annéegenet
morvan2010
centenairedelanaissance
jeangenet1910/2010
« Je suis né à Paris le 19 décembre 1910. Pupille de l'assistance publique, il me fut impossible de connaître autre
chose de mon état civil. Quand j'eus vingt et un ans j'obtins un acte de naissance. Ma mère s'appelait Gabrielle
Genet. Mon père reste inconnu. J'étais venu au monde au 22 de la rue d'Assas. Je saurai donc quelques
renseignements sur mon origine, me dis-je, et je me rendis rue d'Assas. Le 22 était occupé par la Maternité.
On refusa de me renseigner. »
d o s s i e r de p r e s s e
> LE MOT DU PRESIDENT,
L’année 2010 fête le centenaire de la naissance de Jean Genet.
Jean Genet, né en 1910, enfant de l’Assistance publique, a passé les treize premières années de sa vie
à Alligny-en-Morvan.
Poète, essayiste, romancier, dramaturge, Jean Genet échappe à toute classification, se dédouble à
l’infini en un jeu de miroirs et de poker menteur, suscite l’amour et la détestation. Ceux qui l’ont
approché, fascinés ou pris d’effroi, ont été confrontés à l’insaisissable. Il n’est jamais là où on l’attend,
il court, il court, le furet et parfois s’arrête, massif, immobile, extrême et outrancier. Il pose question.
Le Morvan, en ce centenaire de sa naissance est en première ligne pour suivre ses traces à travers les
errances et les combats de sa vie et les fulgurances de son œuvre. Ainsi a-t-il été décidé de faire de
l’année 2010, une année Jean Genet.
La programmation que nous présentons, conçue et coordonnée par l’Agence culturelle du Parc du
Morvan, se garde bien de tomber dans l’hagiographie, encore moins dans la compilation de critiques
et de commentateurs. Elle cherche au contraire à donner à voir et à entendre en de multiples lieux et
selon les modes d’expression les plus diversifiés, la parole même du poète.
Expositions, lectures, représentations théâtrales, publications, performances, débats seront autant
d’événements vivants et créatifs dont le Morvan pourra s’enorgueillir.
En écho, d’autres voix se feront entendre, en France et dans les pays du Moyen-Orient avec lesquels
des liens étroits de partenariat pourront être tissés.
Nous souhaitons que l’ensemble de ces initiatives rencontre le plus grand succès, contribue à donner
toute sa place à la culture sur notre territoire, et surtout à faire lire les textes de Genet, parmi les plus
beaux du XXè siècle.
Christian PAUL. Président du Parc naturel régional du Morvan.
> CONFERENCE DE PRESSE // JEAN GENET 2010 en MORVAN
Le lancement de la manifestation « JEAN GENET 2010 EN MORVAN » se tiendra le :
VENDREDI 22 JANVIER 2010 // 15h00 // Auditorium Marcel Vigreux
Maison du Parc naturel régional du Morvan // SAINT BRISSON (58).
Cette journée se déroulera en la présence de Christian PAUL, Président du Parc naturel régional du
Morvan, de Christian DE LAVERNEE, Préfet de la Région Bourgogne, Préfet de Côte d’Or et de François
PATRIAT, Président du Conseil Régional de Bourgogne.
> CONFERENCE DE PRESSE // VENDREDI 22 JANVIER / 15h00
> LECTURE PAR DES COMEDIENS ET DES ELUS DU MORVAN
La pièce de Jean Genet, les Paravents, créée au Théâtre de France (Odéon) par Roger Blin le 16 avril 1966,
d'abord accueillie sans scandale, déchaîne les passions quinze jours après la première représentation. Certains
critiques n'y voient qu'une atteinte à la morale et une insulte à l'armée. D'anciens combattants d'Indochine et
d'Algérie manifestent et des bagarres éclatent. Des députés s'élèvent contre la création de cette pièce dans un
théâtre subventionné et demandent la suppression de la subvention correspondante dans le cadre de la discussion
des crédits des affaires culturelles.
André Malraux, Ministre d'État chargé des affaires culturelles intervient en réponse à divers orateurs.
Lors de cette conférence de presse de ce vendredi 22 janvier sera présentée, par des élus du Morvan et des
comédiens, une lecture de ce débat.
ASSEMBLÉE NATIONALE / CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 / 2' Législature
PREMIERE SESSION ORDINAIRE DE 1966-1967
COMPTE RENDU INTEGRAL / 36° SEANCE
2° Séance du Jeudi 27 Octobre 1966.
MM. Icart, rapporteur 'spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan / Becker apporteur
pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales / Ribadeau-Dumas, rapporteur pour avis
de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour le cinéma.
M. Malraux, ministre d'Etat chargé des affaires culturelles.
MM. Caill, Grenier, le président, Fouet, Boutard, Christian Bonnet, Royer, de Préaumont, Martin, Mainguy, Duffaut,
Zimmermann, Commenay, Mer, Flornoy, Delmas, Pierre Bas, Bizet, Georges, Max-Petit, Comte Offenbach, Héder.
Extraits du débat
M le Président
La parole est à M. Christian Bonnet.
M. Christian Bonnet.
Monsieur le ministre, grâce à cette éloquence si passionnée et si particulière qui est l'un des aspects de votre
génie, l'évocation des crédits relatifs aux affaires culturelles est chaque année le sommet de la discussion
budgétaire.
Pour ma part, j'aborderai aujourd'hui un problème délicat. Je le ferai avec mesure, sans perdre de vue un instant
ce que La Bruyère disait de la principale partie de l'orateur, qui doit être la probité, et en demandant à ceux qui
m'entendent de considérer que la principale partie de celui qui écoute est la courtoisie, surtout de la part de ceux
qui font profession avec moi, de défendre l'esprit de tolérance.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, on a beaucoup parlé d'une pièce montée sur une scène subventionnée,
le Théâtre de France : Les Paravents. Mais j'ai le sentiment que nombre de ceux qui ont pris parti dans ce qu'on
peut bien appeler une querelle — une querelle qui, au demeurant, n'a rien de politique, ce qui est très heureux —
n'étaient peut-être pas très exactement informés du problème.
Telle est la raison pour laquelle, rassurez-vous, je lirai un très court passage de la pièce :
Nous sommes au quinzième tableau qui se déroule en
Algérie. Le tableau commence par les femmes musulmanes, se prolonge par la venue de légionnaires et s'achève
par la mort du lieutenant :
KADIJA
— Qu'est-ce que vous avez pris dans les gencives, toi,
Sahid et Leïla Et baver . . . et chier . . . et roter . . . et pisser du
feu . . . dégueuler vos tripes.
LA MERES
— Et fourrer dans la merde jusqu'au ras des lèvres ...
et attention, les clapotis, les vagues . . . serrez vos dents !
(Apparaissent quatre légionnaires marchant lentement)
NESTOR
— L'autre qui ne bouge plus, et c ' est le vent qu 'on
avale.
ROGER, pétant et d'une voix grave.
— Avale les miens, c'est
des vents du Lot-et-Garonne.
NESTOR, se bouchant le nez.
— Dégueulasse, lâchez des pets,
facile à dire, mais ceux qui n'ont pas le ventre ballonné?
ROGER
— Fallait qu ' ils y pensent . . . En partant j'ai fait le
Plein air du pays . . . La patrie m'environne, et -je me déplisse
le trou du cul.
Et plus loin, alors que le lieutenant vient d'être frappé à
mort :
Bien sûr, il ne sera pas en terre française, mais,
enfin, on peut tout de même . . . puisqu ' on a que ça. . . Toi, Roger,
si t'as des gaz de rab, et les autres aussi, on pourrait lui en
licher une bouffée.
ROGER
— J'ai compris. . . On va lui faire respirer l'air du Lot et
Garonne.
LE LIEUTENANT
- A boire !
ROGER
— Qu'elle s'ouvre, la narine du lieutenant, et qu'en
expirant . . . On va lui tirer, en silence, les coups de canon réservés
aux personnalités . . . Chacun le sien . . . Visez bien ses narines . ..
Feu ! C'est bien. . . c 'est bien . . . chacun y met du sien . . . un petit
air de France. ..
Mes chers collègues, j'ai tenu à me rendre moi-même, avant-hier, après avoir vu la pièce, à la Bibliothèque
nationale. J'y ai retiré le volume n" 16 Y TH 2207 d'où sont extraits ces passages.
Un hebdomadaire a pu écrire cette semaine encore — car il revient sur le sujet semaine après semaine — que
cette pièce est e une longue messe de Jean Genet avec des cris
admirables et des gestes d'une sombre beautés.
M. Hervé Laudrin.
Drôle d'ecclésiastique, ce Genet !
M. Christian Bonnet.
Comme Gabriel Marcel, qui ne passe pourtant pas pour un esprit attardé, l'écrivait dans les Nouvelles littéraires il y
a quelques mois, il s'agit là d'une véritable exploitation de la pourriture.
Mais ce n'est pas le problème, même si j'incline plutôt à penser, comme l'écrivait François Mauriac dans son Bloc-
notes du Figaro littéraire, il y a quelques semaines seulement : «Sur les scènes subventionnées, Genet est roi, et je
suis seul à m'interroger sur ce qu'il en coûte à un peuple — et surtout à l'adolescence d'un peuple — de tourner en
dérision cette connaissance du mal et du bien qui est au-dedans de nous, mais nous n'avons de cesse qu'elle n'ait
été obscurcie en nos enfants et détruite . »
M. Pierre Bas.
Très bien !
M. Christian Bonnet.
Pour ma part, je ne prendrai pas parti, car le problème n'est pas là. J'observerai seulement qu'à tout le moins le
Théâtre de France ne répond pas à la définition que M. le ministre des affaires culturelles donnait il y a un instant
des maisons de la culture : le lieu où les gens se rencontrent pour rencontrer ce qu'il y a de meilleur en eux.
L'amendement que j'aurai l'honneur de défendre tout à l'heure ne procède pas d'une réaction de pudibonderie ni
d'un réflexe de santé à l'encontre d'un texte ordurier qui n'a pas même de respect pour la mort, ce respect de la
mort dont témoignent pourtant les civilisations les plus frustes.
Le Parlement — singulièrement la commission des finances — a pour mission de contrôler l'utilisation des fonds
publics. C'est pourquoi, insensible aux criailleries hypocrites des esthètes de la décadence, j'en suis venu à penser
qu'il n'appartenait pas à une scène subventionnée — tout est là — et, qui plus est, à l'enseigne du Théâtre de
France, de monter, aux frais d ' un Etat dont le chef nous a confié dans ses mémoires qu'il s'était, toute sa vie, fait
une certaine idée de la France, qu'il ne devenait pas, dis-je, de monter, aux frais de contribuables dont certains ont
eu la douleur de perdre un fils en Algérie,
une pièce comme Les Paravents.
M. André Chandernagor.
Vous jouez les Madame de Maintenon!
M. Christian Bonnet.
Telles sont les explications que je devais à l'Assemblée avant de défendre un amendement qui fait preuve de
mesure puisque, ayant eu connaissance, depuis le débat devant la commission des finances, du montant exact du
devis de la création des Paravents sur la scène du Théâtre de France, j'ai limité à ce chiffre l'abattement que je
proposerai à l'Assemblée d'adopter.
(Applaudissements sur plusieurs bancs du centre démocratique, de l'U. N. R: U. D. T. et du groupe des épublicains
indépendants .)
…/…
M. Bertrand Flornoy.
Je remercie tout d 'abord M . Vivien qui a bien voulu me laisser utiliser son temps de parole qu ' il destinait aux
problèmes de la radio et de la télévision.
Mesdames, messieurs, c'est à André Malraux plus qu 'au ministre des affaires culturelles que je voudrais
m'adresser. Nous avons tous profondément conscience des luttes, des efforts et des souffrances qui ont été
nécessaires pour que soit acquis le droit aux libertés fondamentales, dont la liberté d'expression. Mais, aujourd'hui,
il nous faut constater que les agressions les plus vives, et souvent les plus vénales, sont commises contre une
société, la nôtre, issue de cette liberté. Je parle de toutes les formes d'agressions, sous prétexte d'érotisme dans
les cinémas, par simple médiocrité sur certaines antennes radiophoniques, par rentabilité du scandale dans une
certaine presse, agressions certes plus brutales, plus pernicieuses que celles des spectacles présentés dans deux
théâtres de Paris : Les Paravents et Marat-Sade.
Mais l'Etat donnant -- comme la capitale — un acquit officiel à ces salles de spectacles et sa responsabilité étant
par conséquent engagée, il était normal que notre Assemblée s'en préoccupât.
En effet, alors que l'armée combattante est présentée chez M. Barrault sous un aspect sordide, le Christ crucifié
reçoit chez M. Julien l'hommage surprenant d'une copulation générale. Au nom de l'art, bien sûr, et de la liberté
d'expression ; on n'ose quand même pas dire au nom de la liberté de pensée.
Et des millions de jeunes Français qui ne seront pas les spectateurs de ces pièces, c ' est vrai, sauront néanmoins
— car il n'y a plus ni compartimentage ni spectacles réservés, ni « carré blanc », et tout se dit, tout se sait dans
notre monde d'aujourd'hui — que l'Etat et la plus importante des villes françaises acceptent de favoriser l'agression
de la scatologie et de l'insulte.
Pendant ce temps, nous parlementaires, nous discutons — car nous en avons la responsabilité — de l'affectation
de milliards de francs de crédits, fruit du travail de tous les citoyens français, pour que soient assurés l 'éducation,
la formation professionnelle, la promotion sociale, les loisirs de nos enfants, pour que soient construites les
maisons de la culture — oeuvre .admirable, monsieur le ministre — les maisons de jeunes et les foyers, en un mot
pour que soit intensifiée l'oeuvre que la Veme République a entreprise en faveur de notre jeunesse.
Pendant ce temps, oui ! Nous prenons au sérieux la société de demain, nous essayons de la rendre fraternelle pour
les jeunes et non odieuse et méprisable. Nous avons, en effet, pleine conscience de la transformation que vit notre
pays. Nous ne sommes pas seuls ; des éducateurs, des enseignants, laïcs ou prêtres, communistes ou gaullistes,
consacrent toutes leurs forces, à chaque heure de leur vie, à apprendre l'espoir à des millions de jeunes, à les
convaincre que leur société n'est pas condamnée à se détruire ni à se vomir. Ce sont ces jeunes, monsieur le
ministre, qui visitent déjà et qui visiteront demain vos musées et vos maisons de la culture et c'est à eux, j 'en suis
sûr, que l'Assemblée pense d'abord.
Alors je m'interroge. N'est-ce -pas le rôle de l'Etat d'aider et d'aider exclusivement — je dis bien exclusivement —
ces initiatives, ces efforts, ces dévouements? N'est-ce pas le rôle de l'Etat de faire les choix fondamentaux ?
Dans le cas des deux spectacles dont j'ai parlé, n'aurait-il pas été préférable de leur laisser courir leur chance dans
des théâtres privés puisqu'ils ont un public, ce fameux public prétendu parisien, qu'on estime à 45 .000 personnes?
Mais 45 .000, c'est aussi le nombre annuel des jeunes délinquants en France . Triste équilibre auquel il faut penser
et dont les sociologues se sont inquiétés avant moi ! De toute façon, la police est là pour protéger les loisirs des
uns, pour surveiller les autres.
Mais nous avons à faire un choix. C' est un choix difficile, André Malraux, parce que vous êtes là, que nous vous
estimons profondément, que nous avons en vous une confiance totale. Et sans doute est-ce votre présence qui
inspirera notre vote.
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