Approches non-médicamenteuses de la maladie d’Alzheimer • 13 et 14 novembre 2014 | 17
sance. Il faut reconnaître l’autre
pour avoir des sentiments. Il faut
accepter de ne pas tout contrôler.
Or ne pas contrôler signifie ne pas
être tout puissant, perdre de son
pouvoir. Cela signifie ne pas aider
l’Autre dans sa toilette à 8 h du
matin, mais accepter de ne pas le
réveiller, accepter qu’il s’attarde le
soir à table, ne pas le coucher à 17 h,
ne pas lui servir son repas dans le lit
parce qu’il est paraplégique, lourd,
frapper et attendre une réponse
avant d’entrer dans sa chambre, ne
pas faire une toilette, un change,
une mobilisation de force….
« L’humilité véritable se mani-
feste par l’acceptation du fait que
l’aide d’autrui m’est absolument
indispensable. L’aide dont j’ai eu
besoin pour être, tout simplement,
en ce sens que je dois ma venue à
l’être, et mon statut d’être pourvu de
dignité, à autre chose ou à quelqu’un
d’autre que moi-même. L’aide dont
j’ai besoin, ensuite, pour tenter de
ne pas être trop indigne de ma di-
gnité. Être humble, ce n’est pas se
considérer comme sans valeur, c’est
au contraire voir sa propre grandeur
et se sentir petit devant elle2
».
Pour cela, il faut se « chapeauter »
d’une philosophie. La philosophie
de l’Humanitude® en reposition-
nant la définition du soignant, en
portant un éclairage sur le profes-
sionnalisme et en définissant ce
qu’est le prendre soin nous permet
de garder cette humilité nécessaire
à la relation avec l’Autre, qui nous
écarte du pouvoir que nous pour-
rions prendre et qui maintient les
liens d’Humanitude : une évidence -
l’interdépendance.
« Il n’y a que toi qui peut le
faire, mais seul tu n’y parvien-
dras pas...3 ».
La relation soignant-soigné est
avant tout une relation d’égalité :
égalité en Humanitude et en cito-
yenneté. Celle-ci impose à chacun
un premier niveau de droits et de de-
voirs. Le respect des lois et des prin-
cipes fondamentaux de notre société
exigible pour tous. Il est essentiel de
ne pas déresponsabiliser les per-
sonnes fragilisées. Il est essentiel
de reconnaître que chacun possède
les mêmes droits et devoirs en tant
que citoyen (bien sûr, cette exigence
pour les personnes malades s’exerce
dans les limites de leur pathologie).
Chaque profession possède ses
règles de l’art, des savoirs et savoir-
faire établis au fur et à mesure de
son existence et modifiées en per-
manence en fonction de multiples
facteurs.
Comme tout professionnel, les
soignants doivent connaître et
respecter les règles de l’art de leur
profession. Elles seront indispen-
sables à une pratique commune qui
évitera de prendre la personne ac-
compagnée pour « une girouette ».
Dans toute équipe, nous avons
besoin d’un « superviseur » qui
permettra la cohérence du soin,
l’homogénéité des pratiques, qui
recueillera les désirs de la per-
sonne fragilisée. Ce superviseur doit
être reconnu et accepté par toute
l’équipe. Il s’appuie sur les connais-
sances et l’expérience de chacun
pour assurer en collaboration avec
l’équipe et le résident un accompa-
gnement cohérent et dont chacun
sera le garant.
Un soignant ne peut pas décider
de l’évolution d’une maladie ou
d’une capacité. Un soignant n’est
pas maître de la lutte qui se joue en-
tre les forces de vie et les forces de
mort. Il peut en revanche maitriser
le soin, savoir s’il l’a bien accompli,
dans le respect des règles de l’art de
sa profession.
Le prendre soin que nous propo-
sons rend tout le pouvoir à la per-
sonne soignée mais n’exclut pas
le soignant. Chacun a sa place et
chacun a besoin de l’Autre. C’est
l’interdépendance qui est indispen-
sable.
Les anglophones distinguent
deux verbes pour déterminer le
champ d’action des soignants. Le
CURE qui signifie soigner dans le
sens de guérir et le CARE qui signi-
fie prendre soin.
Nous pensons que la culture du
soigner-guérir, peut donner au soi-
gnant un pouvoir et une respon-
sabilité qu’il n’a pas.
Le care, le prendre soin apporte à
la personne ce qu’elle va ou non uti-
liser pour la lutte qu’elle mène.
Prendre soin d’une personne,
c’est l’aider à prendre soin d’elle
même. C’est bien sûr procéder à des
traitements ciblés sur sa pathologie
mais c’est aussi prendre soin de ses
forces vives, de tout ce qui la nour-
rit dans ses désirs, ses plaisirs. Et
c’est bien là la difficulté pour les
soignants : une véritable révolution
culturelle du soin.
La distance thérapeutique ne peut
pas être une distance affective fon-
dée sur la négation des émotions.
Nous préférons une distance philo-
sophique qui permet à un soignant
d’être librement en lien émotionnel
avec une personne, sans y laisser
sa peau, parce qu’il a abandonné ce
pouvoir et cette prise de possession
de l’autre.
RÉFÉRENCES
1-2. www.philo.pourtous.free.fr/Atelier/
Textes/humilite.htm
3. Citation établissement néerlandais
(Het Olgaardhuis)
4. GINESTE Y., PELLISSIER J.
Humanitude, Comprendre la vieillesse,
prendre soin des Hommes vieux,
Paris, Armand Colin, 2007