déroulement d'un drame "individuel".
Au terme de l’évolution capitaliste au XIXème siècle, l'individu, -non seulement le philosophe mais aussi l'écrivain et l'artiste- fait l'épreuve de l'aliénation :
cette nature dont la science lui promettait la conquête, cette histoire qui s'annonçait comme un progrès, ce christ qui apportait la bonne nouvelle de
nouveaux rapports humains ; mais aussi la prophétie révolutionnaire... -tout ce qui faisait apparaître l'homme comme "réalité" ou comme valeur-, tout cela
se révèle être une illusion, un immense mensonge ; de sorte que l'homme, au terme d'une longue décadence, se nie lui-même : Pour NIETZSCHE, le
nihilisme est le dernier mot de la civilisation européenne.
Contestation chaotique, dont on retrouve tous les mouvements dans le drame d'une Saison en Enfer.
Mais, au milieu de cette débâcle, du fond de cet effondrement, de l'abîme même de cette négation radicale, naît la fulguration, l'éclair d'une Affirmation :
Cette affirmation n'a pas de nom ; c'est une force, une puissance ou une volonté, qui n'a d'autre sens que son surgissement.
Qu'y a-t-il derrière cette découverte de NIETZSCHE ?
- Une épreuve, vécue dramatiquement, par ceux qui sont virés au compte de perte et profits d'une exploitation qui ne peut plus se dissimuler sous le visage
humain d'une culture, et sous les apparences d'un progrès de la civilisation.
Pour ces "individualités", -poètes, artistes- qui sont en même temps coupés de toute pratique sociale, -productive ou politique-, l'aliénation ne peut avoir
aucun sens "économique" : elle n'est pas vécue comme accaparement des produits ou comme aliénation de l'activité (car leur production, leur activité est
précisément création), elle est vécue comme cette explosion "interne" de l'individualité où "je est un autre".
La contradiction économique, dont l'antagonisme constitue la réalité concrète, historique de l'aliénation, apparaît comme une explosion qui trouve son
origine dans une sorte de "déchirure" de l'être.
Le rôle de la philosophie, c'est de penser cet antagonisme, vécu comme "éclatement" de l'être, "intérieur" à l'individu lui-même, à partir du dualisme qui
oppose la conscience à la réalité. Or cet antagonisme interne, cette lutte intestine, privés de tout lien avec sa base réelle, avec l'antagonisme -historique- des
luttes sociales, ne peut être "rationnellement" compris : il est à proprement parler "impensable".
Michel FOUCAULT dira :
"Toute la pensée moderne est traversée par la loi de penser l'impensé ".
NIETZSCHE confronté à cette expérience "impensable" a proclamé (mais avec quelle douleur et quel espoir mêlés) : " L'art, rien que l'art peut nous
sauver de la vérité".
C'était reconnaître que la pensée -spéculative- était d'une certaine façon impuissante à exprimer dans les termes de la logique cette expérience
authentiquement vécue par l'Art.
Puis, NIETZSCHE accepta à la fois de tenter une -ou des- traductions conceptuelles de cette expérience et de vivre, jusqu'à la folie, l'impossibilité de la
"dire", prenant le visage ou le masque d'un nouveau philosophe, qui mourrait de la découverte de la vérité.
" Périr par la connaissance absolue pourrait faire partie du fondement de l'être ".
Sil'exigence qui définit la philosophie comme démarche distincte de tout autre, comme idéologie distincte de la religion, de la science, de la politique etc .
c'est bien de répondre à la question : Quels sont les rapports de la conscience et de la réalité ? », la nouveauté de la démarche "philosophique" de
NIETZSCHE n’est point d'élaborer de nouveaux concepts mais c'est, pour dépasser le problème, de montrer que ces concepts n'ont aucun sens, ne
conduisent à aucune compréhension des réalités concrètes qu'ils prétendent exprimer :
Montrer que chacun des concepts comprend une contradiction logique de sorte que la réalité qu'ils prétendent saisir est ailleurs, en dehors du logos, de la
logique et de la raison.
II. La démarche spéculative de Nietzsche : "Brûler les promesses de la dialectique et de l'anthropologie".
1. Première étape : Mise en cause du problème philosophique.
Cette première étape consiste à mettre en cause les termes même du problème philosophique.
Qu'il s'agisse de l'idéalisme rationnel de Platon ou de la pensée classique, le problème des rapports de l'homme au monde est celui des rapports de la
pensée à l'être :
-Le problème philosophique chez Platon est celui du dualisme des essences et des réalités sensibles, et, c'est l'idée parménidienne de l'Etre comme totalité