4
DESTINATION LES PAYS BALTES - POURQUOI ?
Il n’est pas facile d’aborder le sujet dont il est question dans ce chapitre, tant s’en faut,
mais il était indispensable de le faire malgré tout.
Les chiffres de la déportation
Tout d’abord, je rappellerai les chiffres de la déportation de France, pendant la Seconde
Guerre mondiale. Selon les travaux de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation, ces
chiffres ont été longtemps contestés.
Dans son Livre-Mémorial28, la Fondation pour la Mémoire de la Déportation recense
165 000 déportés (selon les résultats des recherches au 1er janvier 2007) :
- 76 000 déportés dont 11 000 enfants, au titre des persécutions antisémites et dans le
cadre de la mise en œuvre de la « solution finale de la question juive en Europe », dont 3 % sont
revenus (environ 2 280) ;
- 89 390 déportés au titre de la lutte contre l’occupant (résistants ou opposants
politiques, otages ou victimes de représailles) mais aussi comme droits communs, homosexuels,
dont 60 % sont revenus (environ 53 400).
Selon un article du journal Les Echos, relevé sur Internet le 11 avril 2010, sur les
75 721 Juifs déportés de France vers les camps de la mort - dont quelque 11 400 enfants -
entre 2 500 et 3 000 ont survécu. Il s’agit des chiffres du Mémorial de la Déportation des Juifs
de France, de Serge Klarsfeld, mais comme certaines listes étaient plus ou moins illisibles ou
incomplètes, il faut considérer qu’il s’agit d’un nombre indiscutable mais minimum.
L’incrédulité
Ceci étant établi, toutes les interviews de survivants et tous les récits que certains
d’entre eux ont publiés, font état de ce qu’à leur retour personne ne voulait les croire :
« À partir du jour où j’ai été pris donc, en charge par les prisonniers qui m’ont
recueilli, je me suis dit que, raconter ce que l’on a subi, personne ne nous croira.
Ce n’est pas possible. Et donc je me taisais. J’avais mis un mouchoir là-dessus, c’était
un épisode malheureux de mon existence et c’est terminé. «
Simon Futeral - Déporté survivant du convoi 73 (décédé en août 2007)
Extrait de son interview pour le DVD L’absence pour mémoire29
« [Simone Veil] évoque son arrestation à 16 ans, son arrivée dans le camp de Birkenau ;
elle évoque le retour dramatique des déportés ; l’incrédulité des gens qui écoutaient leurs
récits. »30
« Fanny C. n’oublie pas le sentiment d’incrédulité auquel se heurtèrent immédiatement
les déportés. « Le médecin du Lutétia m’a envoyée au Val-de-Grâce pour une blessure
qui s’infectait. Là-bas, le toubib remarque mon tatouage et me demande ce que c’est.
Je lui parle du camp. Il me délivre un bon de consultation pour l’asile de Sainte-Anne !
À cet instant j’ai su que jamais nous ne pourrions nous faire comprendre. » 31
28 FONDATION POUR LA MÉMOIRE DE LA DÉPORTATION, Le Livre-Mémorial des déportés de France arrêtés par mesure de répression
et dans certains cas par mesure de persécution 1940-1945, éd. Tirésias, Paris, 2004.
29 REYNIER Béatrice et Patrick, L’absence pour mémoire - DVD, studio Epi, Paris, février 2010.
30 Internet : http://www.ina.fr/notice/voirTouteVideoSimilaire/page/2/disp/liste/dir/desc/idNotice/CAB88016005
31 Internet : http://anciens.combat.qc.voila.net/DifficileRetour.html Construit à Paris en 1867, « L’asile Sainte-Anne », est
aujourd’hui un Centre hospitalier psychiatrique.