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Introduction
Le secteur informel joue un rôle de premier plan dans l’économie africaine en général et sénégalaise en
particulier. Quelques 5 millions de Sénégalais « exclus » de l’économie conventionnelle s’y retrouvent au
moment où, le secteur dit moderne s’essouffle. Il s’y ajoute que la création et la gestion d’une entreprise
moderne relève d’un véritable parcours de combattant à tel enseigne que l’entrepreneuriat « formel »
inspire une méfiance voire une répulsion de la part de l’opinion publique. Ainsi, pour échapper aux
multiples tracasseries découlant de la formalisation de leurs entités économiques et des obligations d’ordre
fiscal, pécuniaire, réglementaire…, de nombreux entrepreneurs opèrent en marge de l’économie moderne
en y menant des activités souvent prospères qui génèrent des millions d’emplois pour la population
active. Se faisant, un débat reste ouvert au niveau de certaines organisations professionnelles et autorités
patronales quant à l’opportunité de la sauvegarde ou de l’éradication du secteur informel, étant entendu
que la Fonction publique et le secteur privé traditionnel ne peuvent pas absorber toute la masse de
travailleurs non qualifiés. Ces derniers trouvent des opportunités d’emplois dans les unités de production
de l’économie informelle (petits commerces, ateliers de menuiserie bois et métallique, garages
automobiles…) dont le développement se fait de façon anarchique dans les quartiers d’habitation,
entrainant une exposition à divers risques de nature différente.
C’est dire donc que l’importance économique et sociale que revêt l’informel n’est plus à démonter. Pour
s’en convaincre une fois de plus, il suffit de « demander aux ménages sénégalais comment
s’approvisionnent – ils en denrées de première nécessité, aux industriels comment font –ils pour que leurs
produits soient accessibles sur l’étendue du territoire national, aux professionnels du Bâtiment et des
Travaux Publics où trouvent – ils de la main d’œuvre, aux paysans comment leurs productions sont
acheminées au niveau des grands marchés, aux banques quels sont leurs meilleurs clients en termes de
volumes de transactions économiques, à l’Etat quels sont les acteurs économiques qui contribuent le plus
à la stabilité sociale, à la croissance économique… ?», s’exclamait un responsable de l’UNACOIS (Union
Nationale des Commerçants et Industriels du Sénégal). D’ailleurs si le Sénégal a pu faire face aux chocs
exogènes, c’est grâce au dynamisme des acteurs économiques du secteur informel.
Cependant, malgré leurs multiples avantages, il faut noter que les entreprises du secteur informel sont
confrontées à des besoins énormes en matière d’équipements technologiques. Les dirigeants de ces
entreprises manquent souvent de formation appropriée et de compétences managériales et techniques. Il
s’y ajoute qu’elles rencontrent aussi des difficultés énormes d’accès aux marchés régionaux et
internationaux du fait de l’inadaptation aux normes internationales de qualité de leurs produits, de
l’emballage, des problèmes de logistique et de marketing. Elles sont également confrontées à un problème
de financement et d’accès au crédit bancaire.
La question se pose alors de savoir quelles sont les nouvelles conditions d’émergence et de développement
de l’entrepreneuriat au Sénégal. D’autant plus qu’aujourd’hui, force est de reconnaitre, qu’à la faveur de la
mondialisation et de la libéralisation de l’économie, une nouvelle donne se prête au développement de
l’entreprise. En clair, le débat reste ouvert quant à l’opportunité de l’éradication et de l’inclusion du secteur
informel dans l’économie moderne.
L’ambition de cet article est d’analyser les nouvelles conditions d’émergence d’un entrepreneuriat moderne
résultant de l’éradication et de l’inclusion progressive du secteur informel à l’économie moderne au
Sénégal. Cinq aspects permettant d’appréhender les mutations du contexte entrepreneurial sont ici
abordés : le nouveau rapport à l’entreprise, les modèles entrepreneuriaux de référence, le nouveau
dispositif d’accompagnement, de promotion et d’incitation à la formalisation, la diversification des sources
de financement et enfin l’environnement des affaires. Auparavant, une définition des concepts clés liés à
l’entrepreneuriat et au secteur informel est envisagée suivie d’une présentation de la méthodologie de
l’étude.
1. La dynamique entrepreneuriale au Sénégal
La tradition entrepreneuriale sénégalaise est pratiquement bicentenaire car remontant aux grandes familles
des communes de Saint – Louis et de Gorée, appelées « traitants », qui s’activaient dans le commerce de la
gomme, et plus tard de l’arachide, en partenariat avec les comptoirs des grandes maisons de commerce
bordelaises et marseillaises de l’époque coloniale. D’après Amin (1969), l’histoire des hommes d’affaires
sénégalais est marquée par l’avènement de grandes familles commerçantes, dont certaines ont encore
pignon sur rue. C’est dire donc que la prévalence du Commerce sur l’Industrie, dans la structure de
l’économie nationale, remonte aux sources de l’entrepreneuriat sénégalais.
Cependant, dès 1950, le monde des affaires sénégalais connut un tournant historique marqué par la fin du
monopole de l’arachide, comme objet des transactions commerciales. Les opérateurs économiques