la formation de
commissaires enquêteurs, la création et la mise en place de Comités villageois de gestion foncière
rurale et de Comités de gestion foncière rurale au niveau des Sous-préfectures concernées. Les préfets,
les sous-préfets et les directeurs départementaux de l’agriculture ont également été formés. Les
populations ont été sensibilisées. Dans les zones où se déroule la délimitation des terroirs villageois,
les populations ont été informées sur la loi relative au domaine foncier rural et ont eu l’occasion de
manifester leur intérêt pour sa mise en application en vue de la délivrance de titres de propriété
individuelle ou collective.
Cette opération-test a été l’occasion de préciser l’approche, d’évaluer la procédure, d’apporter des
améliorations au manuel des procédures et d’apprécier l’opérationnalité des comités villageois de
gestion foncière rurale et des comités sous-préfectoraux.
Concernant les difficultés, elles ont été rencontrées à différents niveaux.
Au niveau des populations des villages
Les populations étaient réticentes au commencement de l’opération. Dans le département de Soubré,
par exemple, les populations allogènes pensaient que l’opération avait pour but de les déposséder de
leurs terres. Les villages autochtones, quant à eux, voulaient que le terroir qui leur était rattaché, inclut
l’ensemble des terres sur lesquelles elles ont installé des allochtones quel que soit l’emplacement de
ces terres. Cette situation se rencontre dans les zones où la mise en valeur agricole est relativement
récente et où l’organisation de l’espace n’est pas encore stabilisée.
Colloque international “Les frontières de la question foncière – At the frontier of land issues”, Montpellier, 2006
15
Au niveau de la programmation
Le temps d’exécution de l’opération n’a pas suffisamment pris en compte les rythmes villageois. Par
exemple, les travaux de terrain doivent être interrompus lorsqu’il y a un décès dans un village ou
lorsqu’il pleut ou lorsque c’est la campagne agricole.
Au niveau des moyens matériels
Il était prévu que les comités villageois de gestion foncière rurale se prennent en charge et fournissent
des volontaires pour l’ouverture des layons. De même, l’intervention des « sachants » devait être
effectuée à titre gracieux. Il a fallu revoir ces hypothèses et dédommager les intervenants pour le
temps passé.
Au niveau du fonctionnement du dispositif
Le positionnement des comités de gestion foncière rurale et des comités villageois de gestion foncière
rurale par rapport aux autorités légales a parfois posé des problèmes d’empiètement d’attributions.
Le suivi de l’opération
Après le lancement de l’opération au mois de juillet 2004, le suivi a été assuré par trois équipes
composées des agents du ministère de l’agriculture, du PNGTER et du BNETD. Le suivi quotidien
était assuré par les directeurs départementaux de l’agriculture avec des motivations diverses.
Conclusion
Malgré la crise politico-militaire mais aussi à cause d’elle puisque l’insécurité foncière faisait partie
des doléances de certains protagonistes de la rébellion, les autorités ivoiriennes ont considéré qu’il
fallait aller de l’avant dans la mise en œuvre de la réforme foncière dont le point de départ a été
l’adoption en décembre 1998 de la loi relative au domaine foncier rural. L’enjeu n’est pas seulement la
modernisation de la gestion de son domaine foncier rural mais aussi une meilleure maîtrise de l’espace
rural qui commence, dans le contexte ivoirien, par la délimitation des terroirs villageois et la
sécurisation des droits sur les terres agricoles qui étaient de moins en moins assurées par les droits
coutumiers. Cette sécurisation est un facteur de cohésion sociale à l’intérieur des villages et entre les
villages et devrait contribuer à rétablir un climat de confiance et de réconciliation entre les
communautés de ce pays.
Il était important que, même avec de faibles moyens, cette réforme puisse commencer à être testée en
vraie grandeur de manière à ajuster les procédures et les coûts d’intervention et à mieux évaluer les
besoins en formation et en information des acteurs concernés et des bénéficiaires potentiels de cette
réforme.
Les activités qui ont été menées sur le terrain ont montré la faisabilité de cette réforme et l’intérêt
qu’elle suscitait auprès des usagers du domaine foncier rural. Elles constituent à cet égard pour le
Colloque international “Les frontières de la question foncière – At the frontier of land issues”, Montpellier, 2006
16
Gouvernement et pour les partenaires de la Côte d’Ivoire un encouragement à poursuivre la mise en
œuvre de l’application de la loi et de ses textes d’application. D’ores et déjà, les perspectives
d’aboutissement des négociations engagées avec les bailleurs de fonds intéressés, permettent
d’envisager dès l’année 2006 des actions de plus grande envergure en matière d’information et de
sensibilisation des populations et de formation des acteurs. Il est prévu également de poursuivre les
opérations pilote de délimitation des terroirs villageois et de lancer une opération test de délivrance de
certificats fonciers individuels et collectifs.
Par ailleurs, une étude dont les résultats permettront au ministère de l’agriculture de disposer d’une
stratégie de communication, d’un plan d’actions de communication et de supports propres à mieux
faire connaître les dispositions légales et réglementaires régissant le domaine foncier rural de la Côte
d’Ivoire est en cours de réalisation.
La réforme est sur de bons rails et nous espérons qu’elle sera sur le moyen et le long terme un
instrument qui contribuera au retour à la paix et qui permettra à la Côte d’Ivoire de
renouer avec le progrès économique et social.
Colloque international “Les frontières de la question foncière – At the frontier of land issues”, Montpellier, 2006
17
SOURCES
-
Communication en Conseil des ministres du 16 juin 1996
L’agriculture à l’aube du 21ème siècle (Ministère de l’Agriculture et des Ressources Animales,
1999)
-
ZALO Léon Désiré in Regards sur le foncier rural en Côte d’Ivoire (les éditions du CERAP, 2003)
pp 13-20
-
Les différents rapports des missions de suivi de l’opération-test de délimitation des terroirs
villageois (2004 et 2005)
-
Le foncier rural en Afrique : actif marchand ou moyen de subsistance ? (dossier n°136 iied mars
2005)
-
Le régime domanial et le développement économique de la Côte d’Ivoire (Albert LEY, 1972)
-
Recueil de textes : la loi relative au domaine foncier rural et ses textes d’application, Ministère de
l’Agriculture/Direction du Foncier Rural et du Cadastre Rural (2004)
Colloque international “Les frontières de la question foncière – At the frontier of land issues”, Montpellier, 2006
18
Téléchargement