Abus, maltraitance et négligence : (1) épidémiologie et

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Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence (2014) 62, 299—312
Disponible en ligne sur
ScienceDirect
www.sciencedirect.com
MISE AU POINT
Abus, maltraitance et négligence :
(1) épidémiologie et retentissements
psychiques, somatiques et sociaux
Abuse, maltreatment and neglect: (1) Epidemiology and
long-term consequences
X. Benarous a,∗, A. Consoli a, M. Raffin a, D. Cohen a,b
a
Service de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, hôpital de la Pitié-Salpêtrière, AP—HP,
université Pierre-et-Marie-Curie, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris, France
b
CNRS UMR 7222, institut des systèmes intelligents et robotiques, université
Pierre-et-Marie-Curie, place Jussieu, 75005 Paris, France
MOTS CLÉS
Maltraitance ;
Abus ;
Négligence ;
Carence affective ;
Épidémiologie
∗
Résumé En 2006, l’OMS a reconnu la maltraitance infantile comme un problème de santé
publique majeur pour l’enfant au même titre que d’autres pathologies chroniques. Les situations de maltraitance concerneraient entre 1 à 5 % des enfants dans les pays à hauts revenus,
avec une association fréquente des différents types de maltraitances. Les études recoupant les
informations d’enquêtes rétrospectives réalisées à l’âge adulte et les données de recueil officiel mettent en évidence une sous-évaluation des comportements de maltraitances. En France
sur les dernières années on assiste à une stabilisation du nombre d’enfants concernés avec une
diminution du taux d’abus sexuels et une augmentation des situations de négligences graves et
d’abus émotionnel signalées. Les travaux d’épidémiologie observationnelle ont permis de mieux
définir les différents facteurs de risque associés au contexte de maltraitance (individuels, environnementaux et familiaux), et d’évaluer les retentissements psychiques mais aussi somatiques
et sociaux à long terme de la maltraitance juvénile. Sur le plan psychiatrique, l’association avec
les troubles anxieux, dépressifs et les troubles du comportement de l’adolescent est forte, et
surtout présente chez les filles en cas d’addiction. Le suicide reste la première cause de mortalité dans cette population. Au-delà de leurs plus fortes prévalences, ces troubles sont aussi plus
souvent sévères, résistants et récurrents. L’association avec des troubles somatiques comme
l’obésité ou le diabète a été mise en évidence, mais semble moins claire en cas de plaintes
douloureuses comme les plaintes digestives ou les céphalées. Les études de devenir socioprofessionnel et médico-économique montrent que l’impact se prolonge au-delà de l’enfance.
Les travaux sur le développement précoce cérébral ont permis de mieux comprendre les
Auteur correspondant.
Adresse e-mail : [email protected] (X. Benarous).
http://dx.doi.org/10.1016/j.neurenf.2014.04.005
0222-9617/© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
300
X. Benarous et al.
mécanismes impliqués dans le retentissement de ces traumatismes sur le développement affectif et cognitif. La vulnérabilité pour des troubles psychopathologiques ultérieurs serait en partie
modulée par le polymorphisme génétique des sujets qui constitueraient des facteurs de risque
ou protecteurs. L’impact sur le développement cérébral de ces contextes environnementaux
impliquerait les remaniements épigénétiques concernant le système hormonal de la régulation
du stress (le système hypothalamo-hypophysaire) et des structures anatomiques impliquées
dans la régulation émotionnelle (comme l’amygdale) ou les fonctions inhibitrices (comme le
cortex frontal).
© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
KEYWORDS
Maltreatment;
Abuse;
Severe neglect;
Emotional abuse;
Epidemiology
Summary In 2006, the WHO recognized child abuse as a major public health problem for
children as well as other chronic conditions. All forms of abuse concern nearly 1—5% of children
in high-income countries, with frequent association between them. Global underestimation of
these maltreatment behaviors was underlined by crosschecking data from retrospective survey
carried into adulthood and official ones. In France, the number of children abuse stabilized in
the last years, with a decrease of sexual abuse and an increase of severe neglect and emotional
abuse reported. In recent years, observational epidemiology studies have drawn the different
risk factors associated with maltreatment context (individual, environmental and familial), and
assessed psychological, somatic and social long-term consequences for child. In psychiatric field,
association with anxiety disorders, depressive disorders and maladaptative behavior in adolescent is strong, especially among girls with addictions. Suicide remains the leading cause of death
in this population. Beyond the highest prevalence, these disorders are often more severe, resistant and recurring. Associations with somatic disorders such as obesity, or diabetes have been
identified but are less clear for painful complaints such as digestive complaints or headaches.
Cohort on socio-economic outcome and medical needs stress a long-range impact, beyond childhood, on these outcomes. Work on early brain development highlights the mechanisms involved
in the repercussions of these injuries on the emotional and cognitive development. Vulnerability
to later psychopathology would be partly modulated by genetic polymorphisms and interactions
with the environment that constitute risk or protective factors, through epigenetic modification involving structures regulating stress such as the amygdala and the hypothalamic-pituitary
system.
© 2014 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
De la description du tableau clinique d’« enfants battus » par
Tardieu en 1860 [1] aux travaux de Kempe et al. aux ÉtatsUnis près d’un siècle plus tard [2], la reconnaissance de la
maltraitance infantile par le milieu médical s’est faite progressivement. Ce changement s’inscrit plus largement dans
les évolutions de la perception de l’enfant par la société. Le
souci du bien-être de l’enfant et la reconnaissance de son
statut de personne à part entière dans la famille s’imposent
peu à peu à partir de la fin du xixe siècle. En France, ce progrès se traduit par le développement d’une législation plus
protectrice : interdiction des châtiments corporels en 1887,
pénalisation des parents, création d’une juridiction spécialisée en 1912, puis des tribunaux pour enfants en 1945.
Des institutions spécifiques se mettent en place pour surveiller, protéger, voire palier aux difficultés des familles,
comme l’Aide sociale à l’enfance en 1943, puis deux ans
plus tard, les centres de Protection maternelle infantile.
En 1990, l’Office décentralisé de l’action sociale (ODAS) est
créé et assure, entre autres, la mission de surveillance de la
maltraitance infantile au niveau national. Plus récemment,
la loi du 5 mars 2007 réorganise la protection de l’enfance,
avec la création de Cellules de recueil des informations préoccupantes (CRIP) qui doivent faciliter la reconnaissance de
ces situations.
En 2006, l’OMS reconnaît la maltraitance infantile comme
un problème de santé publique majeur pour l’enfant. La
nécessité de réaliser des investissements dans la prévention
et la recherche épidémiologique au même titre que d’autres
problèmes de santé publique comme le VIH, le tabac ou
l’obésité est soulignée [3]. Il y a cinq ans, le journal Lancet a publié une série de 4 articles sur la maltraitance dans
les pays développés (dit à « hauts revenus » dans la classification OMS) : les deux premiers résumant les données
épidémiologiques disponibles [4,5] ; les seconds rappellent
les stratégies de prévention primaire et secondaire [6,7]. En
France plusieurs auteurs ont souligné le manque de travaux
épidémiologiques, particulièrement l’absence d’enquête de
victimisation permettant d’évaluer l’ampleur du problème
et des besoins en termes de prévention et d’actions thérapeutiques [8,9]. Les enfants victimes de maltraitance, qu’ils
soient suivis ou non par l’ASE, sont surreprésentés dans les
services de pédopsychiatrie, avec des troubles généralement plus sévères [10].
Nous proposons, ici, une revue de la littérature sur
la maltraitance infantile, plus particulièrement ses conséquences néfastes à plus long terme chez l’enfant au regard
des études conduites ces dernières années. Vu l’ampleur
de la question, la revue sera divisée en deux articles
Abus, maltraitance et négligence : épidémiologie et retentissements
complémentaires. Le premier portera sur les définitions,
l’épidémiologie et les conséquences à court et long termes
de la maltraitance. Le second se centrera sur le repérage
et les principales stratégies de dépistage et d’intervention
recommandées.
Tableau 1 Définitions
maltraitances.
des
Types de maltraitances
Définitions
Abus physique
Actes commis par un tuteur
qui entraînent des dommages
corporels ou risquent d’en
entraîner
Ne pas veiller à offrir un
environnement convenable et
positif, et de commettre des
actes qui nuisent à la santé
et au développement
affectifs de l’enfant. Parmi
ces actes, [. . .] le fait de
limiter les mouvements d’un
enfant, le dénigrement, le
fait de ridiculiser, les
menaces et l’intimidation, la
discrimination, le rejet et
d’autres formes non
physiques de traitements
hostiles
Actes que commet un tuteur
sur la personne d’un enfant
pour en retirer un plaisir
sexuel
Renvoie au fait qu’un parent
ne veille pas au
développement de l’enfant
— s’il est en position de le
faire — dans un ou plusieurs
des domaines suivants :
santé, éducation,
développement affectif,
nutrition, foyer et conditions
de vie sans danger. La
négligence se distingue donc
des situations de pauvreté en
ceci qu’elle ne survient que
dans les cas où la famille ou
les tuteurs disposent de
ressources raisonnables
Définitions
La loi française ne définit pas la maltraitance, elle lui préfère le terme d’« enfant en danger » que l’on retrouve dans
le Code civil. Ce terme, qui équivaut à la notion de maltreatment retrouvée dans les études anglo-saxonnes, recouvre
à la fois la maltraitance et les enfants à risque. L’ODAS
définit l’enfant maltraité comme étant « victime de violence physique, [de] cruauté mentale, [d’]abus sexuel, [de]
négligence lourde ayant des conséquences graves sur son
développement physique et psychologique » [11], alors que
l’enfant à risque « connaît des conditions d’existence qui
risquent de mettre en danger sa sécurité, sa moralité, son
éducation ou son entretien mais qui n’est pas pour autant
maltraité ».
Plusieurs formes de maltraitance sont habituellement
distinguées : l’abus physique, l’abus sexuel, l’abus psychologique ou émotionnel et la négligence (Tableau 1). De plus
en plus, être témoin de violence conjugale est considéré
comme une forme de maltraitance. Le plus souvent un même
enfant présente plusieurs types de maltraitances. Devant
l’importance de cette comorbidité, certains auteurs ont proposé une classification fondée uniquement sur le mobile et la
gravité de la maltraitance [12]. On distingue la maltraitance
intrafamiliale perpétrée par les parents ou les responsables
légaux, qui représenterait près de 80 % des situations, à la
maltraitance survenue dans un milieu extrafamilial [4]. On
décrit aussi des formes de maltraitances institutionnelles
[13].
Prévalence
Avant-propos sur les aspects méthodologiques
et le risque de sous-estimation
Il existe deux méthodes pour évaluer la fréquence de la
maltraitance. Les études de victimisation recherchent grâce
à des auto-questionnaires des comportements de maltraitance chez les parents ou chez des enfants assez âgés pour
y répondre. Les secondes études se basent sur les données
« officielles » recueillies par les professionnels intervenants
auprès des enfants ; il peut s’agir de données : médicales
(CepiDC), liées à la protection sociale (comme l’Aide sociale
à l’enfance, ONAS, CRIP), à la sphère judiciaire (saisine
aux parquets, aux juges des enfants) ou issues des lieux
d’information (appels téléphoniques au SNATEM). Les estimations recueillies entre ces deux méthodes varient d’un
facteur 10 [4]. De plus les chiffres obtenus lors d’enquête
de victimisation peuvent en partie minimiser la réalité
compte tenu des oublis, du déni, de l’incompréhension et de
l’embarras causés lors d’évaluations, en particulier en cas
d’abus sexuels [14]. En effet, la concordance lors d’autoévaluations successives diminue progressivement pour les
abus physiques et sexuels après un ou deux ans [14,15].
301
Abus psychique ou
émotionnel ou
cruauté mentale
Abus sexuel
Négligence grave ou
carence de soins
différents
types
de
D’après Butchart et al., 2006 [3].
On estime qu’une évaluation menée sur un seul entretien
conduit à sous-estimer de 50 % les cas de maltraitance [14].
L’absence de répétitions des évaluations, notamment dans
les études rétrospectives, contribue à sous-estimer la prévalence réelle par rapport à celle observée. Les chiffres issus
de méta-analyses ou d’études anglo-saxonnes doivent être
interprétés avec précaution compte tenu des différences
internationales dans les systèmes de recueil des données
[4].
Données épidémiologiques
Une situation de maltraitance est retrouvée chez 1,5 à 5 %
des enfants selon les agences de protection de l’enfance en
302
Angleterre, aux États-Unis [16], en Australie et au Canada,
et en France [17]. Toutefois ce taux est plus élevé dans les
enquêtes d’autoévaluation :
• abus physique : il concerne entre 4 à 16 % des enfants [4].
Seulement 1/30 aurait eu un contact avec les services
sociaux et 1/250 serait prise en charge selon les recommandations des agences de protection [18] ;
• abus sexuel : 5 à 15 % des garçons et 15 à 30 % des filles
seraient exposés à un abus sexuel, et 5 à 10 % des garçons
et 5 à 10 % des filles à un viol dans l’enfance [4]. Une métaanalyse de 2004 souligne la sous-estimation probable de la
prévalence réelle compte tenu de la sous-déclaration des
cas d’abus sexuel [19] ;
• abus psychologique : environ 10 % des enfants seraient
exposés à des abus psychologiques pendant l’enfance
[4,15,20] ;
• négligence grave : entre 1 à 15 % des enfants auraient subi
des négligences graves dans l’enfance [4,16]. Il s’agit
des résultats d’enquêtes dans lesquelles l’enfant ou ses
parents rapportent une absence persistante de soins ou
bien une répétition de situations au cours desquelles un
enfant a été blessé par manque de surveillance. Ce taux
varie davantage compte tenu de la définition plus équivoque de la négligence par rapport aux autres types de
maltraitances [21] ;
• être témoin de violence entre partenaires : entre 10—20 %
des enfants seraient témoins de violences entre ses
parents [4]. Une étude suédoise retrouve un taux allant
jusqu’à 24 % [22].
Association entre les différents types de
maltraitances
Les différents types de maltraitances sont associés dans la
majorité des cas. Une étude basée sur l’analyse de 519 cas
montre une comorbidité de 36 à 91 % selon le type ; les abus
émotionnels ne sont isolés que dans 1,2 % des situations
[23]. Cette estimation est probablement sous-estimée car
les évaluations officielles ne prennent en compte le plus souvent qu’un seul type de maltraitance, et presque jamais la
séquence d’exposition aux traumatismes au cours du temps
[15,16,20]. Dans 30 à 60 % des situations où l’enfant est
témoin de violences conjugales, on retrouve d’autres formes
de maltraitance [24].
Répétitions des conduites de maltraitance
Vingt-deux pour cent des enfants maltraités avaient déjà été
signalés dans les 24 mois précédant dans l’enquête de Fluke
et al. [25]. Les facteurs de risque associés à la répétition de
la maltraitance sont les facteurs de risque persistants chez
l’enfant (comme un handicap ou une maladie somatique
chronique), chez les parents (tel que l’abus d’alcool), les
signes de précarité sociale (comme un faible revenu ou des
contacts répétés avec les services sociaux) et l’association
de plusieurs types de maltraitances, en particulier la négligence [26].
Maltraitance dans la fratrie
La maltraitance limitée à un seul enfant de la fratrie
concerne 44 % des enfants exposés à la maltraitance.
Les autres situations sont le plus souvent associées à
X. Benarous et al.
des contextes de négligence dans le milieu familial et
l’existence d’abus émotionnel. Les conflits et séparations
conjugales, l’abus d’alcool et de drogues chez l’un des
parents et la criminalité familiale sont associés à la maltraitance de tous les enfants de la famille [27].
Association à d’autres évènements de vie difficile
Les enfants ayant été exposés à un type de maltraitance
sont plus à risque que les autres enfants d’être victimes
d’autres types d’évènements de vie difficile. Par ailleurs, la
fréquence de ces autres formes d’agression est bien corrélée
à la sévérité de la maltraitance [15,20].
Évolution
On note une diminution régulière depuis les années 1960 de
l’acceptabilité des parents face aux conduites violentes
envers les enfants [22] (Fig. 1). La perception des enfants
suit la même évolution. Parallèlement à ce changement
des mentalités, on observe une diminution globale des
abus physiques et sexuels dans les pays à hauts revenus. Cette tendance masque de grandes différences selon
le type de maltraitance. Alors qu’on rapporte une diminution de moitié des cas d’abus physiques et sexuels
entre 1995 et 2005 [15,16,28], on observe une hausse
des cas d’abus psychologiques et de négligence grave
recensés ainsi que de l’association à d’autres formes de
violence domestique. L’interprétation d’une telle augmentation doit tenir compte des mesures de santé publique
en faveur d’un repérage plus précoce et de l’attention
portée actuellement à l’ensemble des enfants en danger
et non plus seulement à ceux victimes de maltraitance.
En France alors que le nombre d’enfant à risque augmente, la prévalence des enfants maltraités s’est stabilisée
depuis 2000, avec une diminution du nombre d’abus sexuel
(−22 % entre 2000 et 2006) et une augmentation des abus
émotionnels signalés (+142 % entre 2000 et 2006) (Fig. 2)
[11,17].
Facteurs déterminants de la maltraitance
L’étude des différents facteurs de risque individuels, familiaux, sociaux et culturels isolément est délicate compte
tenu de l’interaction à de multiples niveaux [28].
Caractéristiques de l’enfant
Dans les pays à hauts revenus, le sex-ratio est globalement égal à 1, excepté pour les abus sexuels plus fréquents
chez les filles [16,19]. En revanche dans les pays à bas
revenus, on retrouve davantage d’infanticide et de négligence grave chez les filles alors que les garçons sont plus
à risque de châtiments corporels [29]. Les enfants présentant un handicap ont 3 à 4 fois plus de risque d’être
victime de maltraitance (31 % de cas chez ces enfants contre
9 % chez les enfants témoins) [30] (Fig. 3). Ce risque est
particulièrement important en cas de troubles du comportement chez l’enfant (37,4 % ; OR = 7), de retard mental
(25 % ; OR = 4) et de troubles d’apprentissage (16,4 ; OR = 2)
[30].
Abus, maltraitance et négligence : épidémiologie et retentissements
303
Figure 1. Évolution de la perception de la violence parentale depuis 1965 en Suède. L’attitude des parents est basée sur une enquête
nationale menée en Suède sous forme d’entretiens (1965, 1968, 1971, 1980), puis de questionnaires (1994, 2000, 2006). La perception des
enfants est basée sur des questionnaires adressés à des enfants d’âge scolaire entre 13 et 16 ans. Les questions étaient formulées ainsi :
« Est-il justifié de punir ses enfants physiquement quand on est en colère (par exemple par une tape sur l’oreille) ? », pour les enfants :
« Penses-tu qu’il est normal que tes parents te frappent si tu les as mis en colère ? ». La violence parentale est mesurée à l’aide d’enquête
d’autoévaluation.
D’après Gilbert et al., 2009 et Janson et al., 2007 [4,22].
Qualité des liens affectifs précoces
Les facteurs qui entravent les interactions entre l’enfant
et ses figures d’attachements principales, en particulier
maternelles, sont associés à davantage de maltraitance
chez l’enfant [31]. L’existence d’une pathologie somatique
entraînant des hospitalisations précoces et/ou répétées est
une situation particulièrement à risque (par exemple en cas
de prématurité, de faible poids de naissance ou d’une pathologie précoce) [13]. De même, une grossesse non désirée,
100,000
90,000
80,000
70,000
60,000
50,000
40,000
30,000
Abus physiques
Abus sexuelles
Négligences graves
Abus psychologiques
Enfants maltraités
Enfants à risque
Enfant en danger
20,000
10,000
0
Figure 2. Évolution des types de mauvais traitements signalés entre 1998 et 2006 (en France métropolitaine). Depuis 2007, la collecte
des données est sous la responsabilité de l’Observatoire national de l’enfance en danger (ONED). Depuis 2007, les chiffres nationaux ne sont
plus disponibles car l’ONED ne normalise pas les chiffres entre département et ne permet pas d’effectuer une moyenne ou une extrapolation
sur le plan national.
D’après ODAS, 2007 [11].
304
X. Benarous et al.
Figure 3. Prévalence de la maltraitance chez les enfants souffrant de handicap. Ces résultats sont obtenus en croisant les informations
d’enfants scolarisés en milieu spécialisé, issus des services sociaux et judiciaires dans l’État du Nebraska (États-Unis). Parmi ces enfants,
2,4 % avaient un handicap dans un contexte de maltraitance. Le terme trouble (Tr) du comportement n’est pas clairement défini par les
auteurs, les pathologies somatiques comme un asthme sévère ont été considérées comme un handicap. Les groupes de petit effectif comme
les troubles autistiques (n = 40) et les handicaps visuels (n = 160) sont plus difficiles à interpréter.
D’après Sullivan et Knutson, 2000 [30].
mal investie constitue un risque supplémentaire. Une étude
rétrospective portant sur la qualité de vie à l’âge adulte
d’enfants maltraités a montré que la qualité des soins paternels est un facteur pronostique indépendant [32].
social et le taux de délinquance dans le voisinage) montrent
un effet globalement faible à modéré par rapport aux autres
facteurs de risque psychosociaux [34].
Caractéristiques des parents et de l’entourage
Risque létal
L’existence d’un trouble psychiatrique chez l’un des parents
est un facteur de risque de maltraitance connu ; bien
que l’extrême majorité des agresseurs ne présente pas de
trouble caractérisé. L’abus de toxique (alcool ou drogue)
est un facteur de risque d’incident impliquant l’ensemble
de la famille, notamment de violence conjugale et de maltraitance infantile [33]. Sur le plan social, le revenu et
le niveau d’éducation des parents sont des facteurs de
risque reconnus bien que leur importance diffère selon
le type de maltraitance [34]. Ainsi la prévalence du syndrome des bébés secoués est similaire dans l’ensemble des
classes sociales. Ces données ne doivent donc pas occulter la maltraitance dans les milieux aisés, qui fait l’objet
d’une sous-déclaration et d’une prise en charge tardive. Les
inégalités socio-économiques sont davantage associées à la
sévérité et au risque de décès plus important [35]. Les différences ethniques retrouvées dans les études anglo-saxonnes
sont très largement expliquées par les caractéristiques
sociodémographiques [36], excepté dans le cas des enfants
métisses ou d’héritage multiracial qui seraient davantage à
risque [34]. Les études anglo-saxonnes qui se penchent sur
l’environnement social (en particulier la qualité du climat
L’OMS recense 155 000 décès d’enfants de moins de 15 ans
dans le monde chaque année dus à l’abus ou la négligence,
soit 0,6 % de l’ensemble des décès, et 12,7 % des décès
secondaires à un traumatisme physique chez les moins de
15 ans [29]. Ces chiffres seraient probablement sous-estimés
[37] malgré les investigations systématiques réalisées en cas
de morts inattendus de l’enfant dans de nombreux pays [38].
Ce taux a très peu diminué sur les 30 dernières années malgré une diminution globale du taux de maltraitance [38].
Il s’agit le plus souvent d’enfants jeunes, 35 % ont moins
d’un an [38]. Les parents sont en cause dans 4/5 des cas, et
les beaux-parents sont responsables de la majorité des cas
restants (15 % au total) [38]. Certains auteurs ont proposé
de classer ces décès en fonction des caractéristiques de la
victime et de l’agresseur, du mode de décès et de l’existence
ou non d’une intentionnalité chez les parents [37] :
• les décès secondaires à un abus physique sévère sont le
contexte le plus fréquent et le mieux reconnu [39]. Dans
ce cas, l’acte est le plus souvent perpétré par un membre
de la famille, le plus souvent le père, sur des enfants de
tout âge. On retrouve une association de plusieurs lésions
physiques dont des traumatismes cérébraux ou des lésions
Abus, maltraitance et négligence : épidémiologie et retentissements
•
•
•
•
abdominales. Les blessures surviennent au décours de
crises de colère d’un adulte, le plus souvent sans intention
de donner la mort. On note dans ces familles davantage
d’antécédents d’abus physiques, de négligences et de violences conjugales ;
les cas de déprivation ou d’extrême négligence contribuant au décès sont commis généralement par les deux
parents. Les nouveau-nés et les enfants handicapés sont le
plus à risque [37]. Le décès peut résulter typiquement de
malnutrition extrême, de trouble hydro-électrolytique,
d’hypothermie ou d’infection ;
les infanticides et homicides masqués sont typiquement
commis par des mères sur leurs nouveau-nés à l’aide
de moyens qui détériorent peu l’aspect physique du
corps comme l’asphyxie par noyade, l’empoisonnement
ou l’étouffement [40]. Des auteurs ont suggéré que cette
catégorie pourrait être retrouvée dans 5 à 10 % des cas
de mort subites du nourrisson comme facteur causal ou
contributif [37]. Elle serait retrouvée dans les cas de syndrome de Münchhausen par procuration conduisant au
décès ;
les décès liés mais non directement causés par la maltraitance recouvrent des situations dans lesquelles il existe
une supervision parentale inadéquate conduisant à des
décès de cause accidentelle. Certains auteurs proposent
d’étendre cette catégorie aux suicides chez les enfants
plus âgés ayant subi des abus dans l’enfance. Les suicides représenteraient près de la moitié des décès liés
à la maltraitance [41] ;
enfin, on distingue les situations plus rares d’homicides
volontaires, qui sont le plus souvent perpétrés par des
hommes sous forme d’agression physique préméditée et
intentionnelle (impliquant par exemple par arme à feu)
intra- ou extrafamilial.
Conséquences à long terme de la
maltraitance
Les conséquences à court terme et les différentes présentations cliniques qui doivent faire suspecter une maltraitance
seront abordées dans la seconde partie de cette revue de la
littérature.
Avant-propos sur les aspects méthodologiques
Depuis les années 1970, les travaux visant à évaluer le
retentissement des différents types de maltraitances se sont
développés. Il existe actuellement un consensus pour encourager la réalisation d’études prospectives qui permettent
de renforcer les arguments en faveur d’un lien de causalité et d’éviter les biais de mémorisation retrouvés dans
les études rétrospectives [8]. Des auteurs recommandent
de croiser les deux méthodes pour optimiser la fiabilité
des résultats [4] (Tableau 2). Par ailleurs la reproductibilité des études est essentielle pour assurer la validité des
conclusions. Les critères de Bradford-Hill permettent de
documenter un lien de causalité quand une corrélation statistique est retrouvée entre l’évènement et la survenue de
troubles, huit critères doivent être recherchés : la force de
l’association (c’est-à-dire de l’OR), la cohérence clinique,
305
la spécificité de l’association, une relation temporelle (dans
les études prospectives), une relation dose—effet, la plausibilité physiopathologique, les preuves expérimentales sur
des modèles animaux et les analogies cliniques.
Conséquences sur le développement cérébral
Les traumatismes précoces affectent en particulier les
régions cérébrales impliquées dans la réponse face à un
stimulus menaçant. Les premiers travaux ont initialement
porté sur les effets des stress répétés et précoces sur l’axe
hypothalamo-hypophysaire et le système nerveux autonome
dans des modèles murins [42].
Les études translationnels ont retrouvé des résultats
similaires chez l’homme en particulier une hyperactivité
amygdalienne en imagerie fonctionnelle en cas de traumatismes précoces, ainsi qu’une diminution des récepteurs
aux glucocorticoïdes dans l’hippocampe [43]. La réversibilité de cette influence par des soins de maternage modifiant
l’expression transcriptionnel a permis de tracer un lien entre
théorie de l’attachement et neurobiologie qui avaient déjà
été évoqué dans les travaux pionniers de Victor Dennenberg
dans les années 1960—1970 [44].
Le polymorphisme des gènes impliqués dans ces remaniements épigénétiques expliqueraient en partie la variabilité
interindividuelle aux évènements traumatiques précoces.
Le génotype modulerait l’influence de l’environnement
sur les mécanismes impliqués dans la synaptogenèse et
la plasticité neuronale [43,45]. Dans ce sens, les travaux de Caspi et al. sont exemplaires : son équipe a mis
en évidence le rôle modérateur d’un allèle du gène de
l’enzyme de la monoamine-oxydase sur l’association entre
abus dans l’enfance et survenue de comportements violents
à l’adolescence et à l’âge adulte [46].
D’autres travaux portent une attention nouvelle aux rôles
des facteurs endocriniens et neurotrophiques en cas de traumatismes précoces [47]. Les conséquences de traumatismes
sur la régulation hormonale sont connues en cas de nanisme
psychoaffectif, où l’on retrouve un déficit fonctionnel de
la sécrétion en hormone de croissance. Les études portant
sur la variation du taux de récepteurs intracellulaires à
l’ocytocine en fonction des comportements de maternage
sont intéressantes compte tenu du rôle que jouerait ce neuropeptide dans les mécanismes d’attachement précoce [48].
Par ailleurs les conséquences sur le développement cérébral
des traumatismes précoces doivent aussi tenir compte des
carences nutritionnelles souvent associées.
Outre le système de régulation au stress, l’ensemble
des fonctions perceptives, cognitives, du langage et de la
communication peuvent être affecter en cas de déprivation sensorielle. Dans une expérience clinique classique,
Hubel et Wiesel ont montré que l’absence de stimulation
visuelle pendant une période critique du développement de
l’appareil oculaire du chat conduit à la cécité [49]. Au cours
du développement précoce les remaniements cérébraux en
particulier la stabilisation synaptique des réseaux fonctionnels et l’élagage des connections inutiles sont fortement
influencés par la richesse et la qualité des stimuli environnementaux. Les travaux menés chez les enfants orphelins
roumains victimes de négligence grave ont montré que la
durée de la déprivation est bien corrélée au quotient intellectuel ou de développement que présenterait l’enfant six
306
Tableau 2
X. Benarous et al.
Résumé des résultats des études sur les conséquences de la maltraitance infantile.
Études prospectives
Études rétrospectives
Santé mentale
Trouble du comportement dans l’enfance et l’adolescence
Dépression
État de stress post-traumatique
Tentative de suicide
Automutilation
Addiction à l’alcool
Addiction aux drogues
Fort
Modéré
Fort
Modéré
Faible
Modéré
Faible
Fort
Fort
Fort
Fort
Faible
Fort
Fort
Santé physique
État de santé général
Obésité
Douleur chronique
Qualité de vie
Contact avec les services médicaux, coûts indirects
Manquant
Fort
Pas d’effet
Manquant
Manquant
Modéré
Faible
Faible
Manquant
Modéré
Comportement social
Criminalité
Prostitution
Grossesse à l’adolescence
Fort
Modéré
Contradictoire
Fort
Fort
Fort
Éducation et emploi
Niveau d’études plus faible
Emploi de moins bonne qualité
Modéré
Modéré
Faible
Manquant
D’après Gilbert et al., 2009 [4].
Un effet fort témoigne d’une association importante après ajustements sur les biais de confusions éventuels, reproduite dans plusieurs
études. Des preuves modérées traduisent soit un effet faible, soit un effet fort réduit après ajustements. Un niveau faible traduit
une association mis en évidence dans des études de moins bonne qualité méthodologique, ou non reproduit, ou qui disparaît après
ajustements sur les facteurs confondants. Un effet contradictoire témoigne d’un effet dont le sens diffère selon les études. Un niveau
de preuve manquante traduit l’absence d’études sur le sujet.
ans plus tard, même si des variations interindividuelles sont
importantes [50,51]. On retrouverait aussi davantage de
trouble du langage oral chez les enfants pris en charge
par l’ASE, comparé aux autres enfants hospitalisés pour des
troubles psychopathologiques divers [52].
Le type de structure anatomique impliquée déprendrait
aussi de la période de survenue de la maltraitance en suivant
une progression des structures sous-corticales vers le néocortex : la diminution du volume hippocampique est surtout
observée pour des traumatismes sexuels entre 3 et 5 ans,
alors qu’entre 9 et 10 ans on retrouve davantage d’anomalie
du corps calleux, puis du cortex préfrontal entre 14 et 16 ans
[42]. Les travaux de Teicher sur les conséquences néfastes
du harcèlement (bullying) par les paires retrouvent des
anomalies du développement du corps calleux sur des IRM
cérébraux, bien corrélées au score de bullying [53]. Le
retentissement neurobiologique semble ne pas se limiter à
une fenêtre temporelle précoce, comme dans l’étude de
Hubel et Wiesel, mais s’étendre tout au long de la maturation cérébrale.
Ces résultats sur les modifications neurobiologiques survenant au décours de maltraitance doivent être intégrés
dans un modèle interactionniste : les abus peuvent entraîner, soit directement soit indirectement par l’intermédiaire
des troubles psychopathologiques causés, des difficultés
relationnelles, sociales et scolaires qui altèrent la qualité
des échanges avec le milieu, lui-même indispensable pour
le développement des aptitudes émotionnelles sociales et le
contrôle de l’impulsivité ; de faite la survenue de troubles du
comportement qui peut en découler (comme des conduites
sexuelles à risque) potentialisent encore davantage le risque
d’évènements de vie négatifs et peut engendrer de véritables cercles vicieux, qui expliquent en partie qu’une
minorité de patient concentrent les facteurs de risque psychosociaux les plus graves [15,44,47].
Retentissement sur la santé physique
Au-delà des conséquences des abus physiques graves potentiellement létaux comme les traumatismes cérébraux, les
études prospectives chez les sujets victimes de maltraitances ont permis d’évaluer son impact sur la santé
physique. La maltraitance physique dans l’enfance est associée à un mauvais état de santé général à l’âge adulte, ainsi
qu’à diverses maladies spécifiques, telles que l’hypertension
artérielle [54] (Tableau 3). Une inflammation chronique
persistante serait un des mécanismes physiopathologiques
incriminés [54]. Le lien entre maltraitance et obésité est
bien documenté avec un OR entre 1,3 et 9,8 selon les
études [55]. Les enfants en situation de négligence grave
seraient particulièrement à risque [55]. Des associations
moins fortes avec la survenue d’autres pathologies somatiques sont retrouvées : avec les douleurs chroniques [56] et
les plaintes fonctionnelles digestives [57].
Abus, maltraitance et négligence : épidémiologie et retentissements
307
Tableau 3 Résumé de la force de l’association entre différents types de maltraitances et la survenue de pathologie
somatique ou psychiatrique.
Niveau de preuve
Élevé
Abus physique
Troubles dépressifs
Troubles anxieux
Troubles du comportement alimentaire
Trouble du comportement dans
l’enfance/troubles des conduites
Tentative de suicide
Abus de toxique
MST/comportements sexuels à risque
Abus émotionnel
Troubles dépressifs
Troubles anxieux
Tentative de suicide
Abus de toxique
MST/comportements sexuels à risque
Négligence grave
Troubles dépressifs
Troubles anxieux
Tentative de suicide
Abus de toxique
MST/comportements sexuels à risque
Faible/contradictoire
Limité
Pathologie cardiovasculaire
Diabète de type 2
Obésité
Hypertension
Allergies
Cancer
Pathologie neurologique
Malnutrition
Tabagisme
Ulcère
Migraine/céphalées
Arthrite chronique
Abus d’alcool
Fibrome utérin
Rachialgie
Schizophrénie
Bronchite chronique/emphysème
Asthme
Troubles du comportement alimentaire
Diabète de type 2
Obésité
Abus d’alcool
Tabagisme
Pathologie cardiovasculaire
Migraine/céphalées
Schizophrénie
Trouble du comportement dans
l’enfance/troubles des conduites
Troubles du comportement alimentaire
Pathologie cardiovasculaire
Diabète de type 2
Abus d’alcool
Obésité
Migraine/céphalées
Tabagisme
Arthrite chronique
Rachialgie
D’après Norman et al., 2012 [98].
Risque de troubles des conduites sociales
Les comportements délictueux sont plus fréquents chez
les enfants victimes de maltraitances, avec davantage
d’arrestations dans l’enfance (31 % versus 19 %), puis à l’âge
adulte (48 % versus 36 %) [58]. Cette association dépend de
l’âge de l’enfant, de la période de survenue et du type
de maltraitance subie [59,60]. Dans l’étude prospective
de Maxfield et Widom, la probabilité d’être arrêtée pour
un crime violent est multiplié 1,9 en cas de maltraitance
physique et de 1,6 en cas de négligence [60]. Une étude
prospective montre le lien entre antécédents d’abus physique et arrestation pour violence est plus important chez
les filles que chez les garçons (OR = 7,61) [61]. On retrouve
entre 30 à 90 % de maltraitance chez les enfants emprisonnés, avec des abus sexuels particulièrement fréquents chez
les filles [62].
L’une des conséquences redoutées chez les enfants victimes de maltraitance est la répétition de telles situations
au sein de leur propre foyer à l’âge adulte. Les mécanismes
psychologiques impliqués traduiraient la difficulté dans la
construction passée des figures d’identifications parentales
et une défaillance des imagos parentales convoquées lors
de l’accès à la parentalité [63]. Une étude longitudinale sur
20 ans montre que la survenue de troubles des conduites
explique le lien entre abus physique et négligence dans
l’enfance et une violence contre sa partenaire à l’âge
adulte. En revanche l’exposition à des situations de violence
conjugale entre ses parents dans l’enfance est associée à la
survenue de violence conjugale contre sa compagne à l’âge
adulte et cela indépendant de la survenue de trouble des
conduites dans l’enfance. Ces résultats serraient davantage
en faveur de mécanismes d’imitation et d’apprentissage
social de l’expression de la violence conjugale [58,64].
D’autres travaux ont mis en évidence les effets de stress
chroniques précoces sur la diminution de l’expression de
récepteur aux glucocorticoïdes dans la région hippocampique, qui serrait liée à des modifications épigénétiques
(en particulier la méthylation des cytosines dans la région
du promoteur d’une des sous-unités du récepteur) [44].
De tels remaniements transcriptionnels sont retrouvés aussi
bien dans des modèles animaux, que chez l’homme où des
études histologiques post-mortem chez des sujets suicidés
ayant vécus des situations de maltraitance dans l’enfance
retrouvent des résultats similaires [65].
Des troubles des comportements sexuels sont retrouvés chez les pré-adolescents ayant subi des abus sexuels
[66], mais aussi chez les enfants victimes d’abus physiques.
Une étude prospective retrouve chez des sujets âgés de
29 ans ayant subi des abus physiques, sexuels ou un contexte
308
de négligence grave : une activité sexuelle plus précoce,
davantage de grossesses pendant l’adolescence, un taux
d’avortement supérieur, un risque plus élevé de maladie
sexuellement transmissible [67] et davantage de prostitution [67]. Ces risques sont majorés en cas d’abus sexuels
répétés ou en cas d’association à d’autres évènements de
vie négatifs pendant l’enfance [9,68].
Impact sur l’éducation et emploi
Une étude prospective ayant suivi des enfants pendant plus
de 30 ans retrouve un niveau éducatif plus bas, des difficultés plus grandes pour accéder à l’emploi et des salaires
moins élevés. Les enfants maltraités ont de moins bons
résultats scolaires et davantage d’orientation en éducation spécialisée [69—71]. Seul 42 % des enfants victimes de
maltraitance terminent l’enseignement secondaire contre
2/3 des témoins [71], à l’âge adulte seul 6—10 % obtiennent
un diplôme universitaire, contre 28 % des témoins [69]. Une
étude prospective a montré que l’association de la maltraitance avec l’absentéisme et les performances scolaires
serait liée au moment d’apparition de l’évènement avec
un effet cumulatif des différents épisodes de maltraitances
[72]. La qualité de vie de ces enfants à long terme est moins
bonne comme en témoignent les résultats des enquêtes sur
la scolarité et la vie professionnelle [73]. Afin de mieux
évaluer le retentissement global et les coûts indirects, des
études médico-économiques doivent encore être menées.
Ainsi deux études ont montré une augmentation de l’usage
de services de santé [74,75].
Retentissement psychologique
Les conséquences psychologiques ont longtemps été les
seules étudiées [8]. Ces données sont issues de cohortes
d’enfants ayant pu être suivis jusqu’à l’âge adulte, et qui
ont bénéficié d’évaluations répétées pour rechercher des
éléments psychopathologiques [4,76] (Tableaux 2 et 3).
Troubles du comportement pendant l’enfance et
l’adolescence
Les troubles du comportement apparus après un épisode de
maltraitance peuvent persister tout au long de l’enfance
et à l’adolescence [59,70,76,77]. On retrouve un effet
cumulatif des différents types de maltraitances sur la survenue de troubles du comportement [77]. La prévalence du
trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité (TDAH)
est plus importante chez ces enfants, avec davantage de
forme comorbide d’un trouble oppositionnel avec provocation ou d’un trouble des conduites [44]. Les enfants
souffrant de TDAH sont aussi plus à risque de maltraitance, compte tenu de leur environnement familial souvent
plus conflictuel, du retentissement familial des troubles
du comportement, et du tempérament impulsif souvent
retrouvés chez les apparentés. Par ailleurs les manifestations comportementales d’un syndrome post-traumatique
chez les enfants victimes de maltraitances peuvent évoquer les signes de TDAH. Le concept de phénocopie a été
proposé pour décrire cette similarité avec le tableau clinique du TDAH, alors que l’évolution des troubles diffère.
En effet, à distance des évènements traumatiques ou en cas
X. Benarous et al.
de changement d’environnement, ces enfants ne répondent
généralement plus aux critères de TDAH [78].
Troubles dépressifs
Le risque de dépression à l’adolescence ou à l’âge adulte est
augmenté (OR = 2,1) et reflète en partie le contexte familial
dans lequel surviennent les troubles [42,59,70,77,79,80].
Près de 1/4 à 1/3 de ces enfants répondent aux critères DSMIV de la dépression à l’âge de 20 ans [81]. La survenue d’un
épisode dépressif au cours de l’enfance renforce la nécessité
d’une intervention précoce pour prévenir un retentissement
scolaire [77], l’installation de cognitions dépressogènes et
de remaniement social et familial faisant le lit d’une récidive dépressive (hypothèse de stress generation) [82]. La
dépression est associée à tous les types de maltraitances.
Les études ont mis en évidence une relation dose—effet
avec davantage de dépression dans les contextes les plus
sévères [19,81] ; ainsi qu’une possible existence de modulation lié à des effets gène/environnement impliquant les
voies sérotoninergiques [83].
État de stress post-traumatique
L’association entre état de stress post-traumatique (ESPT) et
maltraitance dans l’enfance persiste après ajustement sur
les caractéristiques familiales associées à la maltraitance
(OR = 4,4) [19,42,59,70,84]. Le plus souvent les troubles perdurent à l’âge adulte. L’équipe de Widom a suivi des enfants
ayant subi différents types de maltraitances avant l’âge de
12 ans, à l’âge de 29 ans on retrouve 23 % des sujets souffrant de ESPT en cas d’abus sexuel, 19 % ESPT en cas d’abus
physique, 17 % ESPT en cas de négligence comparé à 10 %
ESPT dans la population témoin. Le risque vie entière reste
toujours élevé [84]. Une méta-analyse suggère une relation
dose—effet avec un risque majoré en cas de viol [19]. Le
risque de survenue d’un trouble anxieux à l’âge adulte serait
multiplié par 1,8 en cas de maltraitance [42].
Trouble de la personnalité
Il existe un lien entre la survenue d’abus dans l’enfance
et le développement d’un trouble de la personnalité à
l’âge adulte [80]. Ce lien est retrouvé dans l’ensemble des
clusters de personnalité : les personnalités dépendantes,
évitantes, obsessionnelles [85], borderline [86], antisociales
[60,81,86], histrioniques et narcissiques [87]. La spécificité
d’un type de traumatisme sur la survenue d’un type de personnalité est encore discutée : le lien entre abus physique
et personnalité antisociale semble le mieux étayé [88,89],
alors que les résultats sont contradictoires entre abus sexuel
et personnalité borderline [88,89]. On retrouve une association entre la sévérité de la maltraitance et la gravité des
symptômes présentés [87].
Conduites autoagressives
Les abus physiques et sexuels sont associés à un risque multiplié par deux de tentative de suicide à l’âge adulte, soit une
prévalence vie entière de 19 % contre 8 % chez les témoins
[66,81]. Bien que ce risque soit aussi très élevé dans les
contextes de négligence, il est davantage expliqué par les
facteurs sociaux et familiaux [79]. Ce risque augmente avec
l’accumulation d’épisodes de maltraitances, incluant le fait
Abus, maltraitance et négligence : épidémiologie et retentissements
d’être témoin de violence conjugale [68]. L’association
avec les comportements d’automutilations comme les scarifications est faible d’après une revue de la littérature
de 45 études rétrospectives [90]. Au contraire, une étude
prospective montre une association importante des automutilations avec les abus sexuels, qui n’est pas retrouvée
en cas d’abus physique ou de négligence [91].
Addictions
Le risque de problèmes liés à l’alcool au cours de
l’adolescence et à l’âge adulte est augmenté de 1,7 en cas
de maltraitance infantile [42]. Cet effet d’intensité modéré
est partiellement expliqué par les caractéristiques familiales, en particulier l’existence d’un abus d’alcool chez
l’un des parents [19,34,77,81,92]. Une étude prospective
conduite jusqu’à l’âge de 39 ans ainsi qu’une revue systématique de 224 études montrent que cette association chez
l’adulte est limitée aux femmes [92]. L’association avec
l’addiction aux drogues est bien reconnue, avec un risque
supplémentaire de 1,9 [34,42,70,77,81,91,93]. Le risque de
se voir diagnostiquer une addiction à l’âge de 29 ans est plus
important chez les adultes ayant subi des maltraitances dans
l’enfance comparés aux témoins [93]. On retrouve aussi un
effet cumulatif des différentes formes de maltraitance sur
le risque de rapporter une consommation élevée d’alcool ou
de drogue à l’âge adulte [94].
Autres troubles psychiatriques
On ne retrouve pas d’association entre maltraitance infantile et trouble psychotique à l’âge adulte une fois les biais
de confusion potentiels éliminés [95]. La surestimation de
la participation psychotraumatique dans la survenue de
trouble autistique peut en partie être expliquée par la ressemblance entre les troubles de l’attachement désorganisés
marqués par l’inhibition et les stéréotypies motrices avec la
sémiologie autistique typique [50]. Des études prospectives
montrent une association entre trouble du comportement
alimentaire, en particulier en cas d’abus sexuel, avec des
résultats plus discutables pour les autres formes de maltraitances [96]. Une étude a mis en évidence une association
entre l’existence d’abus émotionnel et de négligence grave
dans l’enfance et une diminution des fonctions cognitives
notamment des déficits mnésiques à l’âge adulte [97].
Le risque attribuable des abus physiques dans la survenue de troubles mentaux serait de 5 %, et de 13 % en cas
d’abus sexuel [81]. Au-delà de la fréquence plus élevée de
ces troubles, les enfants victimes de maltraitance présenteraient des épisodes de moins bons pronostics, avec des âges
de survenue plus précoces, des symptômes plus sévères,
davantage de comorbidités, et une moins bonne réponse au
traitement en cas de troubles anxieux, d’épisodes dépressifs ou d’abus de substance [42]. Une revue récente propose
d’ajouter la mention « avec histoire de maltraitance » dans
les classifications actuelles (specifier dans le DSM) pour tenir
compte du plus mauvais pronostic de la pathologie présentée [42].
Conclusion
La maltraitance concernerait 5 % des enfants. Elle reste
un phénomène complexe à évaluer précisément malgré
309
l’émergence de définitions consensuelles et les efforts pour
croiser différentes sources d’information. La relative stabilité de la prévalence totale de la maltraitance infantile
en France doit être interprétée prudemment. Il convient de
tenir compte de l’élargissement de la définition qui peut
inclure les négligences graves, être témoin de violences
conjugales ou encore l’ensemble des enfants à risque ; mais
aussi des conséquences des interventions de repérages et
de prises en charge de ces situations. Par ailleurs ce dernier
point sera développé spécifiquement dans la seconde partie
de cette revue.
Les études prospectives ont permis de mieux évaluer les
conséquences à long terme des abus et des négligences
graves. Sur le plan psychiatrique on retrouve quatre fois
plus de troubles anxieux et deux fois plus de troubles
dépressifs, avec un risque suicidaire important. Les suicides représentent près de la moitié des causes de décès
dans cette population. Le lien est moins spécifique pour
les autres troubles et davantage expliqué par des facteurs de risque communs. Les plus mauvais pronostics des
troubles psychiatriques chez les sujets ayant été victimes
de maltraitance sont en partie liés à leur survenue plus
précoce. Une association entre abus dans l’enfance et
survenue de pathologie somatique comme le diabète ou
l’HTA est bien montrée ; on suspecte en particulier le rôle
favorisant de l’inflammation chronique. Des modèles intégratifs, comme les modèles écologiques, se développent
pour mieux comprendre l’articulation des facteurs de risque
individuels et environnementaux à différents niveaux. Ainsi
l’impact des traumatismes précoces implique à la fois des
effets directs sur la maturation cérébrale et le système
de régulation du stress mais aussi des effets indirects sur
l’environnement et donc sur la qualité des échanges avec
le milieu, eux-mêmes indispensables au développement
cérébral. Les travaux d’épidémiologie sur le retentissement social (scolaire et professionnel) devraient mieux tenir
compte de facteurs individuels comme l’impulsivité ou la
dysrégulation émotionnelle qui favorisent les troubles des
comportements et les conduites à risque, et donc le risque
de survictimisation dans l’enfance et de développement
d’un trouble psychiatrique.
Déclaration d’intérêts
Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en
relation avec cet article.
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