Attitudes pratiques devant un ulcère de "jambe"

Attitudes pratiques devant un ulcère de "jambe"
par Brigitte Chandenier* et Bruno Tremblay**
* Service de dermatologie, hôpital d'Amiens, France.
** Service de chirurgie vasculaire et thoracique, hôpital Avicenne, Bobigny, France.
La prise en charge des ulcères des membres inférieurs est toujours difficile pour les
soignants, quel que soit le contexte sanitaire.
La phase diagnostique, si elle n'est pas toujours facile, est essentielle. En effet, il est
indispensable, pour une prise en charge thérapeutique optimale, de parvenir par un
examen attentif à discerner les ulcères d'origine vasculaire (artérielle, veineuse ou
autre), des ulcères d'autre origine (infectieuse, tumorale, physique ou
médicamenteuse).
La phase thérapeutique est souvent longue et nécessite des soins en permanence
adaptés au stade évolutif de la lésion.
(Voir tableau n°4).
I. Ulcères d'origine vasculaire
1. Ulcère veineux
Diagnostic
L'ulcère veineux qu'il soit d'origine variqueuse ou post-phlébitique présente des
caractères communs. Il a volontiers une forme régulière, est de grande taille, plus ou
moins profond, à bords souples si d'apparition récente ou à bords fibreux et
"éversés" s'il est ancien. Unique ou multiple, il siège au début le plus souvent à la
face interne, en sus-malléolaire.
Peau péri-ulcéreuse
La peau péri-ulcéreuse peut témoigner d'une eczématisation avec lésions
érythémato-vésiculeuses, devenant suintantes, responsable d'un prurit qui doit
alerter.
Dans les ulcères post-phlébitiques, les lésions péri-ulcéreuses sont variées : dermite
ocre, atrophie blanche de Millian, l'atteinte hypodermique se caractérisant par
l'aspect classique de botte sclérodermiforme.
Ulcères post-phlébitiques
Les ulcères post-phlébitiques sont volontiers multiples, plus chroniques, plus
douloureux et leur guérison est plus difficile à obtenir. On ne retrouve pas toujours
un antécédent de thrombophlébite.
Prévalence
Les ulcères variqueux, comme l'insuffisance veineuse superficielle, ont une
prévalence plus élevée dans les pays industrialisés que dans les populations
traditionnelles d'Afrique noire ou d'Inde. À titre de comparaison, la prévalence de
l'insuffisance veineuse varie de 20 % à 50 % en Occident, à moins de 5 % en Afrique
et 1,7 % en Inde. La maladie veineuse étant pratiquement aussi fréquente chez les
Noirs américains que chez les Blancs, il est probable que la fréquence augmente
dans les pays où la sédentarisation s'accroît.
L'examen clinique pratiqué sur un patient allongé puis debout, permet de vérifier
l'intégrité artérielle par la palpation des pouls périphériques et d'évaluer la continence
des veines (épreuve de la marche sous garrot). Un traumatisme minime (plaie ou
contusion) est parfois retrouvé.
L'utilisation d'un calque de l'ulcère, ou mieux d'une photographie, permet de suivre
son évolution.
L'examen complémentaire « clef » est l'échodoppler veineux (ou au moins le
doppler), qui informe sur l'existence ou non d'une thrombose, ou de séquelles de
thrombose, et sur la continence du réseau profond et superficiel.
Complications
L'infection constitue la complication la plus fréquente : le fond de l'ulcère qui est
rouge et couvert d'un tissu granuleux, se couvre d'un enduit fibrineux jaunâtre ou
verdâtre, s'accompagnant d'une odeur nauséabonde.
L'environnement péri-ulcéreux peut témoigner de cette surinfection, la jambe
devenant « érysipeloïde » (rouge, oedématiée, douloureuse ... ).
Le risque de septicémie à point de départ ulcéreux existe, surtout sur les terrains
fragiles (diabétique, immunodéprimé ... ).
Le risque d'atteintes ostéo-articulaires par contiguïté existe et doit être redouté.
Le risque de tétanos doit inciter à réaliser une prévention antitétanique systématique.
La cancérisation après de nombreuses années d'évolution, doit être évoquée en cas
de bourgeonnement anarchique et inciter à une biopsie (épithélioma spinocellulaire).
Des complications à type d'atrophie musculotendineuses, de déformations du pied
ou de lymphoedème peuvent survenir après une longue évolution.
Traitement
A - Étiologique
Il passe en premier lieu par la prévention des phlébites, qui constituent une des
causes importantes d'ulcères et dont le traitement est extrêmement difficile.
La mise au repos des jambes, la surélévation de celles-ci la nuit et la journée, la
contention élastique (bande à varice ou bas de contention) et une éventuelle
correction d'une surcharge pondérale sont des éléments nécessaires et
indispensables au traitement préventif, mais aussi curatif, des ulcères.
En cas d'incontinence des gros troncs veineux superficiels (saphène interne et
externe), associée à des varices ou à une dermite variqueuse, un éveinage ou une
crossectomie doit être envisagé préventivement. Associé à un ulcère, un éveinage
ou une crossectomie de ces axes pathologiques constitue un préalable
indispensable à tout autre traitement. La réalisation précoce de cet éveinage permet
d'espérer une guérison rapide. Après plusieurs mois d'évolution, l'ulcère s'est
autonomisé et l'effet de l'éveinage est alors moins notable.
En cas de varice non systématisée ou de récidive variqueuse, un traitement par
ligature de perforantes, par phlébectomie ou par sclérothérapie est justifié (figure
1).
En présence d'un oedème important la fonction cardiaque doit être évaluée, car la
coexistence d'un oedème d'origine cardiaque est néfaste pour toute cicatrisation.
B - Symptomatique
a) La lutte contre la surinfection
Elle doit être un souci permanent. Les germes le plus souvent en cause sont le
staphylocoque doré et le bacille pyocyanique. L'antibiothérapie par voie générale est
réservée aux cas compliqués : panniculite, hypodermite péri-ulcéreuse. L'intérêt des
prélèvements locaux est limité à ces mêmes cas.
L'antiseptique le plus fréquemment utilisé est le permanganate de potassium à la
concentration de 1/10 000, mais aussi le Dakin®, la Bétadine® pure ou diluée.
Cependant, en premier lieu, l'utilisation de sérum physiologique seul est préconisée,
afin de préserver la régénération cellulaire.
Les pansements doivent être réalisés quotidiennement en cas d'infection.
b) La détersion
La détersion mécanique sous AG (anesthésie générale), sous AL (xylocaïne), au
bistouri, à la brosse ou à la curette, est la plus efficace, mais elle ne doit pas être
creusante.
Certains produits détergents sont commercialisés (trypsine, Elase®, Débrisan® ... ).
Leur efficacité est certaine, mais leur coût en limite l'utilisation.
Le sérum hypertonique en pansement humide a une réelle capacité de détersion.
c) L'aide à la cicatrisation
La " contraction " des berges qui va permettre la fermeture progressive de la lésion
exige que la peau soit souple, cela peut nécessiter l'utilisation de nitrate d'argent ou
l'excision chirurgicale des berges.
Le bourgeonnement va être obtenu par l'application de corps gras poursuivie jusqu'à
quasi-cicatrisation (compresses vaselinées, tulle gras, Adaptic, Jelonet ... ).
En cas de non-progression avec un produit, il est intéressant d'en changer
(I'antibiotulle, le tulle bétadiné sont à éviter) (tableau n° 1).
2. Ulcère artériel
Diagnostic
L'absence de pouls distaux ou à plus forte raison fémoraux, un contexte de diabète
insulino-dépendant ou non insulino-dépendant, font suspecter, devant tout trouble
trophique, une origine artérielle.
De siège distal, il est souvent sous-malléolaire, externe ou interne, unique le plus
souvent, de petite taille, à bords abrupts, survenant sur une peau fine.
Le caractère creusant, avec un fond atone, irrégulier et volontiers surinfecté est
évocateur. L'exposition des tendons est fréquente et redoutable.
La douleur est le maître-symptôme de l'origine artérielle, souvent intense, majorée
par le décubitus et les soins. La position déclive du membre calme les douleurs,
générant un oedème qui aggrave les lésions trophiques.
La confirmation par échodoppler, voire artériographique de l'artériopathie, peut être
établie, mais cela n'a d'intérêt que si l'on dispose d'une infrastructure chirurgicale
correcte.
Traitement
A - Préventif
Le traitement préventif passe notamment par la suppression du tabac et, chez le
diabétique, par une surveillance optimale de ses glycémies. La marche quotidienne
est recommandée. Chez le patient présentant cliniquement une artériopathie, un
traitement anti-agrégant au long cours peut être institué (acide salicylique [Aspégic®
100 ou 250 mg/j]).
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