La Lettre du Cancérologue - Vol. XV - n° 5 - octobre 2006
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Cas clinique
Cas clinique
Laura, SolèneetJacquesvivent
quotidiennement aveclecancer.
Aucundestroisnestmalade.
Ils sont oncologues. Ils pourraient être généralistes, urologues, pneumologues, psychologues,
infirmiers, chercheurs, psycho-esthéticiens, assistants sociaux, nutritionnistes ou membres
d’une association et répondre à la même définition : toutes ces personnes vivent chaque jour
avec le cancer, elles consacrent leur énergie à faire en sorte que le malade vive le mieux possible
sa maladie, que ses proches l’y aident. Patients, familles, associations, praticiens et laboratoires
forment une communauté de préoccupation : la communauté du cancer. C’est au service de
cette communauté du cancer que nous avons choisi de placer nos énergies.
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Cliché 1.
Fibroscopie œsogastroduodénale : épaississement des
plis fundiques de la petite courbure gastrique (astérisque).
Cliché 2.
Biopsies gastriques : in ltration de cellules indépen-
dantes (grande èche) dans la sous-muqueuse (petite èche)
(hématoxyline-éosine, x 400).
Métastase gastrique isolée de cancer du sein
Gastric metastasis from breast carcinoma
IP H. Salloum*, C. Locher**, R. Jeandel***, M. Glikmanas*, C. Locher*
U
ne femme âgée de 71 ans consultait pour des épigas-
tralgies d’apparition récente avec amaigrissement
de 5 kg et asthénie. Elle était suivie pour une hyper-
tension artérielle pulmonaire. La malade avait comme seul
antécédent chirurgical un carcinome lobulaire du sein gauche
opéré 5 ans plus tôt (tumorectomie mammaire gauche avec
curage ganglionnaire axillaire). La tumeur avait été classée
pT2N1M0, RE+RP- et la patiente avait reçu une chimio-
thérapie adjuvante par six cures de FEC, une radiothérapie
locorégionale de 50 Gy et une hormonothérapie par anti-
estrogène, arrêtée à son initiative après 4 ans de traitement.
Elle était suivie régulièrement, sans arguments en faveur
d’une récidive de la maladie.
Lendoscopie mettait en évidence un épaississement impor-
tant des plis de la petite courbure fundique (cliché 1).
Lexamen histologique permettait de porter le diagnostic :
la sous-muqueuse fundique était massivement infi ltrée par
une prolifération carcinomateuse constituée de cellules indé-
pendantes avec des cytoplasmes mucocrétants (cliché 2).
L’immunohistochimie des cellules tumorales était positive
pour la cytokératine 7, négative à la cytokératine 20, positive
pour les estrogènes et négative pour la E-cadhérine. Le reste
de l’examen était normal.
Le bilan d’extension comprenant une tomodensitométrie
thoraco-abdominale et une scintigraphie osseuse ne retrouvait
pas de lésion à distance. Le CA15.3 était à 2N. On conclut donc
à une métastase gastrique isolée d’un carcinome lobulaire du
sein. Une chimiothérapie par taxanes a été instaurée.
Le cancer du sein donne le plus souvent des métastases
pulmonaires, osseuses, hépatiques ; les métastases gastri-
ques sont plus rares et rappores de façon occasionnelle.
Dans une étude sur 15 983 patientes ayant eu un cancer du
sein de 1973 à 1993, il a été rapporté 51 cas de métastases
gastriques (0,3 %), le plus souvent chez des patientes pluri-
tastatiques (1). Dans cette rie, le délai dapparition des
métastases après le diagnostic du cancer primitif était de
[1] © La Lettre de l’Hépato-gastroentérologue - vol. IX - n° 5 - octobre 2006
* Service des maladies de l’appareil digestif,
** service de pneumologie,
*** service d’anatomie et cytologie pathologiques, centre hospitalier de Meaux.
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Cas clinique
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5 ans (extrêmes : 4 mois-17 ans). Dans seulement trois cas,
l’estomac était l’unique localisation métastatique, comme
chez notre patiente. Dans les séries autopsiques, les métas-
tases gastriques sont trouvées dans 8 % à 18 % des cancers
du sein, souvent dans le cadre d’une maladie disséminée (2).
La symptomatologie digestive est pauvre et non spécifique.
Sur le plan histologique, les carcinomes lobulaires du sein
sont plus fréquemment à l’origine des localisations gastriques
que les carcinomes canalaires (1, 3). L’atteinte gastrique des
cancers du sein se présente, comme dans le cas que nous
décrivons, sous forme d’un aspect “linitique” avec infiltration
étendue de la sous-muqueuse et de la muscularis propria. Les
autres aspects endoscopiques sont des nodules sous-muqueux
parfois ulcérés, des sténoses par compression extrinsèque ou
un aspect gastritique (1). Le diagnostic de métastase gastrique
et son origine mammaire prêtent à discussion, car il s’agit
d’une entité rare pour laquelle aucun élément paraclinique
napporte de certitude diagnostique. Les données immunohis-
tochimiques peuvent orienter le diagnostic avec lexpression
des anticorps anticytokératine 7 et des anti-estrogènes et
une négativité d’expression pour la cytokératine 20 (4). Le
pronostic des métastases gastriques est sombre en raison du
caractère disséminé de la maladie, avec une survie à 2 ans de
23 %. Des modalités thérapeutiques combinées (traitement
hormonal, chimiothérapie, voire radiothérapie) peuvent
permettre d’obtenir une survie moyenne de 10 mois (1, 3).
Les indications chirurgicales sont servées aux situations
d’urgence : hémorragie massive, obstruction persistante ou
perforation.
RéféRences bibliogRaphiques
1. Taal BG, Peterse H, Boot H. Clinical presentation, endoscopic features, and
treatment of gastric metastases from breast carcinoma. Cancer 2000;89:2214-
21.
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autopsy study. J Surg Oncol 1979;11:193-205.
3. Mc Lemore EC, Pockaj BA, Reynolds C et al. Breast cancer: presentation and
intervention in women with gastrointestinal metastasis and carcinomatosis.
Ann Surg Oncol 2005;12:886-94.
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gastrointestinal tract. Arch Pathol Lab Med 2005;129:338-47.
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