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Introduction
Economie officieuse, économie parallèle, économie souterraine…nombreuses sont les dénominations
servant à désigner les actes économiques marchands qui échappent aux normes légales en matière fiscale,
sociale ou d’enregistrement statistique1, appelés communément l’économie informelle. Depuis son
apparition dans le fameux rapport du BIT en 1972 sous l’appellation « secteur informel », ce concept a
suscité des débats quant à la terminologie utilisée, ses origines et ses fonctions. Cette définition a connu de
fortes critiques tenant principalement à l’inadéquation des termes et des critères utilisés. La définition ainsi
proposée ne permettait guère une approche globale du secteur informel mais donnait lieu à la collecte des
données quantitatives. De même, la dénomination secteur informel fut fortement critiquée car jugée
confirmer l’approche dualiste qui oppose le secteur informel à celui dit formel. Les critiques furent
tellement nombreuses que le bureau international du travail finira par adopter, depuis la conférence
internationale de juin 2001, le concept d’économie informelle au lieu du secteur informel. Les études
récentes dans le domaine adoptent la même dénomination.
Le Maroc, à l’instar des pays en voie de développement, connut l’émergence de l’économie informelle à
partir des années 80. C’est sous l’effet conjugué de l’évolution démographique, de l’exode rural et de
l’incapacité du secteur moderne à apporter une réponse positive aux besoins sociaux que ce secteur
s’installa dans le contexte socio-économique marocain, et devint, de ce fait, une préoccupation chez les
intellectuels, les organisations syndicales mais aussi chez l’Etat. Depuis, l’économie informelle ne cessa de
croître. Elle devient une composante dynamique et durable de l’économie marocaine.
Les politiques d’intégration de l’économie informelle ne sont pas entendues comme étant les diverses
actions ou campagnes de lutte contre des formes de l’informel occasionnées par certains événements. Loin
de là, elles visent un ensemble d’actions concertées, menées par les différents départements
gouvernementaux, animées par une stratégie globale dont les axes sont clairement définis. Cette stratégie
doit, évidemment, déterminer les actions de chaque autorité, afin d’éviter tout chevauchement de
compétences, et par-là, le défaut ou l’excès d’intervention. De même, toute politique dite d’intégration de
l’économie informelle, doit nécessairement prévoir des mesures d’accompagnement au profit des parties
qui seraient touchées par la dite politique.
L’intégration peut revêtir plusieurs formes : sociale, financière, juridique, institutionnelle. Seules ces deux
formes feront l’objet de notre développement. Parmi les questions autour desquelles s’articule le débat sur
les politiques d’intégration juridique et institutionnelle de l’économie informelle au Maroc on peut avancer
celle relative à l’existence de telles politiques, d’une part, et ses modalités, d’autre part. Autrement dit, est
ce qu’il existe une politique d’intégration de l’économie informelle et quel est l’apport des instruments
juridiques et institutionnels à une telle politique ? Ainsi, on est en droit de s’interroger sur l’existence
effective de véritables politiques d’intégration de l’économie informelle au Maroc. Est-ce que les actions
menées par les différents départements découlent d’une politique générale dont les axes et les objectifs
sont tracés par le gouvernement ? Ou bien, à l’inverse, ces départements agissent, chacun dans la sphère
de ses compétences, sans dénoter une politique globale d’intégration de ce secteur ? D’autre part, il serait
légitime de tenter de savoir quelles sont les caractéristiques d’une telle politique ? Vise-t-elle l’éradication
de l’économie informelle, considéré comme une économie en marge de la légalité dont il faut précipiter la
disparition ? Ou répondent-elles à une approche sociologique de l’informel en prônant, non sa résorption,
mais son intégration en créant les conditions favorables de son développement ? Dans la seconde
hypothèse, faut-il l’intégrer dans le cadre général ou, par contre, élaborer un cadre spécifique plus adapté à
ses particularités ? Nombreuses sont donc les questions qu’on tentera d’étudier, animés par l’intérêt que
revêt ce sujet. Certes, le choix de ce thème n’est pas fortuit. Il constitue une réponse académique au
développement considérable que connaît l’informel et ce de par le monde.
1. L’intégration de l’économie informelle : Existence contestée
La contribution de l’informel au P.I.B et à l’emploi étant considérable, la recherche d’une alternative fait
partie intégrante à des politiques d’intégration de l’économie informelle. Cela étant dit, notre interrogation
quant à l’existence de ces politiques suppose la recherche des éléments d’affirmation de cette existence,
mais aussi les arguments de sa négation.