Actes du 25e Congrès International de l’AFM – Londres, 14 et 15 mai 2009 L'idéologie de marque perçue par le consommateur à travers les slogans publicitaires : proposition d'une échelle de mesure Olivier FOURE ATER - Université Cergy-Pontoise [email protected] 06 63 25 83 65 Michel DESBORDES Professeur ISC School of Management, Paris Actes du 25e Congrès International de l’AFM – Londres, 14 et 15 mai 2009 L'idéologie de marque perçue par le consommateur à travers les slogans publicitaires : proposition d'une échelle de mesure Résumé A l'instar de "I am what I am" de Reebok, des signatures publicitaires inédites surgissent du creuset sportif au début des années 2000. D'autres univers de marque ont emboîté le pas pour constituer un florilège de slogans à résonance idéologique. L'idéologie de marque, un concept récent dans la littérature marketing, non opérationnalisé et méconnu du point de vue du consommateur. Cet article propose d'éclairer le construit d'idéologie de marque perçue en l'opérationnalisant à l'aide d'une échelle de mesure. Un cheminement méthodologique articulé autour de trois phases, exploratoire, transitoire et quantitative, permet d'aboutir à une échelle multidimensionnelle, fiable et valide. Mots-clés : idéologie, marque, publicité, perception du consommateur, échelle de mesure. Brand ideology perceived by the consumer through advertising slogans: proposition of a measurement scale Abstract Manner of "I am what I am" (Reebok), new advertising claims rise from area sport at the beginning of 2000s. Other brand fields have followed suit to make up a group of slogans with ideological echo. Brand ideology, a recent concept in marketing literature, not measured and unknown from the consumer point of view. This paper proposes to clarify the concept of brand ideology perceived, making it operational with a measurement scale. A methodological process based upon three stages, exploratory, transitory and quantitative, permits to lead to a multidimensional, reliable and valid scale. Key words: ideology, brand, publicity, consumer perception, measurement scale. Actes du 25e Congrès International de l’AFM – Londres, 14 et 15 mai 2009 Introduction Le début des années 2000 marque l'émergence de signatures publicitaires d'un nouveau genre. A l'instar d'Adidas1 et de Reebok2, les marques sportives répondent en écho à Nike et à son fameux slogan assertif : "Just do it". Dans ces signatures, les dimensions identitaire et séditieuse le disputent à la composante énergétique, intrinsèque au champ sportif. D'autres univers de marques ont emboîté le pas (parfum, informatique, télécommunications), charriant à leur tour des dimensions spécifiques, davantage existentielles. Un ensemble de slogans émerge, qui semble exprimer une idéologie émise par la marque. Après la thèse défaitiste du déclin des idéologies, c'est le thème de sa résurgence qui prévaut dans la littérature. Résurgence qui procède de la nécessité de dépasser le champ d'application traditionnel de la philosophie, de la politique et du social. Cette nouvelle dynamique s'accompagne d'une extension de l'idéologie, laquelle s'inscrit alors dans un usage conjoncturel, dans une réalité sociale contemporaine. Elle perdrait sa dimension polémique pour devenir un véritable objet scientifique (Capdevila, 2004). Dans le cadre de cet article, la marque constitue cette forme de réalité sociale contemporaine que nous proposons pour accueillir le concept d'idéologie. La marque, qui occupe une place prééminente dans la société d'hyperconsommation, dont la sphère d'influence est en essor permanent (Kapferer, 1993), et dont la dimension immatérielle recèle un pouvoir d'orientation aux confins du fétichisme (Lipovetsky, 2006). Dans la large panoplie des moyens d'expression de la marque, nous allons focaliser notre étude sur le slogan publicitaire. Les exemples de slogans3 glanés dans la littérature montrent à quel point ce vecteur de communication peut s'avérer fécond en termes de diffusion idéologique (Riou, 2002 ; Maréchal, 2005 ; Lipovetsky, 2006). A cette association composée d'un concept, l'idéologie, d'un champ d'application moderne, la marque, d'un vecteur de diffusion, le slogan publicitaire, nous adjoignons l'angle de perceptions, celui du public consommateur. Voici égrenées les quatre composantes de notre objet de recherche : l'idéologie de marque perçue par le consommateur à travers le slogan publicitaire. Cet article se propose de mettre en lumière le concept d'idéologie de marque perçue par le consommateur, a priori latent. Pour répondre à cet enjeu descriptif, nous allons chercher à bâtir une échelle de mesure multidimensionnelle, dotée des qualités de fiabilité et de validité. 1 "Impossible is nothing". "Break the rules", puis "I am what I am". 3 "Be yourself" de Calvin Klein ; "N'imitez pas innovez" de Hugo Boss ; "Deviens ce que tu es" de Lacoste ; "Think different" de Apple… 2 1 Actes du 25e Congrès International de l’AFM – Londres, 14 et 15 mai 2009 Notre démarche de développement d'échelle s'articule autour de trois phases successives : exploratoire, transitoire et quantitative. Notre communication se structure autour de quatre parties. Dans un premier temps, le cadre théorique permet de présenter les positions des auteurs au sujet du concept d'idéologie dans son acception traditionnelle (philosophique) et marketing (idéologie publicitaire et idéologie de marque). La démarche méthodologique de construction de l'échelle constitue la deuxième partie. Elle détaille les phases exploratoire et quantitative, leurs étapes constitutives, les principaux éléments relatifs aux recueils et aux analyses. Dans un troisième temps, les résultats majeurs sont exposés. Enfin, la conclusion aborde les apports, limites et voies de recherche. 1. Cadre théorique 1.1. Soubassement philosophique de l'idéologie C'est d'abord la puissance de l'idéologie qui apparaît prégnante (Ricoeur, 1997). Dans une même veine, Capdevila (2004) témoigne de la prolifération des usages disciplinaires de l'idéologie, tout en soulignant la polysémie du concept. Dans une perspective plus modélisante, nous pouvons développer la typologie des trois fonctions de l'idéologie conçue par Ricoeur (1997). Dans sa fonction de distorsion, fondamentale pour l'auteur, l'idéologie est composée des représentations, des conceptions, des idées élaborées à partir de la réalité ; elle représente alors une image déformée du réel. La fonction de légitimation vise à justifier l'autorité, puisque tout système de domination requiert non seulement une soumission physique mais aussi un consentement. Enfin la fonction d'intégration lui confère un aspect plus positif : l'idéologie assure la préservation de l'identité culturelle d'un groupe menacée par des tensions. L'impact de cette taxinomie recueille des avis contradictoires dans la littérature. Capdevila (2004) met l'accent sur son ambiguïté ; Marion (2004) la juge comme un standard qui inspire sa propre modélisation. 2 Actes du 25e Congrès International de l’AFM – Londres, 14 et 15 mai 2009 1.2. Idéologie dans la littérature marketing Une revue de littérature chronologique permet de rendre compte de l'apparition et de l'ancrage du concept d'idéologie publicitaire. Pionnière en la matière, Bardin (1975) présente la publicité comme lieu de production idéologique. Plus tard, Cathelat (1992) se situe à l'unisson de cette thèse. Le moule idéologique de la publicité est conçu, dans lequel viennent se couler d'autres références du marketing. La fonction idéologique de la publicité, qui transmet une vision du monde à une époque où les idéaux s'étiolent, est évoquée par Erra (2003). En écho, Lipovetsky (2006) décrit également cette nouvelle forme de publicité qui délivre des messages et des valeurs à travers les slogans. Auparavant, Floch (2003) soulignait l'existence "d'idéologies publicitaires". Cet aperçu montre que la notion d'idéologie publicitaire a peu évolué : une publicité vision sur le monde et agent de diffusion culturelle. L'auteur qui pousse le plus en avant la notion d'idéologie de marque est sans conteste Riou (2002). L'auteur recense six nouvelles mécaniques publicitaires générées par la société postmoderne, et utilisées par les grandes marques à cible jeune. L'une de ces mécaniques est la mutation des marques en gourous qui prennent le relais des idéologies traditionnelles, et qui énoncent un point de vue dans un espace idéologique laissé vacant. Citons également en renfort quelques auteurs qui, en citant explicitement le terme "idéologie", l'arriment à celui de "marque" et contribuent ainsi à l'éclosion de notre concept. Les marques structurent l'espace public et assument un nouveau rôle face à l'effritement des anciens référents idéologiques (Weil, 2001). Mais cette nouvelle attribution est avant tout l'apanage des grandes marques à forte identité, celles qui possèdent une vision sur le monde (Sicard, 2001). Constat partagé par Breton (2000) qui remarque que l'affrontement entre ces "géants" du marketing est de nature idéologique. Si la notion d'idéologie publicitaire semble aujourd'hui enracinée dans la littérature, celle d'idéologie de marque affleure à peine depuis le début des années 2000, et demeure donc en construction. Dans une perspective plus opérationnelle, le concept d'idéologie est peu répandu dans le milieu académique (Marion, 2004), avec comme corollaire l'absence de mesure (Mucchielli, 2000). Enfin son positionnement dans le pôle de l'émission (marque) est manifeste, au détriment du pôle de la réception (consommateur) : la réception des messages à caractère existentiel demeure inconnue, faute d'étude empirique (Maréchal, 2005). L'idéologie de marque, un concept récent, non opérationnalisé à ce jour et enfin inédit si nous considérons l'approche par le consommateur : ces trois éléments issus du cadre théorique semblent attester du potentiel heuristique de notre objet de recherche. 3 Actes du 25e Congrès International de l’AFM – Londres, 14 et 15 mai 2009 2. Développement d’une échelle de mesure de l’idéologie de marque perçue 2.1. Le paradigme de Churchill comme ossature Le recoupement des travaux académiques portant sur le développement d'échelle de mesure montre de manière saillante que le paradigme de Churchill (1979) constitue une ossature méthodologique. Cependant, quelques initiatives d'amendement ont vu le jour, aboutissant à des modèles alternatifs, à l’instar du paradigme de Rossiter (2002) et de la démarche de Baumgartner et Steenkamp (2006). De plus, il paraît souhaitable d'adapter des séquences standardisées aux objectifs inhérents à notre étude. Ces constats justifient l'intérêt de retenir le modèle de Churchill comme épine dorsale de notre méthodologie, mais invitent également à enrichir les jalons traditionnels du paradigme pour les besoins de notre recherche. Ainsi, la principale inflexion apportée consiste à insérer une étape supplémentaire au sein de la phase quantitative : l'étape de stabilisation. Il s'agit d'abord d'accroître la validité externe de l'échelle en nous assurant que sa structure dimensionnelle demeure stable tout en modifiant le contexte empirique (nouveau jeu de données). Mais la principale raison qui motive ce choix réside dans la nature du construit étudié, dont nous pouvons légitimement conjecturer qu'il est de trait. Baumgartner et Steenkamp (2006) ont remarqué, à la faveur d'un inventaire de 192 travaux de développement d'échelle, que lorsque le concept était défini comme un trait, aucune preuve de stabilité n'était alors fournie. Pour y remédier, nous allons nous efforcer de consolider la dimensionnalité de l'échelle à l'aide d'une étape intermédiaire entre l'émergence et la confirmation, appuyée sur un nouveau recueil. Nous présentons ci-après les deux phases principales de notre démarche de construction d'échelle : exploratoire et quantitative. 2.2. Phase exploratoire Elle s’articule autour de quatre étapes : - Revue de littérature : ouvrages, articles académiques, actes de congrès - Etude documentaire : sources secondaires - Entretiens d'experts : 6 experts interviewés sur leur lieu de travail - Entretiens qualitatifs semi-directifs : 29 étudiants interviewés en salle de classe isolée Chaque étape contribue à l’exploration dimensionnelle en faisant affleurer des versants spécifiques de l'idéologie de marque. La revue de littérature pourvoit les composantes 4 Actes du 25e Congrès International de l’AFM – Londres, 14 et 15 mai 2009 historiques de l'idéologie ; les données secondaires recueillies au cours de l'étude documentaire favorisent l'apparition de composantes plus actualisées du construit. Cependant, la plupart des dimensions idéologiques relevées au cours de ces deux étapes sont relatives à l'émission, c'est-à-dire à la marque. Les entretiens qualitatifs viennent pallier cette carence en faisant jaillir les perceptions du public consommateur. Le public interviewé en entretien est constitué d'étudiants de 18 à 25 ans. Le guide d'entretien s'assortit d'un exercice avec des cartons sur lesquels figurent des slogans publicitaires de marque, soumis un à un aux interviewés. Pour chaque slogan, le chercheur invite l'étudiant à exprimer ses représentations spontanées, puis à le ranger dans une des deux catégories proposées4. Enfin, à l'issue de cet exercice de stimulation, il est demandé à l'interviewé de donner sa propre définition de l'idéologie de marque sur la base du classement qu'il vient de réaliser. Ce recueil de données concourt à l'émergence des dimensions du construit et permet d'identifier des slogans perçus comme idéologiques. 2.3. Phase quantitative Les objectifs assignés à cette phase sont multiples : assurer la dimensionnalité, la purification, la fiabilité et la validité de l'échelle de mesure de l'idéologie de marque perçue. Quatre étapes viennent jalonner cette phase, chacune donnant lieu à une collecte de données. Au total, 841 observations ont été traitées dans le cadre de ce processus quantitatif. Etape Taille Pré-test 19 Emergence 350 Stabilisation Validation 201 Objectifs -Lever les ambiguïtés liées à la formulation -Vérifier l'ergonomie d'ensemble -Faire apparaître la structure dimensionnelle de l'échelle -Purifier les items de l'échelle -Stabiliser la structure dimensionnelle -Purifier les items de l'échelle Analyse Analyse de contenu Logiciel AFE5 SPSS AFC6 par 271 équations structurelles Tableau 1 – Les quatre étapes de la phase quantitative -Confirmer la structure dimensionnelle -Vérifier les propriétés psychométriques LISREL 4 Idéologie et utopie. En effet, la recherche porte également sur le concept d'utopie de marque. Analyse Factorielle Exploratoire. 6 Analyse Factorielle Confirmatoire. 5 5 Actes du 25e Congrès International de l’AFM – Londres, 14 et 15 mai 2009 Recueil des données A l'instar de l'étape qualitative, le public interrogé est toujours composé d'étudiants de 18 à 25 ans. La méthode d'échantillonnage est de convenance : la sélection des étudiants s'effectue sur la base d'affinités électives et des opportunités du terrain. S'agissant du type d'échelle retenu, le format Likert est le plus adapté pour comprendre les causes de variations d’une attitude (Darpy et Volle, 2003). De plus, un nombre impair de modalités garantit mieux la métricité de l'échelle (Ladwein, 1996). D'où le choix d'une échelle de Likert en 5 points allant de "Pas du tout d'accord" à "Tout à fait d'accord". La construction du groupe de slogans épouse la démarche méthodologique de développement d'échelle. En effet, à l'issue de l'étape qualitative, un comptage permet d'identifier les slogans qui sont perçus comme étant à caractère idéologique par les interviewés. Ainsi émergés, ils sont réinvestis au cours de la phase quantitative en étant soumis aux répondants dans un document joint au questionnaire7. Taille des échantillons successifs et coefficients de fiabilité S'agissant des données soumises à une AFE, Evrard, Pras et Roux (2003) recommandent une taille minimum de 200. La taille des échantillons des étapes émergence (350) et stabilisation (201) satisfait à ce critère. L'indicateur retenu pour la mesure de la fiabilité est l'alpha de Cronbach8. Quant aux données soumises à une AFC, une taille idéale comprise entre 200 et 300 observations semble faire consensus (Roussel & al., 2002 ; Evrard, Pras et Roux, 2003). Dans le cadre de notre étude, le nombre d'observations traitées au cours de l'étape de validation (271) s'inscrit dans cette fourchette. Le coefficient rhô de Jöreskog est considéré comme idoine pour les équations structurelles et moins sensible au nombre d'items que l’alpha de Cronbach (Roussel & al., 2002). C'est donc l'indicateur que nous retenons pour la mesure de la fiabilité au cours de l'analyse factorielle confirmatoire. Analyses factorielles L’analyse factorielle exploratoire en composantes principales est utilisée pour traiter les données collectées au cours des étapes d'émergence et de stabilisation de l'échelle. Notre processus de purification repose sur une batterie de cinq critères. Quatre sont d’ordre statistique avec une valeur seuil et une règle de décision. Il s’agit des données manquantes, de la qualité de représentation, de la factorisation et de la fiabilité locale (alpha sans l’item). 7 8 Le groupe de slogans soumis aux répondants figure en annexe A1. Indicateur de fiabilité le plus usuel en AFE d'après la littérature. 6 Actes du 25e Congrès International de l’AFM – Londres, 14 et 15 mai 2009 Le dernier critère confine à l’interprétation puisqu’il s’agit d’examiner l’intérêt théorique de l'item dans la formation de son facteur. S'agissant de la dimensionnalité, les critères d'extraction retenus sont, en priorité, la règle de Kaiser, et le cas échéant, le nombre de facteurs attendus. La rotation Varimax est utilisée pour faciliter l'analyse des facteurs. L’analyse factorielle confirmatoire est employée pour traiter les données recueillies au cours de la dernière étape du processus : la validation de l'échelle. Il s'agit d'une AFC de premier ordre, basée sur la méthode des équations structurelles. Parmi les choix techniques opérés, citons les deux afférents à l'estimation. La matrice des données soumises à l'analyse est la matrice des corrélations afin de faciliter la lecture des résultats ; la méthode d'estimation retenue est celle du maximum de vraisemblance, la plus courante dans les travaux confirmatoires (Evrard, Pras et Roux, 2003). Par ailleurs, cette méthode est celle qui résiste le mieux aux violations des conditions de normalité des données (Roussel & al., 2002). 3. Résultats Nous présentons ci-après les résultats des deux dernières étapes de la phase quantitative, avant de proposer une vue synoptique sur l'évolution de l'échelle de mesure. 3.1. Stabilisation de l'échelle de mesure de l'idéologie de marque perçue Plusieurs AFE successives sont nécessaires avant d'aboutir à une structure factorielle consolidée. Le tableau 2 ci-après regroupe les résultats de ces AFE. Les items présentent de bonnes qualités de représentation à l'exception de FORINTERIEUR (0.41) et de MANIEREPENSER (0.45), qui sont donc en sursis avant l'étude des autres critères de purification. L'examen visuel de la matrice des composantes montre que la factorisation est nette : chaque item factorise sur un seul facteur. Les autres critères appliqués à ces deux items déficients permettent de les conserver sans aucune ambiguïté. 7 Actes du 25e Congrès International de l’AFM – Londres, 14 et 15 mai 2009 Facteur Repère existentiel Ancrage réalité Nom item MANIEREETRE MANIEREVIVRE MANIERE PENSER FORINTERIEUR PHILOSOPHIE PHASEREALITE REALISABLE PROPRE RACINE Le slogan de la marque reflète une manière d'être, de se comporter. Le slogan de la marque me fait penser à une manière de vivre. Dans son message, la marque m'invite à adopter une manière de penser, un état d'esprit. C'est un peu comme si, à travers son message, la marque s'adressait à mon for intérieur, mon moi profond. Ces messages incarnent une philosophie de vie, une sorte de principe de vie. Le message de la marque est en phase avec la réalité. Ce que propose la marque dans son slogan me semble réalisable. La marque diffuse un message qui lui est propre, qui la représente. Le message est ancré dans la marque, comme si c'était la racine de la marque. Essence Qualité marque représen tation 0.75 0.58 0.72 0.56 0.64 0.45 0.63 0.41 0.62 0.55 0.83 0.68 0.76 0.63 0.82 0.72 0.81 0.71 2.62 1.37 1.31 Valeur propre % variance 29.09 15.16 14.58 expliquée Tableau 2 – Structure factorielle de l'idéologie de marque perçue à l'issue des AFE de l'étape stabilisation Trois facteurs émergent, capturant 58.83 % de la variance totale. Le premier facteur correspond à la notion de "repère existentiel". Il réunit les trois items qui révèlent l'action d'adjuvant de la marque envers le consommateur, dont le libellé contient le groupe prépositionnel "manière de". Ce facteur ressortit également à la profondeur du message idéologique, en abritant deux items relatifs respectivement à l'intériorité convoquée par ces slogans et à leur caractère philosophique. Le deuxième facteur renvoie à "l'ancrage réalité" et regroupe deux items traduisant la faisabilité des messages idéologiques et leur adéquation à la 8 Actes du 25e Congrès International de l’AFM – Londres, 14 et 15 mai 2009 réalité. Enfin, le troisième facteur correspond à "l'essence de marque" et rassemble les deux items qui indiquent que le message porté par les slogans est intrinsèque à la marque. 3.2. Validation de l'échelle de mesure de l'idéologie de marque perçue9 Dimension ρ Jöreskog Repère 0.75 existentiel Ancrage 0.71 réalité Essence 0.72 marque ρVC10 0.43 0.55 0.57 Item λ Test t Résidu MANIEREVIVRE 0.73 9.42 0.47 MANIEREETRE 0.65 8.37 0.58 PHILOSOPHIEVIE 0.64 8.19 0.59 FORINTERIEUR 0.59 7.42 0.65 PHASEREALITE 0.83 7.24 0.31 REALISABLE 0.64 6.47 0.59 RACINE 0.83 6.42 0.31 PROPRE 0.67 5.96 0.55 Tableau 3 – Résultats de l'AFC, modèle de mesure de l'idéologie de marque perçue Les tests préliminaires conduisent à la suppression de l'item MANIEREPENSER qui possède un lambda de 0.47, en dessous du seuil d'élimination de 0.50. Ils indiquent un léger problème de normalité des données, non rédhibitoire pour recourir à la méthode du maximum de vraisemblance. Les autres tests sont satisfaits. Concernant l'ajustement global, la comparaison des valeurs des indices avec les valeurs seuils issues des travaux académiques permet de conclure à un très bon ajustement du modèle. Indice GFI IFI CFI NFI AGFI RMSEA RMR χ ² normé Résultat 0.98 0.98 0.98 0.94 0.95 0.04 0.04 1.42 Jugement Très bon car > 0.95 Acceptable Très bon Très bon Très bon car > 0.85 car > 0.90 car < 0.05 car < 2 Tableau 4 – Indices de l'ajustement global du modèle de mesure de l'idéologie de marque perçue 9 Le graphe représentant le modèle de mesure figure en annexe A2. Rhô de Validité Convergente. 10 9 Actes du 25e Congrès International de l’AFM – Londres, 14 et 15 mai 2009 S'agissant de l'ajustement au niveau local, les lambdas des items sont satisfaisants en valeur et significatifs au seuil de 5 %. Ce qui dénote une bonne solidité des liens entre chaque item et son facteur. Nous pouvons dès lors examiner les qualités psychométriques de l'échelle : la fiabilité, la validité convergente et la validité discriminante. D'après le tableau 3, le rhô de Jöreskog des trois facteurs dépasse la valeur seuil fixée à 0.70 dans notre étude. La fiabilité du modèle de mesure est donc satisfaisante. Concernant la validité convergente, le 1e critère de Fornell et Larcker (1981) a déjà été vérifié dans le cadre de l'ajustement local. Le 2e critère permet de déterminer si la variance d'un facteur est davantage expliquée par les items qui lui sont associés que par l'erreur de mesure ; ce qui se traduit, pour chaque facteur, par l'inégalité suivante : ρVC > 0.50. D'après le tableau 3, ce critère n'est pas vérifié pour le facteur "repère existentiel". Il l'est de manière satisfaisante pour les deux autres facteurs. Partant, la validité convergente du modèle de mesure n'est pas assurée. Cependant, cette lacune de convergence n'obère pas l'ajustement des facteurs à leurs items, que l'on peut considérer comme moyen. Le bon niveau de fiabilité confère au modèle son homogénéité. S'agissant de la validité discriminante, les corrélations entre facteurs (0.25 ; 0.37 ; 0.38) montrent qu’ils sont faiblement associés et bien discriminés à l'intérieur du modèle spécifié. Le 2e test retenu dans notre recherche est celui de Hulland (1999). Il est satisfait lorsque chaque facteur partage plus de variance avec ses items qu'avec les autres facteurs présents dans le modèle de mesure. Pour cela, le ρVC de chaque facteur doit être supérieur au carré des corrélations qu'il partage avec les autres facteurs. Le tableau 5 permet de vérifier ce test. Repère existentiel Ancrage réalité Essence marque 0.43 0.55 0.57 1 0.14 0.06 Ancrage réalité 0.14 1 0.14 Essence marque 0.06 0.14 1 ρVC Repère existentiel Tableau 5 – Test de Hulland appliqué au modèle de mesure de l'idéologie (les nombres figurant au croisement des facteurs correspondent aux corrélations élevées au carré) La conjonction de nos deux tests indique que la validité discriminante du modèle de mesure est très satisfaisante. 10 Actes du 25e Congrès International de l’AFM – Londres, 14 et 15 mai 2009 Nous pouvons synthétiser les performances du modèle sur le plan de l'ajustement : l'ajustement global et la validité discriminante sont très satisfaisants ; l'ajustement local et la fiabilité bons ; seule la validité convergente du modèle n'est pas garantie à cause d'une lacune portant sur le facteur "repère existentiel". Doté de bonnes performances, le modèle de mesure de l'idéologie de marque perçue est considéré comme acceptable. Dans le cadre de la re-spécification, aucune des modifications suggérées par le logiciel LISREL n'est légitime théoriquement. Enfin, la faiblesse des corrélations entre facteurs (0.25 ; 0.37 ; 0.38) indique qu'il n'est pas judicieux d'enchaîner avec une AFC de second ordre. Aucune optimisation ne peut donc être apportée au modèle de mesure. Cette étape vient clôturer le processus d'analyse confirmatoire. La structure de l'idéologie de marque perçue à 3 facteurs et à 9 items, issue de l'étape de stabilisation, a d'abord été affinée en une structure à 3 facteurs et à 8 items. C'est ce modèle qui a par suite été confirmé à l'aide de notre démarche d'AFC. 3.3. Evolution de l'échelle de mesure de l'idéologie de marque perçue Le tableau 6 offre une vue synoptique sur l'évolution de l'échelle de l'idéologie de marque perçue. Il retrace les étapes qui ont jalonné le processus de construction : six jets successifs ont ainsi été nécessaires pour bâtir l'échelle finale. Il reflète également l'écrémage subi par l'échelle au cours du processus. Phase Etape Recoupement exploratoire Version échelle Nb facteurs Nb items 1e jet 5 34 2e jet 5 34 3e jet 4 26 4e jet 5 15 Génération des items Transitoire Notre jugement Jugement des experts Pré-test Notre jugement Quantitative Emergence e Stabilisation 5 jet 3 9 Validation 6e jet 3 8 Tableau 6 – Evolution de l'échelle de mesure de l'idéologie de marque perçue 11 Actes du 25e Congrès International de l’AFM – Londres, 14 et 15 mai 2009 Conclusion 1. Apports de la recherche Le premier apport est conceptuel. La succession des étapes de notre recherche nous a permis de mettre en lumière l'idéologie de marque perçue et ainsi de répondre à notre enjeu descriptif. En lui donnant un nouveau visage théorique, nous espérons avoir alimenté la réflexion et contribué à une meilleure compréhension de ce concept. La seconde contribution est opérationnelle. Six moutures successives ont été nécessaires avant d'accoucher d'une échelle fiable et valide. En opérationnalisant ce construit initialement latent, nous espérons avoir favorisé son passage du plan de la théorie à celui de l'empirie. Enfin, dans une perspective plus managériale, l'idéologie de marque perçue peut s'avérer être un concept fécond dans le cadre de la création publicitaire. Cette exploitation peut s'effectuer par la valorisation de notre échelle de mesure. En effet, chacune des trois dimensions mises à jour a des implications sur le plan de la réception du slogan publicitaire. Ainsi, la dimension "essence de marque" nous apprend que le message idéologique doit coller à l’identité de la marque. Les retombées en termes de création publicitaire sont prégnantes : il ne faut pas affubler la marque de qualités frelatées. Au sein du facteur "repère existentiel", les items relatifs aux composantes existentielle et intérieure manifestent la nécessité de conférer à la signature de la profondeur et d'éviter la frivolité. Mais cette profondeur ne doit pas plonger le destinataire dans un abîme existentiel. C'est l'enseignement que nous pouvons tirer des deux autres items de ce facteur qui, à travers les notions de manière de vivre et de se comporter, reflètent la vocation utilitaire de l'idéologie. Aux publicitaires de concevoir des messages dans lesquels la marque se mue en référent existentiel, par le truchement de son slogan. Enfin, la dimension "ancrage réalité" traduit le pragmatisme de l'idéologie de marque. Elle nous révèle que le message idéologique doit être tangible. 2. Limites de la recherche Deux limites ressortissent à la validité externe. La première est liée à la méthode de convenance. Dans notre étude, l'échantillon est composé d'étudiants sélectionnés sur la base d'opportunités empiriques. La seconde procède de la standardisation des coefficients au cours de l'AFC. En effet, nous avons opté pour les corrélations au détriment des covariances. Ce format favorise la lecture et l'interprétation des résultats, mais nuit à leur généralisation (Roussel & al., 2002). 12 Actes du 25e Congrès International de l’AFM – Londres, 14 et 15 mai 2009 L'influence exercée par le nom de marque représente également une limite de notre recherche. Sur le document joint au questionnaire, les noms de marque figurent en dessous des slogans. Or une marque véhicule une imagerie chargée de sens, générant ainsi des perceptions idéologiques spécifiques. La technique de passation qui consiste à caviarder le nom de marque risquait de brider leur surgissement. Notre parti pris a été à l'inverse de les encourager en mentionnant le nom de marque. Cependant, le bénéfice créatif escompté ne doit pas éluder le risque encouru. En effet, la passation ne permet pas de discriminer les perceptions issues du concept d'idéologie de celles qui proviennent de la marque citée. 3. Voies de recherche La littérature philosophique met en relief l'imbrication des concepts d'idéologie et d'utopie. Cependant des lignes de fracture existent parmi les auteurs sur la nature des liens qui les unissent. Ainsi la revue de littérature nous permet de mettre en balance d'un côté les tenants de l'intégration de l'utopie au sein de l'idéologie, de l'autre les adeptes d'une disjonction conceptuelle. Nous avons adopté cette position dans notre investigation. Cette dissociation des deux concepts invite à mettre en œuvre une autre recherche dédiée à l'utopie de marque. Une autre voie nous paraît prometteuse. Dans le cadre de la phase quantitative, un répondant n’est interrogé qu’une seule fois. Les travaux de Baumgartner et Steenkamp (2006) soulignent les bénéfices de la "panélisation" des données. Ils préconisent un recueil de données selon le protocole suivant : des items identiques soumis aux mêmes répondants à au moins trois moments différents dans le temps. Les avantages procurés par cette démarche (distinction des aspects stables et temporaires de la variance des construits, de la variance de l'erreur…) constituent des leviers d'optimisation de notre recherche sur l'idéologie de marque perçue. 13 Actes du 25e Congrès International de l’AFM – Londres, 14 et 15 mai 2009 Bibliographie Bardin L. (1975), Les mécanismes idéologiques de la publicité, Paris, Editions Universitaires. Baumgartner H. et Steenkamp J.B. (2006), Une amélioration de l’analyse de la mesure des construits marketing, applicable aux données panels, Recherche et Applications en Marketing, 21, 4, 79-96. Breton P. (2000), La parole manipulée, Paris, La Découverte. Capdevila N. (2004), Le concept d'idéologie, Paris, Presses Universitaires de France. Cathelat B. (1992), Publicité et société, Paris, Payot. 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Le chercheur informe juste les répondants que le groupe rassemble des slogans présentant des similitudes. Chaque affirmation du questionnaire se rapporte à ce groupe de slogans, lesquels jouent donc le rôle de stimuli. Un déroulement en deux étapes structure les passations. Dans un premier temps, les étudiants sont invités à parcourir les slogans ; puis ils remplissent le questionnaire en indiquant leur degré d'accord avec chaque affirmation. 11 12 "Va de l'avant". "S'ouvrir aux autres". 16 Actes du 25e Congrès International de l’AFM – Londres, 14 et 15 mai 2009 Annexe A2 – Graphe représentant le modèle de mesure validé de l'idéologie de marque perçue 0.47 MANIEREVIVRE 0.73 0.58 MANIEREETRE 0.65 0.59 PHILOSOPHIEVIE 0.65 FORINTERIEUR Repère existentiel 0.64 0.59 0.37 PHASEREALITE 0.31 0.59 0.83 RACINE REALISABLE Ancrage réalité 0.25 0.64 PROPRE 0.38 0.31 0.83 0.55 Essence marque 0.67 17