Le Marketing dans le commerce de détail : fondements et

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Boubacar Basse
Le Marketing dans le commerce de
détail :
fondements et pratiques
dans le contexte sénégalais
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Je dédie ce livre à mes parents pour leur soutien affectueux
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Introduction générale
Le commerce est une activité qui remonte de très loin dans les traditions
africaines. Ainsi, l’époque précoloniale fut marquée par la prédominance du troc
qui régna en maitre pendant plusieurs siècles avant de faire place au commerce
moderne avec l’avènement de la contrepartie monétaire. Le caractère équitable de
ces échanges de marchandises était incontestablement un gage d’équilibre social.
Aujourd’hui encore, le commerce reste une activité économique largement
répandue en Afrique, notamment au niveau des populations défavorisées qui opèrent
en marge de l’économie conventionnelle. Ainsi, la dualité du commerce au Sénégal
peut être analysée sous plusieurs angles : secteur formel et secteur informel, commerce
de gros et commerce de détail, commerce sédentaire et commerce ambulant, etc. Cette
dualité multiforme du commerce au Sénégal est à l’image de la contingence et de la
spécificité de la démarche marketing selon les marchés. Il s’agit dès lors de révisiter les
principes du marketing pour les adapter à chaque contexte, relativement à la nature
de l’objet échangé, du périmètre du marché ou au type d’acteurs concernés (Vernette,
2001). Un autre courant de pensées incarné par Tissier-Desbordes (1987), Dubois et
Jolibert (1998), Helfer et Orsoni (1998) reconnait l’existence de variantes selon les
marchés mais minimise les spécificités locales du marketing dès lors qu’elles ne
remettent pas en cause ses principes fondamentaux.
Contrairement à ce qui prévaut dans les pays du Nord, le développement des
grandes surfaces n’a pas occasionné le ralentissement du commerce de détail
« traditionnel » au Sénégal. D’autant plus que la vente au détail reste très largement
répandue dans les grands magasins en libre-service (hypermarchés, supermarchés,)
ainsi que dans bien des commerces de gros par définition. Le commerce de détail,
sédentaire ou non sédentaire (marchands ambulants) est un commerce indépendant,
généralement isolé, c’est-à-dire sans lien d’aucune sorte avec d’autres entreprises. Il
découle d’une stratégie d’adaptation au contexte local et constitue, de ce fait, une
réponse adéquate à une forte exigence du consommateur sénégalais. Aussi, la
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prédominance du secteur informel dans le commerce de détail reste une
caractéristique bien sénégalaise (Basse, 2015). Pour s’en convaincre une fois de plus,
il suffit de « demander aux ménages sénégalais comment s’approvisionnent-ils en
denrées de première nécessité, aux industriels comment font-ils pour que leurs
produits soient accessibles sur l’étendue du territoire national, aux professionnels du
Bâtiment et des Travaux Publics où trouvent-ils de la main d’œuvre, aux paysans
comment leurs productions sont acheminées au niveau des grands marchés, aux
banques quels sont leurs meilleurs clients en termes de volumes de transactions
économiques, à l’Etat quels sont les acteurs économiques qui contribuent le plus à la
stabilité sociale, à la croissance économique… ? », s’exclamait un responsable de
l’UNACOIS (Union Nationale des Commerçants et Industriels du Sénégal). Dès lors,
une certaine dualité entre le secteur conventionnel et le secteur informel est instaurée
dans la mise en œuvre des stratégies et politiques commerciales. Si les entreprises du
secteur moderne se référent aux principes fondamentaux du marketing qui
gouvernent l’essentiel de leurs pratiques commerciales, les acteurs du secteur
informel font preuve d’une certaine autonomie pour faire valoir les acquis d’une
expérience professionnelle généralement inspirée d’un esprit marketing.
Le but de cet ouvrage est donc de cerner les spécificités contingentes des
différents éléments du retailing mix ou marketing mix du distributeur, en mettant
un accent particulier sur :
– La prédominance du commerce de détail due à la faiblesse du pouvoir d’achat
dans un contexte quasi généralisé de pauvreté. Nous en voulons pour preuve
l’exemple de l’entreprise Cowbell qui a dû faire faillite, il y a quelques années, au
Sénégal, à cause, entre autres raisons, d’erreurs sur le conditionnement du « lait en
poudre » vendu en sachet d’un kilogramme voire plus. Cette offre n’était
visiblement pas adaptée au comportement du consommateur Sénégalais qui reste
généralement attaché à de micro-conditionnements destinés à satisfaire
régulièrement des besoins ponctuels. Comme pour tirer des leçons pertinentes de
cette expérience malencontreuse, les sociétés de télécommunication comme
Sonatel (Orange), Sentel (Tigo) et Sudatel (Expresso) en arrivent aujourd’hui à
vendre du crédit téléphonique au détail, à des prix modiques (50 FCFA, 100 F
CFA…) afin de satisfaire l’essentiel de leurs clientèles ;
– L’inéluctable négociation du prix ou marchandage, en lieu et place d’une
généralisation de prix fixes ;
– La dimension relationnelle voire affective du marketing avec des pratiques
bien établies dans les usages commerciaux comme l’accueil, l’hospitalité, la vente à
crédit, l’octroi de bonus… dans une perspective de fidélisation personnalisée de la
clientèle.
Ces spécificités locales s’inscrivent en droite ligne du marketing médiateur, au
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sens de Marion (1997) et Hetzel (1995), qui est à mi chemin entre d’une part, un
marketing de l’offre axé sur une faible prise en compte des besoins du marché, et
d’autre part un marketing orienté marché qui conçoit l’offre en fonction des
attentes de la demande. Ainsi, dans le cas d’une offre de produits de grande
consommation, la souveraineté du consommateur est mise en avant. En revanche,
lorsqu’il s’agit de biens anomaux relativement complexes, l’offre se focalise sur
l’innovation technologique qui caractérise le produit.
Cet ouvrage est divisé en cinq chapitres. Le premier chapitre aborde le contexte
socio-économique pour cerner les caractéristiques du marché sénégalais, tant du
côté de la demande que de l’offre. Le deuxième chapitre relève non seulement la
particularité d’un esprit marketing mais aussi la dualité sectorielle des pratiques de
marketing en référence au contexte local. Le chapitre trois définit des concepts clés
du commerce de détail avant d’analyser la typologie des clients ainsi que les
comportements d’achat. Le chapitre quatre s’intéresse à la rentabilisation des
magasins en abordant les éléments fondamentaux du retailing mix, à savoir
l’assortiment, la marge, le merchandising, la publicité et la promotion des ventes.
Enfin, le chapitre cinq entrevoit les tendances lourdes qui caractérisent le
commerce de détail de demain.
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