pourquoi l`afrique francophone reste à la traine

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DIPLOMATIE
1
MENSUEL INTERNATIONAL DIGITAL EN AFRIQUE
DIRECTEUR DE LA PUBLICATION : ABDERRAZZAK SITAIL
N° 13 - mars 2014
POURQUOI L’AFRIQUE
FRANCOPHONE RESTE
À LA TRAINE ?
ER
lesafriques.com
AMBASSADEUR
DOSSIER
AVIS D’EXPERT
NOMINATIONS
POINT DE VUE
Quelle diplomatie
pour l’Union
africaine ?
Interview : Wutibaal
Kumaba Mbuta
Pourquoi
l’Afrique
francophone
reste à la traine ?
«L’Afrique
anglophone est plus
autonome»
Interview :
Adama Gaye
S.E. Bangali Diakhabi, Quels enjeux
pour la France
ambassadeur de la
et la GrandeGuinée en Iran
Bretagne en
Afrique ?
DIPLOMATIE
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SOMMAIRE
3
N°13
MARS 2014
3
AMBASSADEUR
Wutibaal Kumaba Mbuta est
docteur en droit international
public de l’Université Paris
Descartes. Il nous livre ici sa
vision des enjeux et des défis
de l’Union africaine dans sa
diplomatie aussi bien au niveau continent que sur la
scène internationale.
WUTIBAAL KUMABA MBUTA
Quelle diplomatie pour l’Union africaine ?
4
DOSSIER
4
Le continent africain a été profondément marqué par les
grandes puissances qui l’ont colonisé, notamment la France et
la Grande-Bretagne. Aujourd’hui, cette influence estelle toujours perceptible ? Entre
la zone francophone et la zone
anglophone de l’Afrique, quelle
est la plus dynamique ? La plus
stable ? Analyse.
5
AVIS D’EXPERT
Adama Gaye, consultant international, ancien conseiller
Afrique de la candidature de
Londres aux jeux Olympiques
de 2012, nous livre les principales différences qui séparent
les zones anglophones et francophones de l’Afrique, tant sur
le plan économique, politique
que culturel.
DOSSIER
Pourquoi l’Afrique francophone reste à la traine ?
6
6
AVIS D’EXPERT
Germain-Hervé Mbia Yebega,
politologue et chercheur à
l’Observatoire politique et
stratégique de l’Afrique
(OPSA), de l’Université Paris I
Panthéon-Sorbonne, analyse
les aspects historiques, politiques et géopolitiques de ces
«barrières» souvent invisibles,
qui peuvent parfois séparer
Anglophones et Francophones.
GERMAIN-HERVÉ MBIA YEBEGA
Francophones-Anglophones : des différences à nuancer
7
CONTRIBUTION
7
Patrick Sevaistre
«La France s’est considérée
comme l’éducatrice de ses colonies»
7
AVIS D’EXPERT
Jacques Manlay, expert Afrique
anglophone du Conseil français des investisseurs en
Afrique (CIAN)
AFP, DR
Edition internationale
9
© Reproduction interdite sans l’accord écrit
de l’éditeur
POINT DE VUE
2 • MARS 2014
Quels enjeux pour la France
et la Grande-Bretagne en
Afrique ?
JACQUES MANLAY
«Les Anglophones ont des mentalités d’entrepreneurs»
AMBASSADEUR
Quelle diplomatie pour
l’Union africaine ?
Wutibaal Kumaba Mbuta est docteur en droit international
public de l’Université Paris Descartes. Il nous livre ici sa vision
des enjeux et des défis de l’Union africaine dans sa diplomatie
aussi bien au niveau continent que sur la scène internationale.
L
es Afriques Diplomatie : Comment
analysez-vous la diplomatie de l’UA
sur la scène internationale, notamment dans ses rapports avec les institutions
internationales telles que l’ONU, le FMI, la
Banque mondiale, le G8 ou encore le G20 ?
Wutibaal Kumaba Mbuta : L’Union africaine apparaît comme un acteur et partenaire important
de la gestion des conflits sur le continent africain.
Il me semble que la voix de l’ONU accorde une
attention particulière aux résolutions de l’Union
africaine. On l’a vu en RD Congo. Les États membres de la SADC ont manifesté leur intention de
combattre le M23. L’Union africaine a autorisé ce
déploiement. L’ONU a décidé d’incorporer ces
forces africaines au sein de sa mission en RD
Congo, la Monusco.
L’Amisom (African Union Mission In Somalia)
créée le 19 janvier 2007 par le CPS a été entérinée
le 20 février par le Conseil de sécurité de l’ONU à
travers sa résolution 1744. L’ONU et l’Union africaine ont pour principale mission de fournir un
soutien aux Institutions fédérales transitoires somaliennes dans leurs efforts de stabilisation du
pays et dans la poursuite du dialogue politique et
de la réconciliation. Originellement prévue pour
être déployée pendant six mois avant le déploiement d’une force de l’ONU, elle a été renouvelée
à plusieurs reprises par le Conseil de sécurité puis
renforcée en 2012 pour atteindre le seuil des 17
000 soldats déployés.
Par ailleurs, l’Union africaine mène une autre avec
l’ONU au Darfour, c’est la Minuad qui a été créée,
après l’adoption de la résolution 1769 du Conseil
de sécurité de l’ONU, le 31 juillet 2007. La Minuad a essentiellement pour mandat de protéger
les civils, mais elle est également chargée d’assurer
la sécurité de l’aide humanitaire, de surveiller et
de vérifier l’application des accords, de favoriser
un processus politique ouvert, de contribuer à la
promotion des droits de l’homme et de l’État de
droit et de surveiller la situation le long des frontières avec le Tchad et la République centrafricaine (RCA) et en rendre compte.
En matière économique, dans le cadre de l’OUA,
le Nouveau partenariat pour le développement de
l’Afrique (Nepad) a été adopté lors du 37e Sommet de l’OUA à Lusaka (Zambie) en juillet 2001.
En 2002, une résolution de l’Assemblée générale
de l’ONU en a fait la voie principale pour soutenir l’Afrique. Le projet de la Nepad est depuis le
Sommet d’Algérie en 2007 intégré au sein de l’UA.
Mais, il s’agit des structures quasi indépendantes.
À l’égard des institutions financières internationales comme le FMI et la Banque mondiale, il me
semble que l’Afrique apparaît assez marginalisée
du fait de la faiblesse de son économie. La situation est identique au niveau du G20 : l’Afrique du
Sud est seul pays du continent qui y est représenté.
Il y a incontestablement une marginalisation du
continent. Il apparaît donc que le rôle de l’UA
avec ses différents partenaires, excepté en moindre
mesure l’ONU, est marginal. Il appartient à
l’Union africaine de travailler pour représenter
l’Afrique au sein de ces organisations. L’UA doit
siéger au sein du G20 et ne plus se contenter d’être
de la place de l’invité.
LAD : On parle souvent de l’octroi d’un siège
de membre permanent à l’UA dans le futur,
lorsqu’il s’agira de réformer l’ONU. Cette hypothèse vous parait-elle plausible ? L’UA
peut-elle assumer une telle responsabilité ?
W.K.M. : Oui, je pense qu’il s’agit d’une hypothèse plausible. Le poids économique et démographique va continuer à s’accroitre au niveau
international. La plupart des opérations de maintien de la paix se déroulent en Afrique. Il est inconcevable que l’Afrique ne dispose pas d’un
siège permanent au niveau de l’ONU. On ne peut
pas expliquer ni comprendre le fait que l’Afrique
soit en réalité le seul continent qui n’a pas de
siège permanent au niveau du Conseil de sécurité de l’ONU et qui ne peut donc pas peser dans
la prise de décisions par cet organe de l’ONU.
Dans ce contexte, il est légitime que l’on attribue
un siège au sein du Conseil de sécurité de l’ONU
à l’UA. Il faut que l’Afrique y soit représentée.
LAD : Comment voyez-vous l’avenir de l’UA
W.K.M. : L’Union africaine est appelée à jouer
un rôle de plus en plus important dans l’émergence économique et dans la gestion des conflits
en Afrique. Face aux grands ensembles qui se
constituent au niveau international, l’Afrique est
une puissance démographique et économique
par ses ressources naturelles stratégiques qui font
fonctionner les usines dans le monde entier.
L’Afrique a donc sa place dans le concert des Nations. La responsabilité première dans cette
émergence de l’Afrique revient aux États africains et à ses dirigeants. Mais, un État seul ou un
dirigeant seul ne peut peser au niveau international et fondamentalement les autres ensembles
ne sont pas pour l’émergence de l’Afrique
comme une puissance. Il appartient aux États
africains et à ses dirigeants de travailler dans le
sens de l’affirmation de l’UA au niveau international. L’intérêt stratégique des grandes puissances, parmi lesquels la Chine fait désormais
partie, pour l’Afrique va s’accentuer. L’Afrique
est déjà un enjeu stratégique pour la grande
puissance. Elle va être confrontée à l’ingérence
des grandes puissances qui va s’accentuer. On est
dans une dynamique inverse de celle qu’on a observée au lendemain de la Guerre froide, période
pendant laquelle les grandes puissances semblaient se retirer du continent.
Les États africains ont le choix soit de continuer
à subir les rivalités entre les grandes puissances,
soit de s’affirmer comme acteurs indépendants
à côté des autres acteurs internationaux. Il faut
que l’Afrique apparaisse à travers l’UA comme
partenaire des autres grands ensembles mondiaux comme l’Union européenne, les ÉtatsUnis, la Chine, etc., et non pas comme un
continent qui ne fait que subir la géostratégie
de ces ensembles. L’UA peut permettre aux
États africains de peser sur la scène internationale et de ne plus subir la politique étrangère
des grandes puissances à l’égard des États africains et de l’Afrique. Cela est nécessaire, car je
suis d’avis qu’avec l’émergence des nouvelles
puissances intéressées par les ressources naturelles des États africains, ces derniers vont être
confrontés à un regain de conflictualité lié à des
rivalités géostratégiques entre grandes puissances, pour l’accès aux ressources stratégiques
du continent africain.
Propos recueillis par
Ibrahim Souleymane
BIO-EXPRESS
Wutibaal Kumaba Mbuta est docteur en
droit international public de l’Université
Paris Descartes. Il est expert en matière
de gestion des conflits armés et du droit
de la sécurité collective, spécialiste de la
région des Grands Lacs. Il est l’auteur du
Livre «L’ONU et la diplomatie des conflits :
le cas de la République démocratique du
Congo», Éd. L’Harmattan.
MARS 2014 • 3
DOSSIER
Pourquoi l’Afrique francophone reste à la traine ?
Le continent africain a été profondément marqué par les grandes puissances qui l’ont colonisé, notamment la France et la Grande-Bretagne. Aujourd’hui, cette influence est-elle toujours perceptible ? Entre la zone francophone et la zone anglophone de l’Afrique, quelle est
la plus dynamique ? La plus stable ? Analyse.
es anciennes colonies africaines de la
France et la Grande-Bretagne font
souvent objet de comparaison. Apparemment, les deux zones n’ont pas
suivi les mêmes voies dans leur évolution.
Lorsqu’on passe d’une zone à l’autre, des différences sont perceptibles en termes de dynamisme économique, de mode de vie, de
gouvernance, etc. Par exemple, en Afrique subsaharienne, les pays francophones ne représentent que 19% de la part du PIB, contre 47% pour
les anglophones (hors Afrique du Sud). Sur la
période 2002-2012, la croissance moyenne des
pays de l’Uemoa est inférieure de 2 points par
rapport à celle des pays membres de la Communauté d’Afrique de l’Est. Selon les perspectives
de l’OCDE, c’est la croissance des pays anglophones, comme le Nigéria et le Ghana, qui tirent
la croissance du continent vers le haut.
L
Dynamisme économique
L’Afrique anglophone s’en sort-elle mieux que
l’Afrique francophone ? En tout cas, sur le plan
économique, tout laisse à penser que les anciennes colonies britanniques restent les champions de la croissance en Afrique. En effet, sur
ces 10 dernières années, selon plusieurs indicateurs, l’Afrique francophone afficherait de
moins bons résultats que la partie anglophone.
L’Afrique coupée en deux ?
4 • MARS 2014
Lorsqu’on compare la zone anglophone de la
Communauté de l’Afrique de l’Est (EAC) et les
deux principales zones francophones que sont
l’Uemoa (Union économique et monétaire
ouest-africaine) et la Cemac (Communauté
économique et monétaire de l’Afrique centrale), on constate en effet que le taux de croissance de 6,3% enregistré par l’EAC (Kenya,
Tanzanie, Ouganda, etc.) est bien supérieur à
celui des deux zones francophones qui affichent respectivement 3,7% et 4%, selon les
chiffres de 2012. Par contre, cette différence est
à nuancer, puisque le taux d’inflation est largement supérieur dans la zone anglophone.
Que l’on s’intéresse aux indicateurs de croissance économique ou à ceux de l’accès aux
nouvelles technologies (accès Internet et mobile), les pays anglophones occupent le podium. En effet, dans le top 10 des pays africains
qui comptent le plus grand nombre d’utilisateurs Internet, 7 sont anglophones.
L’insuffisance d’infrastructures dans les domaines de l’énergie, l’eau, le transport, etc., plus
marquée chez les francophones, expliquerait
aussi ce retard.
Selon certains analystes, le franc CFA, la monnaie commune aux pays francophones, héritée
du système colonial, et qui est rattachée à
l’euro, reste surévaluée et ne reflète pas la
conjoncture de l’économie de ces pays. Ce qui
pénaliserait leurs exportations.
Différence culturelle et politique
Par ailleurs, la question de la différence culturelle
entre l’Afrique francophone et l’Afrique anglophone revient souvent dans les comparaisons. Du
côté anglophone, les gens sont plus innovants notamment dans le milieu des affaires. Certains observateurs notent aussi l’importance de l’esprit
d’entrepreneuriat qui reste plus développé chez
les Anglophones, par rapport aux Francophones
qui restent plus «bureaucratiques». Cette différence de culture s’explique aussi par le comportent des entreprises vis-à-vis de l’État. En effet, on
constate que l’État «gère et décide de tout», du
côté francophone. Alors que, du côté anglophone, «on n’attend pas», on lance sa propre initiative. Par ailleurs, la culture anglo-saxonne plus
pragmatique favoriserait davantage l’esprit d’entreprise, le goût pour les affaires, alors que les citoyens d’anciennes colonies françaises caressent
plutôt le rêve de devenir fonctionnaires.
Comment améliorer les perspectives de la zone
francophone ? Ce qui est sûr, les pays francophones gagneraient à calquer sur leurs voisins
anglophones au moins les best practices qui expliqueraient leur dynamisme économique.
Ibrahim Souleymane
AVIS D’EXPERT
«L’Afrique anglophone
est plus autonome»
Adama Gaye, consultant international, ancien conseiller Afrique de la
candidature de Londres aux jeux Olympiques de 2012, nous livre les
principales différences qui séparent les zones anglophones et francophones de l’Afrique, tant sur le plan économique, politique que culturel.
L
es Afriques Diplomatie : Lorsqu’on
compare les zones francophone et anglophone de l’Afrique, quelles sont les
principales différences qui émergent ?
Adama Gaye : Les différences trouvent leur origine
dans les racines des différentes formes de colonisation que les deux zones linguistiques ont connues.
Quand l’administrateur colonial britannique
d’alors, Frederick Lugard, a mis en œuvre, au début
des années 1900, sa théorie de l’indirect rule, la
gouvernance indirecte des colonies britanniques
sur le continent africain, à partir du modèle qu’il a
imposé au Nigéria, où il était le représentant de la
Couronne britannique, il a semé les germes de ce
qui différencie les pays sous colonisation britannique de leurs autres équivalents sous domination
étrangère, surtout francophone. Car, à cette approche d’une gestion distanciée du pouvoir, par
l’entremise de chefs traditionnels ou de collaborateurs disposés à l’égard de l’ambition impériale britannique, ce fut plutôt la stratégie de l’assimilation
que la France développa dans les pays francophones qui se trouvèrent sous son joug. De ces
deux variantes de la colonisation, il en est resté, de
part et d’autre, des attitudes différentes vis-à-vis du
pouvoir colonial et postcolonial, mais aussi dans la
manière d’opérer dans ces deux sphères linguistiques. L’Afrique anglophone a développé une capacité à se gérer sans régent ni superviseur, elle est
plus autonome, disons, plus débrouillarde. En revanche, refusant de sortir du parapluie français, les
pays francophones ont continué, à ce jour, à vouloir rester dans la maison, disons, du père. D’où la
persistance de la françafrique et des réseaux mafieux ou sulfureux qui, malgré l’indépendance de
jure, maintiennent ces pays sous une forme néocoloniale pour ne pas dire coloniale de facto. Dans
les faits, la ou les pays anglophones agissent souvent de leur propre chef, ceux du monde francophone guettent toujours le signal de Paris, avant de
bouger, même sur les questions nationales. Il est
vrai que les Britanniques, ruinés par la Deuxième
Guerre mondiale, avaient voulu couper leurs pertes
en lâchant véritablement leurs colonies tandis que
la France n’ayant plus que ses colonies pour justifier une quelconque légitimité pour jouer les premiers rôles dans les affaires mondiales n’a eu
d’autres ressources que de s’accrocher à elles. Sa décolonisation fut feinte. Elle est encore à traduire
dans les faits !
LAD : Comment expliquez-vous la croissance économique supérieure que l’on note
souvent dans la zone anglophone ?
A.G. : Les pays anglophones ont appris à bien
gérer leurs économies. C’est-à-dire à ne pas être
des bébés qui attendent toujours le biberon de
l’ancienne puissance coloniale pour peu qu’ils se
trouvent confrontés à des difficultés. La question
monétaire, instrument fondamental de gestion
d’une économie que les francophones ont préféré céder à Paris, est une explication de la marge
de manœuvre qui permet aux pays anglophones
de faire de meilleurs résultats. La monnaie, dans
leur cas, reflète la vraie situation de l’économie
de leurs pays. Dans les pays francophones, nous
sommes face à des États qui se contemplent dans
le miroir de leurs compromissions, en refusant
de reconnaitre les bulles nombreuses qui plombent leurs économies. Parce qu’ils sont aussi plus
nationalistes, les pays anglophones sont devenus
progressivement plus exigeants quant aux termes
de l’exploitation de leurs ressources naturelles.
Contenu local, transfert de technologie, transparence, mécanismes institutionnels plus solides de
gouvernance économique sont d’autres atouts
pour eux. C’est dans le verbiage démocratique,
qui n’est qu’un vernis, qu’ils sont dépassés par les
francophones. Pour ce qui est de l’économie, les
Anglophones sont en avance. Ils ont introduit
avant les Francophones des places boursières, des
normes de gouvernance plus strictes et, il faut
aussi le dire, les cadres anglophones s’y connaissent mieux en matière financière.
Les zones anglophones sont assujetties à des turbulences monétaires et économiques plus fréquentes, mais la stabilité des pays francophones,
qui est largement le fait du Léviathan français qui
l’assure, n’est qu’illusoire. Elle pourrait s’effondrer
quand sonnera l’heure de la vérité économique
toujours évitée par ces pays trop contents de vivre
dans un pré-carré, sous le parapluie de Paris.
Ce qui fait enfin la différence, c’est que, bien avant
les Francophones, les Anglophones ont tenté de
séparer la gestion politique de celle de la finance.
Il ne faut pas penser que l’éviction du gouverneur
de la Banque centrale du Nigéria, Sanusssi Lamido, par le président Goodluck Jonathan, y est
un cas de figure répandu. D’autant plus que dans
le monde francophone, malgré le climat aseptisé
qui règne dans les couloirs des Banques centrales
francophones, on sait qui nomme qui : la preuve
est la manière dont le gouverneur de la Banque
centrale de l’Afrique de l’Ouest, nommé par l’ancien président ivoirien, Laurent Gbagbo, a été
démis de ses fonctions et remplacé par un homme
plus convenable pour les nouvelles autorités avec
l’assentiment de Paris, bien sûr, et des autres pays
francophones ouest-africains...
LAD : Entre ces deux zones du continent
africain, peut-on parler de rivalité ou de
complémentarité ?
A.G. : En vérité, elles vivent plutôt côte à côte. Elles
ne se connaissent pas. Même les Ivoiriens et les
Ghanéens, si proches pourtant aussi bien culturellement que géographiquement, ne se connaissent pas très bien. Les Francophones ont un
avantage : la colonisation française a fait la promotion de l’enseignement de plusieurs langues
étrangères dans leurs colonies, à commencer par
l’anglais. Pas étonnant qu’on trouve plus de polyglottes dans ces pays qu’en Afrique anglophone,
où l’unilinguisme est un fait à peine masqué par la
prévalence de certaines langues locales. Ces deux
zones auraient pu cependant être complémentaires pour diverses raisons, la plus importante
étant que de part et d’autre on y trouve des combattants de l’intégration africaine, aussi bien à
l’époque des pères fondateurs du panafricanisme
qu’actuellement. Leurs économies sont complémentaires. La géographie les rapproche. Et des
liens culturels existent depuis les temps ancestraux
des grands empires africains qui leur font partager
de nombreuses valeurs. Les rivalités ne sont pas
vraiment à l’ordre du jour dans leurs relations.
Propos recueillis par
Ibrahim Souleymane
BIO-EXPRESS
Adama Gaye est journaliste et consultant
international. Il est conseiller de plusieurs
multinationales intervenant en Afrique. Il a
été le principal conseiller Afrique de la candidature de Londres 2012. Adama Gaye est
titulaire de plusieurs titres de troisième cycle obtenus à la Sorbonne (Paris) et à Oxford. Il a été chercheur associé à la Johns
Hopkins University. Il est l’auteur du livre
«Chine-Afrique : le dragon et l’autruche».
MARS 2014 • 5
AVIS D’EXPERT
Francophones-Anglophones :
des différences à nuancer
Germain-Hervé Mbia Yebega, politologue et chercheur à l’Observatoire politique et
stratégique de l’Afrique (OPSA), de l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne, analyse les
aspects historiques, politiques et géopolitiques de ces «barrières» souvent invisibles,
qui peuvent parfois séparer Anglophones et Francophones.
L
es Afriques Diplomatie : Selon vous,
quel héritage colonial majeur la
France et la Grande-Bretagne ont-elles
laissé à l’Afrique ?
Germain-Hervé Mbia Yebega : Le système de
domination coloniale dans ses préfigurations et
ses manifestations est terriblement réducteur et
pervers. Qu’il soit britannique, français, espagnol, portugais, arabe ou italien, il se fonde sur
l’assujettissement et le renoncement total de
l’autre. Des nuances d’appréciation dans la manière dont chacun des pays colonisateurs a fait
valoir ces principes ne changent globalement
rien à son essence.
C’est l’interprétation même qu’ont les Africains
de ce fait social total qui s’impose. En cela, les
luttes de libération coloniale ont été un puissant facteur de conscientisation et de mobilisation. Elles ont accru cette exigence d’unité,
cardinale, sans laquelle il n’est point de progrès.
Cette question d’intérêt général n’était pas déterminée selon l’appartenance à chacun de ces
espaces francophone et anglophone. En résumé
donc, c’est ce sentiment horrible et scandaleux
de domination et d’assujettissement qui demeure, ses meurtrissures venant s’ajouter à
celles encore présentes des traites esclavagistes.
Il faut en prendre acte et travailler aujourd’hui
pour que plus jamais cela ne se reproduise. Les
formes d’assignation auxquelles nous nous prêtons nous-mêmes sont donc tout autant peu
porteuses. Les exemples sont nombreux au
cours des dernières années : Burundi, Kenya,
RDC, Rwanda, Côte d’Ivoire, etc.
LAD : Pour faire un peu d’histoire. Ces deux
colonisations française et britannique ontelles eu des influences similaires ou différentes sur les pays africains ?
G.M.Y. : L’opinion dans les États francophones en Afrique a bien été marquée par la
présence de la France, matériellement plus
manifeste que celle de la Grande-Bretagne depuis les indépendances. Je pense aux bases militaires, à la Françafrique et ses nombreux
travers... À l’échelle du monde, cela procède
d’une certaine banalité.
La Conférence de Berlin a posé les bases d’une
répartition des zones d’influence dans le
monde. Elle a été suivie d’autres rencontres : le
6 • MARS 2014
traité de Versailles en 1918 et la fameuse conférence de Yalta en 1945, en préfiguration de la
création des Nations unies et de l’avènement
de la guerre des blocs, pour ne citer que
quelques-unes des plus importantes. Cette division du travail du système international
existe toujours. Une des preuves en est le rôle
traditionnellement dévolu à la France en
Afrique, par ceux que j’appelle les acteurs déterminants dudit système. Il lui est donné de
sous-traiter certaines opérations, comme ce
fut le cas en Libye, il y a quelques mois.
L’Afrique n’est pourtant pas la seule à faire les
frais de cette projection. Les pays d’Europe de
l’Est, d’Asie et d’Amérique latine ont été ou
sont placés sous la coupe de tuteurs de circonstance. La crise actuelle en Ukraine en est
une des preuves. Tous ces rapides rappels sont
pour situer l’Afrique dans la marche du
monde. Pour relativiser aussi la particularité
de chacune des présences, fixées globalement
entre le début du 20e siècle et la fin des années
1950 (avec les relatifs relâchements de 14/18
et 39/45). Je n’ai pas la conviction que l’Habeas Corpus est le principe le mieux partagé
dans les pays dits anglophones d’Afrique.
Quant au centralisme jacobin de nos «ancêtres les Gaulois» (rire), il est loin d’être le mo-
dèle de configuration par excellence des sociétés africaines dites francophones.
LAD : Les systèmes politiques peuvent-ils expliquer certaines différences entre les zones
francophone et anglophone de l’Afrique ?
G.M.Y. : De quels systèmes politiques parlezvous ? Nous avons tous connu l’expérience des
partis uniques une trentaine d’années durant. Les
guerres et les rébellions n’ont point été alors
l’apanage des soi-disant Anglophones ou Francophones. Voilà que nous nous lançons dans un
pluralisme démocratique d’importation. Les
mêmes causes provoquant les mêmes effets, les
mêmes constats sont à effectuer. Dans une interview récente, Koffi Yamgnane rappelait une certaine vacuité du soubassement idéologique des
dynamiques politiques actuelles dans le continent. Il semble à mon humble avis que les lignes
idéologiques étaient beaucoup plus marquées et
identifiables lors des luttes anticoloniales.
Nous sommes d’abord Africains, avant d’être
rangés dans des déterminismes qui ne procèdent que très marginalement des dynamiques
qui nous sont propres. Les véritables enjeux du
décollage du continent dépassent heureusement ces contingences-là !
Propos recueillis par I.S
CONTRIBUTION
«La France s’est considérée
comme l’éducatrice de ses colonies»
Patrick Sevaistre, membre du comité de direction du CIAN. Membre du
bureau de la Commission Afrique des conseillers du commerce extérieur de la France.
a grande différence entre pays africains anglophones et francophones
remonte loin. Elle tient à la différence
de culture politique entre les anciens
colonisateurs : la culture politique française
selon laquelle sphère publique et sphère privée poursuivent des logiques opposées,
contrairement à la culture anglo-saxonne où
le processus de développement repose sur
une relation gagnant-gagnant avec le secteur
privé. Notre inconscient collectif reste profondément marqué par la colonisation romaine qui a duré 500 ans et qui, entre autres
choses, nous a appris le sens et un très grand
respect de l’Etat au point de l’écrire depuis
avec un «E» majuscule. La mythologie romaine laisse des traces : Mercure est le dieu
du commerce… mais aussi celui des voleurs !
Depuis, en France, le «logiciel» jacobin, étatiste, bonapartiste, gaullien a relayé, au fil des
siècles, l’héritage romain, celui de la tradition
chrétienne catholique, puis celui des Lumières et de la Révolution. Cette chaîne «logicielle» aboutit dans notre inconscient à un
mépris des affaires et du capitalisme, et à
l’inverse, à une sacralisation de l’État et de la
haute fonction publique qui fait que, chez
nous, le service de l’État a une grandeur que
L
le service de la seule économie n’aura jamais.
Notre gestion coloniale (la gestion coloniale ndlr-) a été marquée par ce «virus». Nous
avons en effet appliqué à nos colonies un système jacobin où tout était décidé à Paris et
nous avons voulu privilégier un modèle d’assimilation là où les Britanniques ont poussé un
modèle d’association. La France s’est considérée comme l’éducatrice de ses colonies, ce qui
s’est traduit par l’envoi de missionnaires et
d’administrateurs civils avec l’objectif de créer
à l’échelle de l’Empire une France semblable à
celle de l’Hexagone. Résultat : la colonisation
française a été plutôt une colonisation de fonctionnaires et de missionnaires, alors que la colonisation britannique a été plutôt une
colonisation de commerçants et de fermiers
avec une forte empreinte «secteur privé».
La culture britannique, qui n’est pas celle d’un
peuple unique, mais celle du Royaume-Uni
avec ses peuples anglais, gallois, écossais et irlandais gardant leurs coutumes et leurs histoires. Ce qui fait que les Britanniques ont
gouverné leurs colonies en conservant les institutions locales (indirect rule). Dans son expansion coloniale, le gouvernement de Londres n’a
jamais cherché à assimiler les populations soumises et a conservé leurs organisations, leurs
coutumes et leurs langues dans une logique
d’association qui mettait en commun les richesses de son empire, le Commonwealth.
De ce fait, l’ère postcoloniale n’a pas débouché
dans les deux Afrique sur les mêmes comportements entre anciens colonisés et colonisateurs. Les ex-colonies britanniques ne font pas
grief à l’ancien colonisateur d’un passé sans
cesse ressassé. De leur côté, les Anglais ne se
sentent pas aussi impliqués que nous dans les
crises qui secouent leurs ex-colonies.
Résultat, aujourd’hui les champions africains de la compétitivité (cf. le classement du
World Economic Forum) sont principalem e n t a n g l o p h o n e s ( à l ’ e xce p t i o n d u
Rwanda). Ils ont pour caractéristiques
d’avoir développé une conception holistique
à long terme du développement sur la base
d’une relation gagnant-gagnant avec le secteur privé qui a permis de créer une culture
de la compétitivité et de la responsabilité. De
mon point de vue, c’est la grande supériorité
des pays africains anglophones.
En effet, cela n’a pas été le cas des pays
d’Afrique francophone. C’est encore plus vrai
de La Zone franc avec une monnaie sur évaluée qui a joué un rôle très négatif.
I.S
AVIS D’EXPERT
«Les Anglophones ont
des mentalités d’entrepreneurs»
Jacques Manlay, expert Afrique anglophone du Conseil français
des investisseurs en Afrique (CIAN)
es pays colonisés par les puissances européennes étaient au départ différents
tant par leur population que par leurs
richesses naturelles existantes (ou à venir). Si la France a fait plutôt du copier-coller de
son administration, l’Angleterre a toujours appliqué la loi «indirecte» et a gardé les structures
locales civiles et religieuses ; au lendemain des
indépendances, cela a facilité la construction des
institutions. Les pays anglophones, associés
dans le cadre du Commonwealth, se sont émancipés plus vite que les francophones ; ils n’ont
dû compter que sur eux-mêmes et après des dif-
L
ficultés, ils sont parvenus à une «gouvernance
apaisée», dont l’illustration se trouve dans les résultats d’élections, parfois serrées et contestées
en justice, sans débordement. Le droit des affaires a suivi naturellement.
La langue anglaise prédisposait à l’ouverture
sur l’extérieur et la mondialisation a été une
opportunité extraordinaire. Les Anglophones
se sont habitués très vite à la concurrence, ils
ont des mentalités d’entrepreneurs dans le bon
sens du terme. Ils sont habitués aux changements de situation, s’adaptent très vite et sont
en position de choisir leurs partenaires écono-
miques (Chine, Brésil, Turquie, Inde, etc.). Les
capitaux du monde anglo-saxon (fonds de
pension, la «City») se sont investis massivement dans leur économie. Les pays francop h o n e s s o n t p l u s d a n s u n e é co n o m i e
administrée qui trouve une justification dans
les pays pauvres, mais moins dynamique...
Le développement des échanges transafricains, même si pour des raisons linguistiques
et de mentalité il se fait en priorité entre pays
de langue identique, devrait aider les pays
francophones.
Ibrahim Souleymane
MARS 2014 • 7
MOUVEMENTS
ET NOMINATIONS
Nouvel ambassadeur d’Italie
aux Comores
Le nouvel ambassadeur d’Italie aux Comores, S.E. Luigi
Scotto, a présenté ses
lettres de créance au
Chef de l’État comorien, Dr Ikililou Dhoinine. Lors de cette
rencontre, l’ambassa-
S.E. Bangali
Diakhabi, ambassadeur de la
Guinée en Iran
Le nouvel ambassadeur de la
Guinée en Iran,
S.E. Bangali Diakhabi, a présenté
ses lettres de
créance au président iranien Hassan Rouhani.
Lors de cette rencontre, le président Rouhani a déclaré que la promotion des relations avec les pays africains est l’une des priorités
de son pays. L’ambassadeur Diakhabi a pour sa part souligné l’importance de l’Iran dans la civilisation de l’humanité, et rappelé la
volonté de la Guinée à renforcer ses liens avec l’Iran.
S.E. Ousseini Mamadou, ambassadeur du
Niger au Maroc
deur Luigi Scotto a,
dans un discours, rappelé l’initiative ItalieAfrique, lancée et qui
vise à renforcer les relations entre l’Italie et
l’Afrique et promouvoir «une série de projets de partenariats
soutenables, notamment dans les domaines de
l’agriculture, de l’énergie, des infrastructures
et de la culture».
Le général Ousseini Mamadou est le nouvel ambassadeur de la
République du Niger auprès du Royaume du
Maroc. S.E. Ousseini Mamadou a été, entre autres,
ministre de la Défense
dans le gouvernement de
transition mis en place
après le coup d’État militaire qui avait renversé
l’ancien président nigérien, Tanja Mamadou.
S.E. Eric Y. Tiaré,
ambassadeur
du Burkina
en Espagne
Le nouvel ambassadeur du Burkina Faso
en Espagne, S.E. Eric
Y. Tiaré, a présenté
ses lettres de créance
au représentant de la
diplomatie espagnole.
Nouvel
ambassadeur
de la Guinée en
Afrique du Sud
Nouvel
ambassadeur
d’Algérie à
Djibouti
Le président guinéen
Alpha Condé a
nommé S.E. Mamady
Camara, économiste et consultant
international,
comme ambassadeur extraordinaire
et plénipotentiaire
de la République
Guinée en Afrique
du Sud.
Le gouvernement djiboutien a donné son
agrément à la nomination de S.E. Rachid
Benlounes, en qualité
d’ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de l’Algérie
auprès de la République de Djibouti
avec résidence à
Addis-Abeba.
Avec les responsables
espagnoles, l’ambassadeur Tiaré a notamment évoqué les
initiatives à mettre en
œuvre pour dynamiser
la coopération sur
l’axe Madrid/Ouagadougou. Avant sa nomination, S.E Eric Y.
Tiaré avait auparavant
servi en France et au
Saint-Siège.
Genève, Suisse Le Sommet mondial sur la société de l’information (ou
SMSI) est un forum mondial organisé par l’Union
internationale des télécommunications (UIT),
une agence de l’ONU. Il
vise à réduire l’inégalité
vis-à-vis de l’accès à l’information à travers les
NTIC et l’Internet.
Du 19 au 23 mai 2014
Assemblée annuelle du
Groupe de la BAD, Kigali, Rwanda La prochaine assemblée
annuelle du Groupe de
la BAD se tiendra à Kigali au Rwanda. Le
thème de la rencontre
est : «Les 50 années à
venir : L’Afrique que
nous voulons».
Du 23 au 25 mai 2014
3e édition New York
Forum Africa à Libreville, au Gabon
La 3e édition du New
York Forum Africa se
tiendra du 23 au 25
mai 2014 à Libreville,
au Gabon. Le thème de
cette année sera «La
transformation du
continent».
AGENDA DIPLOMATIQUE
10-21 mars 2014
ONU/58e Session de la
Commission de la
femme à New York
La 58e session de la
Commission de la condition de la femme se
tiendra au siège des Nations unies à New York.
Du 23 au 25 avril 2014
UA/Session de la commission du travail,
Namibie
La session extraordinaire de la commission
du travail et des affaires
sociales de l’union africaine aura lieu à Win8 • MARS 2014
dhoek (Namibie) sur le
thème : «Emploi, éradication de la pauvreté et développement inclusif».
Du 27 mars au 1er avril
2014 UA/Conférence
des ministres des Finances à Abuja, Nigéria
La 7e Conférence des ministres de l’Économie et
des finances de l’UA aura
lieu, à Abuja, au Nigéria.
Du 5 au 11 avril 2014
Forum urbain mondial
(FUM) à Medellin, Colombie
Organisée par ONU-Habitat depuis 2002, cette 7e
édition du Forum urbain
mondial sera consacrée à
«L’équité urbaine en développement - Des villes
pour la vie».
Avril 2014
Sommet Afrique-Europe
Un sommet Afrique-Europe se tiendra en avril
prochain. Ce sommet de
2014 sera l’opportunité
pour l’Europe de repenser son partenariat et
son agenda avec le continent africain.
Du 19 au 23 mai 2014
Sommet mondial sur la
société de l’information,
POINT DE VUE
Quels enjeux pour la France et
la Grande-Bretagne en Afrique ?
ême après l’accession des pays
africains à l’indépendance dans
les années 1950 et 1960, la présence et l’influence de la France
et de la Grande-Bretagne ont été très visibles en Afrique. Par contre, on pourrait
dire que, depuis la chute du Mur de Berlin,
les Britanniques ont été plus discrets et
moins interventionnistes. Alors que la prépondérance de la France dans la gestion
des affaires du continent a atteint un point
tel que certains sont allés jusqu’à la qualifier de «Gendarme de l’Afrique».
Mais comment ces deux puissances exercent-elles leur influence sur l’Afrique ? Et
quels en sont les enjeux aujourd’hui, plus
de 50 ans après les indépendances ?
Une chose est sûre. Les anciennes puissances coloniales convoitent encore
l’Afrique pour ses richesses minières et pétrolières. Mais pas seulement. En effet, aujourd’hui d’autres enjeux géopolitiques
entrent en compte, et font de l’Afrique une
zone d’influence très importante, et qu’il
faut bien ménager.
M
Enjeux géopolitiques
pour la France
En Afrique, la France dispose de trois principales zones d’influence qui constituent
son pré-carré : l’Afrique de l’Ouest,
l’Afrique Centrale et le Maghreb (Maroc,
Algérie, Tunisie). Si ces pays ont accédé à
l’indépendance politique depuis, l’influence
française y reste toujours omniprésente, et
ce, malgré la disparition progressive de la
«Françafrique» et des «réseaux Faucard».
Les destins de la France et de ses anciennes
colonies d’Afrique restent encore très liés.
D’une part, on peut dire que la France a
besoin des votes de ces anciennes colonies
d’Afrique, pour renforcer sa stature de
puissance, sur la scène internationale. Que
ce soit à l’ONU ou dans différentes organisations internationales, la France peut
«toujours» compter sur la fidélité de ses alliés historiques. En échange, ces pays peuvent à leur tour compter sur la France
pour les défendre, et même les représenter
dans certaines sphères d’influence très fermées, et qui décident parfois du sort du
monde. C’est le cas notamment au Conseil
de sécurité de l’ONU où la France détient
un droit de veto, avec quatre autres
grandes puissances (USA, Russie, Chine,
Royaume-Uni), ou encore au sein du G8.
Dans ce sens, notons que la France, alliée
du Maroc, défend la position du Royaume
sur la scène internationale et à l’ONU, sur
le dossier crucial du Sahara, qui occupe
une place prioritaire pour la diplomatie du
Royaume chérifien. La France a aussi
montré sa capacité à se mobiliser militairement à travers l’opération Serval pour
défendre la souveraineté du Mali contre
l’invasion des groupes djihadistes. Même
si certains y voient aussi une volonté habile
de la France de protéger ses intérêts économiques dans la sous-région.
Mais de toutes les façons, il est tout à fait
légitime aussi pour la France de protéger
ses citoyens et ses intérêts économiques
dans un continent en proie aux conflits. Et
Les anciennes puissances
coloniales convoitent encore
l’Afrique pour ses richesses
minières et pétrolières. Mais pas
seulement. En effet, aujourd’hui
d’autres enjeux géopolitiques
entrent en compte, et font de
l’Afrique une zone d’influence
très importante, et qu’il faut
bien ménager.
à l’instar des autres pays puissants qui
convoitent l’Afrique (comme la Chine, la
Turquie, etc.), la France, qui est sur un
content qu’elle connait bien depuis plus
d’un siècle, encourage et protège les activités économiques des entreprises françaises
comme Total, Bolloré, Bouygues, Peugeot,
Renault, Areva et les autres. Rappelons au
passage que 75% des entreprises françaises
présentes en Afrique réalisent plus de 40
milliards d’euros de chiffres d’affaires, selon les chiffres officiels du CIAN (Conseil
français des investisseurs en Afrique).
Par ailleurs, la France entretient aussi un
lien étroit avec ses anciennes colonies à travers le réseau de la Francophonie (Organisation internationale de la Francophonie) et
qui s’élargit pour intégrer des pays qui ne
sont pas des anciennes colonies françaises
(il compte aujourd’hui 56 États membres).
Ibrahim Souleymane
Rédacteur en chef
Les Afriques DIPLOMATIE
Tout cela donne à la France un grand rayonnement et une grande influence sur la scène
internationale et à ses anciennes colonies un
fort sentiment d’appartenance à un groupe
et une culture commune.
Enjeux pour la Grande-Bretagne
Depuis les indépendances, la politique
étrangère de la Grande-Bretagne en
Afrique a toujours été assez souple et discrète, disons fidèle au «indirect rule».
Alors que le système français tentait
d’adapter les populations africaines à l’administration, les Anglais, eux, considéraient que c’est l’administration qui était
au service des personnes et qui doit donc
s’adapter aux populations. Les Britanniques ont opté pour l’autonomie interne
(«self gouvernement» ou «home rule»).
La Grande-Bretagne réunit ses anciennes
colonies au sein du Commonwealth, qui
est l’ensemble des pays ayant fait allégeance à la Couronne britannique.
Aujourd’hui, le Royaume-Uni peut toujours compter sur ses anciennes colonies
pour assurer la sécurisation de son approvisionnement en ressources naturelles,
notamment énergétiques. La Grande-Bretagne peut aussi compter sur les Dominions (les républiques membres du
Commonwealth) pour soutenir ses positions au sein des organisations internationales et renforcer ainsi sa stature de
puissance que lui confère son siège de
membre permanent au sein du Conseil de
sécurité de l’ONU.
Et depuis peu, la Grande-Bretagne est de
plus en plus active aux côtés des États-Unis
dans la lutte contre les groupes terroristes
en Afrique. Boko Haram au Nigéria, les
Shebab en Somalie, par exemple. Récemment, le gouvernement britannique s’est
aussi engagé à envoyer 350 soldats pour
soutenir les efforts de lutte contre les
groupes djihadistes au Mali.
Mais sur le plan sécuritaire, la tendance actuelle aussi bien pour la France que pour la
Grande-Bretagne est d’aider les pays africains à prendre en charge eux-mêmes la
sécurisation de leur continent. Le dernier
en date est le Sommet Afrique-France tenu
en fin 2013, en vue, justement, de mettre
au point une force africaine de maintien
de la paix, qui pourra fonctionner peutêtre à l’image de l’OTAN.
Ibrahim Souleymane
MARS 2014 • 9
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