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FOUD’AILES
FOUD’AILES
AL AIN E RNO U LT
© 2016, Éditions de La Martinière, une marque de la société EDLM
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Introduction
/ FOU D’AILES
00
SOMMAIRE
ITINÉRAIRE
D’UN ARTISTE PHOTOGRAPHE
00
INTRODUCTION
...................................................................
5
Itinéraire d’un artiste photographe
01
AILES D’ACIER . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9
Le temps des hélices / L’ère du jet / Marins des airs /
Poids lourds du ciel / Hélicoptères au combat
02
AILES DU SECOURS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 91
De feu et d’air / Sauvetage en plein ciel
03
AILES D’ACROBATES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 119
Air racer / Voltigeurs sans limites
04
AILES EN PATROUILLES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 143
Patrouille de France / Patrouille suisse /
Patrouilles du monde
05
AILES DE L’EXTRÊME . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 191
Wingwalkers / Haute précision / Jetman / No limits
06
AILES DE LIGNE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 225
Concorde, la légende / Airbus, l’Européen /
Boeing, l’Américain / Avions russes / Jet set & co. /
En toute liberté / Taxi vertical
07
AILES DU FUTUR . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 287
Solaire / Hybride
REMERCIEMENTS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 310
4
M
etteur en scène de ses images, Alain Ernoult, photographe
français de renommée internationale, est un artiste aux semelles
de vent qui a élevé la photographie aérienne au rang d’art. Son
studio est le ciel. Alain est aussi un reporter de terrain, amateur de sensations et d’images fortes, toujours en quête de sujets qui l’enthousiasment
et le stimulent, et prêt à relever les plus grands déis photographiques.
Plus la situation est périlleuse, plus elle semble présenter d’attrait pour
lui. Qu’il se glisse dans l’habitacle d’un chasseur à réaction ain d’y saisir
d’époustoulantes cascades aériennes ou qu’il immortalise depuis un ULM
la voiture de Richard Noble franchissant le mur du
son, chaque image est construite comme un tableau
et parle d’elle-même. “En une fraction de seconde,
il faut être capable de saisir une organisation
rigoureuse de l’action, du mouvement, de l’espace,
des lumières et des ombres, conie Alain. La photo,
c’est l’invisible que je rends visible. Un fragment de
réalité qui naît de mon regard, du geste juste, et de
l’émotion que je souhaite transmettre.”
Depuis ce jour où, à l’âge de dix-sept ans, il s’est
mis en tête de rallier le Mali en auto-stop depuis
sa Normandie natale, rien n’arrête Alain dans sa
quête d’aventure. Ce premier voyage en Afrique est
une révélation et va donner un sens à sa vie : il est parti sans boîtier mais
sera photographe. L’année suivante, alors qu’il travaille encore à l’usine,
Alain repart chez les Dogons, son premier appareil photo en bandoulière
et le sac à dos rempli de médicaments pour les populations locales qui
l’avaient touché par leur dénuement. À son retour, le jeune globe-trotteur
décroche sa première exposition à Évreux en collaboration avec le musée
de l’Homme. “Cette exposition a été un succès. Elle m’a permis de quitter
l’usine pour me lancer dans une carrière de photographe”, se souvient-il.
Commencent alors les années de travail qui vont faire sa renommée.
5
Introduction
À force de persuasion et de ténacité, et avec l’aplomb qui caractérise
la jeunesse, Alain parvient à réaliser un reportage à bord d’un avion de
la Patrouille de France, une première mondiale et une collaboration qu’il
poursuivra pendant vingt-cinq ans. “Voler avec la Patrouille de France est
un privilège qui procure un sentiment unique d’excitation et d’angoisse : se
sentir libre comme un oiseau et danser sur les nuages tout en sachant qu’on
peut être amené à s’éjecter pour sauver sa vie. Le travail est très physique,
et on en ressort épuisé. Engoncé dans l’indispensable combinaison anti-g,
on sent les boudins du pantalon se gonler avec les
accélérations. Ce dispositif pneumatique, utilisé par
les pilotes de chasse, comprime les membres inférieurs et empêche le sang de descendre trop vite
dans les jambes, permettant ainsi au cerveau de
continuer à être convenablement irrigué et d’éviter
le “voile noir”, synonyme de perte de connaissance,
hantise de tous les pilotes. Chaque séance de prise
de vue se décide au sol avec le leader de la Patrouille
et les pilotes. Chaque photo est le fruit d’un long
travail qui ne laisse aucune place à l’improvisation.
J’ai tout préparé en amont et je sais où je veux aller.
Si j’ai pu relever ce déi, c’est le résultat d’un travail
d’équipe. La Patrouille repose sur une organisation réglée comme du papier
à musique, une cohésion sans faille entre pilotes et une coniance aveugle
envers le leader. Il faut que chacun connaisse sa place et joue sa partition.
Moi compris.”
Les aéronefs de toutes sortes seront désormais sa marque. S’ensuivent
la publication, dans le magazine GEO, de 15 pages dont la couverture, et plus
de 1 000 autres dans de nombreux magazines prestigieux du monde entier,
ainsi que l’essor d’une carrière spécialisée dans la photographie aérienne.
Alain totalise désormais plus de 3 000 heures de vol à son actif.
En parallèle, ce reporter autodidacte embrasse le monde. Dès la première
année de son activité de photographe, il n’hésite pas à s’aventurer dans les
bars fréquentés par les Hells Angels les plus coriaces aux États-Unis, ce qui
lui vaut une publication de 10 pages dans le magazine allemand Stern et la
revue Photo en France, ainsi que beaucoup d’autres. “Ce fut un reportage très
6
/ FOU D’AILES
00
dangereux”, reconnaît Alain en levant la main pour montrer la cicatrice du
coup de couteau qu’il a reçu lorsqu’il réalisait ce reportage très particulier…
Dans la foulée, Alain Ernoult obtient un premier prix au prestigieux
concours World Press Photo en photographiant les championnats du monde
de boomerang à Paris. Un sport plutôt dangereux qu’Alain a illustré de
manière saisissante : un homme pousse un hurlement tandis qu’un boomerang à la tranche aiguisée fend net la pomme placée sur sa tête. Ce cliché
éblouissant a fait le tour du monde et sublimé la photographie de l’extrême.
La synchronisation entre le mouvement et l’énergie
qu’il dégage, ainsi qu’un cadrage impeccable singularisent Alain comme photographe au cœur de l’action.
La reconnaissance internationale lui ouvre les portes
des plus grands magazines, pour lesquels il va notamment couvrir les jeux Olympiques pendant plus de vingt
ans ou suivre les courses de Carl Lewis – pour Time.
Sans oublier ses nombreuses missions en tant que
correspondant de guerre pour la presse internationale.
Pour Alain, “entrer dans son sujet”, “être au plus près
de l’action” sont des critères essentiels pour réussir
des photos d’où émane une énergie vitale et où
l’émotion est palpable. “Si j’ai l’occasion de me tenir
à un centimètre, je la saisis ; je veux être au plus près du sujet, partager son
intimité, afirme-t-il. Une vraie complicité est fondamentale pour réussir
une photo.” Alain s’interdit tout photomontage en postproduction. “Certains
peuvent s’étonner de cette attitude, dit-il, mais mon objectif, c’est de réussir
mon image du premier coup.” Ses œuvres relètent le talent incontestable
d’un grand professionnel, et plus encore le regard de l’esthète privilégiant
l’émotion. “C’est une alchimie entre un dessin que j’ai déjà esquissé dans
un carnet de croquis et un instant éphémère que mon œil guette dans le
viseur”, résume-t-il.
Aujourd’hui, Alain Ernoult, conscient de la richesse et de la fragilité d’un
monde qu’il parcourt depuis plus de trente ans, se passionne pour la photographie animalière et réalise des reportages où il dévoile la beauté de la
nature. Une quête esthétique autant que poétique pour un photographe qui
continue de célébrer l’écriture de la couleur à chaque image.
7
01
AILES
D’ACIER
LE TEMPS DES HÉLICES
L’ÈRE DU JET
MARINS DES AIRS
POIDS LOURDS DU CIEL
HÉLICOPTÈRES AU COMBAT
8
9
AILES D’ACIER
01
V
Page ci-contre :
En vol avec Jack Krine
sur MS.317. Une mission
photographique
étonnamment à haut
risque, car travailler dans
un avion à cockpit ouvert,
tourné vers l’arrière,
sans parachute, peut
s’avérer parfois “tendu”.
10
ingt ans après le premier vol de Clément Ader en 1890, l’avion, ou
plutôt ce que l’on appelle encore “aéroplane”, n’est plus considéré
comme une sorte de jouet et propriété exclusive de quelques sportifs
fortunés. L’usage militaire d’un avion intervient le 23 octobre 1911,
pendant la guerre italo-turque, avec le premier vol de reconnaissance d’un
Blériot XI. Puis en 1914, le capitaine Georges Bellenger, chargé de
l’observation par avion, contribue à la victoire de la Marne, tout comme un
certain sergent Louis Breguet, le fameux constructeur, aux commandes
de son propre avion. Ces appareils d’observation, les deux camps vont
chercher à les abattre en employant des chasseurs, dès octobre 1914. Pour
ce faire, les aviateurs se serviront d’abord de fusils et de revolvers, puis de
mitrailleuses, au cours de joutes aériennes. C’est le temps des chevaliers
de l’air, avec des as tels que René Fonck qui remporte
75 victoires, Georges Guynemer, Manfred von Richthofen…
La période de l’entre-deux-guerres voit l’avion évoluer,
passer des cages à poules à haubans, en bois et toile,
à l’emploi généralisé des alliages, au développement
de moteurs de plus en plus puissants. C’est aussi
l’avènement du monoplan, plus in, plus racé, avec un
train d’atterrissage rentrant, armé de canons. L’aviation
entre ainsi dans l’ère industrielle. Dorénavant, ses
avancées iront au rythme des conlits et des nouvelles
doctrines militaires, elles-mêmes dictées par des
capacités techniques toujours en évolution.
La Seconde Guerre mondiale voit la naissance du
turboréacteur, qui révolutionne l’aviation militaire, ainsi que l’utilisation des
premiers radars au cours de la bataille d’Angleterre, puis des premiers
missiles, sans oublier la bombe atomique en 1945, dont le vecteur sera le
bombardier B-29. Il faut attendre 1947 pour que le mur du son soit franchi
et pour que les premiers missiles air-air à guidage infrarouge commencent
à être utilisés. La course à la vitesse et à la technologie se poursuit jusqu’à
offrir non plus un jet, ou un hélicoptère – étrange machine dite “à voilure
tournante” qui voit son évolution faire un bon notable, vertical, à la in du
second conlit mondial –, ou encore un bombardier, mais bien un système
d’armes, lequel intègre différents dispositifs mécaniques, électroniques
et des logiciels permettant de réaliser une mission et de mettre en œuvre
un armement de manière totalement autonome. Comme le Rafale de
l’avionneur Dassault.
De la création du nom “avion” par Clément Ader aux missions de combat
modernes, à peine plus de cent ans se sont écoulés… Une aventure humaine
et technologique bel et bien supersonique !
11
Le temps des hélices
/ AILES D’ACIER
01
LE TEMPS DES HÉLICES
Si de nombreux siècles séparent le mythe d’Icare de la réelle conquête
des airs, il aura fallu moins d’une quarantaine d’années pour passer
du biplan type au vol hésitant – frêle cage à poules équipée d’un moteur
de quelques chevaux-vapeur –, au chasseur North American P-51D
Mustang, capable de dépasser les 700 km/h et dont la construction fait
appel à des alliages métalliques encore improbables quelques décennies
plus tôt. Leur seul point commun reste cette pièce étrange, au dessin
à la fois circulaire et courbe, permettant de vriller l’air et de propulser
l’aéronef dans l’éther… C’était le temps des hélices !
A
ussi loin que l’on puisse remonter
dans l’histoire de l’homme,
ce dernier a toujours cherché à conquérir
les cieux. D’abord en ballon, avec
les frères Montgolfier. Mais les adeptes
du plus léger que l’air vont rapidement
céder le pas face aux partisans du plus
lourd que l’air, avec des tentatives
plus ou moins réussies jusqu’à celles
d’Otto Lilienthal puis de Clément Ader
à bord de l’Eole, le 9 octobre 1890.
Alors, tout s’accélère.
Treize ans et trois mois plus tard,
en décembre 1903, Orville et Wilbur Wright
font décoller leur Flyer à Kitty Hawk,
en Caroline du Nord, aux États-Unis.
En 1909, Louis Blériot traverse la Manche
d’une traite sur son Blériot XI, puis
Roland Garros franchit la Méditerranée
avec un Morane en 1913, tandis qu’un
monoplan de construction révolutionnaire
pour l’époque, le Deperdussin
monocoque, dépasse les 200 km/h.
À la veille de la Première Guerre mondiale,
nombreux sont encore les officiers
supérieurs qui pensent que l’aviation
ne serait strictement d’aucune utilité dans
le cadre d’un conflit. Pourtant, l’avion,
12
plus spécifiquement le Blériot XI, a déjà
été mis à contribution pour opérer
des observations à vue puis des missions
de reconnaissance photographique,
ce qui incite les états-majors à créer
des escadrilles de chasse pour abattre
des aéroplanes encore frêles
et majoritairement constitués de bois,
de toile et de haubans.
Page de gauche : bois, toile,
et cockpit ouvert pour le monoplan
Morane-Saulnier type G (en haut)
et le biplan Caudron GIII (en bas).
Ci-dessus : les B-25 Mitchell
et P-51D Mustang représentent
le meilleur de North American
Aviation, fondé entre les deux
guerres mondiales.
Ci-contre : le Grumman F4F
Wildcat, chasseur américain qui fut
en première ligne face à l’offensive
japonaise dans le Paciique.
13
Le temps des hélices
La Première Guerre mondiale fait évoluer
l’aviation à grands pas et les hommes
qui prennent les commandes de ces
engins deviennent de véritables héros.
Leurs noms – Georges Guynemer,
Manfred von Richthofen, et bien d’autres
encore – évoquent les prouesses
accomplies par les chevaliers médiévaux.
L’entre-deux-guerres voit l’aviation
propulsée, dans tous les sens
du terme : elle n’est définitivement plus
cette pratique sportive pour amateurs
fortunés d’avant-guerre. L’aéronautique
va se développer avec la naissance
des premières liaisons commerciales
et des premières compagnies aériennes,
puis l’époque des grands raids
et des grands pilotes, dont les noms,
14
associés à leurs exploits, résonnent
encore aujourd’hui. En mai 1927, Charles
Lindbergh devient ainsi le grand
vainqueur de l’Atlantique Nord sur
le Spirit of Saint Louis, quelques jours
après la tentative tragique de Charles
Nungesser et François Coli, dont
ni les corps ni l’avion – le fameux Oiseau
blanc – ne seront retrouvés. Charles
Mermoz défriche les lignes aériennes
de l’Amérique du Sud et conquiert
l’Atlantique Sud, avec Antoine
de Saint-Exupéry et Henri Guillaumet,
le vainqueur de la Cordillère des Andes.
Les femmes ne sont pas en reste :
Amelia Earhart acquiert une célébrité
mondiale, tout comme Maryse Bastié et
Hélène Boucher, pour ne citer qu’elles.
Entre lumière et ombre,
un vol magique au-dessus
de l’aérodrome mythique
de La Ferté-Alais, le soleil joue
avec les lignes étranges
de bois et de toile du Blériot XI-2.
Et pendant que le photographe
gère cette dualité entre l’ombre
et la lumière, le pilote lutte
avec la machine. Il imprime
à l’avion un virage, littéralement
à la force des bras…
Le Blériot, comme beaucoup
de ses contemporains, n’a pas
d’ailerons mobiles sur les ailes.
Pour basculer sur son axe
longitudinal, c’est toute l’aile
qu’il faut faire vriller.
/ AILES D’ACIER
01
Ci-dessus : le SE5 fut l’un des
chasseurs britanniques de 1917.
Reproduction créée de toutes
pièces pour le cinéma.
Ci-contre : le YAK-11, tout droit
issu de la famille des chasseurs
Yakovlev de la Seconde
Guerre mondiale, sera l’avion
d’entraînement standard
des pays du pacte de Varsovie.
15
Le temps des hélices
/ AILES D’ACIER
01
’’
J’ai toujours eu une relation
forte avec Jean Salis. Tant il est vrai
qu’il a toujours répondu présent
pour donner vie à mes projets de
photographe.
’’
Je souhaitais illustrer les combats de la Première
Guerre mondiale en donnant à mon image
une dimension graphique. La photo du Breguet XIV
et de son ombre projetée sur le vert du champ
en herbe en est un premier exemple. Mais il aura
fallu attendre dix ans pour que je parvienne
à concrétiser cette image d’un Albatros et d’un SE5
sur fond de colza.
16
17
Le temps des hélices
UNE MONTÉE EN PUISSANCE
Les années folles marquent l’âge d’or
de l’aviation, dont le cinéma glorifie
les prouesses avec le film Hell’s Angels
(1930) de Howard Hughes, cinéaste
et homme d’affaires milliardaire, pilote
et constructeur d’avions. D’autres
avionneurs, tels William Edward Boeing,
Geoffrey De Havilland, ou encore
un certain Marcel Bloch, futur Dassault,
peuplent le ciel de leurs avions.
On est à la veille de la Seconde Guerre
mondiale, un conflit au cours duquel
de nouvelles théories d’utilisation
18
de l’arme aérienne vont être mises
au point. Le 1er septembre 1939,
l’invasion de la Pologne par l’Allemagne
déclenche les hostilités. Pour la première
fois, l’aviation sera déterminante :
une bataille peut se gagner ou se perdre
dans les airs. Les performances
des avions progressent très rapidement,
ils dépassent maintenant les 700 km/h.
Les avions sont plus gros, plus rapides,
ils vont plus loin et plus haut. Et soudain,
ou presque, le turboréacteur fait
son apparition. Si le temps des hélices
perdure encore jusqu’à aujourd’hui, l’ère
du jet vient alors de commencer !
/ AILES D’ACIER
01
Trois chasseurs mythiques
de la Fighter Collection, au-dessus
de Duxford : le FM-2 Wildcat
et le Spitire Mk IX en virage (page
de gauche), et le P-51D Mustang
(ci-dessous). Portraits magiques
au-dessus des nuages anglais.
19
Le temps des hélices
/ AILES D’ACIER
01
’’
Un vol d’exception,
un vol magique qui réunissait
sous un ciel incroyable deux
avions de légende.
’’
Lors des commémorations de la disparition
d’Antoine de Saint-Exupéry, à Cognac,
j’ai réussi à faire voler de concert un Rafale
de l’armée de l’air et le dernier rescapé
européen du P-38 Lightning.
C’est sur sa version de reconnaissance
photographique, le F-5, que l’auteur du Petit
Prince a disparu en août 1944 au-dessus
des côtes méditerranéennes françaises.
Cette photo qui me tient particulièrement
à cœur a reçu le second prix Sergent
Vermeille 2016, ministère de la Défense.
20
21
Le temps des hélices
/ AILES D’ACIER
01
Le métal poli des avions est un piège
à lumière fabuleux… que ce soit
sur le P-38 Lightning (page de gauche),
ou sur les tôles lustrées “au miroir”
des ailes du L-12 Electra Junior
(ci-dessus), deux avions de Lockheed
Corporation.
22
23
01
FILS DE JEAN-BAPTISTE SALIS,
PILOTE ET FONDATEUR DE L’AÉRODROME
DE CERNY-LA FERTÉ-ALAIS.
Des châteaux
dans le ciel...
Un oiseau empaillé cloué au mur est
une insulte à la nature, les vieux avions
sont des oiseaux, eux aussi. Leur place
n’est pas au musée, mais dans le ciel…
C’est pourquoi la collection Jean-BaptisteSalis a été constituée, sur le champ
d’aviation de Cerny-La Ferté-Alais.
Lorsque mon père, Jean-Baptiste,
a disparu en 1967, j’ai dû le remplacer
pour présenter son Blériot XI
dans les meetings ; j’étais surtout pilote
de planeurs et j’avais peu d’expérience
pour piloter cet appareil devant le public.
J’étais ému, aussi, car les spectateurs
ne voulaient pas croire qu’il était possible
de faire voler cette cage à poules.
Parfois, d’ailleurs, elle ne volait pas,
quand il y avait trop de vent ou trop
de turbulences ; j’étais déçu, bien sûr, et
je pensais à mon père en m’interrogeant :
“Aurait-il fait ce vol ?”
Le temps a passé, et je me suis mis
à rechercher ou à construire les avions
qu’il avait pilotés ; j’avais pris goût à faire
voler ces vieilles machines. Très vite,
je me suis retrouvé avec une vingtaine
d’avions qui avaient marqué sa carrière
aéronautique (Caudron GIII, Morane AI,
Morane 230, Morane 341, Bücker…),
des avions découverts au fond
de hangars oubliés.
Dans les années 1970 et 1980, cette
collection a intéressé la télévision, qui
recherchait des appareils pour illustrer
l’histoire de l’aviation à travers les sagas
Les Faucheurs de marguerites, Le Temps
des as, puis La Conquête du ciel,
Le Ciel est leur métier, et L’Aéropostale.
Ces tournages furent un magniique
Jean Salis aux commandes
du Morane AI, chasseur français
de la Première Guerre mondiale,
au-dessus de l’aérodrome
de Cerny-La Ferté-Alais,
dans l’Essonne.
24
/ AILES D’ACIER
JEAN SALIS
’’
RENCONTRE
Le temps des hélices
tremplin pour étoffer la collection,
qui doubla en quelques années.
Sur le plateau herbeux de l’aérodrome
de Cerny se trouve actuellement
l’une des plus précieuses collections
d’avions historiques au monde. Cela
s’est fait presque tout seul, en laissant
s’exprimer la passion de quelques
dizaines d’amoureux du ciel et
de l’histoire. L’équipe obéissait d’abord
à une sorte d’instinct. Mais depuis, avec
l’apparition de groupes comparables
au nôtre un peu partout sur la planète,
l’ouverture de musées et la création
de collections conservatoires d’aviation
dans tous les pays – de la Thaïlande
jusqu’à l’Argentine –, nous avons pris
collectivement conscience de la inalité
de tout ce travail.
Nous nous battons pour faire admettre
que nos avions d’autrefois sont des
témoins de l’histoire, qu’ils sont les
châteaux du xxe siècle. Nous bataillons
contre la mécanique imparfaite, contre
le manque d’argent, contre certaines lois
qui ne prennent pas en compte l’aspect
historique de notre démarche… Et nous
gagnons, malgré d’inévitables avatars.
Dans deux siècles, peut-être, des gamins
viendront reniler les odeurs étranges
des vieux avions. Ils diront sans doute que
leurs ancêtres étaient fous d’avoir osé voler
là-dessus. Mais si tout va bien, et grâce
à nous, ils pourront eux aussi voler sur
ces machines émouvantes. Car elles sont
si bien construites qu’il n’y a pas de raison
qu’elles arrêtent de voler…
25
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