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n ne badine pas avec sa
vessie. Les complications
vésico-sphinctériennes liées à
la blessure médullaire ont été
longtemps une cause de morta-
lité. « Dans les années 50, cette
cause de mortalité représentait
43% des décès et dans les
années 80-90, 10%, explique le
docteur Brigitte Perrouin-Verbe,
chef du service de médecine
physique et de réadaptation de
l’hôpital St Jacques de Nantes
(Loire-Atlantique). Même s’il y
a eu une diminution notable de
la mortalité, les risques d’infec-
tion urinaire et d’altération de
l’appareil urinaire demeurent et
représentent la seconde cause de
ré-hospitalisation. Et ces risques
s’accroissent au fil des ans. »
La technique de l’auto
sondage a largement concouru à
la chute de la mortalité aux côtés
de l’amélioration de la connais-
sance de la physiopathologie
O
et de l’apparition de l’urodyna-
mique (1). « Cette technique a
représenté une révolution dans
la prise en charge des patients
blessés médullaires, affirme
Brigitte Perrouin-Verbe. Dans
les années 70, on leur appre-
nait à vider leur vessie à tout
prix selon l’équation résidu =
infection. Aujourd’hui, on sait
que l’important n’est pas de la
vider mais de savoir à quel prix
on le fait. »
Les études l’ont en effet
prouvé, le sondage intermittent -
technique de vidange de la vessie
répétée plusieurs fois par jour-
joue un rôle fondamental dans la
prévention des risques encourus
par le haut appareil, c’est-à-dire
le rein. Il évite la pose de sonde
à demeure qui majore les infec-
tions du périnée, de l’urètre et du
rein dont les répétitions peuvent
dégénérer en cancer de la vessie.
Il apporte une alternative aux
vidanges par percussions ou
poussées, sources à long terme
de complications et de dégrada-
tions de la vessie. Il fait disparaître
l’incontinence, préserve la vie
sexuelle et l’avenir des person-
nes concernées.
Mais le succès de cette
technique tient également à la
simplicité de son usage. Elle
se pratique de façon aisée,
Procéder à un minimum de 5 à 7 auto sondages par jour ;
effectuer les gestes de façon propre mais non stérile
(laver mains et sexe au moyen de lingettes de bébé,
sans alcool) ;
uriner au moins 1,5 l par jour donc boire près de 1,5 l ;
se faire suivre régulièrement par une équipe
spécialisée ;
consulter en cas de signes tels que èvre, frissons,
urine sale, avec du sang ou malodorante, survenue
d’incontinence, aggravation de la spasticité, douleur
vésicale ou lombaire, malaises généraux ou sueurs
sus lésionnelles.
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rapide, au moment et sur le
lieu choisis par la personne et
ce dans toutes les situations de
la vie quotidienne. À condition
de savoir la pratiquer…
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L’introduction d’une sonde
dans l’urètre jusqu’à la vessie
est en effet un geste qui
s’acquiert. « L’apprentissage
débute dès le début de l’his-
toire du blessé médullaire au
sein d’une équipe entraînée qui
supervise les gestes, la gestion
des besoins de miction (2) et les
conditions d’hygiène. Si, au début,
le sondage peut être pratiqué
par un tiers (hétéro sondage),
le but recherché est la pratique
par le patient lui-même (auto
sondage), explique le docteur
Pierre Denys, spécialiste de
médecine physique et réadap-
tation à l’hôpital de Garches
(Hauts-de-Seine). Plus tôt la
technique est apprise, mieux
c’est, mais elle peut s’acquérir
en cours de vie. »
L’auto sondage concerne
surtout les paraplégies et tétra-
plégies basses. Au départ, la
femme peut avoir plus de diffi-
cultés à repérer son méat urétral
et celles qui sont enceintes
se sondent davantage. Chez
les hommes, l’accès au méat
est d’emblée plus aisé mais
le parcours de la sonde dans
l’urètre, un peu coudé, peut, sur
le long terme, lendommager.
Pour que le sondage fonctionne
bien, il doit se pratiquer sur
une vessie “calmée” et donc
s’associe le plus souvent à la
prise de médicaments anticho-
linergiques (3).
Par ailleurs, ces cinq der-
nières années, l’amélioration
du matériel a considérablement
facilité la pratique. Aux côtés
des sondes sèches réutilisa-
bles, on trouve désormais des
sondes adaptées selon le sexe,
auto lubrifiées, des kits sonde
poche prêts à l’emploi et des
petites sondes pour les femmes
qui tiennent dans un tube de
rouge à lèvres.
Mais les bienfaits et la
facilité d’usage ne doivent pas
faire oublier la nécessité d’une
surveillance médicale. « Les
premières années, le suivi doit
être drastique, rappelle Brigitte
Perrouin-Verbe. Après, il est à
définir selon le type de lésion et
le fonctionnement de la vessie.
La prévention reste un enjeu
majeur. » La qualité de vie est
à ce prix.
l
1. L’exploration urodynamique est un examen qui
analyse le fonctionnement de la vessie et de
l’urètre.
2. Miction : fait d’uriner.
3. Les médicaments anticholinergiques servent,
dans ces cas, à traiter les contractions réexes
de la vessie dans un but de continence et pour
protéger le haut appareil.
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Julie, paraplégique depuis son adolescence, est
arrivée à l’auto sondage il y a 15 ans. Car, pour elle,
il y avait urgence. À force de pratiquer la poussée
abdominale et après un accouchement par voie
basse, son plancher pelvien s’effondrait et sa vessie descendait. Elle
n’avait plus le choix, d’autant qu’elle était sujette aux infections à
répétition. Il lui a fallu apprendre ces nouveaux gestes. « Je me suis
faite hospitaliser pendant un mois. Cet apprentissage n’a pas été
facile. Paradoxalement, même après avoir été maman, je connaissais
mal mon corps, sans doute parce que le handicap est survenu à
l’adolescence. Il m’a fallu apprendre à trouver mon méat, allongée, à
l’aide d’un miroir, sous l’œil attentif d’une infirmière. J’avais besoin
de son regard car j’éprouvais de l’appréhension à introduire un corps
étranger. Je craignais de trop enfoncer la sonde et de me blesser. »
Julie est soulagée que ses 12 mictions par jour sans parvenir à vider
totalement sa vessie ne soient plus qu’un lointain souvenir. L’auto
sondage lui a apporté la liberté. « Je le pratique 5 à 7 fois par jour
dans n’importe quelle circonstance : en voiture, sur des toilettes,
dans mon lit, en voyage. Mes infections perdurent mais elles ont
diminué. » Pratique, elle a toujours sur elle et différents endroits
des kits prêts à l’emploi, adaptés aux circonstances. « Je ne suis
fidèle à aucune marque. Je teste les nouveautés et utilise le côté
pratique de chacune : le sec avec la poche pour la voiture ou le lit, les
hyper lubrifiées. » Julie respecte aussi scrupuleusement l’hygiène.
« J’ai toujours avec moi des lingettes de bébé et une alèse en cas
de fuite mais aussi parce qu’ainsi, je suis posée sur quelque chose
de propre. »
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