fortement symboliques va cependant agir comme un révélateur et faire évoluer les
mentalités.
10 La destruction en 1971 des halles de Baltard, le « ventre de Paris », fait l’effet d’un
électrochoc. Désaffectés depuis le transfert du marché de gros à Rungis en 1969, ces
10 pavillons en fonte et verre construits entre 1852 et 1870 sont condamnés malgré l’avis
de la commission supérieure des Monuments historiques en faveur de leur classement.
Leur destruction est justifiée par des arguments modernistes et hygiénistes qui ne sont
que faux prétextes, l’insalubrité du lieu étant liée à la fonction et non aux bâtiments. Mais
la rénovation du quartier des Halles doit permettre la construction d’un grand espace
commercial, le Forum, associé à une gare RER en sous-sol, et les intérêts économiques
priment. Face au tollé soulevé par l’opération, un des pavillons est finalement
sauvegardé, protégé au titre des monuments historiques et déplacé à Nogent-sur-Marne.
Le « sacrifice de Baltard » va faire brutalement évoluer les mentalités et permettre le
sauvetage de la gare d’Orsay en 1977 et sa reconversion en musée.
11 C’est dans ce contexte que des associations de sauvegarde vont se créer et se multiplier.
Certaines se mobilisent autour d’un site en péril, comme celui de la corderie Vallois dans
la vallée du Cailly, en Haute-Normandie. D’autres mettent en œuvre le nouveau concept
muséographique de lien entre les hommes, le patrimoine et le territoire, élaboré par
Georges-Henri Rivière (fondateur du musée national des Arts et Traditions populaires), et
se constituent en écomusées. Le premier, celui du Creusot, est fondé en 1973 autour de
l’empire Schneider, suivi par d’autres tels que l’écomusée de Fourmies-Trelon dans
l’Avesnois (1980) autour de l’industrie du textile et du verre, ou encore celui des forges
d’Inzinzac-Lochrist dans le Morbihan (1981).
12 Parallèlement, des historiens s’emparent de l’héritage industriel comme d’un nouveau
champ de recherche associant l’histoire technique, sociale, économique ainsi que
l’ethnologie. L’archéologie industrielle entre alors à l’université.
13 En 1979, les différents milieux, scientifique, associatif et industriel se regroupent et
fondent au Creusot la première association d’envergure nationale pour le patrimoine
industriel, le CILAC (Comité d’information et de liaison pour l’archéologie, l’étude et la
mise en valeur du patrimoine industriel). Son approche scientifique est assortie d’une
réflexion sur l’enjeu culturel des sites, c’est-à-dire la nécessité de leur sauvegarde et de
leur mise en valeur. Il s’agit de faire reconnaître l’héritage industriel non plus seulement
comme sujet d’étude mais comme véritable champ du patrimoine.
14 Dans ce contexte de changement profond, l’action de l’État vis-à-vis des témoins du
monde industriel semble ambiguë, voire contradictoire. Face au sort des sites industriels
déchus de leur fonction productrice, on observe un décalage important entre la politique
économique mise en œuvre par le ministère de l’Aménagement du territoire et la
politique patrimoniale impulsée par le ministère de la Culture.
Le ministère de la Culture et la prise en compte du patrimoine industriel
15 Au sein du ministère de la Culture, aucune politique en faveur du patrimoine industriel et
technique n’est véritablement définie avant le début des années 1980 où l’arrivée de la
gauche au pouvoir se traduit par un doublement du budget du ministère et par la mise en
place d’une politique de décentralisation culturelle et de revalorisation territoriale. Parmi
les nouvelles missions du ministère de la Culture figure la préservation du patrimoine
Reconversions. L’architecture industrielle réinventée
In Situ, 26 | 2015
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