Place de la santé mentale en médecine générale

Journal Identification = IPE Article Identification = 1200 Date: May 27, 2014 Time: 2:8 pm
L’Information psychiatrique 2014 ; 90: 311–7
MÉDECINE GÉNÉRALE ET PSYCHIATRIE
États des lieux.
Recherche action nationale «Place de la santé
mentale en médecine générale »
Gérard Milleret 1, Imane Benradia 2, William Guicherd 3, Jean-Luc Roelandt 4
RÉSUMÉ
Afin de mieux comprendre les pratiques des médecins généralistes en lien avec les troubles mentaux et leurs attentes
vis-à-vis des acteurs de la santé mentale, la recherche-action « Place de la santé mentale en médecine générale»aété
réalisée conjointement par le Centre collaborateur de l’OMS (Lille) et le Centre hospitalier de La Chartreuse (Dijon).
Cent un secteurs de psychiatrie ont participé à l’enquête et 2076 questionnaires ont été recueillis. Les principaux freins
à une coopération efficiente entre la médecine générale et les services spécialisés en santé mentale seraient liés aux
difficultés d’orientation des patients, à la stigmatisation et la réticence des patients et au coût élevé des prises en charge en
psychothérapie dans le secteur privé. L’optimisation de l’action conjointe du médecin généraliste et des professionnels de
la psychiatrie passerait par l’amélioration de la communication, de la formation et du soin en santé mentale en première
ligne.
Mots clés : médecine générale, psychiatrie, santé mentale, questionnaire, enquête, partenariat, coordination
ABSTRACT
National Action Research “The Place of Mental Health in General Practice”. In order to better understand the practices
of general practitioners (GP) in relation to mental health disorders and their expectations of mental health participants,
the WHO Collaborating Centre (Lille) and La Chartreuse Hospital (Dijon) carried out research regarding the “Place of
Mental Health in General Medicine”. A total of 101 psychiatric sectors participated in the study and 2,076 questionnaires
were collected. The main obstacles to effective co-operation between GP and mental health services were related to the
difficulties of referral, stigma and reluctance of patients, as well as the high cost of psychotherapy in the private sector. The
optimization of joint action by the GP and psychiatric professionals requires an improvement in communications, training
and mental health care in the primary care system.
Key words: general medicine, psychiatry, mental health, questionnaire, survey, partnership, coordination
1Psychiatre, chef de pôle, Centre hospitalier La Chartreuse, 1, boulevard Chanoine Kir, 21033 Dijon cedex, France
2Psychologue, Centre collaborateur de l’OMS, EPSM Lille-Métropole, 211 rue Roger Salengro, 59 260 Hellemmes-Lille, France
3Médecin assistant, Centre hospitalier La Chartreuse
4Psychiatre, directeur, Centre collaborateur de l’OMS, EPSM Lille-Métropole
Tirés à part : G. Milleret
doi:10.1684/ipe.2014.1200
L’INFORMATION PSYCHIATRIQUE VOL. 90, N5 - MAI 2014 311
Pour citer cet article : Milleret G, Benradia I, Guicherd W, Roelandt JL. États des lieux. Recherche action nationale « Place de la santé mentale en médecine générale ».
L’Information psychiatrique 2014 ; 90 : 311-7 doi:10.1684/ipe.2014.1200
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G. Milleret, et al.
RESUMEN
Medicina general y psiquiatría: Examen de lasituation. Con el fin de entender mejor las prácticas de los médicos
generalistas en relación con los trastornos mentales y sus expectativas hacia los actores de la salud mental, la investigación-
acción “Lugar de la salud mental en la Medicina general” se realizó conjuntamente por el Centro colaborador de la OMS
(Lille) y el Centro hospitalario de La Chartreuse (Dijon). 101 sectores de psiquiatría participaron en la encuesta y se
recogieron 2.076 cuestionarios. Los principales frenos a una cooperación eficiente entre la medicina general y los servicios
especializados en salud mental estarían vinculados con dificultades de orientación de los pacientes, la estigmatización
y reticiencia de los pacientes y el coste elevado de la atención en psicoterapia en el sector privado. La optimización de
la acción conjunta del médico generalista y de los profesionales de la psiquiatría pasaría por mejorar la comunicación,
formación y cuidado en salud mental de primera línea.
Palabras claves : medicina general, psiquiatría, salud mental, cuestionario, encuesta, asociación, coordinación
Introduction
Notre travail quotidien (en institution ou en centre
médico-psychologique) met en évidence la place essentielle
du médecin généraliste comme partenaire principal dans la
prise en charge.
Cette constatation intuitive est confirmée si nous nous
référons à l’enquête « Santé mentale en population géné-
rale : image et réalité » réalisée par le Centre collaborateur
de l’Organisation mondiale de la santé (CCOMS, Lille) [2].
Cette recherche estimait à 42 % la part de la population qui
se tournait vers le médecin de famille comme premier acteur
en cas de difficultés psychologiques. Un travail effectué en
2003 en Côte-d’Or l’a aussi prouvé [22].
Les psychiatres ne sont pas les seuls à être sollicités
pour soigner la souffrance psychique. D’autres partenaires,
d’autres acteurs interviennent dans la prise en charge [4].
Dans ce contexte, nous avons décidé d’aller plus loin afin
d’essayer d’évaluer ce travail de partenariat trop souvent
sous-estimé.
Objectifs
Nous pouvons d’abord nous recommander des bonnes
pratiques de l’OMS élaborées à Helsinki en 2005 [11, 15-
17].
Auparavant, dans le cadre d’un travail de réseau de soins,
nous avions en 2003 mis en place une enquête sur le dépar-
tement de la Côte-d’Or : « Place de la maladie mentale dans
la pratique quotidienne du médecin généraliste ».
Les résultats avaient été particulièrement riches
d’enseignement. Le taux de réponse avait été remarquable
puisque près de la moitié des praticiens du département
(246 médecins généralistes) avait répondu au questionnaire
[22].
Cette enquête évaluait dans la patientèle : 24,7 % de
troubles anxio-dépressifs, 7,72 % d’addictions à l’alcool et
1,54 % à d’autres produits. Manifestement plus d’un tiers
de la patientèle consultait pour des demandes liées à la
souffrance psychique. À partir de ces constatations nous
ne pouvions nous limiter à un seul département franc¸ais.
Avec le Centre collaborateur OMS pour la recherche et
la formation en santé mentale (Lille), un élargissement de
cette étude a été entrepris sur le territoire national.
Il s’agissait avant tout d’évaluer la perception des
troubles psychiques par les médecins généraliste en tenant
compte de leur approche soignante au quotidien.
Méthodologie
Le questionnaire établi souhaitant préciser les concor-
dances et les divergences dans les pratiques de terrain :
Comment est perc¸ue la psychiatrie par les médecins
généralistes ?
Quelle attitude adoptent-t-ils vis-à-vis des personnes
ayant des troubles psychiques ?
Comment est leur vision des soins psychiatriques ?
1. Élaboration du questionnaire d’enquête
Nous avons réactualisé le questionnaire du travail effec-
tué en Côte-d’Or en 2003. Un groupe test de 50 collègues a
été constitué avec des médecins généralistes exerc¸ant dans
les régions Bourgogne et Nord Pas-de-Calais.
À partir de leurs remarques, le questionnaire a été
amélioré et a été validé lors d’une rencontre nationale
qui a regroupé 75 professionnels de la psychiatrie et de
la médecine générale, le 21 janvier au centre hospitalier
Sainte-Anne à Paris.
2. Le questionnaire d’enquête :
Le questionnaire comporte 21 questions structurées en
9 rubriques, explorant les champs suivants :
1) La perception par les médecins généralistes de l’offre
de soin en santé mentale.
2) Les facteurs favorisant et obstacles à l’orientation vers
une prise en charge spécialisée de santé mentale, publique
et privée.
3) La place dans la pratique et la perception des hospitali-
sations sans consentement par le médecin généraliste.
4) Une estimation de la part de la patientèle consultant pour
un trouble psychique (par catégorie de trouble et catégorie
d’âge).
5) L’état et les modalités de communication entre le méde-
cin généraliste et la psychiatrie.
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États des lieux. Recherche action nationale «Place de la santé mentale en médecine générale »
Encadré méthodologie :
Après avoir adressé la proposition d’enquête à
l’ensemble des secteurs psychiatriques franc¸ais, les res-
ponsables des secteurs intéressés recevaient un kit quant
au déroulement de l’enquête.
L’étape préalable consistait à établir un fichier
d’adresses postales des médecins généralistes exerc¸ant
sur le territoire du secteur participant.
Étape n1 : l’ordre départemental des médecins était
informé en sachant que l’ordre national avait déjà donné
son aval pour cette étude.
Étape 2 : les médecins généralistes recevaient le ques-
tionnaire d’enquête.
Étape 3 : une lettre de relance leur était adressée cinq
semaines plus tard.
Étape 4 : les réponses recueillies par la responsable du
secteur référent étaient adressées au service qualité du
centre hospitalier La Chartreuse à Dijon où ils étaient
saisis.
Étape 5 : les résultats étaient retournés à chaque site par-
ticipant afin qu’il puisse servir de base de travail quant
au partenariat à mettre en place.
Les résultats
Cent un secteurs de psychiatrie ont participé, appartenant
à 14 régions en France métropolitaine et 2 départements
d’Outre-Mer (la Réunion et la Guadeloupe).
Deux mille soixante-seize questionnaires ont été
recueillis et saisis par l’équipe du Centre hospitalier La
Chartreuse.
Le taux de participation suivant les sites est très variable :
il va de 10 à 75 % des médecins généralistes sollicités.
L’ensemble des secteurs de la région Bourgogne [18]
a participé alors qu’en Alsace, un seul secteur a intégré
l’étude.
Présentation de l’échantillon
Soixante-treize pour cent des médecins participant à
l’étude sont des hommes. La participation est plus faible
chez les médecins femmes (elles représentent 41 % des
médecins exerc¸ant sur le territoire national d’après l’ordre
des médecins1). Les participants sont légèrement plus nom-
breux à exercer en groupe (53 %), qu’en individuel (47 %).
Dix-huit pour cent des médecins déclarent une orien-
tation spécifique : prédominance pour la gériatrie,
l’homéopathie et la médecine du sport.
1Source : Conseil national de l’ordre des médecins, Atlas de la démogra-
phie médicale 2012. www.conseil-national.medecin.fr/article/atlas-de-la-
demographie-medicale-2012-1245.
Perception de l’évolution de la psychiatrie
Soixante-et-un pour cent des médecins généralistes
consultés estiment que l’offre de soin en psychiatrie a
évolué ces dernières années. Bien que 20 % d’entre eux
qualifient cette évolution de favorable, plus généralement
les participants estiment cependant que l’offre de soin a
évolué négativement, qu’elle s’est dégradée ces dernières
années. Les difficultés d’accès aux soins et l’insuffisance
du nombre de psychiatres sont aussi évoquées.
Plus de la moitié des médecins participant déclare que
le regard de leurs patients sur la psychiatrie a évolué.
Une évolution perc¸ue quasi-unanimement comme posi-
tive. Les participants pensent qu’aujourd’hui il y aurait
une meilleure acceptation du trouble psychique, que les
patients auraient « moins peur », moins de réticence à
consulter pour un problème de santé mentale. Le regard
des patients sur la psychiatrie serait moins péjoratif, moins
stigmatisant.
La qualité de l’offre des soins :
Nous avons appréhendé la qualité de l’offre des soins
en psychiatrie selon une dimension quantitative (offre suf-
fisante) et une dimension qualitative (offre adaptée). Les
médecins généralistes participant estiment que le système
de psychiatrie privée offre une prise charge insuffisante
qu’il s’agisse des soins en ambulatoire (87 %) ou bien
en hospitalisation (82 %). Plus de la moitié considère que
l’offre de soins spécialisée privée est inadaptée en hospita-
lisation (59 %) et en ambulatoire (56 %).
Les soins proposés dans le système de psychiatrie
publique et assimilé sont perc¸us légèrement plus positifs.
L’hospitalisation est jugée adaptée par la moitié des méde-
cins consultés, et suffisante pour un quart d’entre eux.
Cependant, les soins prodigués en ambulatoire, sont consi-
dérés comme insuffisants par 84 % des généralistes.
Les difficultés d’orientation des patients
présentant des troubles psychiques
La question de l’orientation vers une prise en charge
spécialisée par le médecin généraliste est au cœur du lien
entre la médecine générale et la psychiatrie. En effet, 9
médecins sur 10 déclarent rencontrer des difficultés pour
orienter un patient vers une prise en charge en santé men-
tale. Ils dénoncent essentiellement un manque de place pour
les services en santé mentale et un délai d’attente beau-
coup trop long (90 %). Viennent ensuite des problèmes de
communication et de liaison (71 %).
Les médecins pensent qu’au niveau des patients les dif-
ficultés concerneraient davantage la négation et le déni des
troubles psychiques, la peur de la folie et de la maladie men-
tale, mais aussi l’image négative des dispositifs de santé
mentale (figure 1).
À la question, « vous est-il facile d’orienter un patient
vers un service de psychiatrie public ? », 67 % des méde-
cins répondent négativement pour l’hospitalisation. Deux
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G. Milleret, et al.
Réticence du patient
Délais importants
Amplitude horaire
Coût élevé
Autres
0 % 10 % 20 % 30 % 40 % 50 % 60 % 70 % 80 %
Hospitalier Ambulatoire
Figure 1. Motifs des difficultés d’orientation vers le système de psychia-
trie public et assimilé.
raisons sont principalement évoquées : la réticence du
patient et le délai d’attente trop important. Orienter un
patient vers une prise en charge ambulatoire serait plus
facile, néanmoins les délais d’attente trop importants repré-
senteraient le principal obstacle (figure 1). L’attente est
également avancée comme difficulté majeure pour orienter
les patients vers une clinique ou un cabinet de consultation
de psychiatrie privé.
Le recours aux psychologues, psychothérapeutes serait
quant à lui freiné par le coût élevé des consultations
(figure 2).
L’hospitalisation sans consentement
Malgré la modification de la loi sur les soins sans consen-
tement (loi du 5 juillet 2011), pendant la durée de l’enquête,
70 % des médecins interrogés déclarent être rarement sol-
licités pour donner un avis médical dans le cadre d’une
mesure de soins sous contrainte. Le reste des généra-
listes se répartit de manière presque égale entre ceux qui
ne le pratique jamais et d’autres qui le mettent en place
Réticence du patient
Délais importants
Amplitude horaire
Coût élevé
Autres
0 % 10 % 20 % 30 % 40 % 50 % 60 % 70 % 80 %
Clinique Cabinet Cabinet de psychothérapie
Figure 2. Motifs des difficultés d’orientation vers le système de psychia-
trie privé.
plusieurs fois par an. Cette procédure de soin sans consen-
tement en psychiatrie est perc¸ue comme nécessaire, mais
elle reste fastidieuse pour le médecin généraliste.
Les patients consultant
pour les troubles psychiques :
À leurs dires, les médecins généralistes sont souvent
consultés pour des troubles anxieux, dépressifs, des addic-
tions à l’alcool ou des troubles chez la personne âgée.
À l’inverse, ils déclarent que les consultations pour des
problèmes liés à la consommation de produits illicites, aux
troubles psychotiques ou aux troubles chez l’enfant repré-
sentent une part plutôt faible dans leur activité.
Quoiqu’à leur opinion, ils représentent une part impor-
tante dans leur patientèle, les personnes souffrant d’un
trouble anxieux sont peu orientées par eux vers une prise
en charge spécialisée. En revanche, l’orientation vers les
services de psychiatrie est plus importante pour les patients
qui présentent un trouble psychotique.
Modalités de liaison avec les services
de santé mentale :
La première rencontre avec un service de santé mentale
n’est pas choquante pour les médecins généralistes si elle
n’a pas lieu avec un médecin. Ils acceptent facilement qu’un
psychologue ou un infirmier effectue cette première éva-
luation. Seuls 30 % d’entre eux accepteraient une première
rencontre avec un travailleur du champ social (éducateur,
assistante sociale).
Les modalités de lien et de communication avec les ser-
vices de santé mentale sont beaucoup plus décriées : si 97 %
des médecins généralistes disent envoyer un courrier au
médecin psychiatre lorsqu’ils orientent leur patient vers un
service de psychiatrie, 74 % déclarent ne recevoir aucun
retour.
Par ailleurs, seuls 26 % adressent un courrier au psy-
chiatre traitant lorsqu’un patient est également suivi par un
service de santé mentale.
Enfin, plus de la moitié souhaiterait des rencontres régu-
lières avec les équipes de psychiatrie.
Discussion
Les résultats de cette recherche montrent que le par-
tenariat entre les services de psychiatrie et les médecins
généralistes est à améliorer. Cette enquête est porteuse
d’enseignements sur la coordination des soins. Relevons
d’abord la part importante des troubles anxieux, dépressifs
et les conduites éthyliques soignée par les médecins généra-
listes. Un résultat qui concorde avec les dernières études sur
la prise en charge de la dépression par les médecins généra-
listes en France [9]. Généralement les troubles psychiques
(dépression, anxiété, troubles du sommeil) constituent
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13 à 15 % des motifs de consultations des médecins géné-
ralistes et jusqu’à 25 % des motifs de visites à domicile [7].
Les troubles de santé mentale des personnes âgées ont aussi
toute leur place chez le médecin traitant. Ceci concorde avec
les résultats de l’enquête menée en Côte-d’Or [22].
Les difficultés d’orientation : le délai d’attente pour une
consultation apparaît toujours beaucoup trop important.
Aux dires des médecins généralistes, l’image de la santé
mentale est toujours perc¸ue comme négative avec une part
de stigmatisation et une réticence des patients.
Malgré tout, si est notée une évolution positive, celle-
ci est contredite par les faits concrets : la difficulté à faire
accepter au patient de rencontrer des soignants en psychia-
trie est toujours bien présente. Le coût de la prise en charge
psychothérapique dans le dispositif privé est aussi un frein
important.
Les modalités de communication entre psychiatre
et médecin généraliste restent très problématiques et
entraînent une insatisfaction considérable.
Les médecins généralistes disent se donner la peine
d’adresser un courrier au médecin spécialiste, mais
constatent que le retour est beaucoup plus difficile. Seul un
quart des médecins déclare recevoir une lettre du psychiatre
pour leurs patients. À l’opposé, la majorité des secteurs de
psychiatrie déclare être en relation directe avec le médecin
généraliste des patients ou leur psychiatre s’ils sont déjà
suivis [4].
Les difficultés de communication entre médecine géné-
rale et psychiatrie sont clairement identifiées dans cette
enquête. En plus des délais de consultation trop importants,
le manque de communication et d’échange d’informations
à propos du patient représentent une critique majeure envers
la psychiatrie, faite par l’ensemble des généralistes [8, 12].
Au vu de ces résultats, plusieurs objectifs ont pu être mis
en avant.
Les résultats sont parfaitement concordants avec les
études menées sur le lien entre médecine générale et psy-
chiatrie. Les études se suivent et les problèmes persistent.
Trois axes d’amélioration
Pour tous, trois principaux axes d’amélioration se
dégagent :
Améliorer la communication
Un groupe test de médecins généralistes et de psychiatres
s’organise actuellement sur Dijon et la périphérie pour
essayer d’optimiser ce système de coordination. D’ailleurs
dans les critères de qualité du Centre hospitalier La Char-
treuse à Dijon, a été mis en avant cet objectif afin de combler
de telles lacunes. La mise en place d’un courrier type tant
à l’admission qu’à la sortie est en voie de réalisation. Le
courrier électronique amène quelques réticences liées sur-
tout au secret professionnel. À l’Établissement public de
santé mentale de l’agglomération lilloise, un document éla-
boré conjointement avec des médecins généralistes et des
psychiatres permet d’améliorer la communication. Les pré-
sidents de CME de CHS et le collège de médecine générale
ont élaboré une charte de fonctionnement. Dans ce numéro
thématique de l’Information Psychiatrique, l’expérience de
M.-C. Hardy-Baylé à Versailles est tout à fait pertinente en
la matière. Les recommandations du Collège national pour
la qualité des soins en psychiatrie portant sur l’amélioration
de l’échange d’informations entre psychiatre et médecin
généraliste sont tout à fait pertinentes et méritent une large
application [5].
Améliorer les formations
L’étude « Santé mentale en population générale » [10]
montre la fréquence élevée d’usage de psychotropes dans
la population générale : plus d’un tiers des sujets a déclaré
avoir fait usage de psychotropes au cours de la vie. Mais
cette fréquence est associée à une faible congruence entre
la présence ou l’absence d’un diagnostic psychiatrique et
la présence ou l’absence d’un traitement psychotrope au
cours de la vie. Ce résultat montre la nécessité d’améliorer la
formation des médecins généralistes dans la prise en charge
des troubles psychiques.
À partir de cette recherche-action psychiatrie-médecine
générale, des groupes de réflexion pourraient être mis en
place sur différents sites en France, pour essayer de mieux
appréhender des situations complexes, mieux faire connaî-
tre notre organisation quant à la santé mentale et notre travail
de proximité. C’est ainsi qu’il faudrait familiariser le plus
grand nombre avec des notions de parcours de soins en santé
mentale et le fonctionnement du secteur en psychiatrie. Cela
passe également par la formation des futurs spécialistes au
travail en réseau et dans la communauté. Cet échange per-
mettrait d’alléger certaines situations mais la crainte des
soignants en milieu psychiatrique, de se laisser déborder
par les demandes est souvent sous-jacente. Malgré tout, le
relais par le médecin généraliste, par le renouvellement des
prescriptions médicamenteuses et la prise en charge globale
des personnes, n’est pas à négliger.
Améliorer l’offre de soins alternatifs à l’hospitalisation
et les soins de première ligne
Des structures permettant un accès précoce au soin
sont à favoriser au vu de ces difficultés. Des propositions
comprennent la diversification des structures de soins avec
renforcement de la proximité pour une prise en charge faci-
litée. La création d’équipes mobiles en est un exemple.
Enfin, dans cet axe, mettre en place une collaboration
avec les maisons de santé ou les groupes de médecins asso-
ciés lors des permanences soignantes au sein de leur cabinet
apparaît comme une idée intéressante à plusieurs points de
vue. C’est en ce sens que nous essayons d’élaborer sur la
région dijonnaise un partenariat. De plus en plus de services
de psychiatrie publique rejoignent les cabinets pluridisci-
plinaires.
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