L’Information psychiatrique 2014 ; 90 : 311–7 MÉDECINE GÉNÉRALE ET PSYCHIATRIE États des lieux. Recherche action nationale « Place de la santé mentale en médecine générale » Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 02/06/2017. Gérard Milleret 1 , Imane Benradia 2 , William Guicherd 3 , Jean-Luc Roelandt 4 RÉSUMÉ Afin de mieux comprendre les pratiques des médecins généralistes en lien avec les troubles mentaux et leurs attentes vis-à-vis des acteurs de la santé mentale, la recherche-action « Place de la santé mentale en médecine générale » a été réalisée conjointement par le Centre collaborateur de l’OMS (Lille) et le Centre hospitalier de La Chartreuse (Dijon). Cent un secteurs de psychiatrie ont participé à l’enquête et 2076 questionnaires ont été recueillis. Les principaux freins à une coopération efficiente entre la médecine générale et les services spécialisés en santé mentale seraient liés aux difficultés d’orientation des patients, à la stigmatisation et la réticence des patients et au coût élevé des prises en charge en psychothérapie dans le secteur privé. L’optimisation de l’action conjointe du médecin généraliste et des professionnels de la psychiatrie passerait par l’amélioration de la communication, de la formation et du soin en santé mentale en première ligne. Mots clés : médecine générale, psychiatrie, santé mentale, questionnaire, enquête, partenariat, coordination ABSTRACT National Action Research “The Place of Mental Health in General Practice”. In order to better understand the practices of general practitioners (GP) in relation to mental health disorders and their expectations of mental health participants, the WHO Collaborating Centre (Lille) and La Chartreuse Hospital (Dijon) carried out research regarding the “Place of Mental Health in General Medicine”. A total of 101 psychiatric sectors participated in the study and 2,076 questionnaires were collected. The main obstacles to effective co-operation between GP and mental health services were related to the difficulties of referral, stigma and reluctance of patients, as well as the high cost of psychotherapy in the private sector. The optimization of joint action by the GP and psychiatric professionals requires an improvement in communications, training and mental health care in the primary care system. doi:10.1684/ipe.2014.1200 Key words: general medicine, psychiatry, mental health, questionnaire, survey, partnership, coordination 1 Psychiatre, chef de pôle, Centre hospitalier La Chartreuse, 1, boulevard Chanoine Kir, 21033 Dijon cedex, France <[email protected]> 2 Psychologue, Centre collaborateur de l’OMS, EPSM Lille-Métropole, 211 rue Roger Salengro, 59 260 Hellemmes-Lille, France 3 Médecin assistant, Centre hospitalier La Chartreuse 4 Psychiatre, directeur, Centre collaborateur de l’OMS, EPSM Lille-Métropole Tirés à part : G. Milleret L’INFORMATION PSYCHIATRIQUE VOL. 90, N◦ 5 - MAI 2014 311 Pour citer cet article : Milleret G, Benradia I, Guicherd W, Roelandt JL. États des lieux. Recherche action nationale « Place de la santé mentale en médecine générale ». L’Information psychiatrique 2014 ; 90 : 311-7 doi:10.1684/ipe.2014.1200 G. Milleret, et al. RESUMEN Medicina general y psiquiatría: Examen de lasituation. Con el fin de entender mejor las prácticas de los médicos generalistas en relación con los trastornos mentales y sus expectativas hacia los actores de la salud mental, la investigaciónacción “Lugar de la salud mental en la Medicina general” se realizó conjuntamente por el Centro colaborador de la OMS (Lille) y el Centro hospitalario de La Chartreuse (Dijon). 101 sectores de psiquiatría participaron en la encuesta y se recogieron 2.076 cuestionarios. Los principales frenos a una cooperación eficiente entre la medicina general y los servicios especializados en salud mental estarían vinculados con dificultades de orientación de los pacientes, la estigmatización y reticiencia de los pacientes y el coste elevado de la atención en psicoterapia en el sector privado. La optimización de la acción conjunta del médico generalista y de los profesionales de la psiquiatría pasaría por mejorar la comunicación, formación y cuidado en salud mental de primera línea. Palabras claves : medicina general, psiquiatría, salud mental, cuestionario, encuesta, asociación, coordinación Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 02/06/2017. Introduction Notre travail quotidien (en institution ou en centre médico-psychologique) met en évidence la place essentielle du médecin généraliste comme partenaire principal dans la prise en charge. Cette constatation intuitive est confirmée si nous nous référons à l’enquête « Santé mentale en population générale : image et réalité » réalisée par le Centre collaborateur de l’Organisation mondiale de la santé (CCOMS, Lille) [2]. Cette recherche estimait à 42 % la part de la population qui se tournait vers le médecin de famille comme premier acteur en cas de difficultés psychologiques. Un travail effectué en 2003 en Côte-d’Or l’a aussi prouvé [22]. Les psychiatres ne sont pas les seuls à être sollicités pour soigner la souffrance psychique. D’autres partenaires, d’autres acteurs interviennent dans la prise en charge [4]. Dans ce contexte, nous avons décidé d’aller plus loin afin d’essayer d’évaluer ce travail de partenariat trop souvent sous-estimé. Objectifs Nous pouvons d’abord nous recommander des bonnes pratiques de l’OMS élaborées à Helsinki en 2005 [11, 1517]. Auparavant, dans le cadre d’un travail de réseau de soins, nous avions en 2003 mis en place une enquête sur le département de la Côte-d’Or : « Place de la maladie mentale dans la pratique quotidienne du médecin généraliste ». Les résultats avaient été particulièrement riches d’enseignement. Le taux de réponse avait été remarquable puisque près de la moitié des praticiens du département (246 médecins généralistes) avait répondu au questionnaire [22]. Cette enquête évaluait dans la patientèle : 24,7 % de troubles anxio-dépressifs, 7,72 % d’addictions à l’alcool et 1,54 % à d’autres produits. Manifestement plus d’un tiers de la patientèle consultait pour des demandes liées à la souffrance psychique. À partir de ces constatations nous ne pouvions nous limiter à un seul département français. 312 Avec le Centre collaborateur OMS pour la recherche et la formation en santé mentale (Lille), un élargissement de cette étude a été entrepris sur le territoire national. Il s’agissait avant tout d’évaluer la perception des troubles psychiques par les médecins généraliste en tenant compte de leur approche soignante au quotidien. Méthodologie Le questionnaire établi souhaitant préciser les concordances et les divergences dans les pratiques de terrain : – Comment est perçue la psychiatrie par les médecins généralistes ? – Quelle attitude adoptent-t-ils vis-à-vis des personnes ayant des troubles psychiques ? – Comment est leur vision des soins psychiatriques ? 1. Élaboration du questionnaire d’enquête Nous avons réactualisé le questionnaire du travail effectué en Côte-d’Or en 2003. Un groupe test de 50 collègues a été constitué avec des médecins généralistes exerçant dans les régions Bourgogne et Nord Pas-de-Calais. À partir de leurs remarques, le questionnaire a été amélioré et a été validé lors d’une rencontre nationale qui a regroupé 75 professionnels de la psychiatrie et de la médecine générale, le 21 janvier au centre hospitalier Sainte-Anne à Paris. 2. Le questionnaire d’enquête : Le questionnaire comporte 21 questions structurées en 9 rubriques, explorant les champs suivants : 1) La perception par les médecins généralistes de l’offre de soin en santé mentale. 2) Les facteurs favorisant et obstacles à l’orientation vers une prise en charge spécialisée de santé mentale, publique et privée. 3) La place dans la pratique et la perception des hospitalisations sans consentement par le médecin généraliste. 4) Une estimation de la part de la patientèle consultant pour un trouble psychique (par catégorie de trouble et catégorie d’âge). 5) L’état et les modalités de communication entre le médecin généraliste et la psychiatrie. L’INFORMATION PSYCHIATRIQUE VOL. 90, N◦ 5 - MAI 2014 États des lieux. Recherche action nationale « Place de la santé mentale en médecine générale » Perception de l’évolution de la psychiatrie Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 02/06/2017. Encadré méthodologie : Après avoir adressé la proposition d’enquête à l’ensemble des secteurs psychiatriques français, les responsables des secteurs intéressés recevaient un kit quant au déroulement de l’enquête. L’étape préalable consistait à établir un fichier d’adresses postales des médecins généralistes exerçant sur le territoire du secteur participant. Étape n◦ 1 : l’ordre départemental des médecins était informé en sachant que l’ordre national avait déjà donné son aval pour cette étude. Étape 2 : les médecins généralistes recevaient le questionnaire d’enquête. Étape 3 : une lettre de relance leur était adressée cinq semaines plus tard. Étape 4 : les réponses recueillies par la responsable du secteur référent étaient adressées au service qualité du centre hospitalier La Chartreuse à Dijon où ils étaient saisis. Étape 5 : les résultats étaient retournés à chaque site participant afin qu’il puisse servir de base de travail quant au partenariat à mettre en place. Les résultats Cent un secteurs de psychiatrie ont participé, appartenant à 14 régions en France métropolitaine et 2 départements d’Outre-Mer (la Réunion et la Guadeloupe). Deux mille soixante-seize questionnaires ont été recueillis et saisis par l’équipe du Centre hospitalier La Chartreuse. Le taux de participation suivant les sites est très variable : il va de 10 à 75 % des médecins généralistes sollicités. L’ensemble des secteurs de la région Bourgogne [18] a participé alors qu’en Alsace, un seul secteur a intégré l’étude. Présentation de l’échantillon Soixante-treize pour cent des médecins participant à l’étude sont des hommes. La participation est plus faible chez les médecins femmes (elles représentent 41 % des médecins exerçant sur le territoire national d’après l’ordre des médecins1 ). Les participants sont légèrement plus nombreux à exercer en groupe (53 %), qu’en individuel (47 %). Dix-huit pour cent des médecins déclarent une orientation spécifique : prédominance pour la gériatrie, l’homéopathie et la médecine du sport. 1 Source : Conseil national de l’ordre des médecins, Atlas de la démographie médicale 2012. www.conseil-national.medecin.fr/article/atlas-de-lademographie-medicale-2012-1245. Soixante-et-un pour cent des médecins généralistes consultés estiment que l’offre de soin en psychiatrie a évolué ces dernières années. Bien que 20 % d’entre eux qualifient cette évolution de favorable, plus généralement les participants estiment cependant que l’offre de soin a évolué négativement, qu’elle s’est dégradée ces dernières années. Les difficultés d’accès aux soins et l’insuffisance du nombre de psychiatres sont aussi évoquées. Plus de la moitié des médecins participant déclare que le regard de leurs patients sur la psychiatrie a évolué. Une évolution perçue quasi-unanimement comme positive. Les participants pensent qu’aujourd’hui il y aurait une meilleure acceptation du trouble psychique, que les patients auraient « moins peur », moins de réticence à consulter pour un problème de santé mentale. Le regard des patients sur la psychiatrie serait moins péjoratif, moins stigmatisant. La qualité de l’offre des soins : Nous avons appréhendé la qualité de l’offre des soins en psychiatrie selon une dimension quantitative (offre suffisante) et une dimension qualitative (offre adaptée). Les médecins généralistes participant estiment que le système de psychiatrie privée offre une prise charge insuffisante qu’il s’agisse des soins en ambulatoire (87 %) ou bien en hospitalisation (82 %). Plus de la moitié considère que l’offre de soins spécialisée privée est inadaptée en hospitalisation (59 %) et en ambulatoire (56 %). Les soins proposés dans le système de psychiatrie publique et assimilé sont perçus légèrement plus positifs. L’hospitalisation est jugée adaptée par la moitié des médecins consultés, et suffisante pour un quart d’entre eux. Cependant, les soins prodigués en ambulatoire, sont considérés comme insuffisants par 84 % des généralistes. Les difficultés d’orientation des patients présentant des troubles psychiques La question de l’orientation vers une prise en charge spécialisée par le médecin généraliste est au cœur du lien entre la médecine générale et la psychiatrie. En effet, 9 médecins sur 10 déclarent rencontrer des difficultés pour orienter un patient vers une prise en charge en santé mentale. Ils dénoncent essentiellement un manque de place pour les services en santé mentale et un délai d’attente beaucoup trop long (90 %). Viennent ensuite des problèmes de communication et de liaison (71 %). Les médecins pensent qu’au niveau des patients les difficultés concerneraient davantage la négation et le déni des troubles psychiques, la peur de la folie et de la maladie mentale, mais aussi l’image négative des dispositifs de santé mentale (figure 1). À la question, « vous est-il facile d’orienter un patient vers un service de psychiatrie public ? », 67 % des médecins répondent négativement pour l’hospitalisation. Deux L’INFORMATION PSYCHIATRIQUE VOL. 90, N◦ 5 - MAI 2014 313 G. Milleret, et al. 0% 10 % 20 % 30 % 40 % 50 % 60 % 70 % 80 % plusieurs fois par an. Cette procédure de soin sans consentement en psychiatrie est perçue comme nécessaire, mais elle reste fastidieuse pour le médecin généraliste. Réticence du patient Les patients consultant pour les troubles psychiques : Délais importants Amplitude horaire Coût élevé Autres Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 02/06/2017. Hospitalier Ambulatoire Figure 1. Motifs des difficultés d’orientation vers le système de psychiatrie public et assimilé. raisons sont principalement évoquées : la réticence du patient et le délai d’attente trop important. Orienter un patient vers une prise en charge ambulatoire serait plus facile, néanmoins les délais d’attente trop importants représenteraient le principal obstacle (figure 1). L’attente est également avancée comme difficulté majeure pour orienter les patients vers une clinique ou un cabinet de consultation de psychiatrie privé. Le recours aux psychologues, psychothérapeutes serait quant à lui freiné par le coût élevé des consultations (figure 2). L’hospitalisation sans consentement Malgré la modification de la loi sur les soins sans consentement (loi du 5 juillet 2011), pendant la durée de l’enquête, 70 % des médecins interrogés déclarent être rarement sollicités pour donner un avis médical dans le cadre d’une mesure de soins sous contrainte. Le reste des généralistes se répartit de manière presque égale entre ceux qui ne le pratique jamais et d’autres qui le mettent en place 0% 10 % 20 % 30 % 40 % 50 % 60 % 70 % 80 % À leurs dires, les médecins généralistes sont souvent consultés pour des troubles anxieux, dépressifs, des addictions à l’alcool ou des troubles chez la personne âgée. À l’inverse, ils déclarent que les consultations pour des problèmes liés à la consommation de produits illicites, aux troubles psychotiques ou aux troubles chez l’enfant représentent une part plutôt faible dans leur activité. Quoiqu’à leur opinion, ils représentent une part importante dans leur patientèle, les personnes souffrant d’un trouble anxieux sont peu orientées par eux vers une prise en charge spécialisée. En revanche, l’orientation vers les services de psychiatrie est plus importante pour les patients qui présentent un trouble psychotique. Modalités de liaison avec les services de santé mentale : La première rencontre avec un service de santé mentale n’est pas choquante pour les médecins généralistes si elle n’a pas lieu avec un médecin. Ils acceptent facilement qu’un psychologue ou un infirmier effectue cette première évaluation. Seuls 30 % d’entre eux accepteraient une première rencontre avec un travailleur du champ social (éducateur, assistante sociale). Les modalités de lien et de communication avec les services de santé mentale sont beaucoup plus décriées : si 97 % des médecins généralistes disent envoyer un courrier au médecin psychiatre lorsqu’ils orientent leur patient vers un service de psychiatrie, 74 % déclarent ne recevoir aucun retour. Par ailleurs, seuls 26 % adressent un courrier au psychiatre traitant lorsqu’un patient est également suivi par un service de santé mentale. Enfin, plus de la moitié souhaiterait des rencontres régulières avec les équipes de psychiatrie. Réticence du patient Discussion Délais importants Amplitude horaire Coût élevé Autres Clinique Cabinet Cabinet de psychothérapie Figure 2. Motifs des difficultés d’orientation vers le système de psychiatrie privé. 314 Les résultats de cette recherche montrent que le partenariat entre les services de psychiatrie et les médecins généralistes est à améliorer. Cette enquête est porteuse d’enseignements sur la coordination des soins. Relevons d’abord la part importante des troubles anxieux, dépressifs et les conduites éthyliques soignée par les médecins généralistes. Un résultat qui concorde avec les dernières études sur la prise en charge de la dépression par les médecins généralistes en France [9]. Généralement les troubles psychiques (dépression, anxiété, troubles du sommeil) constituent L’INFORMATION PSYCHIATRIQUE VOL. 90, N◦ 5 - MAI 2014 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 02/06/2017. États des lieux. Recherche action nationale « Place de la santé mentale en médecine générale » 13 à 15 % des motifs de consultations des médecins généralistes et jusqu’à 25 % des motifs de visites à domicile [7]. Les troubles de santé mentale des personnes âgées ont aussi toute leur place chez le médecin traitant. Ceci concorde avec les résultats de l’enquête menée en Côte-d’Or [22]. Les difficultés d’orientation : le délai d’attente pour une consultation apparaît toujours beaucoup trop important. Aux dires des médecins généralistes, l’image de la santé mentale est toujours perçue comme négative avec une part de stigmatisation et une réticence des patients. Malgré tout, si est notée une évolution positive, celleci est contredite par les faits concrets : la difficulté à faire accepter au patient de rencontrer des soignants en psychiatrie est toujours bien présente. Le coût de la prise en charge psychothérapique dans le dispositif privé est aussi un frein important. Les modalités de communication entre psychiatre et médecin généraliste restent très problématiques et entraînent une insatisfaction considérable. Les médecins généralistes disent se donner la peine d’adresser un courrier au médecin spécialiste, mais constatent que le retour est beaucoup plus difficile. Seul un quart des médecins déclare recevoir une lettre du psychiatre pour leurs patients. À l’opposé, la majorité des secteurs de psychiatrie déclare être en relation directe avec le médecin généraliste des patients ou leur psychiatre s’ils sont déjà suivis [4]. Les difficultés de communication entre médecine générale et psychiatrie sont clairement identifiées dans cette enquête. En plus des délais de consultation trop importants, le manque de communication et d’échange d’informations à propos du patient représentent une critique majeure envers la psychiatrie, faite par l’ensemble des généralistes [8, 12]. Au vu de ces résultats, plusieurs objectifs ont pu être mis en avant. Les résultats sont parfaitement concordants avec les études menées sur le lien entre médecine générale et psychiatrie. Les études se suivent et les problèmes persistent. Trois axes d’amélioration Pour tous, trois principaux axes d’amélioration se dégagent : Améliorer la communication Un groupe test de médecins généralistes et de psychiatres s’organise actuellement sur Dijon et la périphérie pour essayer d’optimiser ce système de coordination. D’ailleurs dans les critères de qualité du Centre hospitalier La Chartreuse à Dijon, a été mis en avant cet objectif afin de combler de telles lacunes. La mise en place d’un courrier type tant à l’admission qu’à la sortie est en voie de réalisation. Le courrier électronique amène quelques réticences liées surtout au secret professionnel. À l’Établissement public de santé mentale de l’agglomération lilloise, un document éla- boré conjointement avec des médecins généralistes et des psychiatres permet d’améliorer la communication. Les présidents de CME de CHS et le collège de médecine générale ont élaboré une charte de fonctionnement. Dans ce numéro thématique de l’Information Psychiatrique, l’expérience de M.-C. Hardy-Baylé à Versailles est tout à fait pertinente en la matière. Les recommandations du Collège national pour la qualité des soins en psychiatrie portant sur l’amélioration de l’échange d’informations entre psychiatre et médecin généraliste sont tout à fait pertinentes et méritent une large application [5]. Améliorer les formations L’étude « Santé mentale en population générale » [10] montre la fréquence élevée d’usage de psychotropes dans la population générale : plus d’un tiers des sujets a déclaré avoir fait usage de psychotropes au cours de la vie. Mais cette fréquence est associée à une faible congruence entre la présence ou l’absence d’un diagnostic psychiatrique et la présence ou l’absence d’un traitement psychotrope au cours de la vie. Ce résultat montre la nécessité d’améliorer la formation des médecins généralistes dans la prise en charge des troubles psychiques. À partir de cette recherche-action psychiatrie-médecine générale, des groupes de réflexion pourraient être mis en place sur différents sites en France, pour essayer de mieux appréhender des situations complexes, mieux faire connaître notre organisation quant à la santé mentale et notre travail de proximité. C’est ainsi qu’il faudrait familiariser le plus grand nombre avec des notions de parcours de soins en santé mentale et le fonctionnement du secteur en psychiatrie. Cela passe également par la formation des futurs spécialistes au travail en réseau et dans la communauté. Cet échange permettrait d’alléger certaines situations mais la crainte des soignants en milieu psychiatrique, de se laisser déborder par les demandes est souvent sous-jacente. Malgré tout, le relais par le médecin généraliste, par le renouvellement des prescriptions médicamenteuses et la prise en charge globale des personnes, n’est pas à négliger. Améliorer l’offre de soins alternatifs à l’hospitalisation et les soins de première ligne Des structures permettant un accès précoce au soin sont à favoriser au vu de ces difficultés. Des propositions comprennent la diversification des structures de soins avec renforcement de la proximité pour une prise en charge facilitée. La création d’équipes mobiles en est un exemple. Enfin, dans cet axe, mettre en place une collaboration avec les maisons de santé ou les groupes de médecins associés lors des permanences soignantes au sein de leur cabinet apparaît comme une idée intéressante à plusieurs points de vue. C’est en ce sens que nous essayons d’élaborer sur la région dijonnaise un partenariat. De plus en plus de services de psychiatrie publique rejoignent les cabinets pluridisciplinaires. L’INFORMATION PSYCHIATRIQUE VOL. 90, N◦ 5 - MAI 2014 315 G. Milleret, et al. Les objectifs seront axés sur la formation professionnelle, la place des psychologues et des infirmiers des services de santé mentale au sein de cabinets de médecins généralistes, et la coordination de l’action conjointe des partenaires de santé. Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 02/06/2017. Conclusion Au vu de cette enquête, un certain nombre de constatations nous amène à des réflexions quant à la coordination de la psychiatrie avec les soins en médecine générale. Si la part importante de la patientèle souffre de troubles psychiques, les démarches d’orientation et de coordination vers le système de santé mentale restent encore à améliorer. Un effort important de communication et d’accessibilité rapide des services de santé mentale doit être mis en œuvre. Il est anormal que cette situation, connue depuis des décennies perdure. Peut-être est-ce cela le fait de la coupure entre les soins de santé primaires et les services de psychiatrie publique. Le secteur de psychiatrie doit fortement évoluer et transformer ses pratiques pour être intégré à part entière dans le paysage médical et social, et ne pas occuper une place à part dans la cité. Pour permettre un accès aux soins physiques par l’intermédiaire de la médecine générale aux personnes présentant des troubles psychiques [21], c’est une rupture épistémologique qui doit avoir lieu entre la psychiatrie publique et les soins de santé primaires. La première ligne de soin devrait être organisée par la médecine générale. Cela implique de mettre en lien fortement les services de psychiatrie de proximité et les services de santé primaire [14]. Adresser un courrier systématique des spécialistes aux généralistes et réciproquement devrait être la règle [5], afin que toute personne orientée par un médecin généraliste soit vue dans les 48 heures, quel que soit le motif [3, 6]. Ce serait possible en organisant un transfert de compétence et en développant encore plus l’intervention des infirmiers en première ligne dans les secteurs de psychiatrie, en créant des équipes mobiles de soins intensifs en articulation étroite avec la médecine générale et les infirmiers libéraux, ainsi que les pharmaciens de villes. Cela serait possible que si nous organisons un transfert de missions vers nos collègues infirmiers, qui deviendraient alors de fait des infirmiers cliniciens. Cette idée est accueillie positivement par les médecins généralistes. Cette enquête d’opinions concernant les liens entre la médecine générale et l’offre de soins en santé mentale montre la nécessité d’un changement du fonctionnement de la psychiatrie à l’heure actuelle et de changements profonds de pratiques. D’autant que le médecin généraliste est souvent le premier recours en santé mentale, et parfois le seul, pour une part non négligeable de la patientèle, en population générale [1, 18, 19]. Sa parenté avec le psychiatre reste évidente [13], ces deux praticiens du champ de la santé considérant plus le patient 316 comme une personne, avant d’être des organes, dans une conception psycho-bio-sociale. Cette enquête est une recherche-action, le deuxième temps de la restitution et des propositions ne doit pas contredire ce qui avait été annoncé. Pour les usagers des systèmes de santé et plus particulièrement de santé mentale, il y a lieu d’en prendre compte et d’en tirer toutes les conséquences pour l’accès aux soins de qualité et pour lutter contre la stigmatisation psychiatrique, il convient d’améliorer les liaisons et l’articulation concrète, tant de la part des psychiatres que des médecins généralistes [11, 20, 23]. Ceci est possible dès aujourd’hui, et sera plus efficace que des déclarations des bonnes intentions ou des catalogues d’actions connus depuis bien longtemps, bien documentés mais non mis en œuvre, ce qui donne à nouveau dans cette enquête, les mêmes résultats insatisfaisants pour les deux disciplines. Liens d’intérêts : les auteurs ne déclarent aucun lien d’intérêt en rapport avec cet article. Références 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. 9. Buzon-Girard N, Molders XM. Relations entre médecins généralistes et psychiatres. A propos de deux enquêtes réalisées dans l’agglomération roubaisienne. [Thèse de doctorat en médecine]. Lille : Université de Lille, 2012. Caria A, Roelandt JL, Bellamy V, Vandeborre A. « Santé mentale en population générale : images et réalités (SMPG) » : Présentation de la méthodologie d’enquête. L’Encéphale 2010 ; 36(Suppl. 1) : 1-6. Casadebaig F, Philippe A. Mortalité chez des patients schizophrènes: trois ans de suivi d’une cohorte. L’Encéphale 1999 ; 25 : 329-37. Coldefy M (dir.). La prise en charge de la santé mentale, Recueil d’études statistiques. Paris : Drees/La Documentation française, 2007. Collection « Études et statistiques ». Collège national pour la qualité des soins en psychiatrie. Recommandation de bonnes pratiques sur le thème de la coopération psychiatres-médecins généralistes, 2009. Defromont L, Verriest O, Dudenko P. Les médecins généralistes au cœur de la santé mentale. Revue hospitalière de France 2012 ; 547 : 20-3 (3e prix de la Fédération hospitalière de France, 2013.). Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees). Les consultations et visites des médecins généralistes. Un essai de typologie. Études et résultats 2004 : 315. Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees). Les médecins généralistes : un réseau professionnel étendu et varié. Études et résultats 2008 : 649. Dumesnil H, Cortaredona S, Cavillon M, et al. La prise en charge de la dépression en médecine générale de ville. Etudes et Résultats 2012 : 810. L’INFORMATION PSYCHIATRIQUE VOL. 90, N◦ 5 - MAI 2014 États des lieux. Recherche action nationale « Place de la santé mentale en médecine générale » 10. Grolleau A, Cougnard A, Begaud B, Verdoux H. Usage et congruence diagnostique des traitements à visée psychotrope : résultats de l’enquête santé mentale en population générale en France métropolitaine. L’Encéphale 2008 ; 34 : 352-9. 11. Health Evidence Network. Quels sont les arguments en faveur des soins et des services de santé mentale de proximité ? OMS Europe, 2003. http://www.euro.who.int/__ data/assets/pdf_file/0003/74712/E85238.pdf. Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 02/06/2017. 12. Levasseur G, Bataillon R, Samzun JL. Baromètre des pratiques en médecine libérale : synthèse des résultats « Prise en charge de problèmes de santé mentale en médecine générale ». URLM Bretagne. Juin 2004. 13. Massé G, Lesieur P. Médecine générale et psychiatrie de secteur : des pistes pour un réel partenariat. Nervure 2002 ; 15 : 39-43. 14. Norton J, De Roquefeuil G, David M, et al. Prévalence des troubles psychiatriques en médecine générale selon le Health Patient Questionnaire : adéquation avec la détection par le médecin et le traitement prescrit. L’Encéphale 2009 ; 35 : 560-9. 15. OMS. Élargir l’accès aux soins pour lutter contre les troubles mentaux, neurologiques et liés à l’utilisation de substance psycho actives, 2008. 16. OMS 2013. Plan d’action global pour la santé mentale 2013-2020. http://apps.who.int/iris/bitstream/10665/89969/ 1/9789242506020_fre.pdf. 17. OMS 2013. Plan d’action européen sur la santé mentale. 18. Plantard ME. Place de la santé mentale en médecine générale : résultats en région Bourgogne. [Thèse de médecine]. Dijon : Université de Bourgogne, 2011. 19. Prati A. Place de la santé mentale en médecine générale : Enquête auprès des médecins généralistes du secteur de Villeneuve d’Ascq (59G11). [Thèse de médecine]. Lille : Université de Lille, 2013. 20. Rutz W, Von Knorring L, Walinder J. Long-term effects of an educational program of general practionners given by the Swedish Committee for the Prevention and Treatment of Depression. Acta Psychiatr Scand 1992 ; 85 : 83-8. 21. Saravane D, Feve B, Frances Y, et al. Élaboration de recommandations pour le suivi somatique des patients atteints de pathologie mentale sévère. L’Encéphale 2009 ; 35 : 330-9. 22. Trojak B, Barra JD, Milleret G. Les médecins généralistes regardent la psychiatrie. Nervure 2004 ; 17 : 2-3. 23. Younes N, Gasquet I, Gaudebout P, et al. General Practitioners’ opinions on their practice in mental health and their collaboration with mental health professionals. BMC Fam Pract 2005 ; 6 : 18. L’INFORMATION PSYCHIATRIQUE VOL. 90, N◦ 5 - MAI 2014 317