Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence (2014) 62, 299—312 Disponible en ligne sur ScienceDirect www.sciencedirect.com MISE AU POINT Abus, maltraitance et négligence : (1) épidémiologie et retentissements psychiques, somatiques et sociaux Abuse, maltreatment and neglect: (1) Epidemiology and long-term consequences X. Benarous a,∗, A. Consoli a, M. Raffin a, D. Cohen a,b a Service de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, hôpital de la Pitié-Salpêtrière, AP—HP, université Pierre-et-Marie-Curie, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris, France b CNRS UMR 7222, institut des systèmes intelligents et robotiques, université Pierre-et-Marie-Curie, place Jussieu, 75005 Paris, France MOTS CLÉS Maltraitance ; Abus ; Négligence ; Carence affective ; Épidémiologie ∗ Résumé En 2006, l’OMS a reconnu la maltraitance infantile comme un problème de santé publique majeur pour l’enfant au même titre que d’autres pathologies chroniques. Les situations de maltraitance concerneraient entre 1 à 5 % des enfants dans les pays à hauts revenus, avec une association fréquente des différents types de maltraitances. Les études recoupant les informations d’enquêtes rétrospectives réalisées à l’âge adulte et les données de recueil officiel mettent en évidence une sous-évaluation des comportements de maltraitances. En France sur les dernières années on assiste à une stabilisation du nombre d’enfants concernés avec une diminution du taux d’abus sexuels et une augmentation des situations de négligences graves et d’abus émotionnel signalées. Les travaux d’épidémiologie observationnelle ont permis de mieux définir les différents facteurs de risque associés au contexte de maltraitance (individuels, environnementaux et familiaux), et d’évaluer les retentissements psychiques mais aussi somatiques et sociaux à long terme de la maltraitance juvénile. Sur le plan psychiatrique, l’association avec les troubles anxieux, dépressifs et les troubles du comportement de l’adolescent est forte, et surtout présente chez les filles en cas d’addiction. Le suicide reste la première cause de mortalité dans cette population. Au-delà de leurs plus fortes prévalences, ces troubles sont aussi plus souvent sévères, résistants et récurrents. L’association avec des troubles somatiques comme l’obésité ou le diabète a été mise en évidence, mais semble moins claire en cas de plaintes douloureuses comme les plaintes digestives ou les céphalées. Les études de devenir socioprofessionnel et médico-économique montrent que l’impact se prolonge au-delà de l’enfance. Les travaux sur le développement précoce cérébral ont permis de mieux comprendre les Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (X. Benarous). http://dx.doi.org/10.1016/j.neurenf.2014.04.005 0222-9617/© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. 300 X. Benarous et al. mécanismes impliqués dans le retentissement de ces traumatismes sur le développement affectif et cognitif. La vulnérabilité pour des troubles psychopathologiques ultérieurs serait en partie modulée par le polymorphisme génétique des sujets qui constitueraient des facteurs de risque ou protecteurs. L’impact sur le développement cérébral de ces contextes environnementaux impliquerait les remaniements épigénétiques concernant le système hormonal de la régulation du stress (le système hypothalamo-hypophysaire) et des structures anatomiques impliquées dans la régulation émotionnelle (comme l’amygdale) ou les fonctions inhibitrices (comme le cortex frontal). © 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. KEYWORDS Maltreatment; Abuse; Severe neglect; Emotional abuse; Epidemiology Summary In 2006, the WHO recognized child abuse as a major public health problem for children as well as other chronic conditions. All forms of abuse concern nearly 1—5% of children in high-income countries, with frequent association between them. Global underestimation of these maltreatment behaviors was underlined by crosschecking data from retrospective survey carried into adulthood and official ones. In France, the number of children abuse stabilized in the last years, with a decrease of sexual abuse and an increase of severe neglect and emotional abuse reported. In recent years, observational epidemiology studies have drawn the different risk factors associated with maltreatment context (individual, environmental and familial), and assessed psychological, somatic and social long-term consequences for child. In psychiatric field, association with anxiety disorders, depressive disorders and maladaptative behavior in adolescent is strong, especially among girls with addictions. Suicide remains the leading cause of death in this population. Beyond the highest prevalence, these disorders are often more severe, resistant and recurring. Associations with somatic disorders such as obesity, or diabetes have been identified but are less clear for painful complaints such as digestive complaints or headaches. Cohort on socio-economic outcome and medical needs stress a long-range impact, beyond childhood, on these outcomes. Work on early brain development highlights the mechanisms involved in the repercussions of these injuries on the emotional and cognitive development. Vulnerability to later psychopathology would be partly modulated by genetic polymorphisms and interactions with the environment that constitute risk or protective factors, through epigenetic modification involving structures regulating stress such as the amygdala and the hypothalamic-pituitary system. © 2014 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. De la description du tableau clinique d’« enfants battus » par Tardieu en 1860 [1] aux travaux de Kempe et al. aux ÉtatsUnis près d’un siècle plus tard [2], la reconnaissance de la maltraitance infantile par le milieu médical s’est faite progressivement. Ce changement s’inscrit plus largement dans les évolutions de la perception de l’enfant par la société. Le souci du bien-être de l’enfant et la reconnaissance de son statut de personne à part entière dans la famille s’imposent peu à peu à partir de la fin du xixe siècle. En France, ce progrès se traduit par le développement d’une législation plus protectrice : interdiction des châtiments corporels en 1887, pénalisation des parents, création d’une juridiction spécialisée en 1912, puis des tribunaux pour enfants en 1945. Des institutions spécifiques se mettent en place pour surveiller, protéger, voire palier aux difficultés des familles, comme l’Aide sociale à l’enfance en 1943, puis deux ans plus tard, les centres de Protection maternelle infantile. En 1990, l’Office décentralisé de l’action sociale (ODAS) est créé et assure, entre autres, la mission de surveillance de la maltraitance infantile au niveau national. Plus récemment, la loi du 5 mars 2007 réorganise la protection de l’enfance, avec la création de Cellules de recueil des informations préoccupantes (CRIP) qui doivent faciliter la reconnaissance de ces situations. En 2006, l’OMS reconnaît la maltraitance infantile comme un problème de santé publique majeur pour l’enfant. La nécessité de réaliser des investissements dans la prévention et la recherche épidémiologique au même titre que d’autres problèmes de santé publique comme le VIH, le tabac ou l’obésité est soulignée [3]. Il y a cinq ans, le journal Lancet a publié une série de 4 articles sur la maltraitance dans les pays développés (dit à « hauts revenus » dans la classification OMS) : les deux premiers résumant les données épidémiologiques disponibles [4,5] ; les seconds rappellent les stratégies de prévention primaire et secondaire [6,7]. En France plusieurs auteurs ont souligné le manque de travaux épidémiologiques, particulièrement l’absence d’enquête de victimisation permettant d’évaluer l’ampleur du problème et des besoins en termes de prévention et d’actions thérapeutiques [8,9]. Les enfants victimes de maltraitance, qu’ils soient suivis ou non par l’ASE, sont surreprésentés dans les services de pédopsychiatrie, avec des troubles généralement plus sévères [10]. Nous proposons, ici, une revue de la littérature sur la maltraitance infantile, plus particulièrement ses conséquences néfastes à plus long terme chez l’enfant au regard des études conduites ces dernières années. Vu l’ampleur de la question, la revue sera divisée en deux articles Abus, maltraitance et négligence : épidémiologie et retentissements complémentaires. Le premier portera sur les définitions, l’épidémiologie et les conséquences à court et long termes de la maltraitance. Le second se centrera sur le repérage et les principales stratégies de dépistage et d’intervention recommandées. Tableau 1 Définitions maltraitances. des Types de maltraitances Définitions Abus physique Actes commis par un tuteur qui entraînent des dommages corporels ou risquent d’en entraîner Ne pas veiller à offrir un environnement convenable et positif, et de commettre des actes qui nuisent à la santé et au développement affectifs de l’enfant. Parmi ces actes, [. . .] le fait de limiter les mouvements d’un enfant, le dénigrement, le fait de ridiculiser, les menaces et l’intimidation, la discrimination, le rejet et d’autres formes non physiques de traitements hostiles Actes que commet un tuteur sur la personne d’un enfant pour en retirer un plaisir sexuel Renvoie au fait qu’un parent ne veille pas au développement de l’enfant — s’il est en position de le faire — dans un ou plusieurs des domaines suivants : santé, éducation, développement affectif, nutrition, foyer et conditions de vie sans danger. La négligence se distingue donc des situations de pauvreté en ceci qu’elle ne survient que dans les cas où la famille ou les tuteurs disposent de ressources raisonnables Définitions La loi française ne définit pas la maltraitance, elle lui préfère le terme d’« enfant en danger » que l’on retrouve dans le Code civil. Ce terme, qui équivaut à la notion de maltreatment retrouvée dans les études anglo-saxonnes, recouvre à la fois la maltraitance et les enfants à risque. L’ODAS définit l’enfant maltraité comme étant « victime de violence physique, [de] cruauté mentale, [d’]abus sexuel, [de] négligence lourde ayant des conséquences graves sur son développement physique et psychologique » [11], alors que l’enfant à risque « connaît des conditions d’existence qui risquent de mettre en danger sa sécurité, sa moralité, son éducation ou son entretien mais qui n’est pas pour autant maltraité ». Plusieurs formes de maltraitance sont habituellement distinguées : l’abus physique, l’abus sexuel, l’abus psychologique ou émotionnel et la négligence (Tableau 1). De plus en plus, être témoin de violence conjugale est considéré comme une forme de maltraitance. Le plus souvent un même enfant présente plusieurs types de maltraitances. Devant l’importance de cette comorbidité, certains auteurs ont proposé une classification fondée uniquement sur le mobile et la gravité de la maltraitance [12]. On distingue la maltraitance intrafamiliale perpétrée par les parents ou les responsables légaux, qui représenterait près de 80 % des situations, à la maltraitance survenue dans un milieu extrafamilial [4]. On décrit aussi des formes de maltraitances institutionnelles [13]. Prévalence Avant-propos sur les aspects méthodologiques et le risque de sous-estimation Il existe deux méthodes pour évaluer la fréquence de la maltraitance. Les études de victimisation recherchent grâce à des auto-questionnaires des comportements de maltraitance chez les parents ou chez des enfants assez âgés pour y répondre. Les secondes études se basent sur les données « officielles » recueillies par les professionnels intervenants auprès des enfants ; il peut s’agir de données : médicales (CepiDC), liées à la protection sociale (comme l’Aide sociale à l’enfance, ONAS, CRIP), à la sphère judiciaire (saisine aux parquets, aux juges des enfants) ou issues des lieux d’information (appels téléphoniques au SNATEM). Les estimations recueillies entre ces deux méthodes varient d’un facteur 10 [4]. De plus les chiffres obtenus lors d’enquête de victimisation peuvent en partie minimiser la réalité compte tenu des oublis, du déni, de l’incompréhension et de l’embarras causés lors d’évaluations, en particulier en cas d’abus sexuels [14]. En effet, la concordance lors d’autoévaluations successives diminue progressivement pour les abus physiques et sexuels après un ou deux ans [14,15]. 301 Abus psychique ou émotionnel ou cruauté mentale Abus sexuel Négligence grave ou carence de soins différents types de D’après Butchart et al., 2006 [3]. On estime qu’une évaluation menée sur un seul entretien conduit à sous-estimer de 50 % les cas de maltraitance [14]. L’absence de répétitions des évaluations, notamment dans les études rétrospectives, contribue à sous-estimer la prévalence réelle par rapport à celle observée. Les chiffres issus de méta-analyses ou d’études anglo-saxonnes doivent être interprétés avec précaution compte tenu des différences internationales dans les systèmes de recueil des données [4]. Données épidémiologiques Une situation de maltraitance est retrouvée chez 1,5 à 5 % des enfants selon les agences de protection de l’enfance en 302 Angleterre, aux États-Unis [16], en Australie et au Canada, et en France [17]. Toutefois ce taux est plus élevé dans les enquêtes d’autoévaluation : • abus physique : il concerne entre 4 à 16 % des enfants [4]. Seulement 1/30 aurait eu un contact avec les services sociaux et 1/250 serait prise en charge selon les recommandations des agences de protection [18] ; • abus sexuel : 5 à 15 % des garçons et 15 à 30 % des filles seraient exposés à un abus sexuel, et 5 à 10 % des garçons et 5 à 10 % des filles à un viol dans l’enfance [4]. Une métaanalyse de 2004 souligne la sous-estimation probable de la prévalence réelle compte tenu de la sous-déclaration des cas d’abus sexuel [19] ; • abus psychologique : environ 10 % des enfants seraient exposés à des abus psychologiques pendant l’enfance [4,15,20] ; • négligence grave : entre 1 à 15 % des enfants auraient subi des négligences graves dans l’enfance [4,16]. Il s’agit des résultats d’enquêtes dans lesquelles l’enfant ou ses parents rapportent une absence persistante de soins ou bien une répétition de situations au cours desquelles un enfant a été blessé par manque de surveillance. Ce taux varie davantage compte tenu de la définition plus équivoque de la négligence par rapport aux autres types de maltraitances [21] ; • être témoin de violence entre partenaires : entre 10—20 % des enfants seraient témoins de violences entre ses parents [4]. Une étude suédoise retrouve un taux allant jusqu’à 24 % [22]. Association entre les différents types de maltraitances Les différents types de maltraitances sont associés dans la majorité des cas. Une étude basée sur l’analyse de 519 cas montre une comorbidité de 36 à 91 % selon le type ; les abus émotionnels ne sont isolés que dans 1,2 % des situations [23]. Cette estimation est probablement sous-estimée car les évaluations officielles ne prennent en compte le plus souvent qu’un seul type de maltraitance, et presque jamais la séquence d’exposition aux traumatismes au cours du temps [15,16,20]. Dans 30 à 60 % des situations où l’enfant est témoin de violences conjugales, on retrouve d’autres formes de maltraitance [24]. Répétitions des conduites de maltraitance Vingt-deux pour cent des enfants maltraités avaient déjà été signalés dans les 24 mois précédant dans l’enquête de Fluke et al. [25]. Les facteurs de risque associés à la répétition de la maltraitance sont les facteurs de risque persistants chez l’enfant (comme un handicap ou une maladie somatique chronique), chez les parents (tel que l’abus d’alcool), les signes de précarité sociale (comme un faible revenu ou des contacts répétés avec les services sociaux) et l’association de plusieurs types de maltraitances, en particulier la négligence [26]. Maltraitance dans la fratrie La maltraitance limitée à un seul enfant de la fratrie concerne 44 % des enfants exposés à la maltraitance. Les autres situations sont le plus souvent associées à X. Benarous et al. des contextes de négligence dans le milieu familial et l’existence d’abus émotionnel. Les conflits et séparations conjugales, l’abus d’alcool et de drogues chez l’un des parents et la criminalité familiale sont associés à la maltraitance de tous les enfants de la famille [27]. Association à d’autres évènements de vie difficile Les enfants ayant été exposés à un type de maltraitance sont plus à risque que les autres enfants d’être victimes d’autres types d’évènements de vie difficile. Par ailleurs, la fréquence de ces autres formes d’agression est bien corrélée à la sévérité de la maltraitance [15,20]. Évolution On note une diminution régulière depuis les années 1960 de l’acceptabilité des parents face aux conduites violentes envers les enfants [22] (Fig. 1). La perception des enfants suit la même évolution. Parallèlement à ce changement des mentalités, on observe une diminution globale des abus physiques et sexuels dans les pays à hauts revenus. Cette tendance masque de grandes différences selon le type de maltraitance. Alors qu’on rapporte une diminution de moitié des cas d’abus physiques et sexuels entre 1995 et 2005 [15,16,28], on observe une hausse des cas d’abus psychologiques et de négligence grave recensés ainsi que de l’association à d’autres formes de violence domestique. L’interprétation d’une telle augmentation doit tenir compte des mesures de santé publique en faveur d’un repérage plus précoce et de l’attention portée actuellement à l’ensemble des enfants en danger et non plus seulement à ceux victimes de maltraitance. En France alors que le nombre d’enfant à risque augmente, la prévalence des enfants maltraités s’est stabilisée depuis 2000, avec une diminution du nombre d’abus sexuel (−22 % entre 2000 et 2006) et une augmentation des abus émotionnels signalés (+142 % entre 2000 et 2006) (Fig. 2) [11,17]. Facteurs déterminants de la maltraitance L’étude des différents facteurs de risque individuels, familiaux, sociaux et culturels isolément est délicate compte tenu de l’interaction à de multiples niveaux [28]. Caractéristiques de l’enfant Dans les pays à hauts revenus, le sex-ratio est globalement égal à 1, excepté pour les abus sexuels plus fréquents chez les filles [16,19]. En revanche dans les pays à bas revenus, on retrouve davantage d’infanticide et de négligence grave chez les filles alors que les garçons sont plus à risque de châtiments corporels [29]. Les enfants présentant un handicap ont 3 à 4 fois plus de risque d’être victime de maltraitance (31 % de cas chez ces enfants contre 9 % chez les enfants témoins) [30] (Fig. 3). Ce risque est particulièrement important en cas de troubles du comportement chez l’enfant (37,4 % ; OR = 7), de retard mental (25 % ; OR = 4) et de troubles d’apprentissage (16,4 ; OR = 2) [30]. Abus, maltraitance et négligence : épidémiologie et retentissements 303 Figure 1. Évolution de la perception de la violence parentale depuis 1965 en Suède. L’attitude des parents est basée sur une enquête nationale menée en Suède sous forme d’entretiens (1965, 1968, 1971, 1980), puis de questionnaires (1994, 2000, 2006). La perception des enfants est basée sur des questionnaires adressés à des enfants d’âge scolaire entre 13 et 16 ans. Les questions étaient formulées ainsi : « Est-il justifié de punir ses enfants physiquement quand on est en colère (par exemple par une tape sur l’oreille) ? », pour les enfants : « Penses-tu qu’il est normal que tes parents te frappent si tu les as mis en colère ? ». La violence parentale est mesurée à l’aide d’enquête d’autoévaluation. D’après Gilbert et al., 2009 et Janson et al., 2007 [4,22]. Qualité des liens affectifs précoces Les facteurs qui entravent les interactions entre l’enfant et ses figures d’attachements principales, en particulier maternelles, sont associés à davantage de maltraitance chez l’enfant [31]. L’existence d’une pathologie somatique entraînant des hospitalisations précoces et/ou répétées est une situation particulièrement à risque (par exemple en cas de prématurité, de faible poids de naissance ou d’une pathologie précoce) [13]. De même, une grossesse non désirée, 100,000 90,000 80,000 70,000 60,000 50,000 40,000 30,000 Abus physiques Abus sexuelles Négligences graves Abus psychologiques Enfants maltraités Enfants à risque Enfant en danger 20,000 10,000 0 Figure 2. Évolution des types de mauvais traitements signalés entre 1998 et 2006 (en France métropolitaine). Depuis 2007, la collecte des données est sous la responsabilité de l’Observatoire national de l’enfance en danger (ONED). Depuis 2007, les chiffres nationaux ne sont plus disponibles car l’ONED ne normalise pas les chiffres entre département et ne permet pas d’effectuer une moyenne ou une extrapolation sur le plan national. D’après ODAS, 2007 [11]. 304 X. Benarous et al. Figure 3. Prévalence de la maltraitance chez les enfants souffrant de handicap. Ces résultats sont obtenus en croisant les informations d’enfants scolarisés en milieu spécialisé, issus des services sociaux et judiciaires dans l’État du Nebraska (États-Unis). Parmi ces enfants, 2,4 % avaient un handicap dans un contexte de maltraitance. Le terme trouble (Tr) du comportement n’est pas clairement défini par les auteurs, les pathologies somatiques comme un asthme sévère ont été considérées comme un handicap. Les groupes de petit effectif comme les troubles autistiques (n = 40) et les handicaps visuels (n = 160) sont plus difficiles à interpréter. D’après Sullivan et Knutson, 2000 [30]. mal investie constitue un risque supplémentaire. Une étude rétrospective portant sur la qualité de vie à l’âge adulte d’enfants maltraités a montré que la qualité des soins paternels est un facteur pronostique indépendant [32]. social et le taux de délinquance dans le voisinage) montrent un effet globalement faible à modéré par rapport aux autres facteurs de risque psychosociaux [34]. Caractéristiques des parents et de l’entourage Risque létal L’existence d’un trouble psychiatrique chez l’un des parents est un facteur de risque de maltraitance connu ; bien que l’extrême majorité des agresseurs ne présente pas de trouble caractérisé. L’abus de toxique (alcool ou drogue) est un facteur de risque d’incident impliquant l’ensemble de la famille, notamment de violence conjugale et de maltraitance infantile [33]. Sur le plan social, le revenu et le niveau d’éducation des parents sont des facteurs de risque reconnus bien que leur importance diffère selon le type de maltraitance [34]. Ainsi la prévalence du syndrome des bébés secoués est similaire dans l’ensemble des classes sociales. Ces données ne doivent donc pas occulter la maltraitance dans les milieux aisés, qui fait l’objet d’une sous-déclaration et d’une prise en charge tardive. Les inégalités socio-économiques sont davantage associées à la sévérité et au risque de décès plus important [35]. Les différences ethniques retrouvées dans les études anglo-saxonnes sont très largement expliquées par les caractéristiques sociodémographiques [36], excepté dans le cas des enfants métisses ou d’héritage multiracial qui seraient davantage à risque [34]. Les études anglo-saxonnes qui se penchent sur l’environnement social (en particulier la qualité du climat L’OMS recense 155 000 décès d’enfants de moins de 15 ans dans le monde chaque année dus à l’abus ou la négligence, soit 0,6 % de l’ensemble des décès, et 12,7 % des décès secondaires à un traumatisme physique chez les moins de 15 ans [29]. Ces chiffres seraient probablement sous-estimés [37] malgré les investigations systématiques réalisées en cas de morts inattendus de l’enfant dans de nombreux pays [38]. Ce taux a très peu diminué sur les 30 dernières années malgré une diminution globale du taux de maltraitance [38]. Il s’agit le plus souvent d’enfants jeunes, 35 % ont moins d’un an [38]. Les parents sont en cause dans 4/5 des cas, et les beaux-parents sont responsables de la majorité des cas restants (15 % au total) [38]. Certains auteurs ont proposé de classer ces décès en fonction des caractéristiques de la victime et de l’agresseur, du mode de décès et de l’existence ou non d’une intentionnalité chez les parents [37] : • les décès secondaires à un abus physique sévère sont le contexte le plus fréquent et le mieux reconnu [39]. Dans ce cas, l’acte est le plus souvent perpétré par un membre de la famille, le plus souvent le père, sur des enfants de tout âge. On retrouve une association de plusieurs lésions physiques dont des traumatismes cérébraux ou des lésions Abus, maltraitance et négligence : épidémiologie et retentissements • • • • abdominales. Les blessures surviennent au décours de crises de colère d’un adulte, le plus souvent sans intention de donner la mort. On note dans ces familles davantage d’antécédents d’abus physiques, de négligences et de violences conjugales ; les cas de déprivation ou d’extrême négligence contribuant au décès sont commis généralement par les deux parents. Les nouveau-nés et les enfants handicapés sont le plus à risque [37]. Le décès peut résulter typiquement de malnutrition extrême, de trouble hydro-électrolytique, d’hypothermie ou d’infection ; les infanticides et homicides masqués sont typiquement commis par des mères sur leurs nouveau-nés à l’aide de moyens qui détériorent peu l’aspect physique du corps comme l’asphyxie par noyade, l’empoisonnement ou l’étouffement [40]. Des auteurs ont suggéré que cette catégorie pourrait être retrouvée dans 5 à 10 % des cas de mort subites du nourrisson comme facteur causal ou contributif [37]. Elle serait retrouvée dans les cas de syndrome de Münchhausen par procuration conduisant au décès ; les décès liés mais non directement causés par la maltraitance recouvrent des situations dans lesquelles il existe une supervision parentale inadéquate conduisant à des décès de cause accidentelle. Certains auteurs proposent d’étendre cette catégorie aux suicides chez les enfants plus âgés ayant subi des abus dans l’enfance. Les suicides représenteraient près de la moitié des décès liés à la maltraitance [41] ; enfin, on distingue les situations plus rares d’homicides volontaires, qui sont le plus souvent perpétrés par des hommes sous forme d’agression physique préméditée et intentionnelle (impliquant par exemple par arme à feu) intra- ou extrafamilial. Conséquences à long terme de la maltraitance Les conséquences à court terme et les différentes présentations cliniques qui doivent faire suspecter une maltraitance seront abordées dans la seconde partie de cette revue de la littérature. Avant-propos sur les aspects méthodologiques Depuis les années 1970, les travaux visant à évaluer le retentissement des différents types de maltraitances se sont développés. Il existe actuellement un consensus pour encourager la réalisation d’études prospectives qui permettent de renforcer les arguments en faveur d’un lien de causalité et d’éviter les biais de mémorisation retrouvés dans les études rétrospectives [8]. Des auteurs recommandent de croiser les deux méthodes pour optimiser la fiabilité des résultats [4] (Tableau 2). Par ailleurs la reproductibilité des études est essentielle pour assurer la validité des conclusions. Les critères de Bradford-Hill permettent de documenter un lien de causalité quand une corrélation statistique est retrouvée entre l’évènement et la survenue de troubles, huit critères doivent être recherchés : la force de l’association (c’est-à-dire de l’OR), la cohérence clinique, 305 la spécificité de l’association, une relation temporelle (dans les études prospectives), une relation dose—effet, la plausibilité physiopathologique, les preuves expérimentales sur des modèles animaux et les analogies cliniques. Conséquences sur le développement cérébral Les traumatismes précoces affectent en particulier les régions cérébrales impliquées dans la réponse face à un stimulus menaçant. Les premiers travaux ont initialement porté sur les effets des stress répétés et précoces sur l’axe hypothalamo-hypophysaire et le système nerveux autonome dans des modèles murins [42]. Les études translationnels ont retrouvé des résultats similaires chez l’homme en particulier une hyperactivité amygdalienne en imagerie fonctionnelle en cas de traumatismes précoces, ainsi qu’une diminution des récepteurs aux glucocorticoïdes dans l’hippocampe [43]. La réversibilité de cette influence par des soins de maternage modifiant l’expression transcriptionnel a permis de tracer un lien entre théorie de l’attachement et neurobiologie qui avaient déjà été évoqué dans les travaux pionniers de Victor Dennenberg dans les années 1960—1970 [44]. Le polymorphisme des gènes impliqués dans ces remaniements épigénétiques expliqueraient en partie la variabilité interindividuelle aux évènements traumatiques précoces. Le génotype modulerait l’influence de l’environnement sur les mécanismes impliqués dans la synaptogenèse et la plasticité neuronale [43,45]. Dans ce sens, les travaux de Caspi et al. sont exemplaires : son équipe a mis en évidence le rôle modérateur d’un allèle du gène de l’enzyme de la monoamine-oxydase sur l’association entre abus dans l’enfance et survenue de comportements violents à l’adolescence et à l’âge adulte [46]. D’autres travaux portent une attention nouvelle aux rôles des facteurs endocriniens et neurotrophiques en cas de traumatismes précoces [47]. Les conséquences de traumatismes sur la régulation hormonale sont connues en cas de nanisme psychoaffectif, où l’on retrouve un déficit fonctionnel de la sécrétion en hormone de croissance. Les études portant sur la variation du taux de récepteurs intracellulaires à l’ocytocine en fonction des comportements de maternage sont intéressantes compte tenu du rôle que jouerait ce neuropeptide dans les mécanismes d’attachement précoce [48]. Par ailleurs les conséquences sur le développement cérébral des traumatismes précoces doivent aussi tenir compte des carences nutritionnelles souvent associées. Outre le système de régulation au stress, l’ensemble des fonctions perceptives, cognitives, du langage et de la communication peuvent être affecter en cas de déprivation sensorielle. Dans une expérience clinique classique, Hubel et Wiesel ont montré que l’absence de stimulation visuelle pendant une période critique du développement de l’appareil oculaire du chat conduit à la cécité [49]. Au cours du développement précoce les remaniements cérébraux en particulier la stabilisation synaptique des réseaux fonctionnels et l’élagage des connections inutiles sont fortement influencés par la richesse et la qualité des stimuli environnementaux. Les travaux menés chez les enfants orphelins roumains victimes de négligence grave ont montré que la durée de la déprivation est bien corrélée au quotient intellectuel ou de développement que présenterait l’enfant six 306 Tableau 2 X. Benarous et al. Résumé des résultats des études sur les conséquences de la maltraitance infantile. Études prospectives Études rétrospectives Santé mentale Trouble du comportement dans l’enfance et l’adolescence Dépression État de stress post-traumatique Tentative de suicide Automutilation Addiction à l’alcool Addiction aux drogues Fort Modéré Fort Modéré Faible Modéré Faible Fort Fort Fort Fort Faible Fort Fort Santé physique État de santé général Obésité Douleur chronique Qualité de vie Contact avec les services médicaux, coûts indirects Manquant Fort Pas d’effet Manquant Manquant Modéré Faible Faible Manquant Modéré Comportement social Criminalité Prostitution Grossesse à l’adolescence Fort Modéré Contradictoire Fort Fort Fort Éducation et emploi Niveau d’études plus faible Emploi de moins bonne qualité Modéré Modéré Faible Manquant D’après Gilbert et al., 2009 [4]. Un effet fort témoigne d’une association importante après ajustements sur les biais de confusions éventuels, reproduite dans plusieurs études. Des preuves modérées traduisent soit un effet faible, soit un effet fort réduit après ajustements. Un niveau faible traduit une association mis en évidence dans des études de moins bonne qualité méthodologique, ou non reproduit, ou qui disparaît après ajustements sur les facteurs confondants. Un effet contradictoire témoigne d’un effet dont le sens diffère selon les études. Un niveau de preuve manquante traduit l’absence d’études sur le sujet. ans plus tard, même si des variations interindividuelles sont importantes [50,51]. On retrouverait aussi davantage de trouble du langage oral chez les enfants pris en charge par l’ASE, comparé aux autres enfants hospitalisés pour des troubles psychopathologiques divers [52]. Le type de structure anatomique impliquée déprendrait aussi de la période de survenue de la maltraitance en suivant une progression des structures sous-corticales vers le néocortex : la diminution du volume hippocampique est surtout observée pour des traumatismes sexuels entre 3 et 5 ans, alors qu’entre 9 et 10 ans on retrouve davantage d’anomalie du corps calleux, puis du cortex préfrontal entre 14 et 16 ans [42]. Les travaux de Teicher sur les conséquences néfastes du harcèlement (bullying) par les paires retrouvent des anomalies du développement du corps calleux sur des IRM cérébraux, bien corrélées au score de bullying [53]. Le retentissement neurobiologique semble ne pas se limiter à une fenêtre temporelle précoce, comme dans l’étude de Hubel et Wiesel, mais s’étendre tout au long de la maturation cérébrale. Ces résultats sur les modifications neurobiologiques survenant au décours de maltraitance doivent être intégrés dans un modèle interactionniste : les abus peuvent entraîner, soit directement soit indirectement par l’intermédiaire des troubles psychopathologiques causés, des difficultés relationnelles, sociales et scolaires qui altèrent la qualité des échanges avec le milieu, lui-même indispensable pour le développement des aptitudes émotionnelles sociales et le contrôle de l’impulsivité ; de faite la survenue de troubles du comportement qui peut en découler (comme des conduites sexuelles à risque) potentialisent encore davantage le risque d’évènements de vie négatifs et peut engendrer de véritables cercles vicieux, qui expliquent en partie qu’une minorité de patient concentrent les facteurs de risque psychosociaux les plus graves [15,44,47]. Retentissement sur la santé physique Au-delà des conséquences des abus physiques graves potentiellement létaux comme les traumatismes cérébraux, les études prospectives chez les sujets victimes de maltraitances ont permis d’évaluer son impact sur la santé physique. La maltraitance physique dans l’enfance est associée à un mauvais état de santé général à l’âge adulte, ainsi qu’à diverses maladies spécifiques, telles que l’hypertension artérielle [54] (Tableau 3). Une inflammation chronique persistante serait un des mécanismes physiopathologiques incriminés [54]. Le lien entre maltraitance et obésité est bien documenté avec un OR entre 1,3 et 9,8 selon les études [55]. Les enfants en situation de négligence grave seraient particulièrement à risque [55]. Des associations moins fortes avec la survenue d’autres pathologies somatiques sont retrouvées : avec les douleurs chroniques [56] et les plaintes fonctionnelles digestives [57]. Abus, maltraitance et négligence : épidémiologie et retentissements 307 Tableau 3 Résumé de la force de l’association entre différents types de maltraitances et la survenue de pathologie somatique ou psychiatrique. Niveau de preuve Élevé Abus physique Troubles dépressifs Troubles anxieux Troubles du comportement alimentaire Trouble du comportement dans l’enfance/troubles des conduites Tentative de suicide Abus de toxique MST/comportements sexuels à risque Abus émotionnel Troubles dépressifs Troubles anxieux Tentative de suicide Abus de toxique MST/comportements sexuels à risque Négligence grave Troubles dépressifs Troubles anxieux Tentative de suicide Abus de toxique MST/comportements sexuels à risque Faible/contradictoire Limité Pathologie cardiovasculaire Diabète de type 2 Obésité Hypertension Allergies Cancer Pathologie neurologique Malnutrition Tabagisme Ulcère Migraine/céphalées Arthrite chronique Abus d’alcool Fibrome utérin Rachialgie Schizophrénie Bronchite chronique/emphysème Asthme Troubles du comportement alimentaire Diabète de type 2 Obésité Abus d’alcool Tabagisme Pathologie cardiovasculaire Migraine/céphalées Schizophrénie Trouble du comportement dans l’enfance/troubles des conduites Troubles du comportement alimentaire Pathologie cardiovasculaire Diabète de type 2 Abus d’alcool Obésité Migraine/céphalées Tabagisme Arthrite chronique Rachialgie D’après Norman et al., 2012 [98]. Risque de troubles des conduites sociales Les comportements délictueux sont plus fréquents chez les enfants victimes de maltraitances, avec davantage d’arrestations dans l’enfance (31 % versus 19 %), puis à l’âge adulte (48 % versus 36 %) [58]. Cette association dépend de l’âge de l’enfant, de la période de survenue et du type de maltraitance subie [59,60]. Dans l’étude prospective de Maxfield et Widom, la probabilité d’être arrêtée pour un crime violent est multiplié 1,9 en cas de maltraitance physique et de 1,6 en cas de négligence [60]. Une étude prospective montre le lien entre antécédents d’abus physique et arrestation pour violence est plus important chez les filles que chez les garçons (OR = 7,61) [61]. On retrouve entre 30 à 90 % de maltraitance chez les enfants emprisonnés, avec des abus sexuels particulièrement fréquents chez les filles [62]. L’une des conséquences redoutées chez les enfants victimes de maltraitance est la répétition de telles situations au sein de leur propre foyer à l’âge adulte. Les mécanismes psychologiques impliqués traduiraient la difficulté dans la construction passée des figures d’identifications parentales et une défaillance des imagos parentales convoquées lors de l’accès à la parentalité [63]. Une étude longitudinale sur 20 ans montre que la survenue de troubles des conduites explique le lien entre abus physique et négligence dans l’enfance et une violence contre sa partenaire à l’âge adulte. En revanche l’exposition à des situations de violence conjugale entre ses parents dans l’enfance est associée à la survenue de violence conjugale contre sa compagne à l’âge adulte et cela indépendant de la survenue de trouble des conduites dans l’enfance. Ces résultats serraient davantage en faveur de mécanismes d’imitation et d’apprentissage social de l’expression de la violence conjugale [58,64]. D’autres travaux ont mis en évidence les effets de stress chroniques précoces sur la diminution de l’expression de récepteur aux glucocorticoïdes dans la région hippocampique, qui serrait liée à des modifications épigénétiques (en particulier la méthylation des cytosines dans la région du promoteur d’une des sous-unités du récepteur) [44]. De tels remaniements transcriptionnels sont retrouvés aussi bien dans des modèles animaux, que chez l’homme où des études histologiques post-mortem chez des sujets suicidés ayant vécus des situations de maltraitance dans l’enfance retrouvent des résultats similaires [65]. Des troubles des comportements sexuels sont retrouvés chez les pré-adolescents ayant subi des abus sexuels [66], mais aussi chez les enfants victimes d’abus physiques. Une étude prospective retrouve chez des sujets âgés de 29 ans ayant subi des abus physiques, sexuels ou un contexte 308 de négligence grave : une activité sexuelle plus précoce, davantage de grossesses pendant l’adolescence, un taux d’avortement supérieur, un risque plus élevé de maladie sexuellement transmissible [67] et davantage de prostitution [67]. Ces risques sont majorés en cas d’abus sexuels répétés ou en cas d’association à d’autres évènements de vie négatifs pendant l’enfance [9,68]. Impact sur l’éducation et emploi Une étude prospective ayant suivi des enfants pendant plus de 30 ans retrouve un niveau éducatif plus bas, des difficultés plus grandes pour accéder à l’emploi et des salaires moins élevés. Les enfants maltraités ont de moins bons résultats scolaires et davantage d’orientation en éducation spécialisée [69—71]. Seul 42 % des enfants victimes de maltraitance terminent l’enseignement secondaire contre 2/3 des témoins [71], à l’âge adulte seul 6—10 % obtiennent un diplôme universitaire, contre 28 % des témoins [69]. Une étude prospective a montré que l’association de la maltraitance avec l’absentéisme et les performances scolaires serait liée au moment d’apparition de l’évènement avec un effet cumulatif des différents épisodes de maltraitances [72]. La qualité de vie de ces enfants à long terme est moins bonne comme en témoignent les résultats des enquêtes sur la scolarité et la vie professionnelle [73]. Afin de mieux évaluer le retentissement global et les coûts indirects, des études médico-économiques doivent encore être menées. Ainsi deux études ont montré une augmentation de l’usage de services de santé [74,75]. Retentissement psychologique Les conséquences psychologiques ont longtemps été les seules étudiées [8]. Ces données sont issues de cohortes d’enfants ayant pu être suivis jusqu’à l’âge adulte, et qui ont bénéficié d’évaluations répétées pour rechercher des éléments psychopathologiques [4,76] (Tableaux 2 et 3). Troubles du comportement pendant l’enfance et l’adolescence Les troubles du comportement apparus après un épisode de maltraitance peuvent persister tout au long de l’enfance et à l’adolescence [59,70,76,77]. On retrouve un effet cumulatif des différents types de maltraitances sur la survenue de troubles du comportement [77]. La prévalence du trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité (TDAH) est plus importante chez ces enfants, avec davantage de forme comorbide d’un trouble oppositionnel avec provocation ou d’un trouble des conduites [44]. Les enfants souffrant de TDAH sont aussi plus à risque de maltraitance, compte tenu de leur environnement familial souvent plus conflictuel, du retentissement familial des troubles du comportement, et du tempérament impulsif souvent retrouvés chez les apparentés. Par ailleurs les manifestations comportementales d’un syndrome post-traumatique chez les enfants victimes de maltraitances peuvent évoquer les signes de TDAH. Le concept de phénocopie a été proposé pour décrire cette similarité avec le tableau clinique du TDAH, alors que l’évolution des troubles diffère. En effet, à distance des évènements traumatiques ou en cas X. Benarous et al. de changement d’environnement, ces enfants ne répondent généralement plus aux critères de TDAH [78]. Troubles dépressifs Le risque de dépression à l’adolescence ou à l’âge adulte est augmenté (OR = 2,1) et reflète en partie le contexte familial dans lequel surviennent les troubles [42,59,70,77,79,80]. Près de 1/4 à 1/3 de ces enfants répondent aux critères DSMIV de la dépression à l’âge de 20 ans [81]. La survenue d’un épisode dépressif au cours de l’enfance renforce la nécessité d’une intervention précoce pour prévenir un retentissement scolaire [77], l’installation de cognitions dépressogènes et de remaniement social et familial faisant le lit d’une récidive dépressive (hypothèse de stress generation) [82]. La dépression est associée à tous les types de maltraitances. Les études ont mis en évidence une relation dose—effet avec davantage de dépression dans les contextes les plus sévères [19,81] ; ainsi qu’une possible existence de modulation lié à des effets gène/environnement impliquant les voies sérotoninergiques [83]. État de stress post-traumatique L’association entre état de stress post-traumatique (ESPT) et maltraitance dans l’enfance persiste après ajustement sur les caractéristiques familiales associées à la maltraitance (OR = 4,4) [19,42,59,70,84]. Le plus souvent les troubles perdurent à l’âge adulte. L’équipe de Widom a suivi des enfants ayant subi différents types de maltraitances avant l’âge de 12 ans, à l’âge de 29 ans on retrouve 23 % des sujets souffrant de ESPT en cas d’abus sexuel, 19 % ESPT en cas d’abus physique, 17 % ESPT en cas de négligence comparé à 10 % ESPT dans la population témoin. Le risque vie entière reste toujours élevé [84]. Une méta-analyse suggère une relation dose—effet avec un risque majoré en cas de viol [19]. Le risque de survenue d’un trouble anxieux à l’âge adulte serait multiplié par 1,8 en cas de maltraitance [42]. Trouble de la personnalité Il existe un lien entre la survenue d’abus dans l’enfance et le développement d’un trouble de la personnalité à l’âge adulte [80]. Ce lien est retrouvé dans l’ensemble des clusters de personnalité : les personnalités dépendantes, évitantes, obsessionnelles [85], borderline [86], antisociales [60,81,86], histrioniques et narcissiques [87]. La spécificité d’un type de traumatisme sur la survenue d’un type de personnalité est encore discutée : le lien entre abus physique et personnalité antisociale semble le mieux étayé [88,89], alors que les résultats sont contradictoires entre abus sexuel et personnalité borderline [88,89]. On retrouve une association entre la sévérité de la maltraitance et la gravité des symptômes présentés [87]. Conduites autoagressives Les abus physiques et sexuels sont associés à un risque multiplié par deux de tentative de suicide à l’âge adulte, soit une prévalence vie entière de 19 % contre 8 % chez les témoins [66,81]. Bien que ce risque soit aussi très élevé dans les contextes de négligence, il est davantage expliqué par les facteurs sociaux et familiaux [79]. Ce risque augmente avec l’accumulation d’épisodes de maltraitances, incluant le fait Abus, maltraitance et négligence : épidémiologie et retentissements d’être témoin de violence conjugale [68]. L’association avec les comportements d’automutilations comme les scarifications est faible d’après une revue de la littérature de 45 études rétrospectives [90]. Au contraire, une étude prospective montre une association importante des automutilations avec les abus sexuels, qui n’est pas retrouvée en cas d’abus physique ou de négligence [91]. Addictions Le risque de problèmes liés à l’alcool au cours de l’adolescence et à l’âge adulte est augmenté de 1,7 en cas de maltraitance infantile [42]. Cet effet d’intensité modéré est partiellement expliqué par les caractéristiques familiales, en particulier l’existence d’un abus d’alcool chez l’un des parents [19,34,77,81,92]. Une étude prospective conduite jusqu’à l’âge de 39 ans ainsi qu’une revue systématique de 224 études montrent que cette association chez l’adulte est limitée aux femmes [92]. L’association avec l’addiction aux drogues est bien reconnue, avec un risque supplémentaire de 1,9 [34,42,70,77,81,91,93]. Le risque de se voir diagnostiquer une addiction à l’âge de 29 ans est plus important chez les adultes ayant subi des maltraitances dans l’enfance comparés aux témoins [93]. On retrouve aussi un effet cumulatif des différentes formes de maltraitance sur le risque de rapporter une consommation élevée d’alcool ou de drogue à l’âge adulte [94]. Autres troubles psychiatriques On ne retrouve pas d’association entre maltraitance infantile et trouble psychotique à l’âge adulte une fois les biais de confusion potentiels éliminés [95]. La surestimation de la participation psychotraumatique dans la survenue de trouble autistique peut en partie être expliquée par la ressemblance entre les troubles de l’attachement désorganisés marqués par l’inhibition et les stéréotypies motrices avec la sémiologie autistique typique [50]. Des études prospectives montrent une association entre trouble du comportement alimentaire, en particulier en cas d’abus sexuel, avec des résultats plus discutables pour les autres formes de maltraitances [96]. Une étude a mis en évidence une association entre l’existence d’abus émotionnel et de négligence grave dans l’enfance et une diminution des fonctions cognitives notamment des déficits mnésiques à l’âge adulte [97]. Le risque attribuable des abus physiques dans la survenue de troubles mentaux serait de 5 %, et de 13 % en cas d’abus sexuel [81]. Au-delà de la fréquence plus élevée de ces troubles, les enfants victimes de maltraitance présenteraient des épisodes de moins bons pronostics, avec des âges de survenue plus précoces, des symptômes plus sévères, davantage de comorbidités, et une moins bonne réponse au traitement en cas de troubles anxieux, d’épisodes dépressifs ou d’abus de substance [42]. Une revue récente propose d’ajouter la mention « avec histoire de maltraitance » dans les classifications actuelles (specifier dans le DSM) pour tenir compte du plus mauvais pronostic de la pathologie présentée [42]. Conclusion La maltraitance concernerait 5 % des enfants. Elle reste un phénomène complexe à évaluer précisément malgré 309 l’émergence de définitions consensuelles et les efforts pour croiser différentes sources d’information. La relative stabilité de la prévalence totale de la maltraitance infantile en France doit être interprétée prudemment. Il convient de tenir compte de l’élargissement de la définition qui peut inclure les négligences graves, être témoin de violences conjugales ou encore l’ensemble des enfants à risque ; mais aussi des conséquences des interventions de repérages et de prises en charge de ces situations. Par ailleurs ce dernier point sera développé spécifiquement dans la seconde partie de cette revue. Les études prospectives ont permis de mieux évaluer les conséquences à long terme des abus et des négligences graves. Sur le plan psychiatrique on retrouve quatre fois plus de troubles anxieux et deux fois plus de troubles dépressifs, avec un risque suicidaire important. Les suicides représentent près de la moitié des causes de décès dans cette population. Le lien est moins spécifique pour les autres troubles et davantage expliqué par des facteurs de risque communs. Les plus mauvais pronostics des troubles psychiatriques chez les sujets ayant été victimes de maltraitance sont en partie liés à leur survenue plus précoce. Une association entre abus dans l’enfance et survenue de pathologie somatique comme le diabète ou l’HTA est bien montrée ; on suspecte en particulier le rôle favorisant de l’inflammation chronique. Des modèles intégratifs, comme les modèles écologiques, se développent pour mieux comprendre l’articulation des facteurs de risque individuels et environnementaux à différents niveaux. Ainsi l’impact des traumatismes précoces implique à la fois des effets directs sur la maturation cérébrale et le système de régulation du stress mais aussi des effets indirects sur l’environnement et donc sur la qualité des échanges avec le milieu, eux-mêmes indispensables au développement cérébral. Les travaux d’épidémiologie sur le retentissement social (scolaire et professionnel) devraient mieux tenir compte de facteurs individuels comme l’impulsivité ou la dysrégulation émotionnelle qui favorisent les troubles des comportements et les conduites à risque, et donc le risque de survictimisation dans l’enfance et de développement d’un trouble psychiatrique. Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article. Références [1] Tardieu A. 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