Quelle technique dans la cicatrisation des ulcères de jambe ? La

publicité
Quelle technique utilisez-vous ?
Sang Thrombose Vaisseaux 2006 ;
18, n° 7 : 379-82
Quelle technique dans la cicatrisation des ulcères
de jambe ? La pressothérapie négative
par Vacuum assisted closure
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 03/06/2017.
Clelia Debure
Service de Rééducation vasculaire, HEGP-Broussais, 96 rue Didot, 75674 Paris Cedex 14
<[email protected]>
L
a cicatrisation des ulcères de jambe fait appel à des soins locaux, à
des traitements vasculaires veineux ou artériels et à des traitements
généraux. Parmi les soins locaux, les étapes obligatoires comportent
le lavage, la détersion, le pansement.
Pour favoriser la formation d’un bon tissu de granulation sur lequel se développe l’épiderme, des espoirs sont apparus ces dernières années par l’utilisation
de techniques physiques (pressothérapie négative, oxygénothérapie hyperbare)
et des biothérapies (facteurs de croissance, substituts cutanés).
La pressothérapie négative a été utilisée de longue date par les chirurgiens pour
favoriser la fermeture des abords chirurgicaux désunis et suintants.
La mise au point d’un système VAC (vacuum assisted closure) par la société
KCI (Kinetic Concepts Inc.) a eu ses premières utilisations en milieu chirurgical
il y a plus de dix ans pour les désunions abdominales, sternales.
Depuis, les indications se sont étendues sur des plaies chroniques : maux
perforants plantaires, amputations distales du pied du patient diabétique, escarres, ulcères de jambe [1].
Les principes
Tirés à part :
C. Debure
Différentes publications ont cherché à démontrer les mécanismes d’action de
cette technique expliquant l’amélioration de l’évolution des plaies chroniques
ou aiguës à problème.
Sur des petites séries contrôlées de plaies chroniques d’étiologie variée, différents critères ont été évalués :
– comblement des plaies creuses avec diminution de leur profondeur [2] ;
– réduction de la surface des plaies, cicatrisation plus rapide [3] ;
– contrôle des complications infectieuses [4] ;
– apparition histologique d’un tissu de granulation riche en vaisseaux et en
fibroblastes [5] ;
– amélioration de la microcirculation évaluée par laser-Doppler [6].
Sur une population homogène d’amputations distales de pied de diabétique, une
étude contrôlée a confirmé les effets statistiquement bénéfiques de la pressothérapie négative sur la vitesse de formation du tissu de granulation et sur la
cicatrisation complète [7].
STV, vol. 18, n° 7, septembre 2006
379
Sur les ulcères de jambe, deux études françaises ouvertes
ont été publiées, dont une réalisée par notre équipe, et elles
ont constaté un effet bénéfique du VAC dans la détersion de
ces plaies chroniques [8, 9].
L’utilisation en pratique
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 03/06/2017.
Le VAC Freedom™ est le dernier modèle mis au point par
la société KCI parfaitement adapté à son utilisation dans les
ulcères de jambe.
La pression négative, variant de 50 à 200 mmHg, est fournie
par un moteur inséré dans un boîtier et transmise à la plaie
par une tubulure et un capteur. La plaie est entièrement
comblée par une mousse de polyuréthane de 1 à 2 cm
d’épaisseur. Le capteur en contact avec la mousse est composé de plusieurs canaux permettant une régularisation
correcte des pressions d’aspiration. L’ensemble est recouvert par un champ adhésif transparent totalement occlusif
de façon à créer une aspiration sous vide sans points de
fuite. Les aspirations sont stockées dans un réservoir accroché au boîtier, l’ensemble étant installé dans une petite
sacoche portable à la ceinture. Si la mousse déborde légèrement les bords de la plaie, il est nécessaire de les protéger
par l’installation d’un hydrocolloïde, l’aspiration pouvant
créer des lésions cutanées sur ces zones fragiles. L’installation est délicate nécessitant pour le personnel infirmier un
certain entraînement.
En cas d’ulcères bimalléolaires ou d’ulcères étendus, une
tubulure en Y et des mousses contiguës permettent de
transmettre à chaque ulcère la même pression négative. Une
déambulation est tout à fait possible pendant la durée du
traitement.
Le renouvellement du montage se fait selon l’état de la plaie
et la quantité des exsudats absorbés visibles dans le réservoir transparent : un jour sur deux, voire tous les trois jours.
Au moment du changement, l’aspiration doit être interrompue vingt à quarante-cinq minutes avant l’ablation de la
mousse pour limiter les douleurs du décollement. En effet,
au bout de quarante-huit heures, la mousse peut adhérer au
tissu de granulation qui a parfois tendance à s’insérer dans
les alvéoles de la mousse. Si la douleur n’est pas assez
contrôlée au moment de ce retrait, il est possible soit
d’interposer un pansement interface entre la plaie et la
mousse, soit d’injecter dans la mousse une solution de
Xylocaïne™.
Le traitement peut être prodigué en hospitalisation et
par quelques réseaux d’hospitalisation à domicile, mais
n’a pas obtenu d’AMM ni de remboursement pour une
utilisation libre au domicile. L’installation est délicate nécessitant pour le personnel infirmier un certain entraînement (figures 1-4).
380
Figure 1. Dispositif en place sur un petit ulcère fibreux d’étiologie
mixte artérielle et veineuse.
Figure 2. Ulcère douloureux chez une jeune femme drépanocytaire de 30 ans. Notez le fond totalement fibreux et les bords à pic.
Les soins locaux étaient devenus presque impossibles en raison
des douleurs non contrôlées. La déambulation était également
devenue difficile.
Figure 3. Même ulcère au 4e jour de traitement : toute la surface
est bourgeonnante autorisant la réalisation d’une autogreffe en
pastilles.
STV, vol. 18, n° 7, septembre 2006
L’utilisation de bandes de compression amovibles ou inamovibles reste obligatoire et possible en cas d’œdème
veineux. Son installation par-dessus le dispositif n’entraîne
aucune compression. Par précaution, néanmoins, une bande
fine de coton doit être interposée sous la tubulure pour
éviter une empreinte à risque d’érosion sur la peau de la
jambe.
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 03/06/2017.
Les contre-indications
Figure 4. Même ulcère totalement cicatrisé à un mois.
Les avantages
La détersion des zones fibreuses est totalement indolore
pendant toute la durée de la pressothérapie négative. Cette
détersion se constate rapidement avec apparition rapide
d’un tissu de granulation recouvrant progressivement la
surface de l’ulcère. La détersion mécanique à la curette ou
au bistouri devient inutile. L’aspiration de toutes les secrétions supprime la macération périulcéreuse et diminue les
risques de pullulation bactérienne.
Les inconvénients
Le prix de revient de ce traitement, même si le changement
par une infirmière peut être réalisé toutes les quarante-huit
heures, reste très onéreux avec un tarif de location de 46 Q
par jour et de consommables de 69 Q par installation (tarif
AP-HP). Enfin, dans les ulcères de jambe, il n’y a pas à
l’heure actuelle d’étude contrôlée de méthodologie correcte permettant de démontrer l’efficacité de ce traitement.
Les indications
La pressothérapie négative est à réserver à des ulcères
fibreux, rebelles dont la détersion mécanique est difficile,
longue et très douloureuse. L’étiologie peut être veineuse
ou mixte artérielle et veineuse.
Dans notre expérience, ce traitement ne doit être proposé
qu’au stade de la détersion et avant la réalisation de greffes
cutanées en pastilles. Sa poursuite jusqu’à la cicatrisation
complète augmenterait le coût de revient de façon importante.
L’indication la plus précieuse paraît être la détersion des
ulcères hyperalgiques des sujets drépanocytaires supprimant ainsi toute détersion mécanique intolérable et permettant de réaliser rapidement des greffes cutanées en pastilles.
L’infection réelle d’une plaie (présence d’une hypodermite
étendue récente), imposant la réalisation quotidienne des
pansements et une antibiothérapie de courte durée, justifie
de repousser la pressothérapie de quelques jours.
L’ulcère, associé à une ischémie critique, réalise une
contre-indication, la pressothérapie sur ces tissus très hypoxiques pouvant avoir un effet délétère même à plus faible
niveau de pression. Les ulcères par angiodermite nécrotique sont également une contre-indication absolue en raison
de leurs bordures évolutives nécrotiques. Pour un ulcère de
surface inférieure à celle du capteur, la protection de la peau
périulcéreuse est obligatoire mais délicate à réaliser
(mousse hydrocellulaire ou hydrocolloïde).
Un traitement anticoagulant donné à doses curatives peut
être à l’origine d’une aspiration hémorragique qu’il
convient de surveiller.
Conclusion
Pour les ulcères de jambe fibreux, rebelles, nécessitant un
suivi hospitalier, la pressothérapie négative semble apporter des bénéfices importants au stade de la détersion dans
l’idée de réaliser secondairement une greffe cutanée et de
raccourcir les délais de cicatrisation complète ou du moins
de rendre la plaie plus tolérable pour le malade et plus
simple à soigner pour le patient. Une évaluation de cette
technique a obtenu sur la rédaction d’un protocole (Dr Luc
Téot) un soutien ministériel dans le cadre des stratégies
thérapeutiques innovantes coûteuses (STIC hors cancer).
Ce protocole qui rassemble quinze centres répartis en
France débutera prochainement. Ces résultats devraient,
nous le souhaitons, confirmer la satisfaction subjective des
utilisateurs et surtout évaluer le rapport coût-bénéfice. ■
Références
1. Azad S, Nishikawa H. Topical negative pressure may help chronic
wound healing. BMJ 2002 ; 324 : 1100.
STV, vol. 18, n° 7, septembre 2006
381
6. Banwell PE, Musgrave M. Topical negative pressure therapy : mechanisms and indications. Int Wound J 2004 ; 1 : 95-106.
3. Shirakawa M, Isseroff RR. Topical negative pressure devices : use for
enhancement of healing chronic wounds. Arch Dermatol 2005 ; 141 :
1449-53.
7. Amstrong DG, Lavery LA. Negative pressure wound therapy after partial diabetic foot amputation : a multicentre, randomised controlled trial.
Lancet 2005 ; 366 : 1704-10.
4. Mouës CM, Margreet C, et al. Bacterial load in relation to vacuumassisted closure wound therapy : a prospective randomized trial. Wound
Rep Reg 2004 ; 12 : 11-7.
8. Debure C. Détersion des ulcères par le système VAC : étude prospective
ouverte. J Mal Vasc 2002 ; 30 : 1S-38.
5. Joseph E, Hamori CA, et al. A prospective randomized trial of vacuumassisted closure versus standard therapy of chronic nonhealing wounds.
Wounds 2000 ; 12 : 60-7.
9. Lair G, Cartier H, et al. Intérêt du système VAC dans le traitement des
ulcères de jambe : étude sur 30 patients. Ann Dermatol Venereol 1999 ;
126 : 565.
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 03/06/2017.
2. Eginton MT, Brown KR, Seabrook GR, Towne JB, Cambria RA. A
prospective randomized evaluation of negative-pressure wound dressings
for diabetic foot wounds. Ann Vasc Surg 2003 ; 17 : 645-9.
382
STV, vol. 18, n° 7, septembre 2006
Téléchargement